Septembre 2020
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01/09/2020
Plus 33
Open Window
rock progressif – 55’13 – France/Angleterre ‘20
Plus 33 (Plus33music) est un nouveau groupe instrumental fondé par Didier Grillot et formé de musiciens de Strasbourg et de Newcastle. Oui, un peu comme Drifting Sun, voici une autre formation franco-anglaise dans le panorama progressif. Didier Grillot est en effet le seul ‘Frenchy’ de la bande, accompagné de Lloyd Wright aux guitares, Paul Susan à la basse, Dave Wilde au saxophone et à la flûte, et Adam Sinclair à la batterie. Ce premier album, «Open Window», réussit la gageure d’entremêler rock progressif, jazz et influences classiques pour un retour, non pas aux sources, mais à une certaine époque où il était de bon ton de créer du jazz-rock. Plus 33 a découpé son album en quatre parties bien connues de tous: l’eau, la terre, le feu et l’air et un épilogue pour conclure le tout.
Quel plaisir, quel bonheur de retrouver un progressif de cette qualité qui propose le voyage; en cela les thèmes utilisés vont de pair avec une véritable invitation à la rêverie. Le piano et les claviers en général sont les grands pourvoyeurs de promenades immobiles dans ce disque et on s’habitue assez facilement au fait qu’il n’y ait pas de chanteur(euse). C’est vrai qu’on attend sur certaines mélodies que le chant démarre mais, pour un nouveau groupe, on obtient déjà une belle qualité de sons et surtout de musiques qui ne sont pas sans rappeler certaines dérives à la Tangerine Dream («Water V-Contemplation» par exemple est une petite merveille). La section «Water» est d’ailleurs plus axée sur le côté planant de la musique de Plus 33. «Earth» va changer de direction en incluant un saxophone d’entrée; la musique se veut plus sautillante, on sent un certain jazz soft se joindre en douceur à la partie. Les claviers sont menés de doigts de maître et pour cause, Didier Grillot en jouait déjà au sein d’Outside sur deux albums, «Outside» de 97 et «Freedom» de 2002 où, il est vrai, il ne pouvait pas s’exprimer de la même façon, Plus 33 rappelant plus souvent Clearlight pour la ‘zénitude’ qui se dégage de chaque morceau. Au gré de l’écoute, je me pose une question saugrenue que seul un ‘critic’ peut se poser… Et si le Floyd ou le Dream s’était mis à ne plus faire qu’une certaine forme de jazz très harmonieux, très smooth, sans renier leur passé musical tout en apportant un zeste de musique classique mais en gardant les instruments traditionnels? Toute proportion gardée, on aurait eu un genre de Plus 33, tout simplement! Il faut attendre le premier titre de «Fire» pour avoir un roulement de batterie, c’est vous dire si ce band anglo-alsacien œuvre à la plénitude pour une musique qui s’écoute sans fin. Je m’explique: voici plus de 55 min de prog’ soft qui peut tourner en boucle tant il évoquera tout ce que votre imagination ou votre mémoire en feront, la bande originale d’un cerveau en roue libre. Attention, aucune mièvrerie dans cet «Open Window», que de vrais moments apaisés d’introspection car la musique est au top du style qu’elle propose. L’épilogue à lui seul, ce piano qui semble s’en aller au loin, sur la grève, le long de la falaise… Vous voyez, j’ai laissé mon imaginaire divaguer au gré des notes! Bref, merci Plus 33 pour ce merveilleux moment de rêverie musicale emmené par un vrai talent de composition et d’interprétation. Quand tout semble si simple et si beau, de grands musiciens sont cachés derrière…
Commode
https://plus33.bandcamp.com/album/open-window
02/09/2020
Deep Purple
Whoosh!
hard rock – 51’29 – UK ‘20
Du haut de ses 74 balais, Ian Gillan n’est pas près de s’arrêter. Suivant ses propres dires, il a «encore quelques trucs à exprimer». On s’en réjouira! Oui, parce que si vous avez aimé «Infinite», il y a trois ans déjà, vous pouvez plonger sur celui-ci les yeux fermés. Grands moments à la pelle! «Nothing at all» et son solo d’Hammond, la mélodie accrocheuse qui tue et déjà ici on se prend à regretter qu’aucune des plages de cet album ne dépasse les 5 minutes ou si peu. Ce son d’orgue qui est en quelque sorte leur signature, vous allez en profiter à satiété. Pareil pour les solos et les riffs de guitare toujours aussi tueurs, filigranés dans des dentelles de piano vitaminé. Des moments très prog, aussi, comme cet excellent «Step by Step». Clin d’œil «classique» dans son jeu de claviers. Puis l’acte 2 et son «What the What» coloré Elton John pour le son piano rock ‘n roll (oui oui!), directement sublimé par la six cordes déferlante de Steve Morse. «The Power of the Moon» prolonge l’incursion dans le prog rock avec ses effets vocaux, sa guitare aérienne et sa touche de synthé discret complété par l’omniprésent Hammond «hyperactif». Coup de cœur pour «Man Alive», morceau sublime qui confirme que Deep Purple n’est pas qu’un groupe de hard rock. Une ambiance de rêve où alternent l’énergie des riffs et les instants atmosphériques. «Whoosh!» est proposé sous diverses combinaisons (LP+ DVD + Blu-ray ou simplement le CD + DVD ou encore CD tout seul); à vous de choisir. Perso, j’ai choisi le combi CD + DVD qui offre entre autres leur participation au Hellfest de 2017, histoire de prolonger le plaisir dans les meilleures conditions. Croyez-moi, ce n’est pas du remplissage commercial!
Clavius Reticulus
Album non disponible sur bandcamp
03/09/2020
M-Opus
Origins
rock progressif/néo progresif – 137’26 – Irlande '19
Attention, concept album! Plantons tout d’abord le décor. M-opus est un trio irlandais qui produit ici son deuxième album. Le premier, «1975 Triptych», sorti en 2014, semble avoir reçu un accueil favorable de la critique. Jonathan Casey, le leader du groupe (défini sur leur site comme «fictionnel»), explique avoir voulu composer des albums se focalisant sur des histoires fortes, avec une musique ancrée clairement dans les 70’s, ces albums s’accrochant eux-mêmes à une date précise et dans un ordre non-chronologique. Cet album «prend donc ses racines» en 1978. Vous suivez toujours? Concept album donc. J’exprimais mes réserves quant à la démarche d’un concept album à l’occasion de ma critique du dernier Knight Area, «D-Day». Je n’y reviendrai donc pas. Ici, l’histoire se déroule en 2187. Dans un contexte d’établissement de colonies sur la Lune et Mars, un groupe de scientifiques dans un laboratoire fait la découverte d’une source infinie d’énergie. Leurs expérimentations attirent l’attention et, de là, le reste de l’histoire se déroule pendant plus de deux heures. Ha oui, l’album est double et fait effectivement plus de deux heures de musique. Pour compléter le tout, un livret de 39 pages est en download gratuit sur le site du groupe pour suivre l’histoire; il reprend les paroles des chansons ainsi que tous les dialogues. Et la musique là-dedans? C’est là que le bât blesse! Musicalement, les compositions sont rarement excitantes. Stylistiquement, cela part un peu dans tous les sens, sans véritable cohérence, un peu comme si le groupe avait voulu jouer l’éclectisme à outrance. Là où ça fonctionne pour certains groupes, cela donne plus ici l’impression que le groupe a voulu caser toutes ses idées et leur donner une cohérence a posteriori. Au fil des écoutes, on pense parfois à Rush, parfois à Oasis, parfois à Steely Dan, parfois à Kansas, parfois à Pink Floyd, parfois à du blues; bref un grand patchwork dont on a du mal à comprendre le fil conducteur. Il y a çà et là de magnifiques mélodies («Mr McKee» ou «Krown on the Coastline», par exemple), mais les morceaux sont souvent courts, peu développés et, de plus, interrompus par des dialogues qui se révèlent souvent trop envahissants et qui exigent de suivre l’album avec le livret si on veut en saisir toute la substance. Il faut attendre le dernier morceau, «Infinite Within», pour avoir une longue plage de plus de 23 minutes qui donne enfin à l’histoire le souffle qu’elle aurait dû avoir tout au long de l’album. En clair, l’album aurait fortement gagné en puissance en faisant moitié moins de temps et avec une sélection plus exigeante des morceaux dans un plus grand souci de cohérence. Une curiosité à découvrir donc, mais un coup dans l’eau en ce qui me concerne.
Amelius
https://m-opus.bandcamp.com/releases
04/09/2020
Asgard
Ragnarøkkr
rock progressif/metal symphonique – 61’20 – Italie ‘20
Il aura fallu attendre 20 ans pour que l’inespéré «Ragnarøkkr», le sixième album d’Asgard, voie le jour. Mais, mis à part les fidèles parmi les fidèles, qui se souvient de ce groupe un peu mythique de la scène néo-progressive des années 90 et dont la carrière débuta avec «Gotterdammerung» en 1991? Pourtant, de sa première trilogie très progressive, qui se clôtura avec l’exceptionnel «Arkana» en 1992, il faut se souvenir d’un groupe qui avait su prendre à pleines dents le mouvement néo-progressif en le dopant d’une pointe de métal trempée dans le chaudron du médiévalisme et gorgée d’emphases aussi symphoniques, grandiloquentes que mystérieuses. «Arkana» demeurera une des merveilles de la deuxième vague progressive, celle des années 90.
Ensuite le groupe rejoint le mouvement du heavy-progressif avec, en 1993, le très réussi «Imago Mundi». Album presque funeste car il voit son extraordinaire chanteur Francesco Grosso y exécuter son chant du cygne avant de quitter définitivement la formation.
De galère en galère, Asgard tente désespérément de trouver un successeur à l’incroyable Grosso et, sept ans plus tard, apparaît aux forceps l’assez médiocre «Drachenblut» qui souffre notamment d’un chanteur pas vraiment à la hauteur et de compositions qui ont bien la couleur d’Asgard mais pas vraiment le goût.
Si cet album de 2000 avait déjà connu une sérieuse refonte du personnel, le phénomène s’est à présent accentué avec l’inespéré «Ragnarøkkr», qui, 20 ans plus tard, ressuscite l’extraordinaire combo italien. Du groupe originel ne subsiste que le claviériste Alberto Ambrosi qui, cette fois, s’est entouré d’une toute nouvelle équipe: Andrea Gottoli aux guitares, Kikko Rebeschini Sambugaro à la batterie, Paolo Scandolo à la basse. Et au chant, qui? Le retour de Francesco Grosso? On pourrait le croire tant la voix du nouveau chanteur est similaire. Mais non, la perle rare s’appelle Franco Violo (ancien chanteur d’Helreidh et de Faveravola) et qui, un temps, avait déjà remplacé Grosso après «Imago Mundi» mais sans avoir pu graver son empreinte vocale sur un enregistrement. Il fait ici merveille, il est comme l’incarnation de Grosso; toute la puissance, tout le charisme du chanteur mythique sont à nouveau présents, et tout redécolle. C’est comme des fils qui se touchent à nouveau, l’étincelle qui ressuscite le groupe laissé pour mort.
Musicalement ce nouvel opus se situe dans la mouvance d’un «Imago Mundi»; la même frénésie vitaminée mais c’est plus ambitieux et plus progressif. Du metal très progressif et vintage duquel le symphonisme, ou les inflexions médiévales, viennent s’immiscer entre les ornières pour réaffirmer une identité musicale qui donne l’impression d’être portée fièrement comme un étendard indestructible. Violo et son chant en anglais – et parfois en allemand comme pour nous rappeler les origines germaniques de ce groupe italien qui vivait en partie là-bas – se pose avec emphase pour sublimer les ambiances. Parlons des instrumentistes avec Andrea Gottoli à la guitare qui équilibre ses riffs couillus avec des parties solistes donnant de la brillance et de l’émotion aux compositions. Avec les claviers d’Alberto Ambrosi, ils sont étincelants, avec matière et substance quand ils sont en retrait, avec éclat alors qu’ils sont à l’avant-plan. Avec un batteur à la frappe lourde comme pour affirmer un retour implacable. Avec un nouveau bassiste qui arrive à faire oublier Chris Bianchi d’Espinoza.
Un album implacable, riche et sans temps morts; comme un bloc solide, dense et aéré par quelques respirations rafraîchissantes. Une épopée contée avec grandiloquence jusqu’à l’outrance. Tellement pompeuse, tellement exagérée, tellement magnifiée… Oui c’est du hard progressif symphonique exalté, du VRAI!!!, comme on n’en fait plus.
Asgard est redevenu magique, il signe un retour fracassant!
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
05/09/2020
Karkara
Crystal Gazer
psyché/stoner – 41’38 – France ‘19
KARKARA est un trio toulousain né en 2017, composé de Karim R. à la guitare, au didgeridoo et au chant, de Hugo O. à la basse et de Maxime M. à la batterie et au chant. «Crystal Gazer» est leur premier album et mélange allégrement l’univers garage (empli de fuzz en veux-tu en voilà) aux sonorités orientales, avec quelques accointances krautrock. Dès l’intro de «Proxima Centauri», le didgeridoo nous accueille afin de nous délivrer un psyché/stoner pas piqué des hannetons. Les changements de rythme et/ou d’ambiance ne doivent pas vous décontenancer, c’est là l’ADN de Karkara. Les sons orientaux se mêlent discrètement à des distorsions vrombissantes, notamment dans «The Way». Le tempo se fait moins endiablé sur «Camel Rider» avec toujours ses riffs répétitifs et entêtants à la guitare et ses cris que j’oserais qualifier d’Apaches. Les sonorités hindoues sont l’apanage du très court «Into Orchard» qui sert d’introduction à la magnifique plage titulaire dont le minutage est nettement plus important. «Zarathoustra» débute par une guitare dont les accords font irrémédiablement penser à une cithare, pour se poursuivre sous un chant incantatoire du plus bel effet. Afin de quitter nos amis sur de bonnes notes, la cadence s’accélère, mais toujours dans des ambiances terriblement orientales sur «Jedid». Voici donc un projet des plus intéressants à se mettre sous la dent dans un registre finalement pas si courant!
Tibère
https://karkara.bandcamp.com/
06/09/2020
Marie Byrd Land Band
Lost Lands
rock psychédélique / Lo-fi – 39’11 – Italie ’19
C’est avec une distanciation ironique que le groupe italien a choisi son nom: la "Marie Byrd Land" (la Terre Marie Byrd), région de l’ouest de l’Antarctique, est un de ces rares territoires qui n’intéressent personne, au point qu’aucun pays ne la revendique et que personne n’y habite. La chronique de «Lost Lands» pourrait-elle alors agir comme une promotion, du groupe comme de la terre, une contribution à la reconnaissance, écologique ou musicale? Pas sûr. Dix morceaux, écrits, enregistrés et mixés "à la maison", se succèdent sur ce cinquième album (depuis 2014), parfois agréables (enfin, si l’on accepte le format chanson de bal de «Endless Planet») mais manquant souvent de relief – ce qu’accentue le côté lo-fi (assumé) de la prise de son (en particulier, le traitement des voix, irritant de constance). «Sulphur Mountain Cosmic Ray Station» démarre pourtant bien et «Catatumbo Lightnings» possède un petit quelque chose qui le distingue, mais leurs arrangements ont tendance à les perdre dans une bouillabaisse où la wah-wah peine à se démarquer du clavier. Peut-être sur scène?
Auguste
https://mariebyrdlandbandforever.bandcamp.com/album/lost-lands
07/09/2020
Ayreon
Transitus
métal progressif symphonique – 38’04 + 39’21 – International ‘20
Trois ans de travail pour ce nouvel opus de Arjen Anthony Lucassen (Ayreon), un concept SF mâtiné de fantastique gothique. Pour le visuel, l’édition de luxe s’impose: 5 rondelles dont un DVD bourré de bonus audio et vidéo en 5.1 et HD stéréo et le roman graphique de 28 pages fourni aussi avec la version vinyle. L’œuvre sort bien entendu aussi sous la forme classique d’un digipack contenant deux CD (qui auraient pu tenir sur un seul, cela dit!). À noter que vous pouvez commander la BD sur le site officiel de Ayreon. Le line up additionnel est prestigieux comme chaque fois: Joe Satriani, Simone Simmons (Epica), Marty Friedman (Megadeth), Tommy Karevik (Kamelot) e.a. et Tom Baker (l’acteur de la série «Doctor Who») pour la narration. Celle-ci, un peu emphatique, est surtout très envahissante et malmène le rythme de l’album qui oscille entre symphonique teinté Stravinsky, Orff et un tempo Ravel («Fatum Horrificum») et progmetal pimenté d’envolées de six cordes pas piquées des hannetons (Satriani oblige!). C’est la marque de fabrique Lucassen; sa musique se décline en diverses colorations savamment agencées: «jazzy» dans «Message from Beyond», un soupçon «médiévale» dans «Talk of the Town» et même une petite greffe cinématique pour «The Human Equation» (une équation qui travaille décidément notre ami Arjen), le tout parfaitement dosé. Le bémol se situe peut-être au niveau des chanteurs qui parfois ont tendance à hurler. Dans son ensemble, «Transitus» est le digne successeur de «The Source» et confirme le style de la méga formation aux formes variables, tout en renouvelant sa puissance épique. Deux plages disponibles à l’écoute sur bandcamp et un trailer des plus complet sur youtube. Sortie prévue le 25 septembre.
Clavius Reticulus
08/09/2020
That Joe Payne
By Name. By Nature.
pop/prog-rock – 42’42 – UK ‘20
Notre parcours terrestre n’est pas toujours aussi rassurant qu’une foi aveugle ou un cours d’Étienne Klein. Pour nos ancêtres, dont la rude existence était habitée d’une volonté inébranlable de survie, Dame Nature répondait. Comme en compensation, un sentiment de plénitude malgré les fatigues, une communion céleste, du sens, des merveilles, leur étaient offerts. La vie moderne nous écorche, par contre, sans gratitude. On se chamaille avec la matière, perdant notre temps à essayer d’gagner nos vies, au mépris des étoiles. Vidés de sens, nous avançons où il nous est conseillé d’avancer. Mais certaines personnes reviennent courageusement à l'écorchure afin d’y trouver, peut-être, un chemin de traverse.
À propos de Joe Payne, que j’ai déjà pu apprécier sur l’excellent «Invicta» des merveilleux The Enid, l’on entame cette thérapie “limite” égocentrique par une démo vocale à la Saint-Preux, histoire d’être illico fixés quant aux capacités du gaillard. Bardaf! Nous voici catapultés dans un cabaret du bled où l’artiste, de revue, nous envoie un indélicat pastiche de divas 70’s arrangé d’étrangetés plus ou moins modernes. Le “Nice Boy” nous sort heureusement la tête des froufrous avec un hip-hop déstructuré, créatif bien qu’un peu daté. La suite mettra davantage de barbus d’accord; «In my Head» est une courte ballade comme Peter Hammill pouvait en susurrer (toute proportion gardée), ponctuée de louanges et se terminant malencontreusement en queue de poisson. J’espère, à ce moment précis, une révélation qui propulse cet étrange catalogue vers d’autres sphères… Hélas, le germe d’une interrogation concernant l’avenir du monde disperse les restes de mon oreille aux alpages! Incongruité mise à part, voilà un titre qui s’en sort correctement malgré son oscillation permanente entre joyeux gospel puis joyeux bordel. Arrive, alléluia, «Love (Not the Same)». Capiteuse chérie au teint sombre, qui me frôle, me saoule, m’étreint pour un slow indécent, péché capital! Du Screamin' Jay Hawkins servi par une voix tant moelleuse que maîtrisée. Je prends congé de la belle, rassuré. Joe veut du changement, j'acquiesce. Une chorale flamboyante introduit le titre suivant. Piano, moucheté de moments symphoniques. Ça s’envole et se fait ensuite discret avant... d’exploser. Cette touche soul maîtrisée au service d’un rock différent est certes la voie à suivre pour ce flamboyant personnage. Le reste, de la même trempe, calme, sapé comme un pape en prière.
Béate réminiscence d’un vieil Enigma, «Music for a While» n’arrive pas à rejoindre ses deux prédécesseurs au sommet. Conclusion prenant pour créneau la fameuse sonate “Au clair de lune” de ce cher Ludwig. Dernier titre accrocheur, accords plaqués puissants suivis d’un murmure déposé contre un tendre clavier. Délicat tourment clôturant ce disque.
Joe compose, explore, s’épanche, trouve parfois la vérité dans ce que cette galette nous offre de meilleur. Souvent, j’eus la même impression qu’avec Adam Lambert. C’est beau, lissé, contrôlé... Manque pourtant cette petite rugosité faisant la grandeur des maîtres.
La balafre du cœur projetée sur l’art. Faut-il savoir garder les blessures nécessaires?
Néron
https://thatjoepayne.bandcamp.com/album/by-name-by-nature
09/09/2020
François Long
Breathe
rock (progressif) divers – 46’09 – France ‘20
Fan d’anciennes gloires de la musique anglaise comme les Beatles, Yes, Led Zeppelin, King Crimson et David Bowie, le guitariste français François Long se consacre à la musique depuis 35 ans. En 2014, sa longue expérience musicale le mènera à créer sous son propre nom, et ce avec l’aide de quelques amis et invités, dont Gail Ann Dorsey (Bowie, Kravitz,…), son premier album studio, «The Seven Others». Un deuxième album, «Light Years From Home», paraîtra deux ans plus tard. Et c’est en 2018 qu’il va se consacrer à l’écriture du troisième album, «Breathe», qui fait aujourd’hui l’objet de cette chronique.
Qui dit grande culture musicale dit inspiration diversifiée. Alors sachez qu’avec ce «Breathe» vous allez voyager. Première chose d’importance: le son. Il est énorme. Le premier titre, «Blind Landing», en témoigne. Le style? Un peu comme si Fripp rencontrait Kravitz. Entraînant, pulsant, intelligent. Une entrée en matière qui donne le ton et qui écrème par la même occasion… Les ayatollahs risquent déjà de décrocher. Dommage, ils passeraient à côté d’un développement enthousiasmant. La suite avec «Let Your Groove On» et sa rythmique de «Funky Town» de Lipps Inc. Le tout sur un chant posé à la façon Bowie. C’est comme «Let’s dance» avec Tom Selleck, je m’comprends…
«Inner Circle», un remède pour ceux qui pensaient que finalement c’était pas du prog. Là c’est du King Crimson vitaminé. Les loops caractéristiques avant une évolution digressive vers la jazz-rock attitude baignée de grosses sonorités mellotroniques.
«Love Goes So Wrong». Fripp, toujours lui, immergé dans la pop-rock de Bowie. Étrange et finalement agréable, mais bon..., pour le coup on a encore perdu une dizaine d’ayatollahs. Ailleurs ensuite avec «Offset Of 8» et son développement à la Eno/Gabriel. Ethnique et rythmique, dépaysement encore. «The Spark», titre technique et très rock, Bowie (encore lui) grimé en "scary monster". Ça marche! Et pour terminer, la plage titulaire. 11 minutes, la plus longue de l’album, la plus prog aussi. Le chant en Bowie (on a fini par s’habituer), et des développements plus avant-gardistes.
Album de mélange qui force la rencontre déjà entamée sur «Heroes» et «Scary Monsters» de Fripp et de Bowie.
Aussi étonnant que captivant, c’est un exercice de style totalement réussi. Une belle découverte.
Centurion
https://francoislong.bandcamp.com/album/breathe
10/09/2020
Lonely Robot
Feelings are good
crossover-prog – 61’25 (dont deux bonus instrumentaux) – Angleterre ‘20
«Feelings are good» est une succession de 13 titres du multi-instrumentiste John Mitchell qu’on ne présente plus (It Bites, Kino, Arena, Frost*, The Urbane), toujours aussi inspiré, accompagné par le très convoité Craig Blundell à la batterie.
Exit l’astronaute. Son scaphandre était la signature des pochettes de la trilogie précédente de Lonely Robot. Place maintenant à un auto-portait déroutant, limite dérangeant...
Selon ses propres termes, John Mitchell nous emmène cette fois dans un voyage introspectif, «exploitant désormais des thèmes plus personnels, des expériences individuelles et des récits qui ont été des pierres angulaires bonnes et mauvaises, de [sa] vie.»
Je vois clairement ce nouvel album, dans sa forme du moins, comme la suite de «Under Stars» (2019). La voix robotique androïde en intro et quelques effets parsemés çà et là nous laissent penser que John Mitchell n’a pas définitivement déserté son vaisseau-cocon intergalactique. Nous sommes replongés – pour mon plus grand bonheur! – dans la même ambiance sonore, sans réelle rupture stylistique.
Les thèmes évoqués – retour sur la planète Terre? – sont variés d’un point de vue émotionnel: de la froideur relative d’un «Crystalline», à la sincérité poignante de «Armour for my Heart», l’auteur nous gratifie de magnifiques et intenses moments de guitare, alterne avec brio sections rythmées et passages planants, marque cet album de sa voix unique (que ne sait-il pas faire?). Chaque titre contient sa pépite. Craig Blundell est toujours en soutien, indéfectible et avec le talent qu’on lui connaît. Un duo en parfaite osmose. «Army of One», entre autres, en est la parfaite illustration.
Le robot solitaire ne semble pas vouloir sortir de sa «zone de confort», à moins que ce ne soit une façon délibérée et très prévenante de ne pas nous obliger à... quitter la nôtre.
Vivestido
Album non disponible sur bandcamp.
11/09/2020
Logos
Sadako e le mille gru di carta
rock progressif – 64’25 – Italie ‘20
Quatrième album pour Logos, quatuor italien en provenance de Vérone. Composé de Luca Zerman (chant, claviers), Fabio Gaspari (chant, basse, guitare, mandoline), Claudio Antolini (piano, claviers) et Alessandro Perbellini (batterie). Nos compères se sont fait aider dans la réalisation de cet album par Elisa Montaldo (Il Tempio delle Clessidre, Vly) au chant (4), Massimo Maoli à la guitare (6), Simone Chiampan à la batterie (4) et Federico Zoccatelli au saxophone (2). Les rétifs à la langue de Dante peuvent dès à présent arrêter la lecture de cette chronique car c’est bien de progressif italien dont il est question ici, avec tous les maniérismes habituels à ce genre, même si le traitement du son se montre plus moderne, plus proche des nineties que des seventies. Et pourtant l’album est d’un excellent niveau; son titre fait référence à cette ancienne légende japonaise selon laquelle celui qui disposerait d’un millier de grues en papier réalisées selon la technique de l’origami verrait tous ses vœux se réaliser… Mais plongeons-nous dans une écoute moins distraite de cette œuvre. «Origami in SOL» est un court instrumental (à peine deux minutes) avec, déjà, une envolée majestueuse des claviers. «Paesaggi di insonnia» est plus charnu pour ses onze minutes de musique. Les claviers sautillants mais nappés d’une couche les enrobant font mouche. Il ne faut pas plus de dix minutes à nos amis transalpins pour enfoncer le clou avec «Un lieto inquietarsi». S’ensuit une belle ballade comme les Italiens sont capables d'en composer, avec «Il Sarto», histoire de nous laisser respirer et succomber à l’envoûtement de la très belle voix d’Elisa. Un thème répétitif au clavier, c’est ainsi que nous accueille le titre suivant, «Zaini di elio», pour, plus loin, nettement varier les plaisirs d’audition (douze minutes, et le record n’est pas encore atteint), car plusieurs tiroirs s’ouvrent au fur et à mesure de l’avancée du titre. Mais la pièce de résistance s’avère être la plage titulaire (plus de 21 minutes) débutant par un piano aux notes les plus délicates avant que les claviers ne prennent la relève avec toute l’emphase nécessaire. Tout ce que l’on peut attendre de ce type de progressif se retrouve magnifié par ce groupe qui ne demande qu’à être écouté attentivement.
Tibère
https://logosprog.bandcamp.com/album/sadako-e-le-mille-gru-di-carta
12/09/2020
EKPHRASIS
Weird Interbreeding
metal prog fusion – 68'26 – France ‘20
Ekphrasis est un jeune groupe avignonnais, actif depuis 2015. Ils sortent, cinq ans plus tard, leur premier album «Weird Interbreeding». Le groupe d'origine a débuté en trio avec Sébastien Savariau (guitares, chant et homme à tout faire du groupe), Franck Hermany (basse) et Clément Pernet (batterie). Afin de produire un son varié intégrant leur fusion de styles progressifs, ils ont décidé de faire appel à Marine Garcia (synthés, voix). Ils ont un style de métal prog qui tire sur l’électro/fusion avec des pointes de death. Comme vous le pressentez, les orientations sont variées. Avec un nom de groupe comme celui-ci, on comprend de suite la recherche d’originalité et de complexité. En effet l’ekphrasis en grec ancien signifie: une description précise et détaillée. On retrouve dans leur musique bien sûr du Dream Theater, une touche de Vanden Plas, Meshuggah pour certaines rythmiques et le chant death, mais surtout énormément du style de Periphery. J'y retrouve même, dans des passages plus calmes, du Spock's Beard. Ils se permettent même de mélanger au metal prog un côté plus jazzy sur le titre «I'd Never Thought To Try». La production, le son et le mixage fait maison sont totalement parfaits.
Autant de mélange de styles pourrait donner une cacophonie et pourtant le groupe ne s'est pas laissé prendre à ce piège. Petit bémol pour moi: trop de voix gutturale, pourtant en général j'aime beaucoup cela. Le maître-mot en écoutant «Weird Interbreeding» c'est l'ouverture d'esprit. Vous aurez toujours un titre ou une partie qui sera moins votre style mais laissez-vous porter et vous trouverez l'équilibre. Une seule écoute n'est pas suffisante car vous passeriez à côté d'immensément de finesse ou de détails pas toujours audibles de prime abord. Il y a trop de changements de rythme ou de style pour pouvoir l'écouter distraitement. Félicitations à Ekphrasis pour ce premier opus plus que réussi et je leur souhaite de tomber entre les oreilles du plus grand nombre. Un soir de tranquillité, mettez un casque et cliquez sur les liens bandcamp ou youtube mis en commentaires ci-dessous pour vous faire votre opinion. Bonne écoute...
Vespasien
https://ekphrasis.bandcamp.com/album/weird-interbreeding
13/09/2020
Acid Mothers Reynols
Vol. 1
rock psychédélique / krautrock – 39’04 – Japon / Argentine ’20
Paru chez Vert Pituite la Belle, label association Loi 1901 au nom bucolique et à la conviction ("le bricolage est une chose sérieuse...") pataphysique, l’album d’Acid Mothers Reynols n’a de premier que l’apparence, puisqu’innombrables sont les productions des protagonistes ici rassemblés sous un patronyme commun: le collectif japonais Acid Mothers Temple (jusqu’à 30 membres, mené par Kawabata Makoto) et le groupe expérimental argentin Reynols (plus de soixante enregistrements, sous la houlette de son leader Miguel Tomasin). Le premier croise la route du second en 2017, lors d’une tournée sud-américaine et les deux enregistrent aussitôt, à Buenos Aires, ce «Vol. 1», quatre tribulations désordonnées autant qu’illuminées, aux guitares chargées, aux voix réverbérées, aux rythmes narcotiques, évocatrices par moments («Outside the inner temple»), l’électricité en plus et le médiéval en moins, du groupe allemand Emma Myldenberger, de Darmstadt, ville des cours d’été de musique nouvelle (autour de Boulez, Berio et Stockhausen), qui jouait dans les rues avant de mettre sur bande sa mixture de jazz, folk et traditionnel.
Auguste
https://vertpituitelabelle.bandcamp.com/album/vol-1
14/09/2020
Magenta
Masters of Illusion
rock progressif – 63’13 – UK ‘20
Voici le huitième album (plus un live et une réédition en double CD pour «Home») pour le groupe Magenta depuis leur création en 1999. Le maître d’œuvre est bien entendu Robert Reed (ex Cyan) aux guitares et claviers, entouré pour cette sortie de Christine Booth au chant et Chris Fry à la basse, non sans un coup de main de Dan Nelson à la basse et Jon ‘Jiffy’ Griffiths à la batterie. Dès «Bela», nous sommes pris dans un maelstrom cinématique pour ce titre contant l’histoire de Bela Lugosi, fantastique acteur incarnant l’incontournable Dracula (onze minutes de pur bonheur musical). «A Gift from God» s’intéresse, pour sa part, à l’acteur britannique Christopher Lee qui a lui également endossé la peau et les dents de Dracula. Cette chanson se fait plus délicate tout en conservant des envolées symphoniques. Nous sommes toutefois bien loin de Rhapsody of Fire, groupe dans lequel Christopher a parfois officié. Sur «Reach for the Moon», c’est au tour de l’acteur américain mais néanmoins alcoolique Lon Chaney Jr (il vivait dans l’ombre de son père, mais souvent dévolu aux rôles de monstres dans différents films). Le côté sautillant de cette complainte allège quelque peu ce qui aurait pu devenir caricatural dans son traitement. «Snow» s’intéresse à l’actrice Ingrid Pitt dont la filmographie inclut «Comtesse Dracula». L’inspiration musicale est ici nettement plus progressive et la guitare lorgne vers Pink Floyd par instants. «The Rose» semble, a priori, une gentillette chanson d’amour, mais il n’en est rien. Elle est dédiée à l’acteur Peter Cushing, ami de Christopher Lee et lui aussi habitué aux rôles sombres. C’est encore avec l’évocation d’un comédien coutumier des films d’épouvante, Vincent Price, que se termine cette plaque. C’est également la plage titulaire qui débute à la manière des vieux films pour se prolonger sur près de dix-sept minutes, passant d’ambiances nettement épiques, voire cinématiques, sans toutefois faire l’impasse sur les développements progressifs si chers à nos oreilles. Sincèrement, vous devriez vous pencher sur cette petite merveille tant le plaisir qui s’en dégage vous donnera une pêche d’enfer.
Tibère
https://magenta.bandcamp.com/album/masters-of-illusion
15/09/2020
Rope and Ladder
Rope and Ladder
opéra rock – 60’30 – USA ‘20
Rope and Ladder est le titre du groupe et de l'opéra rock créé par Jay Clark et Ryan Dolen. Ils y bossent depuis dix ans! Le duo américain a reconstitué un récit épique imprégné d'intrigues de guerre, d'amour et de trahison. L'album composé de mélodies piano/voix délicates et de guitares classiques contre des guitares avec distorsions. Personnellement je reste un peu sur ma faim. Ils nous annoncent un opéra rock, alors, bien qu'ils maîtrisent à la perfection leurs instruments, il n'y a rien de transcendant. Oui les compositions sont bien faites, oui cela s'écoute facilement mais, à la moitié de l'album, je décroche déjà totalement. C'est plus un album de pop-rock avec des pointes progressives, certes de qualité, qu'un opéra rock progressif. Heureusement la guitare coupe souvent la banalité des morceaux pour relever l'ambiance et la tension voulue pour leur histoire. Alors oui il y a des passages plus complexes, par exemple dans le tire «Corruption/A Call To Arms», mais ils ne sont que trop rares. Sur ce titre le mélange piano/guitare musclée est particulièrement réussi, mais, celui-ci terminé, on retourne au rock basique. Ils tentent un metal classic sur le titre «Price» mais ce n'est pas convainquant, surtout au niveau voix. Le problème est plus dans l’enchaînement des titres, on a quelquefois l'impression de tourner en rond, peut-être que les dix ans de composition ont contribué à cela. Le côté positif est un son parfait qui démontre un grand professionnalisme. Voilà, je ne suis pas emballé par Rope and Ladder, mais à vous de vous en faire une idée…
Vespasien
https://ropeandladder.bandcamp.com/
16/09/2020
Nicolas Willot
Clair Obscur
musique atmosphérique – 27'53 – France ‘20
Jeune musicien français inspiré par le rock des années 60 et 70, Nicolas Willot s’est lancé dans la réalisation de son premier EP intitulé «Clair Obscur».
Qui dit multi-instrumentiste dit «je fais tout moi-même», et heureusement Nicolas n’est pas mauvais guitariste (instrument qu’il chérit depuis longtemps), car c’est essentiellement de guitare dont il est question ici. Musique atmosphérique et minimaliste, elle évoque le Pink Floyd à l’orée de l’univers progressif. Cette mini-galette de 28 minutes contenant quatre morceaux regorge donc de sonorités à la David Gilmour et rappelle des albums comme «A Saucerful Of Secrets», «Ummagumma», «More», «Obscured By Clouds», «the Dark Side of the Moon», voire même «Wish You Were Here».
Il faut faire preuve d’indulgence car il s’agit d’un travail «fait maison», mais, même si cet objet est très perfectible, il n’en demeure pas moins intéressant, notamment avec une recherche d’harmonies dans un perpétuel échange de sonorités guitaristiques.
Nicolas travaille déjà sur un second projet qui, dit-il, dévoilera davantage ses influences. Je ne saurais trop lui conseiller d’élargir ses influences et de se chercher quelques amis musiciens afin notamment de le suppléer à la batterie, la sienne «faite maison» est un peu limite; pour avancer il faut parfois s’entourer.
Centurion
https://nicolaswillot.bandcamp.com/releases
17/09/2020
Roman Odoj
Fiasko
rock progressif/jazz-prog – 45’04 – Pologne ‘20
La Pologne est sans conteste une terre de prog! C’est pourtant avec un a priori que j’abordais l’écoute de ce premier album, car, il faut dire, la bio de Roman Odoj nous présente l’homme comme étant un professeur de mathématiques qui, à ses heures perdues, compose de la musique. Aïe! me dis-je… du math rock?! Quelle erreur de jugement de ma part! Au contraire, ce sont des mélodies accrocheuses, prog, jazzy et hard rock dans un style que Rush n’aurait pas renié; de plus ce type chante bien et y est même envoûtant. Un petit bémol pour le titre «Human Cartoon», tout droit sorti des influences de la Britpop des années 80, une erreur de mauvais goût de mon point de vue.
Ceci étant, c’est dans l’ensemble une agréable surprise, très bien produite et intelligente dans la structure musicale et narrative qui nous propose un voyage spatial à la découverte de mondes inconnus, et là, je dois vous dire que si vous fermez les yeux, vous y êtes! Preuve une fois de plus du grand talent de cet artiste polonais.
Cet album est donc très loin du fiasco annoncé par son titre mais bien la première pièce d’une œuvre et d’une carrière en devenir, pour peu que vous y portiez une attention méritée!
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
18/09/2020
Solace Supplice
Solace Supplice
pop progressive – 22’54 – France ‘20
Encore un nouveau groupe français, me direz-vous… Pas exactement, vous répondrai-je: les musiciens composant Solace Supplice ne sont pas des perdreaux de l’année. Jugez-en plutôt: Eric Bouillette tient la guitare dans les groupes Nine Skies et The Room, tandis que sa compagne, à la ville comme à la scène, Anne-Claire Rallo, laisse glisser ses doigts de fée sur les claviers qui traînent près d’elle. Ils se sont adjoint les services de Jimmy Pallagrosi (Zio) à la batterie. Le tout est mixé et masterisé par Alexandre Lamia (Nine Skies également). Ils s’essaient ici à un pop/rock chanté en français par Eric. «Les Miradors» ouvre cette plaque sur un tempo enlevé et des paroles sombres malgré des chœurs aériens. Des débuts plutôt lents, c’est ce qui nous attend pour «Sunset Street», avant que tout ne prenne une sérieuse accélération. On trouve du Doors dans l’orchestration de «Au Cirque des Âmes» alors que la voix a des côtés Higelin. Ce titre a le mérite d’attirer nos oreilles. La construction de «Schizophrénie Paranoïde» suit les principes exposés ci-devant. «Dans la Couche du Diable» voit s’égrener quelques notes de piano, toujours les mêmes, pour ce morceau plus calme avec, toujours, des paroles guère gaies ou dansantes! Finalement, cet EP s’avère intéressant et a la qualité de s’éloigner des inspirations de Nine Skies!
Tibère
https://solacesupplice.bandcamp.com/releases
19/09/2020
Superthousand
# TRNSIT
rock progressif – 34’58 – Allemagne ‘20
Complotistes bruyants d’un côté et sénateurs maladroits de l’autre, ces derniers le cœur tiraillé entre le discours des marchands inquiets puis celui de médecins perplexes... Six mois que les citoyens angoissaient, cloîtrés. Quant à moi j’assistais impuissant à la mise à mort culturelle de notre grande cité. Dégât collatéral? Cette épidémie avait mis Rome dans les cordes, le coup asséné effaça de ses préoccupations l’un des fondements essentiels de son «être». Chacun y allait de son commentaire, chacun disait avoir une meilleure solution. Mais gladiateurs, poètes ou souffleurs de buccin mouraient de faim aux coins des rues. Qu’y pouvions-nous, nous, pauvres relayeurs d’envies musicales, assistant impuissants au désastre. Sans doute le Dux Bellorum entendit-il mon urgent besoin d’être rassuré et m’envoya illico la galette providentielle.
«TRNSIT», qui perdit son «A», troisième enregistrement du groupe. Discrète métaphore de l’état actuel du monde? Le silence du précédent “Voyage” continue en première piste.
Ça commence comme un vieux Genesis où Stéphane Eicher aurait remplacé Peter au pied levé. Quelques furieuses guitares viennent rapidement nous confirmer que l’on n'évolue guère dans cet univers avec, au passage, une évocation de Floyd. Il y a de ces albums qui, en moins d’une minute et sans rien dévoiler, vous disent tout. Allons-y!
L’équilibre parfait, combinant mélodies imparables nimbées d’électronique et puissance métallique, me donne des ailes; la promesse d’un riche voyage. Le placement de la voix sur de simples combinaisons drum & bass, suivies de refrains redoutablement pêchus, évoque parfois la musique alternative des 90’s. Ceci dit, gardons-nous des références, car sur cette base le trio allemand apporte énormément de complexité grâce à des arrangements superbement ficelés ainsi que des rythmiques tant délicieuses que précises. «Transit», durant onze bonnes minutes, ne voit jamais s’installer l’ennui, habilement ponctué de ces multiples rebondissements. Drôle d’oiseau, l’«Albatros», au-delà du maladroit volatile, est une espèce de “David Gilmour Goes Metal” très réussi. Les claviers sont discrets mais font un incroyable travail décoratif, tout en nuances. Je le constate une fois de plus, emporté par l’efficacité des primes secondes du titre suivant: «Yet Untitled». Trois minutes, ensuite coupez! Tranchez! Net! Big Calm, mélopée en lévitation au-dessus d’un doux motif, espace enrobé de silence, troublé par un léger cliquetis annonçant la couleur. Next, ça démarre façon locomotive frénétique. «Safe and Now» nous propose, en sus, un joli solo synthé. L’album se termine animé du même enthousiasme. Djembé, didgeridoo, 6 cordes mettent la pêche! Court moment de recueillement, tempo bien lourd en guise d'apothéose avant que quelqu’un ne retire la prise, nous privant ainsi du point d’orgue de ce final. Ces messieurs apprécient décidément les fins abruptes.
Une ligne évidente sans être esquissée. Un son qui fait du bien!
Amis du spectacle, de l’esthétique, des idées, je vous envoie un peu de ce vent frais venu de l’Est en vous souhaitant des jours meilleurs et des applaudissements à n’en plus finir.
Néron
Album non disponible sur bandcamp
20/09/2020
Aksak Maboul
Figures
avant-garde – 75’31 – Belgique ’20
L’histoire d’Aksak Maboul, c’est un peu celle de la belgitude: on y retrouve Pêle-Mêle, Tintin, Telex, Blake et Mortimer, Sttellla, Manneken-Pis, le Dolle Mol, Jan Bucquoy, Jay Alanski, le musée du Slip, le Flamenco Moog ou Sœur Sourire. C’est aussi celle d’un duo, Marc Hollander et Vincent Kenis – aujourd’hui celle d‘un couple, Marc Hollander et Véronique Vincent, Crammed Discs et les Tueurs de la Lune de Miel. Et celle d’un groupe qui cherche, avec fulgurances et creux. Avec le mythique premier album, «Onze danses pour combattre la migraine», paru en 1977 chez Kamikaze – l’éphémère mais implacable label de Marc Moulin –, Aksak Maboul pose son esthétique: déconstruire et mélanger les genres, le rock, le jazz, l’électronique, la musique (soi-disant) africaine, minimaliste ou des Balkans – et passe littéralement à travers la vague punk (la fulgurance). Moins de trois ans plus tard vient «Un peu de l'âme des bandits», qui expérimente, avec Fred Frith (Henry Cow) et Chris Cutler (Art Bears), et sample et assemble complexe et improvisé, puis… plus rien pendant 34 ans (le creux), au bout desquels surgit de sous la dalle où tous l’oubliaient depuis 1983, l’«Ex-Futur Album», qui redonne des goûts et des couleurs à une aventure qu’on croyait enterrée, engloutie, submergée, abandonnée. Mais non, car aujourd’hui vient «Figures» (la fulgurance, inattendue), qui reprend à son compte, avec une troublante fraîcheur hors du temps, la formule des «Onze danses…» pour la planter dans un XXIe siècle qui, quoi, aurait oublié de changer? Ce qui est sûr, c’est que les 22 compositions de ce double album transcendent d’impressions bariolées la vie de tous les jours au temps du choléra moderne. Inimitable.
Auguste
https://aksakmaboul.bandcamp.com/album/figures
21/09/2020
ESP Project
Phenomena
rock progressif/crossover prog – 51'35 – UK '20
ESP Project (ESP) est le projet solo de Tony Lowe qui a débuté en 2015 et qui sort ici son 5e CD. Bon, je connaissais juste de nom mais n’avais pas encore fait l’effort d’y jeter une oreille. C’est donc l’esprit dégagé que j’y ai mis une oreille attentive, sachant qu’à l’origine on pouvait y croiser des membres de King Crimson, GTR, Landmarq ou Lifesigns. Ambiance imaginaire, captivante, exaltante et symphonique avec une pointe de nostalgie dramatique sombre des 70’s? Tout en donnant par ses breaks une note d’espoir, voilà un peu ce que donne la musique de Tony; mélange de rock original mélodique, le tout teinté de breaks typés symphoniques, morceaux s’écoulant gracieusement au fil de la voix et des instruments, voilà ce qu’on peut retrouver au travers de ces 7 différents morceaux.
«First Flight» entame l’album par un son caractéristique brassant entre du Pink Floyd et du Barclay James Harvest, air lent, accord mélodique fin et mise en valeur de la guitare planante, digne d’une BOF pour un côté mystérieux, puis break musical atmosphérique, progressif limite science-fiction, qui met l’oreille aux aguets avant un retour mélodique et des voix aériennes mixées. «Before Saturn Turned Away» est plus mélodique, me rappelant encore les nappes de Stuart John Wolstenholme ou celles d’Apsaras, c’est dire le côté planant qui s’en dégage; section synthé à mi-parcours lente ramenant à des airs nostalgiques limite religieux si une voix s’y intégrait, morceau plus complexe qu’il n’y paraît. «Telethesia» dénote par un rythme plus fort, plus énergique, toujours mélodique cependant, c’est à mi-parcours que ça devient jouissif avec un côté planant, des voix presque éthérées puis paf le bon vieux orgue d’église qui te fait frémir; ensuite combat de mellotron et de synthés avant une reprise classique. «Fear Of Flying» fait plus dans le conventionnel, air rythmé monolithique qui semble encore servir de chauffe à la digression progressive avec un synthé charnu en avant, bien dans les notes de Banks des années 80. «Living In The Sunrise» possède sûrement la plus belle intro spleen et méditative de l’album et nous entraîne à un son dans la lignée d’un Riverside, puis le refrain est plus ambiant, plus sur Radiohead, syncopé et mystérieux; attention, le riff est latent et répétitif, les synthés bien posés amenant une couverture musicale importante; la fin part sur les atmosphères génésisiennes genre «Burning Rope» toute en finesse. «Sleeping Giants» arrive plus sombre, plus lent, un peu d’ESP là! Dès le milieu on attend un break orchestral un tantinet jazzy puis ça redevient bien fruité, mélodique, basique puis plus progressif avec bataille amicale entre le clavier et la guitare, j’y perçois un peu d’Alan Parsons et le final météorologique m’y conforte. «Seven Billion Tiny Sparks» termine cet album avec le plus long titre que Genesis aurait pu sortir avant «Duke»: il y a encore de l’émotion avec la part belle aux claviers; puis break crimsonien typique à la guitare époque «Discipline»; ce n’est qu’aux 2/3 qu’Alison prend la voix pour une partie calme, envoûtante et spatiale, une belle ballade suivie par un des plus beaux solos de guitare rempli de spleen et de nostalgie. Un morceau qui fait fondre et qui laisse un vide musical, le blanc d’après qui en est encore.
ESP Project sort un album de rock progressif pur dans la lignée d’un Manfred Mann avec chanson puis tiroir orchestral dans le second temps; plein d’énergie créative avec la voix de Damien éthérée contrebalancée par des accords musicaux variés, progressifs, symphoniques, mélodiques et nostalgiques de Tony. Une très bonne surprise qui rappelle que le rock progressif n’est décidément pas enterré et risque pour notre bonheur de vivre encore longtemps avec des musiciens de ce talent.
Buriné sur parchemin par Brutus
https://esp-prog.bandcamp.com/album/phenomena
22/09/2020
Cloud Nine
Fever Dream
rock progressif/AOR/divers – 47’58 – USA ‘20
Ça fait diantrement du bien de retrouver les sonorités qui ont baigné ma belle jeunesse (voix chevrotante). Mélodies simples, beaux solos de guitare et un son d’orgue d’époque fin sixties début seventies. Tout est ici empreint des fantômes d’une autre époque, bénie parmi toutes (soupir nostalgique du vieux chroniqueur). Des ambiances parfois d’une grande douceur où scintille la six cordes, un chant clair et enveloppant trouble les sens de l’auditeur. Rien d’alambiqué ici mais cette sonorité nappée d’un léger reverb, où le dialogue orgue guitare est d’une redoutable efficacité, fait courir à coup sûr un long frisson de bonheur. Certaines constructions m’ont irrémédiablement fait penser à Taï Phong («She walks by ‘in my head» et «Old Eyes/Transcension»), rythme lent et doux, guitare qui coule comme une rivière aux reflets d’argent dans le lit onirique d’un clavier où vient se lover une voix haute et claire qui tutoie les anges. «All the way back home» a un parfum Neil Young. Belle partition de guitare acoustique dans «Head in the Clouds», rapidement complétée par un piano discret et un chant avec ce qu’il faut d’effet de profondeur «hall», tandis qu’un clavier magique lie le tout pour une superbe ballade où s’égrène un chapelet de guitare. Et je pense à Taï Phong une fois de plus dans leur «Out of the Night» (1975). «Are you Alone» avec son intro de claviers et son final assassin le confirme. Un album de Cloud Nine d’une grande fraîcheur, aux mélodies simples ciselées en dentelles adamantines. Parfum nostalgique aux saveurs d’un monde perdu… et retrouvé! Rien que du bonheur!
Clavius Reticulus
https://cloudnine3.bandcamp.com/
23/09/2020
Fish on Friday
Black Rain
pop-prog soft – 55’38 – Belgique ‘20
Nous vous parlions il y a quelques mois de la compilation «An Initiation» qui brossait avec brio la carrière du groupe belge Fish on Friday de 2010 à 2017. Aujourd’hui c’est au tour d’un nouvel album pour ce groupe toujours bâti sur l’ossature constituée de Frank Van Bogaert et de William Beckers avec en plus un Nick Beggs que les fans de Steve Hackett doivent bien connaître. Trio auquel il faut encore ajouter Marty Townsend et Marcus Weymaere.
La recette n’a pas changé, cet album est fait des mêmes ingrédients que les disques précédents. Toujours cette douceur mélodique comme la caresse d’un vent tiède durant un été torride. C’est suave, doux, planant, rond, et puis ça fond tout seul dans la bouche comme un caramel mou. La critique serait pourtant aisée: pas vraiment prog, trop facile, pas assez compliqué… Mais ces critiques n’ont aucun sens ici, puisqu’il s’agit tout simplement d’une forme de perfection dans un domaine particulier, celui de la pop-progressive. N’attendez donc jamais d’eux qu’ils vous surprennent par des structures tarabiscotées, ce serait comme demander à Alan Parsons de nous pondre du Magma. Non, Fish on Friday donne ce pour quoi il est fait, une musique simple et agréable, en mode couplet/refrain qui coule directement dans les conduits auditifs comme du miel sur une tartine. Ça peut aussi un peu coller aux doigts… Mais bon, tout ça est remarquable, et magistralement produit.
Un album réussi de Fish on Friday est un album dont le potentiel mélodique, (vous savez ces mélodies entêtantes qui vous restent en tête), est au plus haut. Ici nous ne sommes pas encore au zénith mais on en a pris le chemin. Une marge de progression reste donc possible; alors je ne sais pas s’ils reviendront pour les vacances, mais s’ils n’ont pas changé d’adresse, je serai au rendez-vous de leurs promesses…
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
24/09/2020
Catchlight
Helios Part One
rock progressif/métal progressif – 43’37 – France ‘19
La question de savoir si ce deuxième opus de la formation lyonnaise Catchlight est inspiré par Porcupine Tree ne se pose pas… Il l’est! La vraie interrogation est de savoir si c’est bien fait. La réponse est OUI! De plus cet album est extrêmement bien produit. Je pourrais vous dire également qu’au détour d’un solo, d’une intro, vous reconnaîtrez Tool, Anathema, et quelques autres… Mais ils arrivent déjà à vous emmener dans leur propre univers. Alors y a-t-il du plaisir à écouter cet album, a-t-on envie de l’écouter plusieurs fois? Sans équivoque ma réponse est oui! Un groupe crédible qui montre qu’il a de l’avenir, qu’il peut encore évoluer et créer dans le futur de très grandes choses. Il doit juste peut-être encore arriver à s’affranchir un peu plus de ses influences. Ces musiciens sont généreux et talentueux! J’attends donc avec curiosité et impatience leur prochaine œuvre.
Écoutez en priorité «Hemera», «Extinction» et «Cyclops».
Achetez cet album! Partagez l’information!
Tiro
https://catchlightband.bandcamp.com/album/helios-part-one
25/09/2020
Shaman Elephant
Wide Awake But Still Asleep
psyché/space-rock/progressif – 40’15 – Norvège ‘20
Le groupe Shaman Elephant nous vient de Bergen et s’est formé en 2015. Il est composé d’Eirik Sejersted Vognstølen (chant, guitare), Jard Hole (batterie), Ole-Andreas Sæbø Jensen (basse) et Jonas Særsten (claviers). Nous sommes ici en présence de leur second album («Crystals», le précédent, était paru en 2016). Dès la plage éponyme (l’une des deux plus longues) qui ouvre l’album, nous sommes pris par une intro reposant sur de doux arpèges à la guitare qui virent très vite à quelque chose de plus nerveux qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire, notamment avec ce riff répétitif que l’on a envie de fredonner (normal, le chant n’arrive qu’après plus de cinq minutes, mais ce titre est rempli de rebondissements musicaux). «H.M.S: Death, Rattle and Roll» démarre par des roulements de tambour pour continuer sur un rythme effréné (rassurez-vous, un passage plus calme se fait jour avec arpèges de guitares et entrelacs aux claviers). «Steely Dan» (non, aucun rapport avec le groupe du même nom) calme un peu le jeu. Une guitare acoustique nous accueille sur «Ease of Mind» pour souligner un chant apaisé, le tout sur des nappes aux claviers des plus plaisantes (et quand même un peu de disto dans les parties de guitares électriques). Après «Magnets», nous arrivons enfin au plat de résistance de cette plaque: du haut de ses onze minutes et quelques, «Traveller» ne peut qu’enchanter nos oreilles avides. Après quatre minutes, le riff principal est repris en mode mineur (notes cristallines, de même pour les claviers) avant de repartir de plus belle. De douces harmonies vocales (presque à la Crosby, Stills, Nash and Young) viennent nous cueillir pour «Strange Illusions», titre nous permettant de quitter nos amis sur une impression différente du reste de l’album, tout en restant cependant dans un mode psyché. Un album qui gagne à être écouté plus d’une fois pour en déguster toute la substantifique moelle.
Tibère
https://shamanelephant.bandcamp.com/
26/09/2020
Pixie Ninja
Colours out of space
space rock/rock progressif – 43’44 – Norvège ‘20
Originaire de Rognan en Norvège, Pixie Ninja nous propose, avec ce second album, de longues plages résolument space rock. C’est une musique pour s’immerger, plonger et voyager au fil des méandres de ce «Stream of consciousness» composé de cinq morceaux.
L’instrumentation est classique: guitare, basse, claviers (dont mellotron pour les nostalgiques) et batterie. Tous les membres du groupe jouent des claviers, ce qui nous donne quelques moments «cosmiques» efficaces dans ce genre.
L’album est entièrement instrumental et serait, nous disent-ils, influencé par la lecture de contes écrits par l’inévitable Howard Phillips Lovecraft, ce qui ne manque bien sûr pas de donner quelques frissons le long de l’échine, sans pour autant donner dans le «dark déprimé».
On est à mi-chemin de groupes comme Hawkwind et Tangerine Dream (première époque), une nette tendance vers le soundscape sans pour autant nier une approche rythmique qui se révèle musclée à certains moments.
Vous l’aurez deviné, si vous aimez les voyages musicaux vers les confins mi-psychédéliques, mi-space rock, cet album est pour vous.
Lucius Venturini
https://pixieninja.bandcamp.com/album/colours-out-of-space
27/09/2020
Emme Phyzema
Emme Phyzema / Chronic Bronchitis / A Series of Related Dreams
rock in opposition – 30’54/28’51/35’25 – États-Unis ’19/’20/’20
Courts mais denses comme de l’osmium, les albums d’Emme Phyzema se succèdent telles les balles d’une mitrailleuse MAG 58 de la Fabrique Nationale à Herstal: fiévreuses, brutales, des détonations intenses et qui se laissent encore entendre, en échos distordus et plaintifs, bien après que le doigt a relâché la gâchette. Mi-multi-instrumentiste, mi-ermite, Emme fait tout toute seule (quasiment: Chris Windle et Sam Ruff se chargent, quand il le faut, de l’écriture et la programmation de la batterie) en même temps qu’elle se terre dans son coin de Columbus, Ohio, jusqu’à ce qu’elle se décide, après dix ans d’accumulation quasi compulsive de compositions et d’enregistrements, à les publier – telle une MAG 58 qui aurait fait des stocks avant de lâcher sa purée (hyper) concentrée. Sa part la plus compacte intervient dès l’entame («Eternal Internal Conflict») de l’album éponyme, 8 minutes d’une fureur certaine, que la brièveté variable des morceaux compagnons ne calme jamais tout à fait: des arrangements malsains, qui ne connaissent pas le compromis. «Chronic Bronchitis» ("l’opposé de l’emphysème"), que je préfère, présente une quatorzaine d’idées sonores développées juste ce qu’il faut, où Emme privilégie l’impact créatif, quitte à pécher quant au sentiment d’unité – quoique… l’anxiété latente n’est jamais loin, ce qui ne surprend guère quand on nomme une chanson «HapPenis» (j’en ai le bas-ventre qui se recroqueville). «A Series of Related Dreams» affiche les couleurs les plus progressives («Ode to F's») des trois albums: oh, rien de très conventionnel bien sûr, Phyzema explique que ce titre, son mal-aimé au départ, a changé radicalement de statut après les interventions de Max Mobarry (chant), Sam Ruff (batterie) et Ben Spees (mixage) – parfois, lâcher (le contrôle) c’est gagner.
Auguste
https://emmephyzema.bandcamp.com/album/emme-phyzema
https://emmephyzema.bandcamp.com/album/chronic-bronchitis
https://emmephyzema.bandcamp.com/album/a-series-of-related-dreams
28/09/2020
Jana Draka
Where the Journey begins
rock progressif – 54’52 – Italie ‘20
Il suffit d’une délicate et, somme toute, très convenue ballade pianistique pour installer l’auditeur dans une bulle de confort avec l’«Overture» de ce premier opus de Jana Draka, bien que l’intro de l’intro (!) puisse laisser subodorer quelques déviances à venir, méfiance… Dès «Salem», on sait que l’on aura affaire à l’un de ces groupes italiens qui savent manier le théâtral, la folie douce, une sorte de connotation cabaret, pour vous dire, ce que j’appelle personnellement de l’art-rock. On apprend que cette formation est passée de la composition d’arrangements publicitaires à un premier album autoproduit. En général, ce type de transformation amène une aisance et une fraîcheur, celles qui accompagnent une bande d’artistes voulant s’exprimer avec leurs envies propres. On peut arguer sans beaucoup se tromper que n’importe qui aimant la musique au sens large prendra du plaisir à arpenter les mille circonvolutions progressistes qui font de ce «Where the Journey begins» un labyrinthe émotionnel. Hélas, j’ai bien peur que ce disque passe à la trappe de l’oubli dans la floraison des quatre saisons que le progressif, tel un jardinier fou, entretient régulièrement. Car oui, j’ai frissonné à chaque morceau. Voici bel et bien une formation romaine qui fomente des instants de pur bonheur à base de piano et parfois de chœurs féminins inattendus. Je ne saurais extraire tel ou tel morceau de l’album car il s’écoute bien comme un tout, une globalité artistique pour une sensibilité toute latine, flirtant avec l’exagération stylistique sans franchir la ligne rouge. De plus, Jana Draka chante en anglais (beaucoup préfèrent) par la voix de Valerio Magli, une sorte de P. Hammill moins déchiré, mais ce doit être le piano de Federico Aramini qui doit accentuer cette fugace impression. Un grand bravo d’ailleurs à ce claviériste qui instaure des climats magiques, utilisant aussi des synthés et un orgue comme tous les grands du prog’… Je vais malgré tout mettre en exergue la petite suite «Limbo» en trois courtes parties qui procure des frissons automnaux par un émouvant agencement où s’entrelacent ballade chantée mélancolique, funk de fin de soirée et néo-prog classieux. Je recommande donc vivement cet opus impressionnant de maîtrise, regorgeant d’instants magiques, flirtant en permanence avec le rêve éveillé jusqu’à «Awaken»… Non, ce n’est pas une cover de Yes, juste un dernier feu d’artifices qui achève l’œuvre avec une magnificence qui ne donne qu’une envie: remettre la rondelle au début!
Commode
https://janadraka.bandcamp.com/releases
29/09/2020
Pain of Salvation
Panther
métal-progressif – 53’32 – Suède ‘20
Pain of Salvation (POS) m’a percuté en 2000 avec «The Perfect Element», album essentiel et unique à l’époque. Je ne vais pas énumérer les CD suivants, les problèmes personnels du groupe, mais il est sûr que cela se traduit sur les notes de musique égrenées depuis, sur l’ambiance dégagée, sur l’innovation toujours présente comme source d’inspiration et de résilience vis-à-vis des aléas de la vie. POS c’est ce groupe mythique de métal progressif qui se remet en cause et qui essaie de vous prouver qu’au-delà de la noirceur, il y a bien la lumière de la vie; POS s’attable ici au fait d’accepter ou non la différence dans ce monde devenu malade. POS vient de sortir un album immense, n’attendez pas la fin de cette note pour vous en convaincre.
Un titre électro-lourd, puissant, du synth-wave, une batterie syncopée, un son «actuel», du djent, un creuset métal prog pour mettre dans le bain. Une entrée folk puis un rythme animal, un chant phrasé rap, lourd et malsain limite indus, voilà pour enfoncer le clou musical. Une intro planante, une voix mixée par auto-tune dans la lignée d’un Leprous ou d’un Haken, un final avec accélération apocalyptique et sa batterie explosant les fûts! un titre expérimental qui renforce la création légendaire de Daniel. Un titre mélodique, conventionnel estampillé POS avec piano et voix en avant pour bouleverser, ça me rappelle le «12:5» d’un coup, montée qui fait raccourcir le temps avec une fin presque pop et un son déréglé, mélancolie de beauté sidérale pour faire fondre le lecteur encore récalcitrant. Un riff hypnotique, un clavier avec une boucle obsédante répétitive, fusion entre la guitare et le synthé maintenant pour le titre le plus conventionnel.
Un interlude folklorique au banjo pour se reposer de l’effort de tant de tendances musicales et l’on repart. Un titre éponyme avec la griffe, tiens ça y est j’ai trouvé un des liens avec le titre de l’album, hip hop malsain, rythme archaïque limite rap-métal, refrain écorché qui te bouleverse et te fait chercher un refrain analogue dans ta mémoire encombrée de leur discothèque. Le titre où l’émotion te gagne avec un titre standard du groupe t’amenant à une régression méditative et te voilà à écouter «Icon» sombre avec son intro mélodique au piano, puis un crescendo, une atmosphère gilmourienne à 8 min qui te fait fondre. De l’indus, du rock prog électro-métal, de l’oppression et de la tristesse amenant à la mélancolie mais laissant l’espoir comme toile de fond pour mieux rebondir, mieux profiter de la vie, euh de la musique, son avec mixité voix crue, brute et charmeuse de Daniel. Voilà en apnée ce que vous pourrez ressentir à l’écoute de «Panther».
POS a fait du POS ici en prenant en compte les évolutions musicales du moment et en gardant son identité tribale animale brute, ses rythmes syncopés basés plus sur l’émotion que sur la technicité. POS vient de sortir une pièce maîtresse, mais je vous laisse pour que vous fonciez l’acheter.
Brutus
Album non disponible sur bandcamp
30/09/2020
Fleesh
In the Mist of Time
rock progressif – 116’35 – Brésil ‘20
Gabby Vessoni et Celo Oliveira, le couple brésilien qui inonde depuis des années Youtube de ses reprises plus réussies les unes que les autres, nous reviennent cette année une fois encore avec un album de reprises. Outre deux opus contenant leurs propres compositions, ils avaient en effet déjà consacré un album à Rush et un autre à Marillion. Cette fois, c’est au tour de Renaissance. Et pour couvrir la très longue carrière du groupe anglais qui débuta en 1969 et qui a produit (en comptant notamment les 'live') une bonne vingtaine d’albums, Fleesh n’a cette fois pas lésiné sur le beurre en proposant une double tartine affichant un très beau 116 minutes au compteur.
Pour planter le décor, en deux mots, sachez que ce duo a la faculté, non pas seulement de se réapproprier les titres d’autrui, mais aussi de les reproduire presque à la perfection. C’est en effet toujours avec eux du travail tiré à quatre épingles. Ce tribute consacré à Renaissance le démontre à souhait. Pourtant rivaliser avec la voix d’Annie Haslam, la fée aux cinq octaves, (enfin dans ses meilleures années), n’est pas chose aisée, mais Gabby (oh Gabby) s’en tire à merveille, même si on pourra toujours reprocher à la belle une certaine monotonie légèrement nasillarde.
Vingt titres, pas moins, des longs et des moins longs, qui couvrent la carrière du groupe de Michael Dunford jusqu’à l’album «Azure d’Or» paru en 1979 mais oubliant au passage «Illusion» de 1971; autant dire que cette revisite omet, avec à-propos, la période post-progressive. Ceci dit, je signale à toutes fins utiles que la bande à Annie a sorti en 2013 un excellent «Grandine Il Vento».
D’abord sachez que dans ces vingt reprises figure le titre «Island». Issu du premier album, dans lequel Annie n’était pas, mais Fleesh a eu la bonne idée de lui dessiner un décor «à la Haslam». Ensuite notez deux morceaux de «Prologue», quatre de «Ashes are Burning», deux de «Turn of the Cards», cinq de «Scheherazade and the Other Stories», deux de «Novella», deux de «A Song for all Seasons» et deux de «Azure d’Or»; ça fait le compte.
Même si aucun cover de Renaissance n’arrivera à reproduire à la perfection l’ambiance si particulière du groupe britannique, sans faire passer un examen médical à toutes les reprises, je dirais que la santé de ce tribute est très satisfaisante...
C’est très bien fait mais l’enchantement qui fait d’un groupe une référence n’est pas toujours reproductible, quand bien même l’exécution serait parfaite. C’est un peu comme si Fleesh n’arrivait pas à plonger totalement dans les abysses. Prenez pour exemple le titre «Day of the Dreamer» qui ouvre l’album. Sur l’original le piano a une couleur particulière, elle n’est pas perceptible sur la reprise. Et la reproduction de ces moments pianistiques font en général pâle figure face à ceux de John Tout, «Song of Scheherazade».
C’est aussi parfois au niveau de la subtilité de l’instrumentation («The Vultures Fly High», «Carpet of the Sun»); de la finesse de l’interprétation («Bound for Infinity»); de l’ensorcellement des voix («the Sisters»); d’un climat qui tient sa magnificence de détails («Can You Understand»); ou tout simplement de la qualité vocale inatteignable d’Annie Haslam («Black Flame», «Let It Grow»), même si Gabby excelle notamment sur des titres comme «Forever Changing» ou «Things I Don’t Understand».
Si on fait abstraction de cela, reconnaissons que les versions du duo brésilien sont comme des mises à jour d’un logiciel, et lui donnent même parfois un p’tit coup de fraîcheur. C’est le cas sur «Golden Key» qui est carrément sublimé, bravo! Ou sur «Midas Man» et «Ocean Gypsy» qui sonnent un peu à la Blackmore’s Night, ou encore sur «Spare Some Love» que Fleesh arrive à dynamiser.
Ce double album est donc du plaisir, de très bonnes interprétations des classiques d’un des classiques du progressif. Et si ce «In the Mist of Time» permet à une plus jeune génération de découvrir ce groupe mythique des seventies, alors que demander de plus?…
Centurion
https://fleesh.bandcamp.com/album/in-the-mist-of-time-a-renaissance-tribute