Juillet 2020
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01/07/2020
Nektar
The Other Side
rock progressif – 66’06 – UK ‘20
Énorme groupe que ce
Nektar, même si, à l’aube des glorieuses seventies, il reste un peu dans l’ombre de grands noms comme Genesis et Yes. Une histoire tourmentée aussi que la leur. Roye Albrighton fonde le groupe en 1969. Atteint d’une maladie grave du foie, il est opéré d’urgence. Ce qui entraîne la première séparation du groupe en 1980. Il se reforme en 1999; Albrighton provisoirement tiré d’affaire reprend les rênes. Mais en 2016 il succombe des suites de cette maladie. Les musiciens anglais travaillent alors en Allemagne. Leur premier album sort en 1971 («Journey to the Center of the Eye»). Suit une discographie bien fournie: plus de 25 albums (hors live, EP et compiles). Parmi les titres ici présents, de longues plages superbes où le quasi constant dialogue claviers/guitare allume les sens. Avec «I’m on Fire», très pêchu, ça démarre façon Deep Purple pour un peu plus de huit minutes où l’orgue Hammond (drone) donne la réplique à une guitare virevoltante et vitaminée. La coloration de l’album procède ensuite du monde de Camel (notamment dans l’excellent «Devil’s Door», l’un des moments phares de cette rondelle), de Procol Harum pour le clavier du superbe «Skywriter» où se fondent des intonations mellotroniques. Et comment ne pas penser à Eloy en écoutant «Drifting» magistralement sublimé par un époustouflant solo de guitare. Plusieurs de ces morceaux proviennent en tout ou en partie des compos écrites fin des années 70 pour un album qui ne vit jamais le jour par la force des événements; d’autres sont bien actuels comme «Y Can’t I B More like U». Avec toutes ces références, vous pouvez m’en croire, on a ici une perle du progressif dans ses heures de gloire.
Clavius Reticulus
02/07/2020
Lost World Band
Trajectories 2002-2020
rock progressif – 50’55 – Russie ‘20
La chronique de leur dernier album «Spheres Aligned» est parue chez nous le 30 décembre; elle nous informait de l’ADN prog classic de la formation russe. Chose confirmée sur leur premier album «Trajectories», paru à l’origine en 2002 et réédité cette année avec des drums réenregistrés, remixés et remastérisés.
Les influences de King Crimson sont déjà évidentes sur les trois premiers titres «Trajectory 1, 2 et 3». Le violon à la David Cross sur «1 et 3», l’ambiance de «Discipline» avec un fond de «Matte Kudasai» et l’ombre d’Adrian Belew, sur «2». Qui dit influence ne dit pas forcément clonage. Lost World Band, déjà sur ce premier témoignage de sa longue carrière (7 albums au compteur), démontre tout son potentiel et son originalité. Certes King Crimson est à la fois dans le rétroviseur et en point de mire de cet album, mais le groupe s’essaye aussi à quelques incartades du côté de la musique contemporaine «Splinters» où la flûte virevolte pour préparer à un plongeon vers une certaine idée du rock crimsonien des seventies, «Birds», en rivalisant avec des riffs «à la Red». Un univers que l’on quitte un moment avec «There’s Day, There’s Night», (dans le genre des Moody Blues), mais sur lequel on revient inlassablement au fil de l’album. Mention spéciale pour «Hill Are Breaking» malgré un chant pas très convaincant. Heureusement cet opus est essentiellement instrumental et donnera l’opportunité aux férus de la bande à Fripp d’écouter l’œuvre d’un groupe qui a pu, avec une certaine forme de dévotion, s’inspirer de son idole sans pour autant la singer.
Centurion
03/07/2020
The Worm Ouroboros
Endless way from you
rock progressif – 74’30 – Biélorussie ‘19
Voici un groupe qui, pour venir des confins de l’Europe, n’en a pas moins avalé et digéré les concepts principaux du rock progressif occidental. The Worm Ouroboros sont Biélorusses; les formations venues de là-bas ne sont pas monnaie courante, admettons-le. Cette particularité géographique posée dans le décor, il faut admettre que les circonvolutions stylistiques de ce trio sont inspirées avec un bonheur certain des arabesques contrôlées par Caravan et autres formations du courant de Canterbury. «Of Thingst that never were» en 2013, leur premier album, avait déjà convaincu un cénacle restreint d’amateurs éclairés. Ce second opus devrait rattraper les retardataires par la manche ou, plus sûrement, par le lobe de l’oreille! En grande partie instrumental, le rock progressif de Sergey Gvozdyukevich (claviers, basse, guitare acoustique, flûte, chant), Vladimir Sobolevsky (claviers, basse, guitares acoustique et électrique) et Mikhail Kinchin (batterie), la cheville industrielle du groupe, accompagnée pour l’album de Vitaly Appow (basson), Aliona Sukilyan (hautbois) et Alexandra Gankova (vibraphone, xylophone, timpani), vous a placé la barre très haut.
Volubile, enchanteur, gracieux, forestier, éclairé, autant de termes qu’on prend plaisir à utiliser pour gratifier cet album au charme fou et qui fait revivre une époque enchantée, je veux bien sûr parler des seventies. The Worm Ouroboros reprend là où certains ont poursuivi un autre chemin. La clairière d’un son Canterbury léché et évanescent n’avait pas livré tous ses secrets et les Biélorusses l’ont trouvée pour nous. On ne peut que tomber en pâmoison devant les harmonies éthérées d’une sensualité boisée, développées par ces nouveaux garants de l’ordre progressif. Outre le son «caravanien» qui titille les ouïes plus d’une fois, TWO n’hésite pas à décoller dans des œuvres plus ambitieuses encore s’il le fallait, rejoignant la petite cohorte vénérée des Anglagard, Anekdoten et autres petits «grands» du move prog’. L’emploi d’instruments aussi évocateurs que la flûte, le hautbois ou le basson, accouplés à une guitare acoustique, vient magnifier les envolées symphoniques (il y en a) des instruments plus classiques (basse/batterie/guitare électrique). À ce sujet, disque quasi instrumental comme je l’évoquais au début, il faut avoir écouté «Ascension», un titre que n’aurait pas renié le VDGG de Peter Hammill dont l’organe troublant de Sergey Gvozdyukevich vient réveiller le souvenir en fin de morceau avec une similitude presque dérangeante. Mais le moment fort de cet opus majeur restera «Cycles» qui vous estomaque d’entrée, long de ses 14'16; un grand retour vers le Camel des origines peut vous interpeller au même titre que Caravan cité plus haut. Vous l’aurez compris, TWO navigue avec une aisance redoutable et hardie sur les eaux jadis fréquentées par les grands maîtres de l’océan progressif. La flûte soliste qui se balade dans «Muralidaran» retient aussi mon attention car c’est elle qui aiguille la manœuvre orchestrale comme au temps jadis. Oui, il s’agit aussi d’un grand voyage mélancolique au sein des fastes du passé avec ce «Endless way from you», intransigeant sur les sentiments et sensations qu’il approvisionnera aux vieux progsters, éternellement en manque de leur dope musicale. TWO sera un de leurs nouveaux fournisseurs, cela va sans dire, mais, en l’écrivant et le martelant ainsi, je les conjure de faire l’effort (récompensé) d’écouter The Worm Ouroboros qui, sous un patronyme rébarbatif, procure un progressif auréolé du ton merveilleux des années de braise. Le nostalgique et pour une fois court «Traigh Bheasdaire» qui vient conclure l’album, achève en beauté une expédition émouvante de 74 minutes au pays des rêves progressistes.
Commode
https://thewormouroboros.bandcamp.com/album/endless-way-from-you
04/07/2020
Myrkur
Folkesange
chansons folkloriques – 47’09 – Danemark ‘20
Pourquoi illustrer la pochette d’un album de black metal par une Heidi qui tricote? Eh bien parce qu’il ne s’agit pas du tout d’un album de metal comme nous y avait habitués Myrkur, alias Amalie Bruun, mais basé ici entièrement sur le folk traditionnel. La chanteuse a choisi de nous faire voyager au cœur même de la culture scandinave qui a marqué son enfance, en combinant des chansons anciennes et nouvelles. D’ailleurs, sur les 12 titres, 10 sont chantés en langues scandinaves (dommage qu’il n’existe pas de livret qui pourrait inclure la traduction des textes), les 2 autres sont en anglais. Nous avions eu des approches de ce genre musical comme «Byssan Lull» sur l’album «M» ou comme «Mareidt» sur l’album du même nom et cela apportait une touche plus calme et mélodieuse, mais il ne s’agissait pas d’un album complet de cet acabit. Ici la ressemblance va plutôt vers l’album live «Mausoleum» interprété avec l’ensemble The Norwegian Girls’Choir (mais là, on savait à quoi s’attendre). Folkesange comprend donc 2 choristes présentes sur la quasi-totalité de l’album. Sur «Ella» d’un chant impeccable, Amalie est aussi accompagnée par Maria Franz de Heilung. Le producteur, Christopher Juul, de Heiling également, est à la mandola (ancêtre de la mandoline) et aux percussions. D’autres instruments traditionnels interviennent aussi, comme le nickelharpa et la lyre. En majeure partie, la trame de l’album est souvent la même: chœurs, cordes, qui donnent parfois un côté sombre («Leaves of Yggdrasil»), et percus (même si faibles sur «Ramund»), en intervenant dans des ordres différents. Il faut admirer à nouveau le travail des voix sur «Tor i Helheim» qui débute par un appel très aigu: le kulning (chant scandinave souvent utilisé par les femmes pour rappeler le bétail), ensuite la voix s’adoucit et devient très légère. À nouveau je ne comprends pas l’histoire évoquée mais cette chanson est longue et monotone. Un peu la même chose sur «Sven»: même si les vocalises sont limpides, je trouve ce titre plutôt répétitif et ennuyeux. «Gudernes Vilje» débute aussi par un beau timbre, a cappella cette fois; c’est doux, c’est joli mais quelque peu soporifique. Enfin, on termine par nos choristes suivies au piano sur «Vinter», quasi une berceuse qui nous laisse sur une nature qui s’endort avec l’hiver.
Vous l’aurez compris, c'est un album plus à présenter à un festival folk/médiéval, genre Castlefest, qu’à l’Alcatraz où Myrkur qui aurait dû se produire en 2019 mais nous avait fait défaut et avait promis de revenir à l’affiche en 2020: promesse non tenue car, même si l’Alcatraz n’avait pas été reporté, ce groupe n’y était pas prévu.
La Louve
05/07/2020
Pierre Vervloesem
1983
contemporain – 51’18 – Belgique ’20
Avec sa photo de pochette (les nouveaux bureaux de la Communauté flamande) dont le cadrage se réfère explicitement au disque consacré par Philips aux premiers enregistrements de «Variations For Winds, Strings And Keyboards» (Steve Reich) et «Shaker Loops» (John Adams) cette année-là, «1983», écrit et enregistré par Pierre Vervloesem il y a 17 ans mais publié le 22 mai 2020, rend hommage, à sa façon et avec cette verve chaloupée où jazz et humour louvoient et se côtoient, à ces fondateurs de la musique minimaliste américaine. Le synthé ne l’est pas tout à fait, américain, puisqu’il s’agit probablement du Yamaha DX7 sorti en 1983, premier synthétiseur numérique de large diffusion, fabriqué à l’initiative d’un trio d’ingénieurs japonais (plus téméraires que leurs collègues états-uniens) et basé sur le principe de la synthèse FM, inventé par John Chowning, de l’université Stanford - l’honneur US est sauf. Les trois titres, que Vervloesem prend le temps de développer avec une certaine virtuosité, utilisent des schèmes répétitifs moins stricts que les constructions additives ou soustractives de Reich et affichent des aspérités auxquelles cèdent rarement les compositions d’Adams, souvent lissées au point de glisser dans l’oreille comme un ski bien farté: «Natural Computer», dont l’intro convie Marc Moulin, s’octroie, au long de sa petite demi-heure, changements de thème et de tempo - parfois percussif - et «Five Things to Forget», outre l’évidence connivence de timbre (l’électronique), m’évoque par moments les essais de Mother Mallard's Portable Masterpiece Company. Ce deuxième morceau explore un peu plus les dissonances (il reste très accessible), quand «Procrasti Nation» joue sur les hauteurs basses pour créer un tissu sonore dense et grave.
Auguste
06/07/2020
Haken
Virus
metal progressif – 51'54 – UK ‘20
Je suis sûr que la plupart d'entre vous connaissent HAKEN. Après 6 albums, ce groupe est devenu l'un des maîtres du metal prog moderne. En tout cas ils collent avec l'actualité mondiale vu que leur prochain album qui sortira le 24 juillet se nomme «Virus». Le thème de l'album a été choisi bien avant l'épidémie que nous connaissons. En fait, il est le lien entre deux précédents albums, «Vector» et «The Mountain». Ils expliquent que, depuis la sortie de «The Mountain» en 2013, une question leur a été posée à maintes reprises: qui est le Cockroach King? Figure légendaire de la musique de Haken et des violences subies par les patients internés dans un hôpital psychiatrique fictionnel, Mountview Institution. La réponse est un arc qui s'étend sur deux albums: «Vector» et «Virus». Si «Vector» était une histoire sur l'origine, «Virus» dépeint une ascension au pouvoir, la tyrannie et la fin. «Virus» commence avec «Prosthetic»; l'intro me fait penser à un bon vieux Metallica mais qui se dirige doucement vers du Dream Theater. «Invasion», quant à lui, est un titre typiquement Haken: grosse rythmique à la batterie avec des arpèges de guitare par-ci par-là pour tout d'un coup être coupés par un tapping de basse à la Meshuggah, le tout percé par une voix tantôt douce tantôt rageuse. «Carousel» est une pure merveille de 10 minutes… quel son de basse! Conner Green a un véritable feeling. J'y retrouve les influences des plus grands: Symphony X, Periphery, Dream Theater et surtout Opeth dans l'ambiance, l'émotion malsaine et variante. La voix de Ross Jennings y est pour beaucoup. Quelle imagination et quel talent il faut avoir pour composer un titre comme celui-ci. Et dire que la pièce principale de cet album arrive seulement: «Messiah Complex»,17 minutes de métal progressif découpées en 5 parties connectées mais indépendantes, pouvant s’écouter individuellement. On ne peut que constater, une fois de plus, que Haken n'a aucune limite technique, ce qui permet de pouvoir libérer totalement sa créativité. Il n'y a pratiquement pas de pause tout au long de cette œuvre. Le son et la production de l'album sont parfaits. Si vous connaissez Haken, vous pouvez commander ou télécharger légalement cet album les yeux fermés… Sinon, faites-le quand même: vous resterez accrochés à ce groupe.
Vespasien
Album non disponible sur Bandcamp
07/07/2020
Frost*
Others EP
crossover-prog – 31’57 – UK’ 20
Soyons clairs d’emblée! Je suis un fan hardcore de Frost*! (Official Frost*). Je revendique haut et clair. Après avoir découvert ce groupe un peu par hasard, je suis tombé raide dingue de leur premier album de 2006, «Milliontown», avec sa suite éponyme de 26 minutes et des bombes comme «Black Light Machine». En 2008, le second album «Experiments in mass appeal» était un poil en dessous malgré quelques mélodies à tomber mort. Il aura fallu attendre huit longues années avant d’avoir un successeur en 2016 avec «Falling Satellites», et quel successeur! Cet album regorge d’idées, de mélodies, de surprises, bref de quoi ravir tout fan de prog et assurément un de mes top 10 de ces dernières années, c’est dire. Le début de cette année fut donc mitigé avec d’une part le départ de Craig Blundell à la batterie, trop accaparé par son emploi du temps (notamment avec Steven Wilson) et d’autre part avec la sortie de cet EP six titres «Others». Il semblerait que ces six morceaux soient plus issus des sessions de «Falling Satellites» que préfigurateurs du nouvel album à paraître cette année. Je serai clair: je l’espère vraiment! Car cet EP est une gigantesque déception. En effet, sur les six titres proposés, seul «Drown» nous ramène à la beauté de l’album précédent. Les autres morceaux sont d’une pauvreté mélodique à laquelle le groupe ne nous avait vraiment pas habitués. La production est évidemment impeccable mais ici, elle ne peut malheureusement cacher l’indigence des compositions. La majorité semble avoir été faite aux machines: peu de batterie réelle, peu de guitares et pas d’intervention vocale de John Mitchell, un comble. J’aime beaucoup la voix de Jem Godfrey mais la magie de Frost* réside justement dans la rencontre des deux voix qui se complètent. Or ici, rien de tout cela. Dans l’album précédent, ils avaient déjà tenté l’exercice de style plutôt réussi avec le morceau «Towerblocks» mais ici, c’est un peu comme s’ils avaient voulu brouiller volontairement les pistes pour finalement perdre l’auditeur en chemin. Espérons que cela ne soit qu’un faux pas. En effet, Frost* fait partie de ces rares groupes qui peuvent faire sortir le prog de son ghetto par une approche moderne et originale. Croisons donc les doigts pour le prochain album.
Amelius
Album non disponible sur bandcamp
08/07/2020
Sleeping Pandora
Signs in the Sky
rock psychédélique – 73’14 – Allemagne ‘20
Mathias Rosmann remet le couvert de façon magistrale avec cet opus haut en couleur qui démarre sur un rythme bien balancé, généreusement arrosé de guitare avec effet d’écho. «Mandarine», malgré son nom, ne vous rapprochera pas des fruits tangeriniens dont on parle souvent mais se place tout de même dans une mouvance Berlin School puisque la plage rappelle de façon très nette les accords de la six cordes opérant sur l’album «Correlations» de Manuel Göttsching. Écho et wah-wah (couché!) combinés à un rythme simple mais d’une redoutable efficacité. «Floating High» nous entraîne dans un maelstrom mixant les saveurs Steve Hillage et une pincée de vitamines Robin Trower en arrière-plan, le tout distillant des sonorités qui suivent toujours la même recette résolument psyché. En blind test, sans doute auriez-vous prononcé une fois encore le nom de Hillage à l’écoute de « The Dome ». Même jeu de guitare, rythme lent laissant la part belle aux notes agogiques cosmiques, se répercutant à l’infini. «Tracking Moon» flirte à nouveau tant soit peu avec Trower égrainant ses notes sur une ligne de basse obsédante et une batterie plus rapide. On admirera le superbe doigté du guitariste dans son jeu fluide et accéléré. Un très bon album donc dans son style où la quasi totalité des plages dépasse chacune les 10 minutes voire le quart d’heure. Rien d’innovant, bien sûr, par rapport aux précédents mais, n’est-ce pas, quand on aime on ne compte pas et, bien au contraire, on en redemande.
Clavius Reticulus
09/07/2020
Madison Classic
Going Through the Motions
rock progressif/crossover-prog/jazzy – 41’48 – Canada ‘19
Très peu de renseignements au sujet de ce groupe canadien originaire de Niagara Falls en Ontario, situé à la frontière des États-Unis et à deux doigts de l’État de New York. Un premier album éponyme sorti en 2017, pas totalement abouti mais déjà riche de courants divers, et puis, en décembre 2019, ce «Going Through the Motions» à la pochette au dandy d’une autre époque assis dans son fauteuil british, lisant insouciamment son journal alors que l‘écume caresse doucement sa chaussure. La pochette est déjà un message. Il y a du style, un côté vintage et racé qui prépare à une litanie légèrement hybride, câlinée de styles épars, empreinte parfois de musiques passées. Il y a un côté pop léché, crossover-prog, où l’ambiance rappelle la suavité d’un Duncan Brown, d’un 10CC, d’un Steely Dan, où les accents jazzy évoquent tantôt un peu le canterbury, tantôt le jazz-soul ou le jazz-funk. Ce nouvel album est douillettement installé sur ses influences, il s’oublie et distille une musique où tout s’imbrique gentiment en donnant cette fausse impression de simplicité.
Les cousins Carrière (Michael et Nicholas, respectivement voix/claviers et basse/flûte/sax/guitare/voix), aidés par Justien Brulé à la basse et guitare, et Jordan McQueen à la batterie, sillonnent cette voie d’une fausse candeur pour mieux ensorceler l’auditeur. Des sons recherchés et parcimonieux, des ambiances paisibles, une orchestration limpide et semblant sans artifice. Mais une atmosphère dans laquelle on se glisse comme sur un coussin moelleux. Et ces mélodies suaves qui feraient presque oublier la section rythmique qui, parfois, nous sort de la somnolence bienfaitrice dans laquelle nous étions délicieusement plongés.
Une sacrée belle réussite pour un album parfois inégal, mais qui ne semble pas susciter beaucoup d’intérêt dans la sphère progressive; pourtant, c’est vachement supérieur à une belle quantité de productions qui nous inondent les portugaises.
Musique salutaire, comme un remède à nos vies trépidantes.
Prenez du temps, et consacrez-le à ce petit joyau intemporel.
Centurion
10/07/2020
Pattern-Seeking Animals
Prehensile Tales
rock progressif – 53’43 – USA‘20
Pour démarrer la chronique du second Pattern-Seeking Animals, il faut d’emblée préciser de qui est composé le groupe pour situer l’ambition. Le chanteur et guitariste Ted Leonard (Spock’s Beard et Enchant), le bassiste Dave Meros (Spock’s Beard), le batteur Jimmy Keegan (ex-Spock’s Beard) et le claviériste John Boegehold (collaborateur de Spock’s Beard). Bon, ceci exposé, vous vous direz à juste titre: mais c’est du… Spock’s Beard! En cela, je ne peux pas vous en vouloir puisque tous les membres de PSA ont ou ont eu un rapport avec le célèbre monstre prog’ de Neal Morse. Et vous ne serez pas déçus car c’est presque pareil, un progressif proche de Spock’s Beard (promis, j’essaie de ne plus le citer), Flower Kings (en moins recherché ou aventureux, pour être gentil) voire un UK qui se rapprocherait beaucoup plus d’Asia sur ce second disque. Un beau témoin de ce rock progressif «abâtardisé» d’outre-Atlantique mais auprès duquel on prend un plaisir coupable à se régaler de mélodies brillantes, de brefs rappels vers les fastes et ors du prog’ européen. Une facilité apparente mais réalisée par d’excellents musiciens et c’est toujours ce à quoi on peut se raccrocher quand on écoute un album de ce style, (je songe déjà au futur Kansas…).
«Prehensile Tales» ne peut pas être démoli car il fournit tous les éléments nécessaires à un rock aor (adult oriented rock, je le rappelle) de grande qualité, auquel souscrit ce supergroupe avec un talent évident. On quitte les rives du prog’ pour un rock qui ne dépassera pas les pointillés à ne surtout pas découper pour rester dans la norme calibrée et formatée. Le label InsideOut s’est spécialisé dans ce sous-genre. À tout prendre, le cas Sons of Apollo est plus intéressant et «couillu» car la démarche, si elle y ressemble (supergroupe), casse la baraque, question hard rock versus prog rock. Mais pour revenir à PSA, je suis dubitatif, nombre de titres me rappelant plus Abba ou une variété internationale FM («Elegant Vampires» et «Why don’t we run» en étant de parfaits exemples). La pochette a beau être belle, je ne peux adhérer au concept et vous me savez pourtant beau joueur ou bon client comme on dit… «Lifeboat» du haut de ses 17’20, peut sauver la mise auprès d’oreilles plus exigeantes. Oui, on se dit: pas possible de faire de la «soupe» sur une telle longueur? Si… mais là, c’est plutôt du potage, plus raffiné, plus goûtu, mieux assaisonné, des breaks faciles certes et des synthés tout droit sortis du «Rising» de Rainbow (Tony Carey). On y prend plus de plaisir mais cela est convenu et on peut presque deviner la direction que prendra le morceau à chaque break. Comme je suis bon prince, je sauverai «Here in my autumn» et «Soon but not today» qui prouvent qu’avec un effort de composition, on peut élever le débat et offrir un genre d’Alan Parsons vitaminé pour le coup! Conclusion, album déjà entendu, bien foutu dans son genre mais pas de révolution, le taf est fait. À écouter en voiture sur le long ruban d’asphalte (ah, je l’ai déjà faite, celle-là?!)
Commode
Album non disponible sur Bandcamp
11/07/2020
Martin Grech
Hush Mortal Core
new prog – 59’46 – Angleterre ‘20
Martin Grech (Martin Grech Official) est un jeune chanteur, auteur et musicien anglais, né en 1982 à Aylesbury. C’est son quatrième album qu’il m’est donné de vous présenter dans ces pages. D’aucuns adoreront cette pièce de rock progressif moderne. La réalisation et la production sont en tous points irréprochables. Le gaillard a un beau brin de voix, quelque part, comme je l’ai lu sur le net, entre Thom Yorke et Jeff Buckley. «Mais qu’en est-il de la musique?», me demanderez-vous. Hé bien, elle ne passera évidemment jamais sur les ondes des radios mainstream, mais elle est, dans l’ensemble, d’un très bon niveau. Parcourons donc ensemble cette plaque: «Maelstrom Spark» l’ouvre de manière bien délicate sur quelques notes de piano et la voix angélique de Martin; le rêve ne tarde pas à s’emparer de nous. «Auras Awol» s’enchaîne toujours sur un mode atmosphérique et délicat jusqu’à l’instant où la musique s’énerve quelque peu pour tomber, malheureusement, dans une cour déjà bien encombrée de groupes de prog moderne. La plage titulaire s’égrène lentement et dans une douceur infinie. Plus loin, «Enigmas» apporte, grâce à son chant éthéré, une certaine originalité. «Psychobabble» révèle en son sein des passages plus fouillés et originaux. Avec «Into the Sun», on reçoit, enfin, un bon coup d’adrénaline; malheureusement le soufflé est trop vite retombé. Heureusement que la fin de la pièce de résistance, «The Death of All Logic», apporte un peu de symphonisme dans cette plaque qui n’a pas su emballer mon cœur. Mais jetez néanmoins un oreille attentive sur ce travail, cela sera peut-être votre graal!
Tibère
12/07/2020
Cabinets of Curiosity
The Chaos Game
rock progressif – 60’44 – États-Unis ’19
Ce premier album - après un EP en 2016 ironiquement titré «Eponymous» - de ce septet de Mansfield, New Jersey déroule l’histoire de Julia, jeune juriste, promue au poste d’Assistante Administrative du Dr. Gertrude Goethe, Déesse du Chaos et de l’Ordre, fonction qui lui permettra "d’enrichir la vie des mortels au travers des puissances de la création, de la destruction et de la configuration fractale". Un programme ambitieux pour ce concept album progressif qui flirte impunément avec le Metal (on pense parfois à Diablo Swing Orchestra) comme avec le Rock in Opposition (on pense parfois à Henry Cow - mais assez vaguement quand même). Il y a du lyrique (le travail des voix en canon de «Death, She Walks On»), du Zappa («Fractometer» ou la décadence de «Angular Sterility», servie par le saxophone d’Anthony Warga et perturbée par le léger détour citationnel du piano - le Bogaertien «As time goes by»), de la musique concrète à la «Alan’s Psychedelic Breakfast» («Fractals & Coastlines», où intervient gentiment la flûte de Kristina Bacich; ou l’intermède «The Same Tiny»), un brin de délire (l’arrangement de «The Chemist & The Engineer» et, bien sûr, l’histoire que raconte cette saga), mais au total la veine lyrico-gothique prend le dessus - ce qui n’est pas le meilleur atout me concernant.
Auguste
https://cabinetsofcuriosity.bandcamp.com/album/the-chaos-game
13/07/2020
Transcend
Balance i
metal progressif – 36’11 – Canada (Québec) ‘20
Pour ma part, je découvre Transcend, un groupe canadien formé par Costa Damoulianos au chant et à la guitare, Devon Butters à la basse, Alexi Lagogianis au clavier et Sean Lang à la batterie. En 2012, ils ont sorti leur unique album, qui a reçu apparemment un bon accueil des auditeurs; j'avoue être totalement passé à côté. Cette fois, le quatuor sort un EP 4 titres, «Balance i». Transcend y joue un metal progressif, pas uniquement basé sur les gros riffs de guitares car les claviers y trouvent une belle exposition. Le clavier que moi j'affectionne le plus, celui qui apporte une ambiance, une émotion, mais certainement pas une déferlante de notes infernales. Cet EP commence avec «Disillusion», un titre fort sympathique qui pose bien les fondations du groupe; pas révolutionnaire mais très bien équilibré, dont la construction réserve déjà quelques surprises. On passe du metal prog classique à du plus «électro», 11 minutes qui s'écoulent trop rapidement. Les deux titres suivant sont «Machine», qui est plus une ballade au piano/voix, et «Where You Are Now», metal prog classique, pas vraiment original. Transcend clôture cet EP avec «A Parallel Reflection I». C'est «LE» titre de «Balance i», beaucoup plus construit, plus symphonique, plus varié, plus sensible, plus recherché... On en ressort avec un goût de trop peu. Vous allez me dire que c'est souvent le cas avec un EP: il est là pour faire patienter avant la sortie d'un album. Mais quand cela fait huit ans qu'on n’a plus rien donné au public, s'en sortir avec 12 min de plaisir musical c'est un peu court. La chose positive est que le son est bon, et si, comme je l'espère, le futur album est à la hauteur du dernier titre, il ne faudra pas le louper.
Vespasien
14/07/2020
Ayreon
Electric Castle Live and other Tales
métal progressif symphonique – 335’00 (Blu-ray/2 CD+DVD/box 5 disques) – International ‘20
En 1998 sortait le double CD «Into the Electric Castle - a space opera» de Arjen Lucassen. Un énorme concept qui réunissait un panel impressionnant de grands noms de la scène prog et metal. Vingt-deux ans plus tard, pour ce «live» filmé à Tilburg le 15 septembre 2019, on retrouve beaucoup d’acteurs de l’époque dont Fish (Marillion), Damian Wilson (Landmarq), Anneke Van Giersbergen (The Gathering), Edward Reekers (ex-Kayak), et Arjen qui est bien sûr de la partie. Simone Simons (Epica) remplace Sharon Den Adel dans le rôle de l’Indienne, Ton Scherpenzeel et Clive Nolan ne sont pas de la partie cette fois. À la guitare, l’excellent et nouveau membre de Kayak, Marcel Singor, et au piano le virtuose Robby Valentine qui nous gratifie ici d’une partition en solo pas piquée des hannetons. Je ne peux citer tout le monde, on remplirait deux «pages», mais on notera encore la présence à la flûte de Thijs Van Leer (Focus) et Mark Janssen (Epica) pour la voix grunt. Si le chant de Damian Wilson est toujours aussi efficace, on ne peut hélas pas en dire autant pour celle de Fish qui paraît peiner derrière la puissance des instruments. Cela ne l’empêche pas de nous offrir une très bonne interprétation de «Kayleigh» dans la partie «Other Tales» où l’on retrouve aussi «Pink Beatles in a Purple Zeppelin», «Ashes», «Twisted Coil» et quelques autres phares du répertoire lucassien. Le show est visuellement éblouissant. Les effets spéciaux, à la hauteur de la démesure des projections sur écran géant, leur donnent un relief saisissant, guidant le spectateur dans cette saga cosmique où tour à tour les acteurs disparaissent ou meurent suivant l’évolution du libretto. Le narrateur (l’acteur John De Lancie qui a joué notamment dans «Star Trek» et «The Fisher King») est là pour introduire chaque chapitre/épisode avec l’emphase logorrhéique qui sied à l’opus. Pas de sous-titres cependant, ni pour la narration ni pour le «Behind the Scenes» ou les interviews, ce qui est vraiment dommage et restrictif pour qui ne comprend pas la langue de Shakespeare! Enfin, il existe trois versions de ce petit bijou. Le Blu-ray offre la version complète (timing en tête d’article), bonus et interview compris; le coffret de 5 rondelles est son équivalent et, pour les amateurs d’hybrides, il existe la version deux CD audio accompagnés d’un DVD ne reprenant que le show (marqué «DVD one», ne cherchez pas le «two» dans ce pack). À choisir si vous désirez écouter sans regarder donc, mais il faut savoir que la narration sans l’image c’est un peu perturbant! Le show sur le DVD est aussi coupé abruptement en fin de générique. Si vous désirez profiter pleinement de ce «précieux», je ne puis assez vous recommander le Blu-ray!
Clavius Reticulus
https://ayreon.bandcamp.com/album/electric-castle-live-and-other-tales
15/07/2020
Nth Ascension
Stranger Than Fiction
rock-progressif/néo-prog/heavy-prog – 72’35 – Angleterre ‘19
"Stranger Than Fiction" est le troisième album pour ce groupe anglais dont l’ossature est constituée de Michael Alan Taylor au chant, de Darrel Treece-Birch (transfuge de TEN) aux claviers et de la famille Walker (Craig à la batterie, Gavin à la basse et Martin aux guitares électriques et acoustiques).
Cet album de huit titres perpétue la tradition du groupe entamée dès son premier album, «Ascension of Kings» paru en 2014, de conduire, à la manière de Saga avec ses «Chapitres», une épopée du nom de «Clanaan Chronicle» dont vous trouverez trois développements sur cet album: «The Gathering - part 7», «Journeys End - part 8» et «Lament - part 9».
Nth Ascension (Nth Ascension Music), dont cet opus a été mixé et masterisé par Eric Gillette (Neal Morse Band), s’inscrit dans la tradition du néo-progressif anglais des années 90 mais dans une orientation assez rock voire heavy. C’est ainsi que les références auxquelles on songe sont à chercher du côté de Pallas ou d’Arena pour le côté prog couillu et symphonique, de Grey Lady Down pour l’aspect mélodique, de Demon pour cette faculté à faire rimer prog et riff,… et même peut-être aussi, côté plus ancien, à Uriah Heep pour cette aptitude à imprégner son prog de hard.
«Stranger Than Fiction» est un long album bien construit, un condensé de prog obéissant aux règles en vigueur mais où emphases et ascensions symphoniques, complétées d’allures mélodiques, ne sombrent jamais dans le pathos sentencieux. Un album fluide, cohérent, d’où il est difficile d’extraire un titre en particulier. Je cite néanmoins pour l’anecdote «The Gathering» dont une suite d’accords rappelle un peu le superbe «Jonathan» de Barclay James Harvest, ou, toujours extrait des «Clanaan Chronicle», «Journeys End» dont un des riffs évoque avec joie autant «Perfect Strangers» de Deep Purple que «Kashmir» de Led Zeppelin.
Huit morceaux allant de 5 à 18 minutes pour vous emmener dans l’univers du rock progressif symphonique que vous connaissez certes par cœur mais qui semble à chaque fois se réinventer, comme si nous semblions ne jamais pouvoir nous en sevrer. Un album parmi tant et tant d’autres qui s’avérera néanmoins une belle découverte si vous y orientez vos radars.
Centurion
16/07/2020
Silver Nightmares
The Wandering Angel EP
néo progressif – 22’29 – Italie ‘20
Silver Nigthmares nous arrivent de Palerme et, «rassurez-vous», ils ne chantent pas en italien, mais en anglais. Le groupe est composé d’Alessio Maddaloni aux batteries et percussions, de Gabriele Esposito à la basse, de Gabriele Taormina aux claviers, de Mimmo Garofalo aux guitares et Simone Bonomo et Michele Vitrano au chant, aidés également par Giulio Maddoloni à la flûte, Tody Nuzzo à la guitare et Davide Severino à la trompette. La musique oscille entre rock à tendance progressive, AOR, Heavy Metal. On retrouve dans leurs influences, des groupes aussi variés que Genesis, Asia, Savatage, Kansas… Je m’arrête ici car la liste est nettement plus longue. La plaque débute par «The Wandering Angel», dont l’intro délicate et douce nous attire irrémédiablement, mais… ce n’est qu’une (courte) introduction et nous voici vite emmenés dans un AOR pas mauvais mais guère inventif. Malgré de belles parties de guitare, «D.D. Dick Dastardly» n’arrive toujours pas à me faire décoller. Pour «Light Years Away», ce sont les claviers qui nous emmènent. «David The King» constitue une pause bien agréable au milieu de cette cavalcade: le chant se montre posé tandis que les instrumentistes nous démontrent toute l’étendue de leur talent. Sur la dernière plage de cet EP, «Dame Nature», la particularité est la présence de cette phrase: «L’homme est un être sociable, la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables». Quel dommage que nos deux chanteurs, jusque-là irréprochables, aient une légère défaillance à approximativement trois minutes cinquante-deux. Mais allez plutôt vous faire votre propre opinion en suivant les liens ci-après.
Tibère
17/07/2020
Opus Symbiosis
Fata Morgana
crossover prog – 41’18 – Finlande ‘20
Opus Symbiosis s’est formé en 2003 dans un petit village de Finlande. À cette époque, le groupe était composé de Christine Sten, Victor Sagfors, Jafet Kackur, Michael Rosenback et Roger Edström. C’est cependant le troisième opus pour ces Finlandais après l’album éponyme de 2009 et «Nature’s Choir» de 2012. Il aura fallu huit ans pour donner une suite aux délicieux entrelacs de cette formation nordique qui ne sonne pas comme le prog’ classique et parfois ténébreux de ses confrères. Au contraire, enjoué, gai parfois à la limite du ludique, Opus Symbiosis, par la grâce de la voix de Christine Sten, a ce petit air d’une formation neo soul des années 80. Je ne sais ce qui me fait songer parfois à Everything but the Girl (!), la voix peut-être, les tempos synthétiques sûrement, ce ton badin et mélancolique à la fois. Quoi qu’il en soit, les airs saccadés souvent proposés dans pas mal de morceaux arrivent à mélanger, avec un sens des harmonies très efficace, une bulle new-wave ébauchée à un neo prog swinguant, oui… dit ou écrit ainsi, ça peut prendre un caractère troublant et des difficultés à l’imaginer. La batterie synthétique est grande responsable de cet état de fait et pourtant l’opus développe un autre rock progressif, même si le format concis de quelques pièces peut empêcher l’esprit de voyager plus avant. L’ensemble est pourtant contrebalancé par l’énergie mise au service de véritables chansons au sens du terme (couplet/refrain, etc.). J’en reviens souvent à It Bites pour ce type de rock précis comme un diamant sur une surface vitrée, pensez, on peut même se régaler d’un saxophone sur certains titres! Le trio finlandais peut plaire à des chapelles rock aux antipodes l’une de l’autre et ça reste son atout premier ou ce qui l’éloignera, au contraire, des fans de prog’ si sectaires parfois! Perso, j’espère vous avoir convaincus que ce groupe arbore un charme fou mais n’est pas «écoutable» à n’importe quelle heure ou humeur.
Opus Symbiosis est à présent un trio, Christine Sten au chant et Victor Sagfors aux guitares et synthés étant les deux rescapés d’origine, auxquels est venu se greffer le batteur Daniel Hjerppe. Cependant, deux grands noms de la musique, du rock, du rock progressif, de King Crimson pour faire simple, sont venus prêter leur concours, Tony Levin et Pat Mastelotto en personne, ce qui peut symboliser l’attrait évident du prog’ (?) écrit et joué par ces Finlandais! Ces deux messieurs ne doivent pas jouer pour n’importe qui… Je recommande avec témérité et émotion «Captain Tree» qui balance un solo «piqué» à Steve Hackett au centre d’un manifeste musical hésitant entre Talk Talk et le Genesis era Collins. Si ce n’était la voix charmante et persuasive de C. Sten, vous aussi le constateriez à coup sûr. Alors, Opus Symbiosis est-il devenu un orchestre de variété internationale comme disent les «gros» médias? Il y a de ça mais je m’en fous tellement c’est joliment réalisé!
Commode
Album non disponible sur Bandcamp
18/07/2020
Zopp
Zopp
canterbury – 44’53 – Angleterre ‘20
Zopp est une formation anglaise composée du multi-instrumentiste Ryan Stevenson (ne pas confondre avec le musicien de rock chrétien américain!), du claviériste (entre autres de Tangent) et du batteur Andrea Moneta (de Leviathan). Nous sommes donc en présence de musiciens de talent et d’un compositeur hors pair en la personne de Ryan.
Le genre? Du pur Canterbury, dans la foulée de ce qu’il y a de meilleur comme héritage de ce mouvement des années 70: Hatfield and the North et National Health. Si vous aimez ces deux groupes, vous pouvez vous précipiter car vous ne serez pas déçus…
OK, avec cela, on a le contexte. Maintenant il est bon de plonger un peu plus profondément et voir que Zopp ne se limite pas à répéter les grands classiques mais développe également un discours qui lui est propre. Outre les claviers canterburiens traditionnels, une instrumentation connue et des timbres et sonorités au sein desquelles tout amateur du genre se retrouve dans ses pantoufles, au coin du feu, avec une bonne tasse de Darjeeling, il y a aussi quelques nouveautés au régiment… Notons que parmi les meilleurs souvenirs de Ryan, il y a Porcupine Tree et un concert de Anekdoten à Bergen en 2018…
Certaines mélodies nous entraînent, par exemple, d’un côté légèrement celtique (on se prend à penser un peu à Gryphon ou Gentle Giant). On découvre aussi certains contrastes jazzy, dignes de certaines productions de ECM, comme dans «Sanger». «Sellanra» nous propose une ambiance entre l’ambient, le space-rock et la musique minimaliste, de toute beauté! On trouve aussi un petit côté Genesis (première période) avec «Being and Time», malgré le fait que Zopp soit un groupe exclusivement instrumental.
Pour résumer, ne perdez pas l’occasion d’écouter ce magnifique album qui vous procurera, en fin de compte, le plaisir de pouvoir être réécouté à l’envi…
Lucius Venturini
19/07/2020
CHROMB!
Le livre des merveilles
avant-garde – 33’06 – France ’20
Chez Dur et Doux, label lyonnais dont je vous ai déjà entretenus (par exemple, au travers de la compil «Ça marchera jamais»), on met en marche des musiques que je peux ne pas aimer (Ni, j’ai du mal, sur scène encore plus que sur disque - même si j’en connais qui adorent) mais qui, conformément au motto du collectif («défendre une vision singulière des musiques amplifiées»), n’ont aucune chance de me laisser indifférent. Et CHROMB! tombe plutôt du bon côté de l’assiette, avec ce quatrième album fait de 4 morceaux, qui affirment, avec cette frugalité économe qui a pris ses distances face aux vains renflements, une créativité sans révolte mais posée fermement sur une idée, un ressenti - et qui, sans démonstration, tient toutefois à le faire savoir. Un sommet du disque tient dans la montée chafouine autant qu’insolente de cette petite symphonie bruitiste que devient au fur et à mesure «Les chevaliers qui apparaissent», insinuant son poison noise sans avoir l’air d’y toucher, comme chauffe l’eau de la casserole où va se faire bouillir la grenouille. À sa manière, le titre éponyme avait prévenu, avec ses trrrrsschrrrr et autres déchirements intempestifs - et adroits (Léo Dumont est ses «objets»? Le sax alto d’Antoine Mermet fournit un sacré coup de pouce). «Le fleuve Brison» pulse d’un souffle médiéval - le tambour, le doublement des voix (Camille Durieux, Lucas Hercberg) -, souffle qui se prend des à-coups lysergiques (et progressifs à la Atoll) ponctués de sinusoïdes qui spiralent et d’une envolée au clavier qui transporte, avec une pointe de nostalgie, droit dans la cour du château des Laze. Il nous refait le coup du tambour, mais cette fois le chant est solitaire et l’atmosphère plus brumeuse que moyenâgeuse: «La souvenance d'Achille» déploie sa gaucherie d’albatros dans une humeur incertaine, où la plénitude le dispute au spleen - avec ses arrangements, on pense parfois à la face live d’«Ummagumma», c’est dire. Il y a une intelligence du son chez CHROMB! et j’ignore pourquoi ils y accolent un point d’exclamation.
Auguste
20/07/2020
Airbag
A Day at the Beach
rock progressif – 48’47 – Norvège ‘20
Je m’souviens d’la mer, quand j’étais gamin, de l’odeur des vagues. Je m’souviens des druides, pieds nus sur la dune glacée, invoquant Lug pour le Noïo Hel. Je m’souviens d’un capitaine, de mon admiration écrite restée lettre morte, du bateau qui s’éloigne avec mes rêves d’océans... Je pense aussi à ceux, remplis d’espoir, pour qui cette plage était une promesse mais qui n’y ont trouvé qu’une tombe. «A Day at the Beach» n’est ni un film perdu des Marx Brothers, ni l’ultime relique de Queen, mais bien le dernier opus des Norvégiens d’Airbag. Avouons que le visuel proposé atteint d’emblée son «objectif».
«Back in N.Y.C.», «Wisdom», les basses répétitives font toujours bel effet. «Machines and Men», en première ligne, ne déroge guère à la règle tout en y apportant une fraîche modernité grâce à des motifs électros signés French-Touch. Le morceau me projette illico là où l’oppression monte, où les bottes noires frappent, où le vacarme gris s'épaissit, où l’aurore explose. Là où la liberté vacille. Entre instants d’angoisse entretenus par un bourdon permanent et moments d’action orchestrés de guitares fuzzées, une batterie s’installe bien au fond du temps; le ton est donné. À notre cou prenons nos jambes, fuyons vers les côtes en rêvant d’ailleurs en paix. Exil, me voici seul sur ce rivage, me gardant bien d’être certain de la menace qui m’y amène car la métaphore est subtile pour ce trio d’Oslo. Le peu de paroles qui filtrent me clouent aux yeux le souvenir de ce gamin au t-shirt écarlate baignant silencieux, bercé par les eaux turques,... de ces images qui envahissent les réseaux, dont le terrible gouffre entre calme et horreur vous oblige à regarder encore; anéanti mais sans larmes. Envie que l’on m’emmène loin du réel, vers l’inconnu… l’insolence du titre suivant creuse le fossé des réalités. Arpèges électriques, atmosphères vaporeuses, après quelques minutes j’explore quasi serein les travers référentiels du groupe puis atterris en douceur.
«Sunset», davantage pêchu, accents post-rock, nous parle ensuite du dictat des idées, du confort des croyances, de la pression techno-sociale,... son rythme, plus complexe, nous plonge au cœur de cette confusion moderne qui nous leurre autant qu’elle nous brûle. Il y a décidément une vraie profondeur dans les articulations de ce disque! Le coucher d’soleil se conclut au sommet d’un solo incisif qui enfin s'étrangle d’un long sustain.
Me revoilà en compagnie du môme sans val ni cresson bleu, ce môme qui ne dort pas. Ce môme, même pas soldat, qu’accompagne tel un cardiographe la sinistre répétition d’un piano électrique. Comme une mort programmée, jamais une ambiance floydienne n’aura été si triste. Après avoir écumé les conséquences, Airbag termine avec la cause, aux notes d’un slow dépressif. Presque fataliste…
Un questionnement quant aux inégalités, aux souffrances admises en ce monde serait, en résumé, le propos ultime de cette œuvre. Tolérances d’un peuple maintenu distrait au point d’ignorer ces peluches plantées dans le sable.
Émouvant, beau, intelligent!
Néron
21/07/2020
Hopescure
Nostalgia pt. 1
metal-progressif – 52’04 – France/Luxembourg ‘20
Vous est-il déjà arrivé de mettre sur votre platine un album et de sentir dès les premières notes que quelque chose de grand était en train de se produire? Et bien c’est ce qui s’est passé pour moi lorsque j’ai posé une oreille sur ce premier album de la formation franco-luxembourgeoise hopeScure ! Quelle claque! Éblouissant, efficace, intelligent, riche, un formidable album de metal prog plein d’énergie, de fluidité, d’inspiration, et qui, en plus, est des plus accessibles. Ce qui est loin d’être toujours le cas des formations du genre. Hopescure joue directement dans la cour des grands. Je retrouve dans ce premier album l’énergie et le talent présents dans le premier Dream Theater. L’école Threshold, Vanden plas, Symphony X, vient de diplômer un nouvel élève, et il est brillant!
Rien à jeter dans cet album, il est presque parfait (en fait… il est parfait, mais faut pas leur dire), et la voix grave et aiguë, voire «opératique», est à tomber.
Difficile de croire qu’il s’agit du premier album, c’est tellement pro et parfaitement exécuté...
Un album réussi, achetez-le!
Tiro
22/07/2020
Arabs in Aspic
Madness and Magic
rock progressif – 46’23 – Norvège ‘20
Formé en 1997 et actif dès 2002, le groupe Arabs in Aspic s’intéresse d’abord au heavy rock et se dit influencé par Black Sabbath et King Crimson époque John Wetton. On le catalogue le plus souvent dans le genre stoner, psyché sixties ou heavy seventies. À l’écoute du présent album on se demande s’il s’agit du même groupe. Les instruments qui prédominent font plutôt penser à un Genesis de la première époque. Je pense à «Nursery Cryme», «Trespass» ou encore «Foxtrot». Mais ce sont des fantômes subliminaux qui évoluent dans un paysage coloré d’orgue Hammond dialoguant avec une guitare virevoltante qui glisse de solo en arabesques subtiles, le tout délicatement enluminé par une flûte pastorale et des scintillements de synthé diffusés en doses homéopathiques. Un rien d’emphase aussi, une touche de symphonisme ponctuant à bon escient ces tranches de cake qui n’auront de cesse de combler notre «prog-gourmandise». Quelques passages plus proches de la pop rock, mélodies plus faciles et plus accessibles à l’auditeur lambda qui se retrouvera cependant bien vite surpris par des remontées puissantes de claviers. Et le tout est emballé sous un graphisme magique d’inspiration féerique né de la main de Julia Proszowska Lund. On le voit, ils ont pris de solides distances par rapport à leurs premiers maîtres à penser. La longue plage qui clôture l’album renoue une fois de plus, très légèrement, avec le «Foxtrot» de Genesis, avant de donner la part belle aux claviers et de terminer curieusement le voyage par des séquences électroniques que l’on croirait empruntées à Heldon. Personnellement j’en redemande.
Clavius Reticulus
23/07/2020
The Emerald Dawn
Nocturne
rock progressif – 51’16 – Angleterre ‘19
Troisième album de ce groupe anglais The Emerald Dawn qui s’émancipe aujourd'hui du créneau néo-prog pour titiller le classic-prog.
Une mini-intro pour planter le décor, puis l'entrée en matière avec un des quatre longs titres qui constituent l'œuvre. Impression mitigée, c'est touffu, un peu confus, lourd, mais c’est symphonique, avec une belle promesse de climats mystérieux.
Du prog typé 70’s, essentiellement instrumental, obéissant à la règle du duel claviers/guitare. Un échange perpétuel qui nous entraîne à n'en plus finir dans ce qu'il faut parfois considérer comme une impasse. La trame mélodique est donc tenue pas une suite de cycles claviéristiques distillant une atmosphère imposante sur laquelle le guitariste se fend d'interminables solos.
Une musique qui pourrait très bien être la base d'une bande originale de film. D'ailleurs, alors qu'on croyait l'album instrumental, arrive «In the Dead of the Night», et son côté James Bond, où la voix lancinante de Tree Stewart répète à l'envi la ligne mélodique. Un morceau qui donne les premiers frissons de l'album, et l'apport du saxophone est une merveilleuse trouvaille. Moment trop fugace que la suite gomme en nous remettant une couche du duel récurrent claviers/guitare. Néanmoins notons une belle ambiance générale, étrange, (les claviers toujours), qui rappelle quelques groupes de prog italiens ténébreux du label Black Widow. Ce morceau place l’album à un niveau supérieur.
Le dernier titre, «The Child Within», (avoisinant les 20 minutes), et qui est sans doute considéré comme la pièce maîtresse de l'album, évolue sur le canevas emprunté par le groupe dès l'entame des hostilités. Ce sera donc gros claviers, guitare par-dessus, rythmique lente, et la voix de la désormais James Bond girl. 20 minutes c'est long, alors quelques surprises? Oui, un peu: changement d'ambiance, de rythme, mais pas vraiment de quoi sauter au plafond. Cette fois encore, à l'instar du titre précédent, on se sent entraîné dans un maelström envoûtant. Ça n'est pas si mal.
En résumé: un album nanti d'ambiances progressives mystérieuses très réussies, mais respectant un schéma stylistique trop étriqué dans lequel on s'enlise parfois comme dans des sables mouvants.
Centurion
24/07/2020
Melting Clock
Destinazioni
rock progressif – 61’16 – Italie ‘19
Premier album pour Melting Clock, ce groupe créé à Gênes en 2001 a (presque fatalement) déjà connu quelques changements dans sa composition. Aux quatre membres originaux, Sandro Amadei (claviers et chant), Stefano Amadei (guitares), Alessandro Bosca (basse) et Francesco Fiorito (batterie), se sont adjoints Simone Caffè (guitare) et Emanuela Vedana (chant). Encore un groupe à chanteuse, me direz-vous. Oui et non, car, contrairement à nombre de ses comparses, Emanuela ne fait pas dans la surenchère en poussant sa voix outre mesure. Au contraire, son chant, medium, se montre parfois caressant et sensuel et ce dès le premier titre, «Caleidoscopio». Mais les instrumentistes nous font, eux, découvrir toute l’étendue de leur talent. Le côté presque bluesy de «Banalmente» n’est pas pour me déplaire. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit: ce titre n’est pas un blues, loin de là, mais l’ambiance qui s’en dégage… Roulement de tambour aussitôt suivi de magnifiques arpèges à la guitare «classique» en nylon, «Vetro» nous change d’atmosphère. Pour ma part, je me sens pousser des ailes et je flotte au-dessus des vicissitudes de la vie de tous les jours, malgré des passages moins aériens. Guitare acoustique, piano, «Strade Afollate» nous invitent au coin du feu. Le chant d’Emanuela se fait plus grave. «L’Occhio Dello Sciacallo» et voici tous les charmes de l’Italie qui se dévoilent à nos oreilles pour cette courte ballade. Comme sur d’autres titres, «Antares» permet à la belle de se faire accompagner d’une belle voix masculine. Deux beaux morceaux s’égrènent avant de tomber sur la plage donnant son nom à cet album et c’est parti pour pratiquement un quart d’heure d’une musique sachant se faire plus musclée sans pour autant perdre ses délicatesses. Une œuvre que je vous recommande chaudement pour ses qualités intrinsèques.
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
25/07/2020
Lolomis
Red Sonja
ethnique expérimental – 40’19 – France ‘20
3e album pour les Strasbourgeois de Lolomis que j’ai eu le plaisir d’écouter en concert à Carnières en 2016. Ce quatuor est formé de Stélios Lazarou (flûtes, synthés), d’Elodie Messmer (harpe, synthés), de Romane Claudel Ferragui (chant, FX) et de Louis Delignon (percussions, électroniques). Red Sonja (Sonya la Rouge) est une héroïne de science-fiction des années 1930, ensuite, dans les années 1970, Marvel a transposé en illustration cette guerrière vêtue d’un bikini en cotte de maille. C’est donc le point de départ de cet album qui compte mettre à l’honneur la vie des femmes. Une nouvelle fois, Lolomis va chercher son souffle créateur dans des langues qui leur vont si bien. Ici, on retrouve (entre autres) du finnois, du bulgare, du macédonien, du géorgien… L’album débute par «Hilijalleen» (issu de leva Polkka), au joli son de la flûte de Stélios et à la voix suave de Romane qui donneraient bien envie de danser la polka à pieds nus. On passe à un rythme tribal sur «Läsnä lämmitelle», rendu par le beau travail des percus de Louis. On se laisse aller tout en douceur (et quel bonheur!) sur «Opa» avec un chant éthéré, voire hypnotisant. On admire tout le talent d’Elodie sur «Hyrkania» et surtout sur «Outro» où tout est en finesse et subtilité. Sans avoir lu les paroles de «Koga Oro Zaigra», où la musique avance lentement, je pensais à une sorte de cortège funéraire, mais il n’en n’est rien puisqu’il s’agit au contraire d’une ode à la naissance. Sur ce titre, Romane capable de chanter sur tous les registres, tient deux voix, l’une grave, l’autre aiguë, et se termine par la voix d’une fée, amenée à la harpe, qui vient bercer l’enfant. Place aux couleurs chaudes de la savane et estivales des plages de palmiers avec «Idam» (voir le lien youtube en commentaire); il y a du soleil, des flûtes virevoltantes, des «ouap!» et des percus qui donnent envie de danser. «Pusta» est un titre plus expérimental. Sans comprendre le texte de «Morena», mais par la voix pleurante, on ressent une histoire triste. Pour connaître cette histoire, ainsi que toutes les autres histoires de femmes évoquées dans cette chronique, c’est simple, il vous suffit de vous procurer ce très agréable album (voyez ma cote!), vous y trouverez tous les éléments en français.
La Louve
Album non disponible sur bandcamp
26/07/2020
Mother Turtle
Three Sides To Every Story
rock progressif heavy – 38’30 – Grèce ’19
Mother Turtle a placé trois titres, si pas révolutionnaires, plutôt exigeants et charpentés, sur ce quatrième album depuis sa formation, à Thessalonique en 2011. Le plus court (près de 7 minutes quand même) se la joue assez Heavy, pour conclure par un conseil adressé à l’auditeur sur le ton de la confidence assurée, un peu à la manière dont Ian Anderson nous narrait l'histoire de ce lièvre qui avait perdu ses lunettes dans «A Passion Play» - sauf qu’ici, il s’agit plus de féliciter celui qui écoute cette «musique bizarre» et de l’encourager à persévérer jusqu’au bout de l’album. Ce que je fais - j’aime les positive strokes. «Notwatch» déroule durant son quart d’heure une construction étonnante toute en entrelacements ininterrompus, passant d’un léger Funk à la wah-wah (l’intro) au Hard Rock (le final) avec une aisance rare. Le trio - Kostas Konstantinidis (guitares, guitare synthé, claviers et voix), George Baltas (batterie et voix) et George Filopelou (basse et voix) - va un pas plus loin, dans la même direction, avec «A Christmas Postcard From Kim» (un peu plus de 15 minutes): d’abord Heavy, opératique à plusieurs reprises - la rencontre de Carl Orff et Klaus Nomi -, le morceau offre quelques respirations parsemées d’étrangetés et ferme un album qui demande à être entendu.
Auguste
27/07/2020
Glass Hammer
Dreaming City
rock progressif – 62’14 – USA ‘20
Superbe, intelligent, sophistiqué, délicat et accrocheur sont les qualificatifs qui me viennent à l’esprit à l’écoute de ce 19e album de la formation américaine. Glass Hammer semble ici s’être affranchi de ses influences Yes pour nous proposer un album conceptuel, plus brut, plus rock, dont les sources sont à chercher du côté de Rush, voire de Kansas… Écoutez donc «The Watchman of the Walls» et «Cold Star», ça illustrera mes propos. La variété de l’œuvre tient aussi au partage du chant entre Reese Boyd, John Beagley et Susie Bogdanowicz dont la prestation, et c’est un regret personnel, est trop en retrait par rapport aux albums précédents.
Dès l’attaque de l’album, et du titre qui ouvre celui-ci, le ton est donné. «The Dreaming City» est heavy, puissant et assez nouveau pour le groupe. Une densité qui ne nous quitte pas durant les 63 minutes de ce nouvel opus. Autre surprise… un son qui par moments sur certains passages flirte avec l’électronique, ce qui donne un coté vintage qui ravira les fans de sonorités 80’s.
Cet album est donc plus hard, moins symphonique, mais, rassurez-vous, il ne fait nullement l’impasse sur les mélodies. La formation de Chattanooga a simplement choisi d’évoluer vers un rock orienté classique rock dont les Américains sont friands.
Glass Hammer reste pour moi une valeur sûre et qui, après plusieurs décennies, a encore beaucoup de choses à partager!
Un des albums majeurs de cette année, ni plus ni moins.
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
28/07/2020
The Enid
«U» (Self-released)
musique symphonique – 41’30 – UK ‘19
Moi qui pensais liberté acquise, j'eus mieux fait d’n’avoir point l’arrogance de penser. Voilà qu’en mars, au lieu de veaux, tomba des cieux ce fléau; moins mortel qu’une peste, plus sauvage qu’une grippe. Pire, cette malédiction mettait en péril nos citoyens fragilisés et ce fut donc, bien obligées, que nos huiles “arrêtèrent le temps” en décidant de confiner la population romaine jusqu’à nouvel ordre. Si Dioscoride s'arrachait la barbe en quête d’un remède, je sombrais solitaire dans un ennui aussi profond qu’le tonneau jamais rempli des Danaïdes. Bien heureusement, arriva un coursier masqué déposant sur mon seuil une missive du Dux Bellorum. Comme je l’en avais prié, il m’avait déniché le dernier opus de The Enid! Grande était ma joie. L’homme est un animal social, alors en l’absence de société... la musique est un merveilleux cordon reliant les âmes.
Quand j’suis en amour, ma plume a fâcheuse tendance à se disperser; quel beau phœnix que cette formation dont l’histoire baigne dans un indubitable chaos. Entropie qui faillit souvent leur être fatale et dont je ne résumerai pas maintenant les épisodes. Que dire alors de ce «U»? Que dire d’un chef-d’œuvre? Si l’idée originale était destinée à alimenter un projet solo de Robert John Godfrey, la prime étincelle alluma rapidement l’horizon, mit le feu à l’espace. Nous voici projetés «In The Region of The Winter Star», titre qui fait merveilleusement écho au premier album du groupe. Regard rétrospectif sur un parcours riche et atypique, regard bouffé d’angoisse ou saturé d’oxygène, anxieux ou épanouis, inquiet ou contemplatif... regard qui questionne. Ce «U» m’a ému.
Peut-on qualifier pareille pépite de «Rock’n Roll», est-on plutôt en présence d’une pièce classique intégrant subtilement les apprêts du genre? Je ne saurais le dire.
Et aux réquisitoires des blasés plaidant fort que l’on ampute d’un astre ce joyaux pour «un certain manque de modernité», j’affirme que son intensité autant que sa maîtrise lui confère une aura extraordinaire, propre à l’extraire du temps ainsi que des dérisoires tiroirs où s’empoussièrent les dogmes du son. C’est un coffre ici caché, un trésor!
À de sublimes moments saucés Maurice Jarre succède un final plus grandiose qu’un arbalétrier de Rossini, à de dantesques orchestrations s’ensuivent d’aériennes utopies, à l’impression d’un générique amerloque explose une «BO» tonitruante digne du dernier blockbuster, à un Franz Lehár qui s’éparpille en quatre temps rétorque un percussif appel, à la douceur, à la tendresse... avec, pour nous extraire de ce dédale contrasté, le fil rassurant d’une guitare moelleuse. Ce son typique, tel un éloquent narrateur que l’on a envie de suivre jusqu’au dénouement.
Un cri du cœur toutefois: «Aaah, que cela mériterait davantage de moyens afin que l’enregistrement rende parfaitement justice à toute cette beauté!» Malgré une auto-production satisfaisante, les nuances de ce bijou eurent pu être sublimées...
Somptueux Janus, The Enid contemple satisfait les étoiles d’un été dont la lumière enfin nous parvient, tout en souriant à l’hiver avec l’insolence du désir.
Néron
Album non disponible sur bandcamp
29/07/2020
Surya Kris Peters
O Jardim Sagrado
électro psyché/Ethereal ambient ethnique – 36’37 – Allemagne ‘20
Un départ qui nous ramène à Pink Floyd époque psyché côté «Careful with that Axe Eugene» ou «The Piper at the Gates of Dawn»; mélodies qui bercent gentiment, en éclaireurs de fragrances synthétiques à l’inspiration ethnique le plus souvent orientale et indienne fondues en séquenceurs syncopés. Ambiances feutrées et cosmiques à la fois, propices à la méditation («O Jardim Sagrado»), réveil en sursaut au son d’une guitare frippienne, une pincée, pour un boléro céleste. «Saudade» parle de lui même de par son énoncé, mood afro cubain mais répétitif avec claviers «violoniques» en sus, coloration mellotronique. La plage éponyme fait intervenir des voix par le biais d’un velours mystique féminin. Rythme accéléré au bout de cinq minutes d’intro planante. Incantatoire. Métaphysique. Un final tout en douceur au son de l’orgue qui m’a rappelé Vanilla Fudge dans son opus «Renaissance». Surya Kris Peters nous promène dans ses mondes orientalisants, voyage initiatique qui fleure bon le psychédélisme mâtiné d’électronique en nappe de sucre glacé. Tout en douceur. Chœurs de synthèse et instruments accorts, à cordes pardon, effets cristallins ponctuels et rythmes syncopés. Un album qui envoûte au terme de plusieurs écoutes, nous happe dans sa sphère événementielle et nous flagelle de riffs de guitare inattendus au détour d’un solo qui s’étire comme une brume sur l’horizon d’un soleil couchant fait de claviers arcs-en-ciel aux mouvances indiennes. Jardin sacré, oui. Jardin d’Eden, peut-être aussi. On repasse le portail d’autres mondes insoupçonnés. Soies mélodiques qui glissent entre marteau, triangle et enclume. Parfums d’ailleurs. Céleste Félicité.
Clavius Reticulus
30/07/2020
Lunear
Curve.Axis.Symmetry
rock progressif – 51’52 – France ‘20
Lunear est un nouveau groupe français qui a déjà réalisé un premier album en 2018 («Many miles away»). Jean-Philippe Benadjer (guitares, basse, voix, mixage), Sébastien Bournier (batterie, voix, paroles, guitares additionnelles) et Paul J.No (claviers, chant, guitares additionnelles) accompagné de Kora (voix «parlée») sont les musiciens de cette formation. No et Bournier se connaissent depuis vingt ans. Ils jouent ensemble depuis longtemps et, pour accéder à un niveau supérieur, l’adjonction d’un troisième larron s’avérait nécessaire. Ce fut alors l’entrée en scène de Benadjer, le musicien idoine pour asseoir un véritable trio qui sait jouer de tout. Je ne voudrais pas vous refaire le coup de Porcupine Tree mais il y en a incontestablement; nous sommes en 2020 et Lunear ne me fera pas croire qu’ils n’en ont pas écouté un peu trop (comme beaucoup d’entre nous d’ailleurs). Ce n’est pas une critique, au contraire, c’est même une valeur ajoutée pour un album qui démarre avec un «Lemniscate - First Death» de belle facture, celle qu’on paye sur tranche! La France a d’incroyables talents, surtout en matière de rock progressif et assimilé. Le chant est clair, le timbre lumineux et emporte ce premier titre vers une indicible envie d’en écouter plus, grosse impression pour un titre qui finit par un piano triste et solennel. Intro «rushienne» pour «Same player. Shoot again» (vieille expression de flipper que les jeunes ne connaissent pas) et un petit air de Muse s’empare de la piste, les Lunear men sont des jeunes gens modernes! Un clavier étonnant s’empare du refrain pour quelque chose de rarement entendu ou de réellement neuf pour l’oreille. Classe… «Nothing left to do - A passage of time» est une rengaine acoustique que n’aurait pas renié un certain Anthony Phillips s’alanguissant vers une plage de claviers sereins à la… Moody Blues. «The rise and fall of Earth», une ballade «caliente» au goût de soleil, de cocktail et de sable fin, même si je doute que le sujet soit propice à ce type d’image. Plus electro, «Earth’s population one - Earth’s end» débloque un synthé 80’s avant de s’envoler vers des terres reconnaissables, celles d’un progressif plus classique, toujours le chant en anglais et un sens de la mélodie qui fait tournoyer joliment ce morceau pour un grand moment de plaisir et cette sensation fugace d’écouter un Genesis «And then there we‘re three» au milieu de la piste, encore un peu de magie ancienne s’écoulant dans un modernisme inévitable. Long de ses 8 min, ce titre est l’un des plus beaux de l’album, à se réécouter en boucle. Pour parvenir à «Adrift», on a déjà bien apprécié ce second album de Lunear, devenu valeur sûre en deux rondelles. Ce morceau s’écoule dans un psychédélisme contrefait avec une adresse remarquable qui, encore une fois, désolé, me rappelle les bons moments de l’Arbre Porc-épic. Justement achalandé de claviers arrondis sur une guitare évasive et évadée du pays des songes éveillés, «Adrift» est une petite perle qui brille un peu trop pour un jeune groupe français (hommage déguisé!). «From it’s sky» vient se glisser derrière «Adrift», naturellement, comme un prolongement; il faut bien dire que le chant est d’une justesse magnifique. On dirait de vieux briscards de la scène anglaise! Des Français qui ne font pas du sous-Ange mais restent prog’ dans l’âme et la façon de faire. De plus la production et/ou le mixage sont de qualité. Pas besoin de s’y connaître pour l’entendre. Ça saute aux tympans. Une richesse mélodique et même mélodieuse nimbe l’opus 2 de Lunear d’une gangue de soie féerique. Les guitares font planer comme sur un bon vieux Camel. Latimer sors de ce corps des fois, non mais! «Forever - First death (Epilogue)» et oui, faut bien que ça se finisse hélas. Lunear mérite le respect et l’allégeance pour ce second album qui devrait garnir toute discothèque de goût. Je suis comme un ravi de la crèche devant ce «Curve.Axis.Symmetry», suite harmonieuse et ordonnée, un concept album construit autour de deux parties, avant et après la fin. L’histoire d’un être humain, quasi immortel, est-ce pour autant une solution? La nôtre sera moins prise de tête, Lunear vient d’entrer dans un cercle fermé, celui des artisans de génie, des fabricants de beauté musicale, des groupes à connaître! Amen…
Commode
31/07/2020
Black Painted Moon
Personæ
metal progressif – 62’26 – Italie ‘20
Premier album pour nos amis italiens de Black Painted Moon pourtant actifs depuis 2010. Il y a un peu de tout dans ce premier opus. Quelques titres font la part belle au metal prog classique avec une grosse batterie et riffs de guitare poussée. Plusieurs chansons montrent toutes les capacités vocales de Wafa el Abbassi. Elle a un magnifique timbre de voix, très doux, qui suit parfaitement avec les plages plus calmes du groupe, notamment sur le titre «Selfish Friend». Ils proposent aussi un metal prog plus technique avec «Defaced Reality» où, non seulement le chant continue de nous envoûter, mais Carlo Lugnan, le guitariste du groupe, y étale tout son talent. Son jeu paraît d’une aisance, d’une simplicité déconcertante. Les notes défilent avec une fluidité digne des plus grands.
«Drown into You» dévoile ensuite leur prog plus technique avec une présence plus accrue de divers synthés. Je les trouve beaucoup plus inspirés dans leur partie prog que metal-prog où justement les compositions sont plus banales. Attention, il ne s'agit pas ici du prog italien style années 70 à la PFM, La mascera di cera ou Mangala Valis, ils ont un style plus anglo-saxon.
Quelques compositions valent vraiment le détour, tant au niveau de la construction que de l’émotionnel qui passent très bien. Dans l’ensemble, pour un premier opus, je trouve personnellement «Personæ» réussi. On ne s’ennuie pas une minute pendant l’heure que dure cet album grâce à la diversité des compositions. Ils prennent bien le temps de mettre en place l’atmosphère, car en général les chansons frôlent les dix minutes, et ce sans que cela semble trop long ou redondant. Un petit bémol en ce qui concerne le mixage où je trouve la batterie trop présente, mais pour une autoproduction c’est plus qu’audible. Espérons que le prochain opus ne mette pas 10 ans à venir.
Vespasien