Août 2020
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01/08/2020
JG Thirlwell & Simon Steensland
Oscillospira
RIO/rock de chambre/zeuhl – 69’55 – USA/Suède ‘20
Voici le résultat d’une rencontre entre le compositeur, producteur, performer américain, d’origine australienne, J. G. Thirlwell et le prolixe compositeur suédois Simon Steenland. Ils se rencontrèrent à Stockholm en 2017 et ce CD est le résultat de cette rencontre. Thirlwell n’est autre que le fameux Foetus qui fit quelques albums mémorables durant les années 80. (Il fut encore le maître d’œuvre de nombreux autres projets comme, entre autres, Manorexia, Xordox, Wiseblood, etc., sans compter ses innumérables collaborations avec les artistes les plus divers: Melvins, Swans, Nine Inch Nails, Lydia Lunch, The The…) Hydre polymorphe, Thirlwell a déjà une longue carrière derrière lui quand il rencontre Steensland. Steensland, quant à lui, a déjà produit neuf albums solo depuis 1993 et s’est fait un nom dans la mouvance RIO et zeuhl.
Comme vous pouvez vous y attendre, nous sommes ici aux confins du rock et de la musique classique contemporaine. Les contrastes sont nombreux et les compositions sont aussi variées qu’inattendues. Nous retrouvons avec plaisir l’incomparable Morgan Agren aux fûts, pour nous donner une énergie sans pareil. Tour à tour, on gambade entre un RIO de bon aloi, avec la petite touche scandinave qui peut nous rappeler l’ère de Zamla et des moments résolument zeuhliens avec Agren en «directeur artistique» sans failles. Ensuite on se plaît à profiter des accalmies mélodiques où l’orchestration se fait plus subtile et délicate, avec quelques relents minimalistes.
L’album est long et peut paraître un peu indigeste, aussi est-il peut-être recommandé de l’écouter à petites doses, comme un excellent whiskey. Un léger point faible est l’utilisation quasi systématique de contrastes extrêmes, passant du pianissimo au fortissimo; cela a un effet fatigant à la longue. Mais que ceci ne vous fasse pas bouder le plaisir de cette exploration musicale en compagnie de ces deux pointures du rock alternatif...
Lucius Venturini
02/08/2020
Obskyr
Obskyr
art rock – 40’52 – Suède ’20
Au siècle d’Internet, le groupe suédois Obskyr s’est choisi un nom qui cadenasse l’anonymat – ça ne vaut toutefois pas un groupe de ma connaissance qui avait choisi un moment de se renommer Jazz: vous voyez le défi pour googler des infos sur leur musique. À Stockholm (et environs), «obskyr» signifie «obscur» et ceci explique probablement cela. Ce que l’on sait: Obskyr est le projet solo d’un duo. Le duo, c’est Holger Thorsin (guitare électrique, lap steel guitare, piano Rhodes, claviers, boîte à rythmes et autres mugissements) et Petter Broman (basse, piano Rhodes et mugissements aussi). C’est le duo qui compose. Mais le duo n’est pas si seul: des invités apportent leur patte, qui à la batterie, qui au saxophone, qui à la guitare (les soli). Les 7 titres de ce premier album sont le fruit d’un travail ponctuel étalé sur plus de 10 ans. À cet égard, on pourrait méjuger la productivité du groupe. Mais les compères ont sûrement fouetté d’autres chats. D’ailleurs, certains de leurs titres sont en français («Le voleur»), voire douloureusement (ou humoristiquement?) orthographiés («Vise versa»). Ce que l’on entend: «Le voleur», pièce majeure de l’album en 3 phases, développe des ambiances à la Robert Fripp dans sa «Phase I. Dead planets gathering», laisse avantageusement s’exprimer le saxophone de Pontus Dahlström dans sa «Phase II. The whistling stars of the horsehead nebulo», pour revenir aux guitares épaisses dans sa «Phase III. Battle of the space doctors». «Anti Shadows» sonne au fond plus «pro» que «anti» et «Vise Versa» poursuit sur la tendance, alors que, plus doux et envolés - mais aussi moins signifiants - sont «Vildsvinsvisan» ou «The Long Eared Owl», qui condensent le dilemme de ce disque: ni désagréable, ni décisif.
Auguste
03/08/2020
Pi1
Odyssey: The Evolution of Pi1.1 Shodoukan - QUESTION
électro/prog rock – 83’07 – France ‘20
Pi1 Shodoukan est l’étrange nom du bébé complexe d’Arthur Lobert & Xavier Morel, musiciens toulousains tant touche-à-tout que déterminés… à réaliser six albums détaillant son évolution autour de cinq axes: le questionnement, la réflexion, le doute, l’expérience et l’acceptation. L’opus fondateur paru en 2016 «présente» ces différents axes tandis que chacun des albums suivants explore l’un de ceux-ci en faisant évoluer notre compréhension de l’éveil de cette entité. Bref, quelques années après le début de cet ambitieux bazar, arrive ce quatrième volet qui ratisse sur plusieurs longues pistes les interrogations «Questions» de Pi1.
«Atom» plante lentement le décor avec de moelleuses nappes brodées d’expirations profondes. Se succèdent brumes, paysages floydiens, atmosphères desquelles on s’échappe sur un shuffle tranchant aménagé de motifs prog-classiques. Transition acoustique, me voici propulsé dans une électro hybride qui servirait parfaitement d'étendard à une série policière du dimanche. Malgré tout, cela s’étoffe et devient fort intéressant, la transformation est même passionnante! Malheureusement, Scotty me téléporte brutalement au seuil trempé d’un night-club. Ici, le martèlement hypnotique d’une Eurotrance d’époque m’invite à pénétrer en ces lieux transpirants mais le DJ déjà défoncé perd le pitch, plante les platines sous des huées de pantins désarticulés. Je quitte essoufflé… Seconde piste, comme une solution pétillante où résonne un sombre piano. Ça papote au-dessus du beat low-fi, la pression monte grâce à d'ingénieuses guitares, le rythme reste omniprésent. Explose ensuite un riff puissant doublé de redoutables harmonies. Paf! Quelqu’un retire le bouchon, les eaux tourbillonnent, s’installe alors au centre de cette spirale un calme propice aux questionnements de notre golem. Le trouble revient cependant rapidement, ses pensées s’entrechoquent portées par un thème “mandoliné” post-rock. Une extase de doutes s’ensuit, qu’un synthé old school brise subitement. Silence. Presque rien, que quelques volutes persistantes. Paradisiaque, troisième escale. Un clavier, un arpégiateur, des cordes inspirées en mode majeur. De grands instants contemplatifs s’offrent à moi. Mais cette paix s’étiole encore, ça tergiverse comme un récitatif d’opéra puis ça bombarde à la métal, sans prévenir… Le final éprouve ma légendaire patience car c’est passé 12 “bonnes” minutes seulement que je déguste un patchwork bien tartiné se concluant de manière assez musclée. Mon cœur oscille; d’excellentes idées parfois desservies par leur longueur, souvent par une issue abrupte. Si Pi1 n’a guère trouvé le fil conducteur, a-t-il eu réponse à ses questions?
Spacieux laboratoire que ce projet, c’est pourquoi je vous invite à explorer la richesse des précédents volumes avant d’entamer le présent ouvrage. Si le Dux Bellorum me le permet, je suivrai pour vous la suite de ces aventures, convaincu que la somme du travail de ces gaillards est supérieure à ses termes. Une œuvre à envisager dans son ensemble!
Néron
https://pi1shodoukan.bandcamp.com/album/odyssey-the-evolution-of-pi11-shodoukan-question
04/08/2020
Kansas
The Absence of Presence
rock progressif – 47'25 – USA '20
Si vous saviez, les amis, comme chroniquer le nouvel album de ce géant du progressif américain est pour moi un réel bonheur mais aussi un exercice où je marche sur des œufs en pensant aux nombreux fans!
J’ai tant écouté ce groupe à la fin des années 70 début 80, lorsque je découvrais ce courant musical et que je gratouillais ma Gibson puis ma Vigier, en espérant faire une carrière comme ces chevelus venus d’un endroit bien peu propice au progressif, le Kansas! Pour ceux qui connaissent un peu les USA, imaginez un seul instant quelques jeunes poilus, pas vraiment sexy, vivant dans cet État très rural et paysan, décidant de faire un groupe et de créer un style si particulier, si reconnaissable à la première note.
Kansas c’est trois éléments qui vont donner cette alchimie qui ne ressemble à rien de comparable dans le progressif: en premier la voix extraordinaire de Steve Walsh, ensuite les compositions alambiquées, suites merveilleuses de breaks et de ponts musicaux symphoniques de Kerry Livgren, et enfin la présence d’un violon en la personne de Robby Steinhardt qui va donner un vrai son à Kansas!
Kansas a vendu des millions d’albums, a une discographie impressionnante, a rempli des stades lors de grandes tournées, et franchement, n’a plus rien à prouver.
Mais un petit retour en arrière s’impose. Le groupe a évolué et a connu de grands changements depuis ses débuts. Steve Walsh, son chanteur emblématique, est parti après l’album «Audiovisions» en 1981 pour marquer sa lassitude et pour divergences musicales. Après l’interlude avec son groupe bien plus rock FM Streets, il revient aux manettes avec l’album «Power» (l’un des deux albums avec l’excellent Steve Morse), après que John Elefante ait assuré l’intérim de belle manière pour deux albums plus mitigés pour les fans; pourtant «Vinyl Confessions», sorti en 1982, eut un grand succès, surtout avec le single «Play the game»...
C’est donc Kerry Livgren qui décide de partir après le retour de Steve Walsh, en continuant sa carrière avec son groupe AD puis Proto-Kaw...
Le dernier témoignage de leur collaboration sera l'excellent album «Somewhere to Elsewhere» de Kansas en 2000.
Mais voilà, le temps passe vite! Beaucoup de compilations et de live mais rien de neuf à se mettre sous la dent et pour finir Steve Walsh part, cette fois pour de bon, en 2014, et laisse ses partenaires sans voix... Après mûre réflexion, John Elefante décide de refuser la proposition de revenir au sein du groupe. Les membres de Kansas se tournent alors vers Ronnie Platt qu’ils devaient certainement connaître pour ses prestations dans un autre groupe du Kansas, «Shooting Star». Avec la venue de l’excellent guitariste et producteur Zak Rivzi (je vous recommande l’écoute des albums avec son groupe 4Front), sort enfin, après 16 années de disette, l’album «The Prelude Implicit» en 2016. Avec cette nouvelle équipe, le retour sonne plutôt bien, les fans répondent présents et l’album atteint à sa sortie la 14e place au Billboard!
Après 4 années de tournées et de scène, «The Absence of Presence» arrive enfin... Alors, ce 16e album est-il à la hauteur de nos espérances ou y a-t-il absence de la présence du vrai Kansas?
Je vais être clair et concis, ce nouvel album est bon et cela m’a procuré un énorme plaisir de retrouver mes compagnons de route, même s’il ne reste en réalité que Phil Ehart et Rich Williams du vrai Kansas. Ont-ils renié leur style? Non, c’est du Kansas! Mais il ne faut pas rêver à de grandes suites musicales comme au temps de leur splendeur. C’est plus ramassé, plus FM que véritablement progressif, mais je me suis bien fait embarquer par les morceaux suivants: «The Absence of Presence», le plus long et plus proche de l’ancien Kansas, le plus musclé «Throwing Mountains» avec son refrain accrocheur et les très bons «Circus of illusion» (j’adore le break!) et «Animals on the Roof» (superbe partie violon et solo de Zak Rivzi) beaucoup plus rock FM-prog, hyper mélodiques et efficaces!
Vous me direz Ronnie Platt, le chanteur... Il fait le boulot, dirais-je, mais je dois avouer qu’il me manque un truc, de la puissance, de la folie dans son chant. Steve Walsh fait partie des chanteurs qu’on ne remplace pas! Alors, pas simple d’endosser le rôle, d’avoir les épaules.
Le petit nouveau par contre, Tom Brislin, bien connu pour ses prestations avec Yes Symphonic, Renaissance, Camel ou bien The Sea Within, apporte de la fraîcheur et du renouveau, surtout avec le court morceau instrumental «Propulsion» et l’excellent dernier titre, le plus surprenant de l’album, «The Song the River Sang», où il chante fort bien. Deux titres un peu différents et qui font du bien!
Kansas reste un des seuls grands groupes majeurs du courant progressif à encore sortir des albums, alors profitons-en avec délectation et gratitude.
Trajan
Album non disponible sur bandcamp
05/08/2020
Break My Fucking Sky
Blind
post-rock/atmosphérique – 98’51 – Russie ‘20
Sous ce nom surréaliste, nos Russes en sont à leur 8e album (je ne compte pas les singles et EP). Et l’on peut dire qu’ils s’améliorent à chaque fois. 2011 et 2012 les voient surtout opérer dans le genre trance/dance («Minutes Before», «Spectra» et le très brouillon «Microgravity») puis dans le romantisme cinématique (le très beau «Symbiosis»). Dans tous les cas de figure, à partir de 2012 le piano est à l’avant-plan, supporté par une section «cordes» et des «chœurs» (synthétiques) propres à faire rêver les âmes sentimentales. 2013 est marqué par le magique «Final Breath» et le très beau «My Dead Sea» tout empreint de mélancolie. Mais c’est l’extraordinaire «Eviscerate Soul» de 2014 qui marque définitivement la nouvelle orientation mélodique du groupe. Guitares lumineuses et puissantes secondées par une section rythmique à l’avenant, le tout émotionnellement proche de Steve Wilson (ex «Pariah»). Le piano cascade dans la magnificence de ces sublimes orchestrations. La première plage de «Blind» s’ouvre par une ambiance atmosphérique «Roachienne» in «Structures from Silence» ou même Hans Zimmer pour le thème de «Interstellar». Ceci avant de décoller avec une montée soutenue de guitare étoilée d’effets reverb où se greffent des claviers majestueux. Le piano est moins en exergue ou fondu harmonieusement dans la trame et quelques riffs bien musclés ajoutent une touche de «presque» metal symphonique genre Nightwish («Medusas are like a ghosts»: je ne suis pas responsable des fautes d’accord grammatical). Cette coloration plus heavy caractérise «Blind» par rapport à «Eviscerate Soul» qui en fut le «starter» si je puis dire. Un album instrumental tout en puissance et majesté, dominé par un dialogue omniprésent entre guitares et claviers. Du pur bonheur!
Clavius Reticulus
06/08/2020
I Am The Manic Whale
Things Unseen
rock progressif symphonique – 76’05 – Angleterre ‘20
Que dire d’I Am The Manic Whale qui ne correspondrait pas à un paquet d’autres groupes du même acabit? Ce groupe anglais fondé en 2015 en est à son troisième album, ce qui démontre déjà une belle régularité, un talent d’écriture et de composition et un succès d’estime auprès des spécialistes. Michael Whiteman (guitare, basse, chant, claviers) et David Addis (guitares et voix) se sont rencontrés sur les bancs du lycée et ont attendu vingt ans avant de faire un disque qui devait être un album solo pour Whiteman. Devant l’immensité de la tâche et voyant bien que ça ne sonnait pas comme il l'aurait voulu, son vieux pote Addis à la rescousse, plus deux gaillards recrutés en cours de route, Ben Hartley (batterie) et John Murphy (claviers), il a pondu la première œuvre «Everything beautiful in time» en 2015 donc… Après «Gathering the waters» en 2017, voici donc le petit dernier, «Things unseen». Fortement inspiré par le cador du genre, Genesis, mais aussi et plus intéressant par la grosse vague des nineties (Flower Kings, Spock’s Beard, Neal Morse et autre Big Big Train), IATMW (ah, ce nom!) respire la gloire du rock prog’ à claviers dans toute sa splendeur et je pense sincèrement que ce troisième opus est le plus abouti, le plus mûr, bref le plus réussi. La diversité des sons, même si mille fois entendus ailleurs, est incluse dans des morceaux qui possèdent cette modernité détonante parfois proche d’un funk doré à l’or fin (Earth,Wind & Fire!). Oui la Baleine maniaque (ah, ce nom!) détourne des façons de faire funky qui se trouvent à point nommé, intégrés dans une bouillonnante orgie progressiste; une magie se déploie alors à nos oreilles qui s’ouvrent tels des tournesols vers le soleil! L’enchantement persiste à chacun des huit titres, rien n’est laissé au hasard, tous les courants musicaux semblent s’être réunis du côté de Reading, lieu de naissance de la formation en grande banlieue londonienne. Je conseillerai «The deplorable word», tourbillon qui parvient à envoyer du jazz en plein centre de la tornade symphonique ou encore «Into the blue», digne d’un… Styx (!) au sommet de son art mélodique. «Je suis la baleine maniaque» (ah, ce nom!) possède tout pour faire un grand groupe et nul doute qu’en 1976 une telle formation aurait fait exploser tous les compteurs. Oui, mais voilà, un tel groupe, justement, ne pouvait arriver que dans les années 2010 après avoir digéré un plein camion d’influences aussi diverses que variées. Tout y passe avec un savoir-faire démentiel et on se dit qu’on tient là un combo du niveau des Flower Kings ou Transatlantic qui s’est construit tout seul mais ne semble pas avoir la même reconnaissance que ses pairs. Ils arrivent à faire passer un album de 76’05 (longueur déjà plus que respectable en soi) pour une discographie complète tant leur musique est riche, variée et fournie malgré cette impression d’avoir déjà entendu ça ailleurs. Ça n’enlève rien au plaisir pur de s’envoyer l’opus en entier, ce qui reste un challenge difficile, même pour un progster blanchi sous le harnais d’œuvres éloquentes et interminables (comme ma phrase!). À ce sujet, le sensationnel «Celebrity», du haut de ses presque 19 minutes, va vous clouer au fauteuil. C’est comme manger une part de gâteau au chocolat couvert de chantilly; c’est trop bon, vous en voulez encore… L’estomac dit non, la tête dit oui. I am the Manic Whale (ah, ce nom!) c’est un peu la pâtisserie du dimanche: jolie à voir, copieuse à se farcir, mais du plaisir plein les oreilles (non, pas la bouche…) parce qu’on est gourmand, que voulez-vous? Les grands fous comme moi se reconnaîtront dans cette œuvre. Enfin un disque qui mérite cette appellation sans barguigner. Pas un temps mort, à part le faiblard «Smile» qui, avec ses 4’24, fait figure de bouche-trou. Le furieux «Build it up again» reprend des airs Styx/Queen grâce à des chœurs de ouf! Le celtisant «Halcyon days» rappelle que des intervenants sont venus aider nos quatre garçons avec force violons, contrebasse et gratte acoustique et son petit côté Genesis. Un album que je conseille avec véhémence à tous ceux qui ne sont et ne seront jamais rassasiés par ce rock progressif fougueux, de liens et de nœuds faits et refaits à perpét’. Très grand disque qui demande à ne plus rien écouter jusqu’au lendemain!!!
Commode
07/08/2020
Sparks
A Steady Drip, Drip, Drip
art rock/pop progressive – 54’19 – USA 20
Déjà le 24e album pour le groupe Sparks. Le précédent, «Hippopotamus», était paru en 2017. C’est en 1968 que les frères Mael, Ron (le moustachu) et Russel, ont créé cette entité. Si les frangins sont les têtes de pont, aussi bien à la composition qu’à la réalisation et la production, ils ont toutefois été aidés par Stevie Nistor à la batterie, Evan Weis et Eli Pearl aux guitares, Patrick Kelly à la basse, Alex Casnoff aux claviers (plage 9), Ryan Parrish au saxophone (plages 1 & 12) et le Coldwater Canyon Youth Choir (plage 14): ces derniers renseignements n’étant disponibles que sur les versions physiques, retardées à début juillet pour cause du covid19. Comme souvent avec cette fratrie, l’éclectisme est de mise ici et l’humour n’est évidemment jamais absent. C’est par un titre moins enjoué que nous commençons l’écoute de cette plaque; «All That» en effet s’avère assez complexe et très lyrique. Le duo nous concocte, comme à son habitude, un refrain immédiatement mémorisable pour «I’m Toast», le plus rock de l’album. Arrive ensuite l’un des «hits» du disque, j’ai nommé «Lawnmower», ode aux tondeuses à gazon (Ron se souvient des pelouses du voisinage qu’il allait tondre pour se faire un peu d’argent de poche alors qu’il était encore tout jeune). Une sorte d’hymne saccadé fait ensuite son entrée; «Sainthood is not Your Future» possède tous les atouts pour ravir nos oreilles. «Pacific Standard Time», plus posé, est l’occasion pour Russel de nous démontrer qu’il peut encore moduler son chant comme il l’entend (et nous aussi d’ailleurs). «Stravinsky’s Only Hit» est l’occasion de revisiter certaines de leurs anciennes mélodies (clin d’œil bienvenu), non sans, au passage, nous gratifier de leur humour un brin potache («Le seul succès de Stravinsky, il n’en a pas écrit les paroles, c’était mon job»). Sur «Left Out in the Cold», la voix de notre fieffé chanteur fait encore des merveilles, le tout sur une rythmique très laid-back. «Self-Effacing» nous replonge dans ce qui est, pour moi, l’âge d’or des Sparks, vers 1973/1974 avec les albums «Kimono my House», «Indiscreet» ou «Propaganda». L’ambiance se fait actuelle pour «One for the Ages» avec ses intonations presque hip-hop (je vous rassure immédiatement: pas dans le chant). Sommet du kitsch, voilà que déboule «Onomato Pia» (harmonies à plusieurs voix) où, dans l’orchestration, on jurerait qu’ils utilisent un basson. «iPhone» est l’occasion de régler les comptes aux technologies modernes (bien qu’ils les utilisent, comme tout le monde!): «Pose ton putain d’iPhone et écoute-moi quand je te parle». Des influences légèrement jazzy se font sentir sur «The Existential Threat» avec une intervention divine du saxophone, je vous le rappelle. Mais voici qu’arrive un hymne un brin solennel avec «Nothing Travels Faster Than the Speed of Light». Mais il est tard, Monsieur, et il est temps de se séparer de nos féconds frérots sur ce qui devrait devenir le «hit» de cette plaque: «Please Don’t Fuck Up My World», véritable manifeste écologique («S’il vous plaît, ne détruisez pas mon monde, ne voyez-vous pas ce que vous êtes occupés à faire …»). Si cette œuvre, car on peut véritablement parler d’une œuvre pour cette splendide réalisation, ne permet pas aux Sparks d’obtenir une reconnaissance mondiale ailleurs que dans le microcosme des fans invétérés, il n’y a plus rien de bon à espérer de notre «humanité» (?). En tout état de cause, j’ai augmenté ma cote après l’écriture de cette chronique et je ne peux que vous conseiller de vous précipiter sur «A Steady Drip, Drip, Drip»!
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
08/08/2020
Trojka
Tre Ut
jazz-rock progressif – 43’33 – Norvège ‘19
Ce trio norvégien nous propose son second album, «Tre Ut», après une première expérience en 2017 avec «I speilvendthet». D’entrée de jeu, on peut constater que l’évolution est évidente. Là où le premier album semblait tâtonner à la lisière de divers courants, ici le groupe s’inscrit résolument sur une voie plus identifiable, celle de l’univers prog jazzy. Le titre d’introduction «President» évolue dans une ambiance à la Steely Dan: ça groove, ça swingue, on flirte aussi un peu avec un canterbury guilleret. Belle introduction pour un album construit autour de morceaux alternant entre jazz-rock mélodique non démonstratif («Orkan») et prog-rock balancé par des rythmiques et sonorités vintages («Forbi mørket»). Le chant, en norvégien, donne un exotisme étrange, un peu indéfinissable; et le fond de cette musique, allez savoir pourquoi, me fait fortement songer aux groupes yougoslaves de jazz-rock prog d’avant la chute du mur comme Izvir, Miki Petkovski, Predmestje ou Leb i Sol (c’est flagrant sur le morceau «Jakten»). Les jeunes musiciens norvégiens plutôt doués, Simon Ulvenes Kverneng à la basse, Gjert Hermansen aux fûts et August Riise aux claviers, ne semblent pas être insensibles non plus à Brian Auger's Oblivion Express, mais sans l’orgue Hammond B3 à paillettes.
Album intéressant, plaisant, qui se différencie de la culture prog actuel et que je conseille aux fans de jazz-prog, de canterbury et de prog vintage.
Centurion
09/08/2020
Pulcinella
Ça
jazz/tango/musette – 50’17 – France ’19
En musique, comme ailleurs sans doute, il y a quelque chose de fascinant dans ce petit jeu de taxinomie qui consiste à étiqueter, classer, hiérarchiser, généalogiser, pour d’évidentes raisons de compréhension, dénomination, transmission, mais avec d’aussi évidentes faiblesses nées de cette volonté de certains de fusionner, panacher, fondre et incorporer styles, genres et classes afin de générer l’original avec l’existant, de renouveler sans se priver de ces casseroles à bonnes soupes, de faire autre chose avec la même chose. Pulcinella est de ceux-là, qui, formé en 2004 par quatre musiciens toulousains assis sur un canapé de velours rouge - Ferdinand Doumerc (saxophones, flûtes, mélodica), Florian Demonsant (accordéon, orgue Elka), Jean-Marc Serpin contrebasse et Pierre Pollet batterie - donne à voir et à entendre, depuis 6 albums, une musique en forme de point d’interrogation, créative et dansante (allez au bal!), aux confins des catégories et s’en fichant comme de ses premiers effets. Pulcinella est à la musique comme un exercice étrange, tel Bartabas au spectacle équestre ou le Cirque du Soleil à l’art du trapèze et de la jonglerie. «Ça» sautille, met d’humeur, interpelle, pelle à tarte - alors que moi, pour ce qui est de la valse musette et de l’accordéon, je suis un peu comme le Grand Jacques…
Auguste
10/08/2020
Polis
Weltklang
rock progressif – 39’54 – Allemagne ‘20
Il semblerait que voici la troisième plaque pour les Allemands de Polis, mais il ne m’a pas été donné d’entendre les précédentes, étalées sur les dix ans d’existence du combo. Cette formation compte cinq musiciens, à savoir Sascha Bormann (batterie et percussions), Andreas Sittig (basse), MarLeicht (claviers, orgues), Christoph Kästner (guitare) et Christian Roscher (chant). Dès «Tropfen», les noms de Deep Purple ou Black Sabbath peuvent surgir dans nos cerveaux, car même l’orgue Hammond s’y réfère. Le son d’orgue évoque toujours les seventies sur «Gedanken», notamment certaines phrases font clairement penser à Genesis. Avec «Leben», c’est une autre facette des années septante qui s’offre à nous, soit tout le psychédélisme de cette période bénie des dieux. Le titre le plus court, «Abendlied», sonne, à mes oreilles, comme une tendre comptine de notre insouciante jeunesse. Malheureusement, ma méconnaissance totale de la langue de Goethe ne me permet pas d’en profiter comme il le faudrait. «Sehnsucht» déboule ensuite. Rassurez-vous, il ne s’agit nullement d’une reprise d’un titre bien connu de leurs compatriotes de Rammstein. Non, cette plage dégage des effluves pop comme il était de bon aloi d’en glisser dans les compositions à cette période dorée. Ambiance plus sombre et planante pour «Gebet». «Steig Herab» nous permet de profiter de superbes canons (non, pas un coup à boire, mais ces passages chantés où se mélangent virilement plusieurs voix). Je n’épiloguerai pas sur «Mantra» qui clôt cette superbe plaque que je n’hésite en aucune façon à recommander aux plus nostalgiques d’entre vous malgré le barrage évident de la langue.
Tibère
11/08/2020
Mental Season
Mental Season
AOR/prog – 43’28 – Allemagne ‘20
Il m’est toujours difficile de chroniquer un premier album, il y a tellement de travail et de passion.
Mental Season est originaire d’Augsbourg en Allemagne et s’est fait connaître là-bas comme cover-band, et ma foi cela s’entend. Dès les premières mesures c’est un plongeon dans l’AOR des années 80 et les mélodies FM d’un Asia ou d’un Alan Parsons dans leurs périodes commerciales. «How many times» et «Fly away», au début de l’album, en sont une parfaite illustration. Il faut attendre le troisième titre, «Magnificient Display part 1» et ses 10 minutes, pour me faire tendre l’oreille. Mais le soufflé retombe bien vite avec le titre suivant, «Souls of the Night», proposant à nouveau un FM de bonne qualité mais foncièrement peu original. «Mental Season», le dernier et plus long titre de cet opus (13 minutes), débute bien et puis… à nouveau cet AOR, certes de bonne qualité mais manquant singulièrement d’originalité.
De bons musiciens, mais cet album n’est pas vraiment prog; pourtant les arpèges de guitares du dernier titre sont à tomber.
À vous de juger…
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
12/08/2020
Ars de Er
Symbole
rock progressif – 46’54 – Belarus ’20
À coup sûr tête plus chercheuse, mais avec des amorçages d’envolées à la Genesis (les claviers) - mais aussi des départs métalleux, ou des pulsions King Crimson-iennes - cet Arseny Ershov de Minsk, l’homme derrière le projet Ars de Er, mélange les pistes de façon pointilliste (les références surgissent au coin de la conscience et s’en échappent plus vite encore) pour trois longs morceaux éclectiques aux titres français (c’est le cas de ses 16 albums - le multi-instrumentiste a une productivité de lapinière), dont l’œuvre générique s’attribue, avec un certain sens de la poésie, le titre de «Scènes d'un grand voyage de grenouille». Un amphibien plutôt épique, voire emphatique à l’occasion («Marécage»), aux accents souvent cinématiques, qui peuvent effleurer la vague italienne des Goblin ou Anima Morte et qui, sur la longueur, malgré le zèle laborieux de la composition - ou à cause de lui, justement -, peuvent se révéler fastidieux.
Auguste
13/08/2020
Oddious
A Mind Full Of Secrets And Thoughts
metal progressif – 51’08 – Grèce ‘20
Je découvre ce groupe grec Oddious (à ne pas confondre avec Odious, groupe de death metal égyptien). On ne connaît pas grand-chose de ce groupe, juste qu'Alex Savvidis et Evan Stromatias l’ont formé en 2008 (rejoints plus tard par Antonia Mavronikola) et qu'il s’agit de leur premier album après trois EP.
L’album commence très bien avec une intro à la Metallica enchaînant avec un metal dark technique puissant aux rythmiques variées. L’influence de groupes comme Vanden Plas, Pain of Salvation ou encore Cynic est indéniable. Ils ont un coté metal planant tirant sur le doom, sur les titres «Nothing» et «Expectations», qui donne la chair de poule à l'instar du groupe norvégien Extol.
On retrouve même un peu de psychédélique mélangé à de gros riffs non prédominants, comme un Pink Floyd qui aurait fusionné avec un Anathema dépressif ou «A mind full of secrets».
La voix d’Antonia Mavronikola colle parfaitement avec l’ambiance de leur musique, un timbre à la fois doux et dérangeant. Plus l’album avance, plus on se retrouve dans un progressif mélancolique et noir, notamment avec «Out strum mental».
Un album techniquement irréprochable, une production et un son des plus aboutis. La créativité du groupe fait qu’au début d’un titre on ne sait jamais comment va évoluer celui-ci ou vers quel style. Je vous conseille l’écoute de ce jeune groupe qui nous réservera, je l’espère, beaucoup d’autres surprises. Pour y jeter une oreille, rien de plus simple: le lien bandcamp ci-après...
Vespasien
https://oddious1.bandcamp.com/releases
https://www.youtube.com/playlist?list=PLI1MkVKh_pNwNouPfgmem6A7A-sYElepN
14/08/2020
Kimmo Pörsti
Wayfarer
rock progressif – 75’31 – Finande ‘20
Vu comme ça tout seul, Kimmo Pörsti ne doit pas parler à beaucoup d’entre vous, sauf si vous connaissez The Samurai of Prog, trio international où sévit notre batteur finlandais. Avec ses deux camarades, Marco Bernard (d’origine italienne) et l’Américain Steve Unruh, il a participé à l’élaboration d’un progressif symphonique de toute beauté, avec des albums aux pochettes à tomber par terre tellement elles sont belles. D’ailleurs, récemment, je vous ai parlé de son album avec M. Bernard, «Gulliver», donc vous savez déjà à peu près à quoi vous attendre avec ce premier album solo. Pörsti s’est bien entendu entouré de gens de confiance: Marco Bernard à la basse, Dave Bainbridge à la guitare, Marek Arnold aux claviers et sax, plus une flotte impressionnante de musiciens, pour la plupart d’origine finlandaise. C’est aussi deux chanteuse et chanteur différents qui vont intervenir, rendant l’œuvre moins linéaire (Jenny Darren et Kev Moore respectivement dans Paidarion, autre groupe temporaire de Pörsti). Donc ici on se concentre sur la musique, une œuvre de taille et de poids, il va sans dire vu le pedigree de notre homme. Pourtant treize titres remplissent la galette, le plus long dépassant à peine les dix minutes. Les influences du batteur sont Genesis, Yes et Supertramp, ok, rien de bien original, mais comme ça ne s’entend pas vraiment non plus, ou alors au détour d’un accord ou d’une tournure, on laissera dire… Le celtisant «Connection lost» n’a rien à voir par exemple, telle une gigue entraînante dans une clairière ensoleillée ou alors «Heaven’s Gate» qui rappelle furieusement le Bolero de Ravel! Vous voyez, expression mille fois employée, notre Finlandais cogneur fait feu de tout bois, s’éparpillant avec plus ou moins de bonheur à travers toutes influences mélangées. «Morning mist» dont l’intro fait songer à «Tous les SOS» de Balavoine (!!) chantée par Jenny Darren, complice au sein de Paidarion mais aussi vocaliste d’England, le groupe prog’ mythique et peu connu. Terre prog’, serais-tu un jardin clos où tout le monde se retrouve un jour ou l’autre? Ceci est un autre débat. «Wayfarer» serait-il un album de batteur? Non, car ça ne veut rien dire, les batteurs étant souvent considérés comme les parents pauvres d’un groupe n’ayant aucun sens mélodique ou créatif mais, bien entendu, celui de la mesure! Pörsti est aussi un compositeur qui a le sens, cette fois, de la démesure due au genre progressif, même si je subodore les interventions d’un certain Jose Manuel Medina (Last Knight) aux claviers et à l’orchestration de tout ce travail, responsable en partie de l’agencement de l’œuvre. Il en résulte parfois une impression de décousu passagère car je n’y trouve pas de ligne directrice mais une suite de morceaux sagement agencée pour faire concept. Le somptueux «Cruz del Sur» (la croix du Sud) est le plus long titre (10’19) et porte en lui le concept même de rock progressif; ça carbure, ça pulse, ça balance des vagues de claviers sur un chant en… espagnol. C’est magnifiquement réalisé et exaltant. Bon, l’album part un peu dans tous les sens, mais c’est surement moins exténuant à écouter qu’un Samurai of Prog, sans renier la beauté étouffante qui s’en dégage. «Une bonne composition est centrale, et un arrangement à partir duquel on peut trouver de nouveaux détails à chaque écoute. Mais si la chanson n'est pas bonne, aucune virtuosité ne peut la sauver. La musique est un contrepoids parfait pour le travail, c’est presque comme une drogue qui vous fait perdre le temps.» Voici ce qu’a dit un jour Pörsti pour une interview que je reprends ici, une philosophie à laquelle beaucoup d’entre nous adhéreront! À une époque, en parallèle de la musique, Kimmo Pörsti était juriste pour une compagnie d’assurances… Nul doute que cette histoire de drogue musicale doit parler à tous ceux qui s’échinent derrière un bureau et devant un clavier!
Commode
Album non disponible sur bandcamp
15/08/2020
Telepath
Mental Mutations
rock progressif spatial – 39’32 – Norvège ‘19
Mais qui se cache donc derrière ce patronyme de Telepath ? L’auteur-compositeur Jacob Holm-Lupo, en mal de nouveautés à défendre, propose ici des compositions qu’il ne pouvait probablement pas défendre avec «White Willow», son groupe principal. Comme souvent avec les productions nordiques, l’ambiance générale est sombre. Dès les premières notes de «Mourner’s Hill», le ton est donné et ce ne sont pas les nappes de synthétiseur qui vont adoucir le propos. Si «To The Grave» peut sembler, d’entrée de jeu, plus guillerette, ne vous y trompez pas. Cela dit, l’amour immodéré de notre homme pour le thrash, le doom, le hard rock des années septante ou les musiques de films d’horreur transparaît sur l’ensemble des pièces constituant «Mental Mutations». Cette dernière influence s‘applique particulièrement sur «Tyrellian». Pour «No More Wishes», l’aide de Lars Fredrik Frøislie au mini-moog renforce l’impression de lourdeur laissée tout du long du disque. Jacob est à l’aise derrière tous les instruments qu’il utilise, c’est particulièrement vrai pour les parties de guitare bien lourdes de «Race into the Wasteland». La rythmique de «Bad Machine» est particulièrement puissante, alors que la musique s’y fait plus aérienne. La lead guitare sur «Escape from the Witch House» est l’œuvre du second invité de cette plaque, en la personne de Pedro de La Rocque. Réellement une superbe intervention. Mais il est déjà temps de se quitter avec «The Dark Blood of Fate» à l’ambiance digne des meilleurs morceaux de Black Sabbath. Un album à réserver aux amateurs de sensation musicale forte et particulièrement obscure.
Tibère
16/08/2020
Zut Un Feu Rouge
Childwoods
canterbury – 44’14 – Suède ’19
Bien sûr, se choisir un tel nom peut générer un a priori – en ce qui me concerne, plutôt favorable. Mais c’est à assumer et ce serait mal présumer qu’un nom excentrique suffirait à une bonne chronique. J’ignore où ces Suédois de Linköping ont été pêcher ça en créant le groupe en 1980, mais ce qui est sûr, c’est que «Childwoods», s’il s’inscrit comme le quatrième album du groupe, est toutefois le premier depuis 34 ans à proposer de nouvelles compositions. Qu’on découvre avec la curiosité que suscite leur ancrage manifeste, temporel dans la décade 1970 et géographique dans le Nord de l’Europe (là où se rejoignent – un peu – les Sud, de l’Angleterre et de la Suède), comme en témoignent l’orgue de Lars Jonsson dans «Härlig morgon på Rally Hotel» ou l’arrangement, en particulier le violon, de «Orest», qui évoque ponctuellement l’éphémère Nuit Câline à la Villa Mon Rêve. Et qu’on se surprend à approfondir presque malgré soi tant leur caractère compact demande passage après passage – gage de durée – des musiques de ce quintette à l’esthétique avantageusement colorée par la présence de deux saxophones (Klaus Fischer et Gunnar Wennerholm). Puissant.
Auguste
https://zutunfeurouge.bandcamp.com/album/childwoods
https://www.youtube.com/watch?v=NjvKxIesog4&feature=youtu.be
17/08/2020
Pinnacle Point
Symphony of Mind
rock progressif/AOR – 66’25 – USA/Europe ‘20
Yes avait son reflet avec Starcastle, Kansas a le sien avec Pinnacle Point. Leur premier album, sorti en 2017 et nommé «Winds of Change» avait déjà des relents kansassiens malgré une coloration AOR et parfois même heavy. C’est ici du Kansas pur jus. Et ce n’est pas tout à fait fortuit. Le chanteur et cofondateur américain Jerome Mazza est remarqué par Khalil Turk, le boss du label «Escape Music», à l’écoute de «Damage is done» (du premier album) et celui-ci le fait alors chanter en duo avec Steve Walsh pour le premier titre de son album solo «Black Butterfly», «Born in Fire». Mazza enchaîne ensuite les auditions et trouve l’excellente violoniste Valeria Pozharitskaya qui complète la formation œuvrant désormais comme un parfait clone du groupe américain légendaire. Il suffit d’entendre ce dialogue virevoltant entre le violon, la voix de Jerome et la guitare tueuse de Torben Enevoldsen (in «Prodigal» et «So Alive» e.a.), co-fondateur danois du groupe, pour se faire une idée de la richesse et de la puissance mélodique de Pinnacle Point. Échanges énergiques, rythmique extraordinaire, cascades de piano, envolées structurées de violon («Hero»), ajoutez des interventions de synthé savamment dosées et l’équation donne un combo qui frise la perfection. La voix de Mazza, fort proche de celle de Steve Walsh, est assurément de la même étoffe, toute autre comparaison gardée. Deux albums seulement, mais ce dernier promet des lendemains qui scintillent!
Clavius Reticulus
Album non disponible sur bandcamp
18/08/2020
My Arrival
Satur9 & Indigo
rock progressif planant – 43’44 – Pays-Bas ‘20
Né des cendres de Sylvium, My Arrival nous propose ici son premier album. Leur musique est sombre, introspective, proche de celle de Gazpacho. Les rythmes lents, sublimés par la voix de Richard de Geest, nous emmènent pour un voyage hypnotique des plus plaisants. Une musique mélancolique avec des titres qui restent facilement en mémoire: «Strange machine», «Come undone», ou encore «Failure of a Grand Design» et «Home». Une musique qui parfois devient étrange, glaçante, avec «Close your Eyes».
Album équilibré et relaxant avec de bonnes guitares, et accessible sans pour autant tomber dans une pop vulgaire. Plein de nuances aussi. Bref, un album qui se laisse découvrir et apprécier au fil des écoutes.
Côté texte, une histoire de voyage interstellaire. Les interrogations, les craintes de l’équipage. C’est tourmenté, anxiogène même, et crépusculaire; la solitude du héros est ici palpable.
Musicalement, un très bon premier album, côté histoire, si le confinement a été difficile…
Tiro
19/08/2020
Latte Miele 2.0
Paganini Experience
rock progressif symphonique – 40’58 – Italie ‘20
Ce groupe Latte e Miele fait partie de l’institution du rock progressif italien depuis les années 70. Le premier album de la formation, «Passio Secundum Mattheum», paraît en 1972, mais c’est l’année suivante, avec «Papillon», que le groupe commence sérieusement à jouir d’une certaine réputation. Mais de cette période ne subsiste que le nom, car aucun musicien de l’époque n’apparaît au sein de cette nouvelle formation Lattemiele 2.0. Par contre Massimo Gori (guitare, basse et voix) et Luciano Poltini (claviers), ossature du groupe actuel, proviennent du troisième album, «Aquile E Scoiattoli», paru en 1976.
Ce «Paganini Experience» sous la tutelle du duo est le septième album de la formation italienne qui s’est reconstituée depuis 2009 sous l’égide de Gori avec l’album « Marco Polo - Sogni E Viaggi».
La musique du groupe aujourd’hui renoue avec le symphonisme exacerbé qu’a notamment connu l’Italie durant les seventies. Une exubérance totalement surannée qui renvoie parfois aux délires de Keith Emerson (voir les clins d’œil parsemés ci et là sur l’album). Un partage entre rock doucereux, opulence classique, inspiration passéiste. Alors Paganini (voir titre de l’album) n’était pas un manchot, tout le monde le sait, il était sans doute le violoniste le plus doué de sa génération au début du XIXe siècle. Alors pour suppléer le génie il fallait un violoniste de talent, c’est Elena Aiello qui s’y colle, et plutôt de très belle façon. Parfois en support, parfois en performance soliste, elle excelle; je ne connais pas l’artiste mais elle semble bénéficier d’une solide formation classique, ça se voit, enfin ça s’entend, et c’est d’un autre niveau que «les violonistes rock qui s’imaginent être géniaux». Écoutez par exemple «Cantabile 1835», la reprise du célèbre violoniste génois; vous constaterez qu’elle a un sacré bon coup d’archet.
Latte Miele 2.0, c’est une musique pompeuse qui tente de jumeler musique romantique classique et rock symphonique, parfois un peu à la façon d’un Rondo Veneziano qui serait progressif. Musique dans la lignée de certains albums de The Enid, à la solennité d’un Maxophone, baignée d’un romantisme désuet, d’un autre temps, chanté essentiellement en italien, car pour rendre justice à ce genre de musique il faut qu’il en soit ainsi. Un album mélancolique comme une sérénade italienne, comme une invitation pour un grand retour en arrière. Une posture assumée qui jouit et souffre des qualités de ses défauts.
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
20/08/2020
The Arc Light Sessions
The Unindented Consequence of Memory
rock progressif – 44’50 – Canada ‘20
John Alarcon est né à Madrid mais a émigré vers le Canada dès l’âge de 8 ans. Il est le fondateur principal de The Arc Light Sessions. Chanteur, compositeur, producteur et claviériste, il joue du piano classique dès l’âge de 11 ans et rapidement tombe en pâmoison devant les exploits d’un certain… Keith Emerson. Principalement influencé par les ELP, Genesis, King Crimson, PFM, Anthony Phillips ou Steve Hackett, mais aussi par des artistes de jazz comme Pat Metheny ou divers compositeurs classiques comme Bach, Chopin ou Haendel... En 2000 et 2002, il sort deux albums «Between Day and Night» et «The Fairest of Moments». Enfin, il fonde The Arc Light Sessions en 2015 avec le chanteur Chris Atwill pour un premier album «Perchance to Dream». C’est ensuite une jolie succession de disques, quatre exactement en comptant deux derniers opus sortis cette année, prolifique le Monsieur! Car le 1er mars sortait «Chromatic Overture» alors que le 15 avril sortait l’album qui nous intéresse. Je soupçonne l’artiste de recycler tout ce qu’il a composé depuis un paquet d’années. Je me suis même laissé dire qu’un certain «Discovery of light» venait lui aussi tout juste d’apparaître, une galette tous les deux mois, le studio n’aurait pas le temps de refroidir!
Alors, qu’en penser? Oui, les claviers sont rois dans l’œuvre d’Alarcon et dans un style qui nous ramène derechef en 1975/76 alors que Genesis assoit sa notoriété à la face du monde. L’impression de chutes de studio de la Genèse ne serait pas faire une insulte au talent du compositeur, au contraire. Par contre, sa façon de chanter sonne comme un Peter Hammill en plus grave, les intonations et les placements au détour d’un break sont comme des petits cousins de celles du leader de VdGG. Le piano est aussi plus présent sur la plupart des morceaux que de grandiloquentes orgues à la Emerson dont on sent poindre, pourtant, l’influence sur certains morceaux. Le chant et le piano sont donc prégnants dans l’œuvre, la sensation d’écouter Hammill (The persistence of memory) est acquise quelque part dans un coin du cerveau mais quand un «The company we keep» ou un «Trouble in paradise» déroulent, Genesis pointe son nez au balcon. Je pense qu’Alarcon n’a pas digéré ses influences, mais pas la peine de prendre un citrate de bétaïne pour s’en défaire, perso, ça me va très bien, étant un incurable adepte du Genesis 70’s. «Into the ether» trottine son bonhomme de chemin sur les traces d’un Tony Banks sans donner le moindre signe de fatigue. Ça en devient limite fascinant car, quelque part, je me dis que Genesis aurait pu continuer sur la voie d’un progressif qu’il a contribué à établir dans certains critères, voire étalonner le genre. L’impression avec tous ces musiciens qui ont été marqués en leur chair du fer rouge des complaintes de la Genèse, que tout n’a pas été écrit et joué… Mais je m’égare. The Arc Light Sessions emploie, outre Alarcon, les Québécois Hugo Emard (basse), Steve Valmont (batterie), Luc Tremblay (flûte et hautbois) et le guitariste Patrick Simpson. À propos de flûte tiens, le solo dans «The enemy time» donne des frissons, le titre tendant à se la jouer grand orchestre, musique classique, entrelardé de passages pianistiques bien sentis, Alarcon martelant parfois son piano comme qui vous savez. Je reste dubitatif quant aux intentions de TALS mais sur la forme, admiratif du talent de composition et le jeu où, subtilement, s’efface le quatuor derrière le maître des lieux. À découvrir mais si vous êtes inconditionnel de… allez je ne le dis plus!
Commode
Album non disponible sur bandcamp
21/08/2020
Ubi Maior
Bestie, Uomini e Dèi
rock progressif symphonique – 45’35 – Italie ‘20
Qui se souvient de la venue en Belgique, à Mouscron, au El Bar pour être précis, du groupe italien Ubi Maior (Ubi Maior - Progressive Rock Band) le 20 mai 2006? «The Italian Prog Night» était une initiative de TPE (Tournai Prog Event) et réunissait également à l’affiche Calliope et CAP. Créé en 1999, le groupe a subi, par rapport à sa venue en Belgique, de légères modifications. Si les membres fondateurs, Gabriele Manzini aux claviers (il a notamment fait partie de The Watch), Mario Moi au chant, violon, trompette (le showman fou) ainsi que Alessandro Di Caprio à la batterie (il a travaillé avec nombre d’artistes solo dont Alex Carpani, David Jackson, David Cross…) sont restés, on remarque deux nouveaux arrivants: Gianmaria Giardino à la basse et Marcella Arganese aux guitares (elle a participé à d’autres projets dont Hostsonaten ou Coscienza di Zeno). Mais que vaut cette quatrième plaque pour nos amis transalpins? Rassurez-vous immédiatement, vous ne pourrez être déçus! Ouvrons immédiatement le bal par une nuit noire, «Nero Notte»: son rythme entraînant ne peut que nous enthousiasmer, d’autant que l’orchestration est à la hauteur. «Misteri Di Tessaglia» poursuit sur un mid tempo très agréable: Mario et Gabriele nous convient à profiter de toute l’étendue de leur talent respectif, mais Marcella n’est pas en reste pour autant. Une rythmique presque tribale et «Wendigo» prend son envol sous des effets de grandes orgues: la guitare prend ensuite son envol sur une cadence syncopée. Après quatre minutes, la guitare prend des allures nettement plus heavy tandis que le chant emprunte ses allures aux plus grands chanteurs métalliques. Le titre se termine sur de superbes accords au piano. Le violon s’empare de l’intro de «Nessie» (non, aucun rapport avec le groupe belge Nessie dont le seul splendide album, «The Tree», est sorti en 1977), titre purement instrumental dont l’ambiance se montre plus jazzy, surtout lorsque la trompette entre en action et que les claviers se font virevoltants. Rien à dire sur «Fabula Sirenis», le morceau le plus court de l’album. Terminons notre écoute, si vous le voulez bien, par la plage titulaire, également la plus longue du haut de ses neuf minutes et quarante-deux secondes. Nous voici partis pour un splendide moment de symphonisme dont la seconde partie nous donne à entendre de fantastiques entrelacs de guitare et de flûte et un chant apaisé avant que la trompette et le piano ne s’en mêlent. N’hésitez surtout pas à faire l’acquisition de la version physique de l’album car l’artwork se révèle de toute beauté et, cerise sur le gâteau pour ceux d’entre vous rétifs à la langue de Dante, la traduction anglaise y est disponible!
Tibère
22/08/2020
Eternal Wanderers
Homeless Soul
rock progressif – 59’18 – Russie ‘20
Sur un thème pour le moins ambitieux («un cataclysme qui a conduit à la destruction de la planète, avec des milliers d'âmes [...] jetées dans un espace froid et silencieux sans espoir de trouver un abri et la paix»), les sœurs Elena et Tatyana Kanevskaya (voix, claviers, guitare...), avec Dmitry Shtatnov (basse, claviers) et Sergey Rogulya (batterie), nous proposent ici un album aux influences multiples, fruit de trois années de travail.
Sur ce fond de désespérance et d’errance, l’album déroule tour à tour ses accents déclamatoires («Invested with Mystery (Prologue)», lyriques et quasi symphoniques («Eternal Wanderer»), jazzy – par le jeu de basse – («Meteor»), purement prog («Transformations», «The Cradel of a Hurricane»), ambient à l'occasion, parfois dans la veine du Floyd et même… de Queen – il y a du «Flash Gordon» dans la seconde partie de «I wanna Give my Life for You»!
Voici donc de la matière à écouter...
J’ai trouvé assez séduisant ce subtil cocktail d’influences et de styles. L’ensemble est bien dosé, varié à souhait et très bien produit. Les voix assurent les transitions, parfois sans grande conviction et avec une certaine langueur qui risquerait de lasser – ce serait là mon seul reproche. D’autres parties instrumentales plus enlevées apportent davantage de rythme, surtout dans ce que je considère comme le titre le plus réussi de l’album, «The Gradel of a Hurricane»: un condensé d’ambiances et d’émotions, une véritable aventure cosmique! Huit minutes de pur bonheur sonore! Ce titre résume parfaitement à lui seul l’immense talent (et la technique irréprochable) de ces Moscovites qui (me) donnent là une émouvante leçon digne des grands maîtres du prog classique.
L’album se termine par les motifs ethniques (avec sitar et djembé) d’«Invested by Mystery», aussi déroutant, énigmatique et décalé que l’épilogue de l’Odyssée de Kubrick.
Les "éternels errants" auraient-ils trouvé un point de chute en Inde?
Mystère.
Vivestido
https://eternalwanderers.bandcamp.com/album/homeless-soul
https://www.youtube.com/watch?v=_u6rDbeBe-U&list=OLAK5uy_kRt4VjFBGdC-wRmly5wLYlOT9sG4yfamg&index=9
https://www.youtube.com/watch?v=lyuBywNFHhA&list=OLAK5uy_kRt4VjFBGdC-wRmly5wLYlOT9sG4yfamg&index=5
23/08/2020
Blair
Contes centristes de l'éternel déclin
rock?, chanson?, prog? – 45’28 – France ’19
Je vous parle ailleurs sur cette page de The Lucid Brain Integrative Project, autre programme de Jean-François Domingues et Emmanuel Reveneau. Eh bien, rien à voir, car ils soutiennent ici Blair (le musicien, «auteur-compositeur-pianiste-vaguement-guitariste-interprète bourgeois et sobrement dépressif») et Blair, le groupe dans la veine du Très Véritable Groupe Machin (né en 1975 en Franche-Comté – «La cancoillotte», fromage à pâte fondue régional – et musiciens d’Hubert-Félix Thiéfaine, natif de Dole, où officie mon coiffeur et Philippe le libraire, son frère – à Thiéfaine, pas au coiffeur), truculent, iconoclaste, folklorique, sorte de frère siamois de Sttellla, créateur-pionnier-géniteur de l’"antimusique totale" – selon la définition qu’en donnait Jean-Luc Fonck à Télémoustique en 1975 (!) –, Blair, donc, égrène une tradition béotienne autant que vandale et impitoyable avec ces «Contes centristes de l'éternel déclin», troisième album d’un groupe qui se définit comme une "joyeuse dictature ratée" – ce qu’il est. Évidemment le genre génère ses propres limites, mais pour celui qui vénère l’impertinence obtuse, quoi de plus jouissif que le texte de «Caca»: "[…] Le seigneur est mon berger/Je me prends pour Michel Berger/Je ne me fatiguerai pas/Pour si peu ni pour si bas/Je brais comme un âne sans son/Je fais ma Véronique Sanson/Je fuis mon pré par peur du chien/Et le loup me guette au loin […]"
Auguste
https://blairounet.bandcamp.com/album/contes-centristes-de-l-ternel-d-clin-2
https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=w_UQ01m0ts4&feature=emb_logo
24/08/2020
Notturno Concertante
Let Them Say
musique progressive – 46’18 – Italie ‘20
Après un 6e album intitulé «Canzoni Allo Specchio» paru en 2012, voici le retour d’un des plus anciens groupes de la scène «néo-progressive» italienne, dont le premier album «The Hiding Place» sortait en 1990.
Pour ce nouvel album de Notturno Concertante, après huit années d’absence, nous retrouvons aux manettes deux membres du groupe d’origine: Lucio Lazzaruolo et Raffaele Villanova, entourés ici de plusieurs musiciens: Francesco Margherita, Simone Pizza, Luciano Aliperta, Giuseppe D'Alessio, plus aux instruments acoustiques: Nadia Khomoutova (violon), Molly Joyce (violon), Kaitkyn Raitz (violoncelle) et Seto Nobuyuki (clarinette).
Notturno Concertante faisait partie de ces groupes italiens pratiquant un soft-prog de bon aloi mais n’ayant jamais vraiment pu compter sur les louanges de la presse spécialisée. Je me souviens toutefois de l’album «Erewhon» en 1993, que mon disquaire, aguiché par la singularité de la pochette – faites des recherches sur le net, vous comprendrez, avait voulu me racheter. Je dois avoir refusé le deal puisque cet album figure toujours dans ma CDthèque. Bref, trêve de plaisanterie, revenons à la musique. Le style du combo italien a bien évolué depuis 30 ans. Ce «Let Them Say» évolue dans un style certes toujours soft mais enrichi de sonorités classisantes aux timbres aérés et oniriques. Totalement instrumentale, cette musique coule doucement comme l’eau cristalline d’une rivière paisible. Quelques influences méditerranéennes et nord-africaines et puis ces instruments acoustiques, ces samplings du meilleur effet, de quoi inviter au voyage, aidé d’une boussole follement dépaysante, le magnifique «Finis Terrae».
Un album surprenant, pour nous entraîner ailleurs, un groupe qui se réinvente, pour à nouveau nous captiver. Le chemin avait été entamé avec «Canzoni Allo Specchio » en 2012, mais ici c’est encore un pas plus loin, là où mène l’émancipation, une démarche sincère vers autre chose.
Un bon album, rafraîchissant, sincère, innovant, parfois captivant. Dépaysez-vous, ce voyage en vaut la peine.
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
25/08/2020
Anno Mundi
Land of Legends
heavy progressif – 47’19 – Italie ‘20
Quatrième album pour ces valeureux Romains qui, étant de solides légionnaires, n’en sont pas pour autant des bardes de moindre valeur, loin s’en faut. Ils sont cinq à composer cette belle bande, à commencer par Federico Giuntoli (chant, du groupe Martiria), Mattia Liberati (claviers), Flavio Gonnellini (basse) et Renata Gasparini (guitariste dans le groupe de jazz progressif Agorà). D’entrée de jeu, «Twisted World’s End» nous situe clairement le rayon d’actions de nos sbires: du heavy rock progressif typique des années septante, exécuté, ma foi, de fort belle manière. L’une des pièces de résistance, «Hyperborea», est amenée de délicate façon par une guitare acoustique, rejointe ensuite par d’agréables notes au clavier. La quiétude des lieux est cependant troublée, après six minutes lénifiantes, par une véritable cacophonie de bruits et instruments divers, traversée de la voix d’un enfant. Tout à coup, on se retrouve dans un heavy saccadé. Si les premières mesures de ce titre emblématique pouvaient faire penser aux parties les plus fines de Genesis, la suite nous entraîne plutôt du côté de Deep Purple et même de Black Sabbath pour certaines ambiances. Ce titre à lui seul vaut l’acquisition de cette plaque! Contrairement à ce que l’on pourrait croire, «Dark Energy» est une courte plage où la voix est accompagnée de superbes accords à la guitare acoustique. «Hyperway to Nowhere» emprunte des routes sombres pour nous séduire et y parvient aisément. De nombreuses atmosphères très différentes parsèment ce morceau pour notre plus grand plaisir. Des cris d’oiseaux font irruption pour entamer «Female Revenge» dont le côté sombre n’échappera à aucun d’entre vous. Quand une voix fait son apparition, c’est pour nous susurrer quelques mots (en français dans le texte!); le chant véritable interviendra plus tard dans cette composition avec un retour remarqué vers un heavy rock du meilleur aloi. Anno Mundi, un groupe qui peut rivaliser sans aucune honte avec les plus grands des années septante tant la variété d’éthers est l’un de leurs atouts.
Tibère
album non disponible sur bandcamp
26/08/2020
Morgan Marlet
Légendes
chanson celtique – 42’57 – France ‘20
On peut affirmer sans gêne, crainte ou honte que le rock celtique ratisse large, couvrant toutes les branches musicales développées en y incorporant ce qui en fait le sel (‘passe moi le Celte’!)… Il existe du rap celtique, du blues celtique, de l’ambient celtique et j’oserais ajouter, depuis que j’ai écouté ce premier album de Morgan Marlet, de la chanson celtique car je ne peux caser «Légendes» dans le progressif au sens communément admis. Attention, ce n’est pas faire injure au talent du bonhomme!
Morgan Marlet s’est d’ailleurs lancé dans la carrière vers 2012 grâce au légendaire Alan Simon, fervent défenseur de l’Ouest de la France, lui confiant des chansons à interpréter. À ce sujet, aucun souci, M. Marlet possède une voix expressive, chaleureuse qui peut tout chanter, un don de la nature. Alternance de langues pour ces chansons, quatre en français, six en breton et une en anglais pour onze titres dont le plus long fait 4’18’’. J‘emploie sciemment le terme «chanson» car «Légendes» n’est pas un album de rock progressif mais un disque de chanson sans une envergure musicale démesurée. Quelques titres passeraient très bien en radio dont un certain «Charlie s’envole» que n’aurait pas renié Calogero. La production est cool, Morgan Marlet, comme je l’ai déjà souligné, chante très bien, la pochette est très jolie aussi, mais je ne peux aller plus loin dans cette chronique sans en dénaturer la vocation, à savoir parler de rock progressif et «Légendes» n’en est pas, clairement!
Commode
27/08/2020
Nueve Tuercas
Poema a la Luna
rock progressif – 33’54 – Espagne ‘20
Ce «Poema a la Luna» est déjà la quatrième réalisation de Miguel Laguna Crespo, jeune musicien madrilène seul aux manettes depuis 2013 de son engin progressif nommé Nueve Tuercas.
Moins que pour sa consœur italienne existe néanmoins en Espagne une tradition ancestrale vouée au rock progressif. Je citerai pour mémoire Triana, Los Canarios et Granada. Ce Nueve Tuercas suit les sillons de ses ancêtres avec un chant en espagnol, des influences puisées dans la musique traditionnelle, de l’emphase symphonique, de la complexité progressive.
Un album constitué de 4 longs titres dont le problème majeur est le chant. La voix (parfois doublée ou en superposition) tombe souvent à plat et concourt à nuire à une musique parfois déjà un peu bancale, car, comme souvent avec les one man band, ça manque un peu de cohésion, même si on peut féliciter le musicien d’utiliser une vraie batterie.
Ce «Poema a la Luna», dans une forme de naïveté propre au progressif de la fin des années 80/début 90, se distingue par des guitares très présentes sur des nappes de claviers dont l’alchimie peut rappeler Galadriel, (groupe qui s’illustra à une époque où les formations espagnoles de néo-progressif étaient assez rares: Rivendel, Dracma, Harnakis,…). Le titre de l’album le plus abouti me semble être «Encuentro con la estela» qui évoque le rock progressif à la frontière du néo-progressif. Construction fine alternant sonorités claviéristiques apaisées et mystérieuses, guitare sèche ibérique, et guitare électrique rappelant celle du premier Leviathan (groupe néo-progressif italien du début des années 90).
Un album intéressant, qui ne manque pas de caractère, mais auquel il faudrait plus d’ampleur, de majesté. Bref ça sonne encore un peu trop comme une maquette.
À suivre…
Centurion
https://nuevetuercas.bandcamp.com/album/poema-a-la-luna
28/08/2020
IO Earth
Aura
rock progressif symphonique/pop progressive – 63’52 – UK ‘20
C’est le samedi 22 avril 2017 qu’IO EARTH est venu se produire au Centre Culturel de Soignies sous vos applaudissements mérités. Ce fut l’occasion d’une belle découverte. L’album s’ouvre sur la plage titulaire, une longue mélopée recelant en son sein quelques influences floydiennes. Des intonations quasi religieuses nous accueillent sur le long «Waterfall» (11’24 au compteur!), un véritable régal tant la mélodie (et les guitares) se font cajoleuses. Mais il est temps de vous présenter plus en détail le groupe: créé en 2007, «Aura» est sa cinquième offrande. Des musiciens de tout premier plan composent cette entité: Dave Cureton aux guitares, claviers, chant et percussion, Adam Gough aux claviers, chant, theremin et percussion, Christian Nokes à la basse, Rosanna Lefevre au chant, Luke Shingler à la flûte, Jez King au violon, Tim Wilson à la batterie, Jennie Appleyard au violoncelle et Steve Trigg à la trompette, vous parlez d’une équipe! Mais revenons à nos moutons, si vous le voulez bien. En troisième position sur cette plaque, nous trouvons «Breathe» (aucun rapport avec qui vous savez), introduit par une trompette aérienne et des voix célestes, tandis que le drumming délicat de Tim souligne des notes de piano qui s’égrènent, soutenues par le violoncelle. Il serait injuste de ne pas vous parler de l’épique «The Rain» (dix-huit minutes) qui clôture «Aura», tant ce titre se montre délicat avec son break fin et précis à la guitare acoustique, suivi d’une envolée lyrique. En résumé, «Aura» est une production d’un très haut niveau que je recommande chaudement à tous les amoureux d’ambiances (presque) éthérées.
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
29/08/2020
Artús
Cerc
rock in opposition – 58’08 – France ‘20
Artús (fondateur du label Pagans), qui nous a fait vivre un bon moment lors du festival Prog-résiste à Soignies en 2017 (aussi bon que leur alcool de prune maison!), nous révèle son 6e album, «Cerc» (cercle en français). Un concept album qui nous emmène à La Pierre Saint-Martin: le plus grand massif karstique au monde qui se dissout depuis 40 millions d’années, offrant 465 km de galeries à explorer. Lépineux (du nom de l’aventurier) est un gouffre qui pourrait contenir la tour Eiffel, et parmi ses cavités, dans la salle La Verna, il serait possible d’accueillir 10 fois Notre-Dame de Paris! «Lépineux» c’est aussi le 2e titre sur cet album et le 2e niveau (les titres se suivent de la même manière que les paliers de la grotte, du plus haut vers le plus bas) lors de la descente de ce gouffre. On nous raconte, entre paroles chantées et paroles contées, entre chant en français et chant en occitan, entre sons longs et sons durs, comment, à partir d’un oiseau s’envolant d’une brèche, on a pu découvrir cette immense cavité, qui, un peu plus tard, causa la mort d’un spéléologue.
C’est avec vielle à roue, tambourins à cordes, chants, synthé, percussions, basse et guitare que les membres du groupe (les trois frères Baudoin, Romain Colautti, Nicolas Godin, Alexis Toussaint et Benjamin Rouyer) nous font vivre cette expédition au cœur des sensations.
Rythme saccadé et chants tribaux se sont formés sur «Halha» et s’apaisent vers la fin, doucement par une fumée d’échappement. Comme envoûté par des incantations, on aborde «Faust». La cadence s’accélère et finit par s’épuiser lentement. Tout au loin, on entend légèrement des accords de cordes qui s’enchaînent sur «Albedo», on poursuit par des coups métalliques, puis un chant et des battements comme un rituel, on vacille (sans doute l’alcool de prune?) et on tombe, goutte à goutte, d’eau cette fois, qui continue de couler sur «Las mairs apo», pour arriver à la fin de cette exploration.
Un album plus à écouter qu’à chroniquer, qui plaira aux aventureux, n’est-ce pas Auguste?
La Louve
https://pagans.bandcamp.com/album/cerc
30/08/2020
Kilter
Axiom
metal jazz – 34’29 – États-Unis ’20
Il n’est pas si courant qu’un groupe américain (Brooklyn, New York) soit publié sur un label français (Alter-Nativ, Paris) – mais Laurent David fait le lien, entre sa basse électrique et la fondation de l’étiquette, et ceci explique cela. Le collectif Alter-Nativ revendique une «approche sans compromis de la production et de l’improvisation», et Kilter (Kilter - US) rentre assez bien dans ce moule – qui justement s’acharne à ne pas en être un. Le trio déroule un sacré parcours: David s’est amusé avec Stéphane Galland, Guillaume Perret ou Ibrahim Maalouf, Kenny Grohowski a agité ses baguettes aux côtés de John Zorn ou de Felix Pastorius & The Hipster Assassins et Ed Rosenberg III a soufflé dans son saxo ou sa clarinette au sein de l’Ensemble Signal ou du Bottleote Music Collective – pour n’en citer que quelques-uns. Si je supporte mal le chant éructé look-plus-metal-que-ça-tu-trépasses (heureusement il n’intervient qu’à dose homéopathique), il y a là un intéressant essai de fusion de genres qui s’aimeraient mal, le jazz et le metal, qui, aux mains de ces gars tout sauf gauches, prend une dimension ardue, pugnace et très caféinée.
Auguste
https://kiltertrio.bandcamp.com/album/axiom
https://www.youtube.com/watch?v=EhRx6hs65Y4&feature=youtu.be
31/08/2020
Mythology
The Castle of Crossed Destinies
rock progressif – 45’56 – Italie ‘20
Qu’il est difficile de trouver des informations sur ce groupe italien. Les patronymes des musiciens constituant cette entité sont des pseudonymes; jugez plutôt: Chad Samoth à la batterie, Athos Sade au chant, Lady Sif aux chœurs, Aton Dasha à la guitare, Dan Moses aux claviers, Santo Asteda à la basse et Dana Shettom au sax ainsi qu’au mellotron. Le maître à penser de cette œuvre proviendrait de Suisse et serait un amoureux éperdu d’histoires et de mythologies médiévales. C’est à l’orgue Hammond qu’échoue le rôle d’accrocher nos (chastes) oreilles sur la plage titulaire, très vite rejoint par une guitare puissante. Il ne faut pas moins d’une minute pour que le chant se mêle de la partie. Un break presque planant permet de calmer le jeu avant que le chant ne se fasse vigoureux: une belle entrée en matière de près de dix minutes, histoire de nous mettre en jambes. Lady Sif entame une mélopée pour introduire «Missed Chances» qui se poursuit d’une manière cinématique. Il n’y a pas à dire, tous les instruments sont en place: après sept minutes, une remarquable partie de sax entre en jeu pour notre plus grand plaisir (en tout cas pour le mien: j’ai toujours adoré les saxophones!). Une agréable ritournelle poursuit notre écoute par ce titre «The Moon». «Now I’m Blind» nous présente un aspect plus sombre de leur musique quoique pratiquement en mode acoustique, mais pas sur toute la longueur de ce titre. Deux minutes s’avèrent nécessaires pour que «The Emperor» démontre toute sa majestuosité. C’est d’une manière tout aussi solennelle que «Don’t Be Afraid» nous permet de quitter cette plaque qui ne manquera pas, j’en suis sûr, d’éveiller votre curiosité.
Tibère
Album non disponible sur bandcamp