Novembre 2021

01/11/2021

Yes
The Quest
progressive rock – 61:18 – UK ‘21
Le voici donc ce 22e album studio de YES (official): espéré par certains, redouté par d’autres, mais assurément attendu par tous.
La sortie de l’album (pas l’album en tant que tel, j’y reviendrai) pose une vraie question existentielle: comment être et avoir été? Jusqu’où aller? Comment rester fidèle à une légende sans décevoir mais tout en tentant de se renouveler et d’innover? Yes est à ce niveau un cas vraiment unique tant le groupe a pu connaître des incarnations diverses avec 17 musiciens différents.
Le décès de Chris Squire était peut-être l’occasion de mettre un point final à l’histoire mais les membres restants en ont décidé autrement et nous livrent donc ce «The Quest». On ne peut évidemment ignorer le line-up: Steve Howe tient bon, envers et contre tout, Alan White n’est plus que l’ombre de lui-même, Geoff Downes donne le change et les deux derniers (Billy Sherwood et Jon Davison) font ce qu’ils peuvent.
Pour aussi remettre les choses en perspective, «90125» a presque quarante ans et était le 11e album du groupe qui, depuis, alterne le bon («The Ladder») avec le correct («Magnification») et le plus que passable («Open your eyes»). «Fly from here» avait redonné de l’espoir en reformant le duo qui avait revitalisé le groupe avec «Drama». Nous sommes donc onze albums plus tard.
Et alors? Eh bien, cet album n’aurait jamais dû voir le jour et son existence est même incompréhensible. Une fois l’écoute lancée, il faut se pincer à plusieurs reprises pour se rendre compte que c’est bien Yes. Les compositions sont d’une fadeur et d’une paresse inouïes: le premier extrait, «The Ice Bridge», pouvait faire illusion tout en sonnant comme un album moyen de Asia; il s’agissait bien du meilleur morceau de l’album. Par acquit de conscience, j’ai réécouté le précédent «Heaven and Earth» et je crains que cet album ne soit encore pire, c’est dire. Rien de ce qui fait la légende Yes n’est présent ici: Steve Howe étale sa guitare un peu partout paresseusement et nous n’avons même pas droit à un solo de claviers. Billy Sherwood fait ce qu’il peut pour singer Chris Squire, mais c’est surtout la prestation de Jon Davison qui fait mal: ce n’est certes pas un mauvais chanteur mais la comparaison avec Jon Anderson est cruelle.
À bien y réfléchir, ce n’est pas une question d’âge, mais une question d’envie; je vous renvoie à ma chronique du dernier Styx pour vous convaincre qu’un «vieux» groupe peut encore avoir la pêche. J’ai aussi réécouté quelques extraits du concert du Yes dissident (ARW) à l’Apollo et là, quelle claque, alors que ce concert date de 2018. L’envie et la flamme n’y sont plus; je soupçonne même Steve Howe d’un nombrilisme excessif en maintenant ainsi le groupe en état de mort clinique, uniquement pour exister lui. Pour me consoler, je me suis mis à rêver à un nouveau Yes dissident où Jon Anderson, Trevor Rabin et Rick Wakeman seraient rejoints par Bill Bruford et Geddy Lee en mal de Rush à la basse: imaginez le tableau! Le seul truc à sauver de cet album est l'artwork du fidèle Roger Dean qui, lui aussi, doit se demander pourquoi un tel album existe.
Cela étant, Yes reste et restera toujours un de mes groupes préférés, toutes époques confondues, mais il est difficile d’imaginer que le groupe ayant pondu ce «The Quest» a été capable d’accoucher de «Awaken», «Gates of Delirium» ou encore «And you and I».
En commençant l’aventure Prog censor, je n’aurais jamais imaginé mettre une telle cote à un album; je m’étais encore moins imaginé que ce serait pour un album de Yes.
Amelius

https://open.spotify.com/album/5mJQGS0NqD41OGyM77vIX9?si=tk7qLtJ3QZiXizyTJhOjGQ&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=PbGEa7ju8bg&ab_channel=yesofficial

02/11/2021

Mostly Autumn
Graveyard Star
progressive rock/rock sympho/folk – 75:23 – UK ‘21
Mostly Autumn est ce groupe découvert en 2005 avec l’album «Storms Over Still Water»; un groupe de rock progressif formé en 1995 jouant des reprises de Pink Floyd. Brian Josh en est l’ossature et a insufflé un son Fleetwood Mac, Blackmore’s Night. Heather Findlay partie, un pan d’émotion s’est entr’ouvert avec l’arrivée d’Olivia et de sa voix angélique; ce 14e album fleure bon les réminiscences de Karnataka et Magenta ouvrant sur le folk, le bluesy, le celtic folk, un véritable «théâtre de rêve» musical finalement. Du rock moderne puissant, artisanal car pas assez reconnu dans l’univers prog, de la musique passion, sincère et émotive amenant à vagabonder dans des univers atmosphériques; l’association des voix de Josh et Olivia étant un plus donnant du contraste à certains titres; des textes sur la pandémie avec perte d’espoir et renouveau nécessaire.
Au niveau titres, «Graveyard Star» et «Turn Around Slowly» surnagent pour les crescendos et les circonvolutions divines, les voix et les soli; «Razor Blade» pour le clin d’œil à «Division Bell», «Skin of Mankind» pour le western Morricone - The Shadows, «This Endless War» pour le meilleur solo depuis longtemps de mon avis et «Back in These Arms» pour cette longue montée onirique où les réminiscences explosent au détour du titre.
Notez sur l’édition limitée 9 autres titres pour plus de 40 min de bonus et deux instrumentaux; cet album possède deux longs titres remarquables avec des soli à faire fondre, mais il ne faudrait pas oublier les autres mélodiques, linéaires, qui mettent en valeur l’orchestration du groupe. Ses recherches progressives, planantes, mélodiques et symphoniques associées à la voix magnifique d’Olivia en font un album de grande valeur, même si je me suis un peu perdu dans la seconde partie.
Brutus

https://open.spotify.com/album/35aVgth01N4GGo8zgDCzrN?si=Y_LrfKu8T_y0zDjBZDXF8g&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=sXoAeMNhjyo&ab_channel=HEADBANGERCHANNEL-RELEASESANDPROMOTIONS

03/11/2021

Stephan Thelen
Fractal Guitar 2
progressive rock – 73:44 – Suisse ‘21
Nouvel épisode des pérégrinations de Stephan Thelen, «Fractal Guitar 2» poursuit l’expérimentation entamée peu avant 2018 par le guitariste californien implanté à Zurich (que l’on apprécie aussi pour son appartenance au quatuor Sonar, ses activités passées auprès de Radio Osaka, License to Chill, Broken Symmetry et Root Down, ou encore sa récente commande par le réputé Kronos Quartet de David Harrington): la guitare est reine, au centre et en périphérie de tous les sons, sa fractalité exploite un delay rythmique au feedback élevé, un cocktail de musiciens invités – dont un paquet de guitaristes (Markus Reuter, Henry Kaiser, Jon Durant, Bill Walker, David Torn, Stefan Huth, Barry Cleveland) – donnent corps à un imaginaire d’une puissance délicate – le tout élégamment corseté d’une rythmique qui, malgré ses signatures temporelles improbables, coule de source, presque intrinsèque.
Auguste
https://stephanthelen.bandcamp.com/album/fractal-guitar-2

https://www.youtube.com/watch?v=pomLyEo3v4A&ab_channel=StephanThelen

04/11/2021

Kansas
Point Of Know Return Live & Beyond
progressive rock – 112:05 – USA ‘21
Forts du succès de leur précédent live (2018), qui reprenait déjà l’intégralité d’un de leurs albums, à savoir «Leftoverture», les Américains de Kansas nous proposent ici l’interprétation complète de leur classique «Point Of Know Return» qui fête ses 40 printemps cette année.
Quel plaisir de découvrir cet album majeur en live! et dont les titres sont interprétés dans l’ordre où ils apparaissaient sur l’album studio. Certains pourront regretter l’absence de Steve Walsh, pilier de la composition et du chant de l’opus d’origine, mais ne chipotons pas, Ronnie Platt s’en sort avec les honneurs et ne dénature en rien les compositions de ce monument du rock progressif américain.
Des morceaux tels que «Portrait», «Lightning’s Hand» ou encore «Two Cents Worth», prennent ici une envergure peu égalée.
À noter que ce live contient également des titres moins connus ou peu interprétés en live, extraits de «Monolith» (79), «Freak of Nature» (95) ou encore «Power» (86).
Vraiment hâte de les voir en concert chez nous et en Europe, après les rendez-vous manqués des Nights of the Prog et du Cirque Royal...
Un album indispensable.
Tiro

https://open.spotify.com/album/4SDmP7lGBxCddqE3qLL2Gb?si=vA3YqGcnRuCWFn6uHL8WWg&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=6s0kt7BfadM&ab_channel=KANSAS

05/11/2021

Magnesis
Légendes de nos campagnes
rock progressif à la française – 68:05 – France ‘21
Cherchez bien sur la toile, vous ne trouverez rien sur ce nouvel album de Magnesis (Magnesis rock progressif)! Nouvel album? Oui déjà, il faut bien dire qu’Éric Tillerot est du genre fécond, un disque quasiment tous les ans et sans baisser en qualité, surtout quand on aime ce type de rock progressif que je dénomme «à la française», c'est-à-dire issu des délires angéliques du cœur des années 70. Un genre, une mouvance qui continue de fasciner et d’offrir des rondelles poinçonnées de la faconde symphonique des gars de Belfort encore en 2021, pour la plus grande joie d’auditeurs bloqués dans cette boucle temporelle qui suffit à leur bonheur (je m’inclus)... L’ami Tillerot ne m’en voudra pas d’éternellement comparer ses œuvres au géniteur d’un style, il y a pire comme influences. Pourtant, cette fois, il y a matière à disserter sur les chemins de traverse pris par Magnesis, comme si le sentier tracé depuis 1992 et «Les voyages de Mikado» devenait trop fréquenté par une inspiration ressassée. Deux «gros» morceaux, l’un pour commencer, «Une visite à la campagne», avec un emprunt à peine déguisé à Genesis, mais je ne dévoilerai rien (10:45), et l’autre pour terminer, «Légendes au coin du feu» (26:37!). Tillerot et ses potes ont encore choisi un thème bien ancré dans la mythologie du prog’ d’ici, après «La bête du Gévaudan», ils nous entraînent dans un terroir pétri de légendes, de bonnes vieilles histoires qu’on se raconte comme celle d’un certain maréchal-ferrant il y a quelques décennies de cela. Ce n’est pas «La jeune fille et le diable» qui me contredira avec son petit air de «Noces»! Cependant, Magnesis emprunte encore une fois à Genesis mais pas celui de Gabriel (non, non, trop facile); ainsi viennent s’inclure des passages instrumentaux époque «Abacab» ou «Genesis» (1983), créant un décalage temporel gouleyant et, pour le moins, des plus distrayants. Tillerot conte comme un vieux sage (les années passent...) quelques histoires du passé («Dans la chaleur du foyer», «Dis moi»), parfois dans un esprit «monalisesque» des plus réjouissants. Oui, on reste en famille sans lasser l’amateur. L’émotion est toujours présente, empruntant toute la naïveté nécessaire pour enjoliver ce prog’ passéiste qui a gardé toute la saveur et le jus exaltant de sa genèse. Dans un disque consacré aux légendes de nos campagnes, les anciens sont à l’honneur et représentent le témoignage encore vivant des turpitudes ancestrales. Les grands-pères et autre «Vieille» sont à l’honneur. 14-18 est mis en exergue avec le court et dramatique «A l’est rien de nouveau», mais aussi 39-45 avec l’oppressant «Camille» et le malheur des «malgré-nous» alsaciens enrôlés de force par l’armée allemande. Il faut pourtant bien parler du plat de résistance, l’énorme «Légendes au coin du feu», mur porteur de l’album, une de ces pièces qui font la gloire des groupes de rock progressif, un brassage culturel de 50 ans de prog’ théâtral français qui assimile et régurgite, avec l’aisance provoquée par 11 galettes et presque 30 annuités au service du rêve, une résurgence jouissive qui porte Magnesis au pinacle et oblitère définitivement l’abnégation d’un «Mikado» parti de loin. Que Tillerot et Magnesis en soient remerciés n’est que reconnaissance bien naturelle...
Commode

https://open.spotify.com/artist/2WWHDkCphNOJE1X7K2hCUK?si=tpkWjIa_R_m9ZRfDcrvnkw&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=O6_RVICxSAY&ab_channel=MagnesisOfficiel

06/11/2021

Matteo Scano
Places
jazz (intimiste) – 49:07 – Italie ‘21
Matteo Scano est un pianiste de jazz italien qui a déjà de nombreuses productions et collaborations dans sa discographie.
Avec «Places», il nous propose un projet en trio (même si on y découvre quelques invités, comme Filippo Bianchini au saxophone tenor, ou une voix féminine musant sur «The Dream», en plus de certains autres moments en solo comme le «Echi di luce» qui ouvre l’album au piano électrique). Le projet porte un titre déjà présent dans le jazz – qu’on pense à Jan Garbarek (1978) ou Brad Mehldau (2000) pour ne citer que les plus fameux. Chaque pièce de «Places» est inspirée de lieux qui sont chers à la mémoire du compositeur. Il nous invite donc à une promenade qui, au gré de ses souvenirs et voyages, nous propose différents paysages marqués par la large culture jazz de Matteo.
C’est tout simplement magnifique, tour à tour intimiste, enjoué, puissant et rythmé, doux et mélancolique, le tout agrémenté d’un trio extrêmement cohérent et créatif, avec Pierpaolo Frailis à la batterie et Lanfranco Olivieri à la basse. On y trouve même un petit passage dans «Spring Days» qui évoque Zawinul de l’époque «Live in Tokyo». Commentant son œuvre, le pianiste déclare que «le thème principal de cette œuvre est la relation entre l’homme et la nature.»
En somme, un excellent album de jazz que vous ne regrettez pas d’écouter par une après-midi pluvieuse d’automne, avec un bon single malt à portée de la main…
Lucius Venturini

https://open.spotify.com/album/3R78qeWpHujja3xv4FjYjh?si=J7uut3dUT5etwYely-7njg&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=2qRmP3vvOB4&ab_channel=MatteoScano

07/11/2021

Shy, Low
Snake Behind The Sun
post rock/postcore – 53:20 – USA ‘21
Il y a de ces musiques qui ne font pas partie de notre crémerie, qui ne figurent en général pas sur l’étalage. Ça me rappelle cette vieille anecdote de ma tendre enfance, où, un dimanche matin, entrant chez notre boulangère-pâtissière, je lui dis: «Je voudrais la roulette!». «La roulette?» me dit-elle interloquée... Et moi de lui montrer du doigt ce vieux jouet oublié au-dessus de l’étagère derrière le comptoir et que je regardais avec envie à chaque fois que nous y passions pour acheter les petits «merveilleux» du dimanche. SHY, LOW c’est un peu ça, le truc iconoclaste qui n’a rien à faire dans un magazine de rock progressif mais qui s’y trouve quand même.
Plus violent que le post-rock, semblant plus assimilable au postcore, mais qu’eux qualifient plus volontiers de post-metal; une histoire de genre, comme souvent, mais ça a le mérite de donner une couleur, pour tenter de s’orienter. Musique instrumentale, où hargne se déverse à coup de riffs appuyés sur lignes d’accords mélodiques et arpèges parfois délicats. Plusieurs albums à l’actif du groupe virginien dont ce dernier serait plus mature, plus moderne, grâce à un travail intensif des musiciens.
Ambiances spleenétiques perturbées et sans concession vous enfermant dans un monde tourmenté, «Une métaphore de l'idée que l'obscurité et la négativité peuvent rester cachées même parmi les forces apparemment positives et les êtres positifs dans la vie.» écrivent-ils au sujet du titre de l’album. Et c’est effectivement un peu ça, il s’y cache toujours une appréhension, l’envie d’occulter la délicatesse derrière un voile d’appréhension.
Musique intéressante, proche du gouffre des illusions, comme un avertissement.
Centurion
https://shylowmusic.bandcamp.com/album/snake-behind-the-sun

https://www.youtube.com/watch?v=mqWGdbaOEhM&ab_channel=PelagicRecords

08/11/2021

Caravan
It's none of your business
prog canterbury scene pop – 52:20 – UK ’21
Ne gâchons pas le plaisir de l'écoute de ce 15e album par une comparaison inutile avec le riche passé de Caravan. Car en test à l'aveugle, c'est plus que réjouissant! C'est un album actuel, fait traditionnellement, c'est-à-dire tous ensemble dans le même studio. «C'est plus pratique pour enclencher le mouvement et encore plus pratique que de s'insulter par téléphone quand les choses ne se déroulent pas comme on le souhaite», c'est ce que déclare Pye Hastings, le fondateur, guitariste et principal compositeur de Caravan. Voilà qui est posé, il n'a rien perdu de son humour!
Ni de sa voix, la voix grave du Caravan historique; elle est ici chaude et apaisante. Même si l'album évoque parfois les disparus et la pandémie («Spare a thought»), voici un album dont la musique optimiste et pêchue ne peut que charmer l'auditeur. Comme le très léger et très commercial, néanmoins plaisant, air de «If I was to fly» (air encore moins lourd que l'air?).
Les 9 autres compositions s'éloignent des 3,5 minutes réglementaires pour la radio et nous promènent, non sans humour («None of your business»), de manière légère et raffinée, parfois rock, parfois hispanisantes mais toujours très plaisantes. Les flûtes sont de Jimmy Hastings, le frère, en guest, comme souvent mais toujours hors de la Caravan. À noter l'arrivée à la basse du fameux Lee Pomeroy (ex-It Bites, ELO, Wakeman, Hackett...), premier changement de line-up depuis 2013. Lors du décès de Richard Coughlan, Mark Walker avait alors étendu son rôle de percussionniste à celui de batteur.
L'album se termine avec une jolie déclaration d'amour («There is you»), suivie par l'aérien instrumental «Luna's tuna» où les claviers de Jan Schelhaas et le violon de Geoffrey Richardson nous abandonnent dans la nostalgie. Soupir...
Trop court, je le remets!
Cicero 3.14

https://madfishmusic.bandcamp.com/album/its-none-of-your-business

https://www.youtube.com/watch?v=M0oz9s70FCg&ab_channel=Madfish

09/11/2021

Sendelica
And the Man created God
space rock/psyché – 75:41 – UK ‘21
D’entrée nous sommes dans le mood Hawkwind lorsque ces derniers optent pour le planant, l’atmosphérique et les ambiances feutrées, aériennes et douces comme la brise printanière. Ce lever de soleil aeolien distille des parfums suaves sur un tempo lent et mesmérisant. «Exodus» accélère le rythme tout en conservant une trame aérienne sertie de longues nappes mélodiques où se greffent des riffs de guitare une fois encore très proche des concepts du faucon. Une batterie syncopée donne la marque et développe rapidement une transe hypnotique. L’exode se termine au bout d’une dizaine de minutes par un lent glissement sidéral, comme une corolle d’hibiscus qui se referme lorsque vient la nuit. Les arpèges de piano, doublés d’un saxo discret, prennent le relais pour lisser des soies enchanteresses aux échos moirés portés par une basse discrète. Le rêve omniprésent se coule en sonorité douce qu’éclairent les guitares dialoguant par touches subtiles secondées par un ensemble à cordes la jouant pizzicato (synthétique bien sûr). «MMT» virevolte, le rythme se fait plus puissant, élève l’auditeur dans de stellaires strates accrocheuses. Le leitmotiv répétitif s’étoffe au fil des minutes pour nous immerger complètement dans ses cosmiques arabesques. «Tainted Goat» fait revenir le saxo, couplé aux séquenceurs et aux riffs de guitare acérés. Trip sidéral envoûtant sur un rythme de batterie hypnotique et une six cordes qui arrache méchamment. «Seren Golawr» nous gratifie en sus d’un chant féminin aérien. Sachez donc que tout est de la même essence. Puissance et douceur en alternance, guitare écho, rythmique assassine et le tout vous envole vers de lointaines exoplanètes. Un trip ahurissant d’un bout à l’autre.
Clavius Reticulus
https://sendelica.bandcamp.com/album/and-man-created-god

https://www.youtube.com/watch?v=4zzwuzoxDQQ&ab_channel=FruitsdeMer2

10/11/2021

Kesem
Post-Terra
progressive metal expérimental – 39:56 – USA ‘21
Kesem est un jeune groupe provenant de Los Angeles, fondé il y a trois ans par Josh Austin (basse et chant), Ben Daniel (claviers, trompette et chant), Jay Howard (guitare et sampler) et Scott Werren (batterie). Signifiant «Magique» en hébreu, leur musique ne dément en aucune façon leur patronyme. Ils se disent influencés par le progressif bien sûr, mais aussi par le psychédélique, le metal et même un peu de punk rock. «Post-Terra» semble être un concept album dont voici le synopsis: «Partageant le même dégoût de la folie politique, des individus volent une fusée et vivent quelque temps dans l’isolement du vaisseau spatial avant de finir, enfin, sur une nouvelle planète». Quel programme!
La plage d’ouverture («No Future») déboule à toute allure, toutes guitares vrombissantes, avant de s’envoler dans une ambiance lourde et mortifère. Vous trouverez également sur cet album des trompettes jouées en free jazz, des voix spatiales, des parties orchestrales plus conventionnelles et reposantes, des ambiances variées, des citations musicales indiennes sur la fin de «Let Go».
En vérité, je vous le dis: un bel album que nous offre ici Kesem qui ne demande que votre écoute attentive.
Tibère

https://kesem23.bandcamp.com/album/post-terra

https://www.youtube.com/watch?v=VihwOVcvguM&ab_channel=666MrDoom

11/11/2021

Evership
The Uncrowned King Act 1
progressive rock – 60:40 – USA ‘21
3e album pour ce groupe américain qui varie les styles de prog selon les sonorités qu’il adopte au gré des vents de l’inspiration soufflés par ses influences. Parmi celles-ci, ses compatriotes de Kansas dont on trouve ici des réminiscences de leur côté épique à grand renfort d’envolées flamboyantes, de notes héroïques, de joyeuses mélodies entrainantes. Il y en a aussi de Yes, avec des chœurs majestueux et un sens affiné de la mélodie soyeuse. On pense par ailleurs à la vague néo-progressive des Pendragon, Arena et autre IQ, dans les sonorités des synthés et de certains passages acoustiques.
Mais c’est sans compter sur certaines interventions musclées à la guitare boostées par une section rythmique énergique lorgnant du côté de Dream Theater. Un bien beau voyage musical donc, entre passages hard rutilants et passages calmes apaisants. Toutes ces variantes se retrouvent sur ces compositions où foisonnent les interventions pertinentes de chaque musicien. Soli de claviers et de guitares, virtuoses dans leur art, s’enchainent avec maestria. Le chant puissant et mélodique pas si éloigné d’un Jon Anderson souligne harmonieusement les notes volubiles de chaque instrumentiste, enjolivant l’ensemble d’harmonies vraiment attirantes pour l’oreille.
Parmi les 7 titres de ce brillant opus, La présence de 3 plages épiques de plus de 10 minutes qui passent chacune sans laisser l’ennui s’installer lors de l’écoute, témoignent de la bonne inspiration qui parsème ces compositions.
Bref les amateurs de prog au sens large du terme trouveront leur compte avec ce très bon album, du genre où on a envie d’appuyer à nouveau sur la touche play quand c’est fini.
Orcus

https://friendsoftherevolution.bandcamp.com/album/the-uncrowned-king

https://www.youtube.com/watch?v=zdMPrSj_i6k&ab_channel=Evership

12/11/2021

Sentinels of Leda
The Kingdoms of the Dead
progressive metal – 60:06 – Canada ‘21
«The Kingdoms of The Dead» est le premier album d’une obscure formation canadienne sur laquelle plane une dense opacité. Qu’en dit Internet? Que dalle! Pas une présentation, pas une photo des membres, le mystère dans toute sa grandeur!
Du côté de leur musique, il y a tout à dire. Leur œuvre encore balbutiante est éprise d’un classicisme en grandes pompes, empli de désespoir.
Tout y est pour passer un moment au pays des ombres:
1) le ton de la pochette: un Rorschach psychopathe, un thème à la Joy Division dont les contours auraient fondu;
2) les sujets abordés: The Kingdoms of The Dead, The Earth’s Shadow, Death Blow, Post Mortem, The Dead I, II, III...;
3) le rendu des instruments: d’une lourdeur et d’une implacabilité, frisant l’Hardo-Ancien Testament.
Tout un programme de descente aux enfers, un aspirateur sur le vide absolu. Esprits chatouilleux, n’y descendez pas sans un brin d’espoir, vous risquez de prendre cher question spleen, sans y prendre garde, l’acoustique vous hypnotisera. Le mystère de l’obscurité est aussi captivant que le chatouillement des aurores boréales; un fascinant opéra de contradictions, n’est-il pas?
Au chant, on se figure un Dave (mais) Gahan, en pleine descente, début des années 90, le nez dans la poudre, le bras dans la picouse, poussant ses vocalises dans une authentique et déchirante complainte, appuyée, omniprésente, sur clavier ou sur guitare; la voix ne lâche rien, il faut compter avec elle, elle fait la loi, la pluie et le mauvais temps.
Chaque morceau est un appel aux abîmes, rigoureusement orchestré par de solides artisans, les «cinquante nuances» de l’agonie sont explorées. Superstition mise à part sur 13 chansons, 13 chapitres, 13 pistes à suivre sans désemparer. J’ai malgré tout quelques petites recommandations, même si l’album ne peut se louper sur aucun des morceaux, tant le concept tient l’ensemble tout en un.
«Fading to Perpetual Black» et son piano-voix saupoudré de ponts metal symphonique, assaisonné d'aqueducs guitares-riffeuses-distordues, par-ci, par-là, parcimonie, j’adore.
Un peu plus bas, j’ai une faiblesse coupable pour le triptyque mortel: «The Dead I: Hopeless», «The Dead II: Godless», «The Dead III: Restless». L’introspection est une réussite sans fin, voix et instruments s’allient parfaitement pour la cause mélancolique au travers des saisons du malheur.
Enfin «Outro», une demi-teinte nostalgique, chants d’oiseaux, refoule de la mer, kaléidoscope de pureté au gré d’un piano, comme un nouveau monde qui se réveille, invitation à oublier tant de noirceur… intemporelle.
Au final, que retenir de ce disque génialement tordu? Léda, le péché de Zeus, nous fait «cygne» depuis le royaume d'Hadès? Que savons-nous de la colère d’Héra aujourd’hui? Rigoureusement rien… ou peut-être si, une larmoyante et longue plainte… Allez, j’ai été un «maso» (consentant) pour cette fois, je me laisserai volontiers faire une prochaine fois, les Sentinels ont composé une «souffrance» sublime...
Kaillus Gracchus

Tnpsmusic

https://sentinelsofleda.bandcamp.com/album/the-kingdoms-of-the-dead

https://www.youtube.com/watch?v=FSTx2Q86YyQ&ab_channel=VariousArtists-Topic

12/11/2021 - EP

Drowning Steps
Dark Nostalgia
progressive rock atmosphérique – 16:42 – Brésil ‘21
Le 16 mai de l’année dernière, au sujet de l’album «The Echo of a Distant Past» des Brésiliens de Drowning Steps, Titus nous expliquait l’importance de l’accent mis par le groupe sur la beauté des sons et le développement des ambiances, au détriment de démonstrations techniques. Grand bien en avait pris le duo Caio Claro et Tiago Pierucci qui aujourd’hui remettent le couvert avec cet EP 4 titres de 16 minutes. Musique pop, atmosphérique et progressive aux intonations beatlesiennes («Childhood Shadows») enrichies d’une orchestration suave et délicate. La beauté des sonorités et l’élégance des arrangements de ces 4 courts titres font l’éloge des valeurs du groupe et suscitent déjà l’envie d’en entendre davantage. Mieux qu’une carte de visite, ces petites perles sont comme un ticket pour un prochain voyage déjà plein de promesses. Grisant!
Centurion

https://drowningsteps.bandcamp.com/album/dark-nostalgia

https://www.youtube.com/watch?v=Cvx8-QBtv4k&ab_channel=DrowningSteps-Topic

13/11/2021

French TV
All Our Failures Are Behind Us
rock in opposition – 48:01 – États-Unis ‘21
French TV est un vétéran de la scène progressive du Kentucky, porté à bout de bras depuis 1983 par le fondateur Mike Sary, et dont le quatorzième album confirme un style souvent référencé à des artistes comme National Health ou Frank Zappa – une mouvance proche de l’école de Canterbury et du Rock In Opposition. L’écoute de «All Our Failures Are Behind Us» révèle une musique qui met en avant complexité et brusques variations de rythmes, mais semble manquer de la flamme ou de la fantaisie propre à susciter, sinon l’enthousiasme, du moins l’émotion de l’auditeur – on reste alors avec un matériau propre, parfois technique, mais qui s’adresse trop souvent à la matière grise, aux dépens du muscle cardiaque (le violon de «From Trunk To Tail», seule pièce non entièrement instrumentale, fait exception au sein d’un album qui manque de conviction).
Auguste

https://frenchtv.bandcamp.com/album/all-our-failures-are-behind-us

14/11/2021

Oscil
First Step On My Moon
progressive rock – 48:48 – France ‘21
Oscil est un groupe de rock progressif français créé par le compositeur et guitariste français Vincent Mouge, avec la voix d’Ingrid Denis au chant et deux autres musiciens, Aubry German à la basse et Florent Jeannel à la batterie. Ils nous livrent ici leur tout premier opus, «First Step On My Moon», à la suite d'un EP, «Never Ending Road(s)», sorti en 2007. Avant toute chose, la pochette signée Vincent Fouquet (Above Chaos) est somptueuse, ce qui lance toujours bien un album. «Harlem Shadows», qui ouvre l’album, s'avère rock pop classique mais, dès le deuxième titre, «The Pact», on retrouve les influences prog traditionnelles; un titre très varié et bien équilibré. Et quelle voix! Ingrid Denis assure vraiment et ce même quand la musique devient plus dure comme dans «A Shropshire Lad» où certains passages me font penser au groupe hollandais Autumn. «You» est un titre totalement influencé par Paatos et tire gentiment vers une ballade pop prog très intéressante, avec un solo de guitare très floydien. Un autre passage de l'album avec «Romance» nous montre le côté rock fou, un peu comme sait le faire le groupe belge Black Mirror, pour terminer avec un son à la Deep Purple. Tous les titres apportent leur pierre à l'édifice. Dommage qu'un titre phare ne ressorte pas de l'album, mais on ne s'ennuie pas une minute. Il devrait plaire aux amateurs de jazz, de rock ou de métal, comme aux progueux. Une belle découverte pour ma part.
À suivre...
Vespasien
https://oscilmusic.bandcamp.com/album/first-step-on-my-moon

https://www.youtube.com/watch?v=PwrXduhZkVc&ab_channel=Oscil-Topic

15/11/2021

Horte
Maa Antaa Yön Vaientaa
post rock/psyché shoegaze – 36:04 – Finlande ‘21
Horte est né dans la scène underground finlandaise psyché/postrock/stoner au milieu des années 2010. Ils s’inspirent de leurs paysages glaciaires remplis d’aurores boréales pour en recréer un sonore profond, énigmatique, étonnant et craintif, se différenciant de fait des Sigur Rös et autres Explosions in the Sky. Un album qui ignore les limites arbitraires de la langue, des égos, des processus créatifs et des normes de genre, et qui laisse la musique parler d'elle-même, le chant en finnois accentuant et entraînant dans des rêves. lls collectent des enregistrements naturels sur le terrain puis essaient d’organiser leur musique après, un beau challenge musical!
Musique de réverbérations, de vagues gothiques, des percussions enivrantes, sensation de partir dans un espace-temps sans fond et sans fin, à écouter d’une traite puisque album conceptuel! Du shoegaze psychédélique fluorescent que l’on peut écouter de fait la nuit lorsque la Terre se tait enfin; eh oui il fallait bien que je vous traduise le titre à un moment, c’est fait.
Album concept, titres enchaînés flirtant avec le new age éthéré, textes cités en mantras hypnotiques, des réminiscences de Fripp pour les guitares, de Popol Vuh et Dead Can Dance pour les voix, de Sigur Ros et The Gathering pour les sonorités d’ailleurs; du rétro synthé à la My Bloody Valentine pour un moment intense.
Ce post-rock éphémère s’écoute seul, dépasse le processus créatif musical, sensible, sensuel, mystique, apaisant, énigmatique, indéfini ou onirique, mis en transe sur un slow tempo addictif, mis en abyme sur des répétitions d’échantillonnages, dérangeant, captivant autant qu’aliénant; ce son ne vous laissera pas indifférent, loin de là. Avec ce 2e album, ce groupe singulier livre ses sentiments pour vous inonder de joie.
Brutus
horte.bandcamp.com/album/maa-antaa-y-n-vaientaa

https://www.youtube.com/watch?v=vM03txRKSo0&ab_channel=PelagicRecords

16/11/2021

Proportions
After All These Years
progressive rock éclectique – 60:40 – Suède/Canada/États-Unis/(Royaume-Uni) ‘21
Pour leur 3e album, les cinq membres de Proportions et leurs invité(e)s nous proposent 14 titres aux couleurs très diverses (jazz, fusion, prog, folk, symphonique…). Fruit d’échanges transatlantiques (par Internet) de compositions et démos individuelles, ce projet complexe et très abouti est un véritable petit miracle. Une belle vitrine pour une expérience musicale acquise «après toutes ces années»…
Lequel d’entre eux a intercepté ces fragments entre Europe et Amérique du Nord pour les rassembler avec une telle maestria? Je n’en sais rien. Mais je reste sans voix devant le produit fini tant il foisonne d’idées, de diversité et de maîtrise. L’album est un condensé de bonnes surprises et de références à notre patrimoine musical commun, subtilement distillées, délicatement suggérées dans des compositions à la signature originale. Chacun(e) les découvrira en fonction de sa propre expérience.
Pour ne pas gâcher votre plaisir – on ne divulgue pas les réponses d’un quiz! –, je m’abstiendrai de toute tentative d’énumération de ces artistes et groupes auxquels Proportions adresse un clin d’œil complice (sans jamais copier!). Un petit indice cependant: le 1er titre, «Hymn For The Giant», vous laissera deviner le nom de leur groupe favori…
[À découvrir, ainsi que la composition détaillée du groupe, sur le lien Bandcamp ci-dessous.]
Vivestido
https://propsreboot.bandcamp.com/album/after-all-these-years

https://www.youtube.com/watch?v=wsP_6vSPtoU&ab_channel=Proportions-Topic

17/11/2021

A Formal Horse
Meat Mallet
progressive pop – 42:52 – UK ‘21
Le quatuor A Formal Horse existe depuis 2014 et compte à son actif trois EP et deux albums dont celui qui nous occupe aujourd’hui. Il est constitué d’Hayley McDonnell au chant, Benjamin Short aux guitares et au chœur, Russel Mann à la basse et Mike Stringfellow à la batterie. Douze titres courts constituent l’ossature de «Meat Mallet». Et cela débute par un avertissement à l’allure globalement pop malgré d’excellentes guitares («This One’s Just A Warning»). Et remarquons d’emblée que le chant d’Hayley est puissant et maîtrisé de bout en bout, et qu’il s’en dégage une impression mélodique forte. Si l’ensemble est plutôt guilleret, des ambiances plus lourdes et même presque martiales se font cependant jour («Someone’s After My Malted Milk»). Hayley monte parfois haut dans les aigus («Rose Train») où le traitement des arrangements vocaux peuvent s’assimiler à Queen! Idem pour «Let it Run» avec de subtils accords à la guitare acoustique rendant ce titre des plus agréables.
Voici donc un album qui mérite amplement d’être écouté attentivement car ce n’est qu’à ce titre que l’on pénètre réellement dans l’univers de nos quatre lascars.
Tibère
https://aformalhorse.bandcamp.com/album/meat-mallet

https://www.youtube.com/watch?v=vu3XptfkdZo&ab_channel=AFormalHorse

18/11/2021

Mariusz Duda
Claustrophobic Universe
electronic rock – 42:00 – Pologne ‘21
Il va sans dire que les fans de Riverside et Lunatic Soul risquent d’être pour le moins surpris, pour ne pas dire complètement perdus, à l’écoute de cet album de Mariusz Duda.
Le Polonais nous propose un opus de musique électronique digne de Jean-Michel Jarre ou Tangerine Dream…
Autant vous dire donc que cette œuvre va encore une fois provoquer moult critiques, voire une indifférence totale du microcosme prog.
Et ce serait une nouvelle fois une erreur et un oubli de ce que signifie le terme «progressif»… Ceci étant écrit, je me dois d’être honnête avec vous. Et donc, bien reconnaître que ce «Claustrophobic Universe» n’apporte rien de nouveau, il se contente de proposer 9 titres plaisants, des ambiances atmosphériques que Vangelis, à sa grande époque, aurait proposées sans problème…
Vous l’aurez compris, le leader de Riverside nous propose un album, bon, mais peu original, pour ne pas dire ennuyeux, tant dans ce domaine tout a été dit ou presque. Et c’est dans ce «presque» que j’attendais Duda. Hélas, il m’a posé un lapin…
Tiro

https://mariuszduda.bandcamp.com/album/claustrophobic-universe

https://www.youtube.com/watch?v=IenweoqlyKs&ab_channel=MariuszDuda

19/11/2021

David Zmyslowski
Ocean Station – Turning the page Chapter II
Instrumental rock /guitare – 46:18 – France ‘21
C’est un album de guitariste qu’on tient là, un album purement instrumental de huit titres, le troisième disque solo de David Zmyslowski. Notre homme est connu pour avoir tenu le manche au sein de Nemo et d’Element V. Ne vous attendez pas pour autant à une nouvelle galette de prog’ à la française, D. Z. tire plutôt ses fréquentations musicales ici, d’illustres compères tels que Satriani, Lukather ou Gilmour (The Call of the Ocean surtout), ce n’est pas moi qui le dis mais c’est pourtant vrai avec plus de sons à la Toto ceci dit. Donc, un album qui mise sur le jeu de guitare plutôt savoureux de l’Auvergnat. Pour être précis, il n’est pas seul puisqu’on retrouve J.-P. Louveton (Nemo/JPL) sur «The bridge between the generation» et J.-B. Itier (Nemo/JPL/Grandval) à la batterie sur «Endless Road» et «The best of us». Les copains ont été conviés et entourent avec bienveillance les pas du bébé en solitaire. Enfin, notre homme marche seul depuis 2009 à vrai dire, d’abord sous le patronyme d’Opale pour «Immensité» en 2009 donc et bien sur, «Turning the Page», premier du nom en 2019. On a là tout un panel de rock parfois métallique mais du côté lumineux de la force, un classic rock joliment emmené, clair et flamboyant, la guitare de D. Z. étant mixée bien en avant, que diable, c’est un album de guitariste! Avec ce genre de disques, j’ai toujours eu un petit souci pas bien méchant, j’attends toujours qu’un bon chanteur entonne la complainte, mais bon, faut s’y faire, ça ne vocifère pas! Pas de problème, la galette est plaisante de bout en bout, les harmonies pleines et déliées, le rock est A.O.R. et ne s’envole qu’à des limites appréciables sans jouer au guitar hero qui accumulerait un déluge de notes abasourdissant. Bref, ce chapitre 2 tourne une autre page avec succès, la suite du livre est gouleyante, les mélodies sont d’une réelle beauté et Zmyslowski ne nous abrutit jamais, au contraire, il distribue les harmonies avec un vrai bonheur et c’est avec plaisir qu’on (re)découvre qu’il y a aussi de sacrés guitaristes en France qui ne dépareilleraient pas au niveau international.
Commode

https://davidzmyslowski.bandcamp.com/album/ocean-station-turning-the-page-chapter-ii

https://www.youtube.com/watch?v=gRQcWB625No&ab_channel=DavidZmyslowski

20/11/2021

Yoo Doo Right
Don't Think You Can Escape Your Purpose
psychedelic rock/post-rock – 40:38 – Canada ’21
Pour cet album de la naissance (après deux EP et un split single partagé avec Acid Mothers Temple) Yoo Doo Right navigue entre ciel et eau, du spatial «A Certain Sense of Disenchantment» qui ouvre le disque, au «Join, Be Curst» qui laisse traîner ses filets dans les eaux des lochs écossais (celles-là même dans lesquelles les gars de Mogwai rincent leurs baskets), en passant par le fissible atomique «1N914», le stoner réjoui «Presto Presto, Bella's Dream» ou le motorik «The Moral Compass of a Self-Driving Car» qui nous renvoie à Düsseldorf au temps de Neu! Le groupe réalise une fusion de genres peut-être faits pour s’entendre, qui culmine avec «Don't Think You Can Escape Your Purpose», le morceau-titre et souffre seulement d’une incursion bubble-gum (la mélodie de «Marché des vivants», certes rattrapée par une foison post-rock dans sa deuxième partie) et d’une impasse, qu’emprunte la chanson de clôture («Black Moth»), qui semble hésiter sur sa filiation.
Auguste

https://yoodooright.bandcamp.com/album/dont-think-you-can-escape-your-purpose

https://www.youtube.com/watch?v=Gy3UjGBLdMU&ab_channel=YooDooRight

21/11/2021

Altesia
Embryo
progressive metal – 57:26 – France ‘21
Après un premier album réussi, ce deuxième opus des Bordelais d'Altesia confirme la volonté de délivrer un métal progressif de qualité et raffiné. «Embryo» nous offre une jolie synthèse du genre musical. Beaucoup d'ingrédients et de multiples ambiances, jazzy, théâtrales ou classiques, viennent étoffer et colorer un métal progressif symphonique un peu «scolaire» mais très classieux. On devine avec évidence l'influence de Dream Theater, Haken, Opeth ou Leprous. Mais Altesia apporte tout de même de la personnalité et de la haute technicité à son propos. C'est propre et enlevé. Inspiré et joliment ciselé. De jolis solos de guitares parfois très épurés, planants, voire souvent jazzy, viennent contrebalancer des riffs techniques, tout cela sur une toile symphonique raffinée et derrière une rythmique flexible, chaloupé ou en béton armé. La relève du métal progressif est là et elle vient de l’Hexagone. Le chant en anglais qui revêt un caractère international sied bien au genre et nous rappelle les voix séduisantes de Haken ou Caligula's Horse. Je ne vais pas m'étendre sur tous les titres dont le niveau se maintient tout au long de l'album et qui répondent à la charte de l'AOC métal progressif de luxe… Mais citons la suite majestueuse «Exit Itinia» qui exprime tout le savoir-faire des musiciens et tout un panel stylistique réjouissant en terme de composition et d'interprétation. Classe et majestueux, puissant et gracieux. On a même droit à des cuivres joliment bien placés. Cet epic nous rappelle avec brio l'emphase d'un Dream Theater des plus symphoniques ou les harmonies complexes d'un Haken des plus inspirés. En résumé, cet album est une crème du métal progressif qui ravira les amateurs du genre. Un petit bijou à découvrir, à l'image d'une pochette à l'évocation plutôt poétique. Recommandable.
Maximus
https://altesia.bandcamp.com/album/embryo

https://www.youtube.com/watch?v=1baIGVjEraQ&ab_channel=Altesia

22/11/2021

Red Sand
The Sound of the Seventh Bell
progressive rock/néo prog – 64:25 – Canada ‘21
Red Sand, connu personnellement en 2005 avec «Gentry», sort son 10e album de plus en plus éloigné du néo à la Marillion. Simon Caron, fan absolu de Rothery, s’était même encanaillé gentiment avec le son des Pink Floyd sur leur dernier album; des réminiscences de Camel, IQ ou Pendragon pouvant y être trouvées. On a affaire à un album concept basé sur les sept péchés capitaux, mixé par Michel St-Père (Mystery) sur de belles mélodies rock progressif.
Au niveau des titres, les «Insatiable» et «Cracked Road» pour de fabuleux développements progressifs à tiroirs lorgnant de près et de loin sur les groupes référents précités; une ambiance où le temps semble s’arrêter entre souvenirs et compositions singulières. Mais retenez surtout la trilogie des «The Sound of the Seventh Bell» Part 1, 3 et surtout 2 où Red Sand s’essaye à créer un son propre fait seulement de réminiscences fugaces sur ses maîtres avoués; un moment où le son devient lui-même stéréoscopique, stéréophonique et envoûtant; les autres morceaux se permettant selon moi de raccrocher les titres fleuves pour offrir un espace musical global d’une heure où les instruments portent la voix de Steff.
Red Sand nous propose un album consciencieux surfant entre moments oniriques et majestueux, variant les thèmes musicaux comme les histoires des péchés, sur les escroqueries, la pédophilie, la cruauté, la maltraitance; un son qui devient singulier, unique, qui s’écarte enfin des percepts musicaux de Simon et qui donne finalement plus de caractère à cet album. Entre le souvenir et typicité, un album d’ouverture très agréable qui fait oublier le temps qui passe.
Brutus
https://redsand2.bandcamp.com/album/the-sound-of-the-seventh-bell
https://www.youtube.com/watch?v=tXBizG2P4Uo&ab_channel=simoncaron

23/11/2021

Astral Magic
A trip to Alpha Centauri
Ode to the Stars
Shadows over Jupiter

space rock/psyché/electronica – 57:29/42:06/49:26 – Finlande ‘21
Les fans de notre page se souviendront peut-être de ma chronique concernant «Visions of Infinity» et de mon avis plutôt positif pour nos Finlandais aux relents hawkwiniens. Force est de constater que tous leurs albums ne sont pas de la même eau. Pour le premier des trois présents, «A trip to Alpha Centauri», on s’éloigne très fort du genre space rock et peut-être même du psychédélique tel que nous avions l’habitude de le concevoir. Usage flagrant de boîtes à rythmes et déferlantes de sonorités électroniques. La guitare se noie dans un minestrone de sonorités parfois criardes, fondues en soupe plutôt imbuvable. Univers froid et non structuré, souvent dissonant («Heavy Groove») avec quelques soubresauts teintés «More» de Pink Floyd («From the Deep»). D’autres plages auraient été intéressantes sans l’ajout de ces envahissants bruitages synthétiques («Inside the Capsule»). Le deuxième opus, «Ode to the Stars», suit, à peu de choses près, la même ligne «mélodique». Une fois encore, beaucoup d’effets de synthés indigestes, masquant une mélodie qui aurait pu devenir agréable, et abus d’une boîte à rythmes glaciale comme l’espace intersidéral. Le tout franchement orienté e-music à la Pierre Henry («Messe pour un Temps Présent»). J’ai eu parfois l’impression que les «machines» jouaient toutes seules («Evolving», très nettement). «The Essence of Time» louche vers Kraftwerk ou Zanov ou encore Heldon («A Glitch in the Matrix»). Avec «Shadows over Jupiter», fort heureusement, nous retrouvons le style de Hawkwind dès la première plage. Dans le chant aussi, totalement absent des deux premiers albums cités. L’équilibre entre les bruitages électroniques, la rythmique et la guitare est enfin respecté et il semblerait qu’on ait remplacé la boîte à rythmes par une vraie batterie. Bref, nous sommes bien cette fois dans un space rock de très belle eau: «Fuzzy Fields» et «Cult of the Dead», deux plages magistralement emmenées sur les ailes du faucon. La plage éponyme réussit le savant mélange hybride entre Hawkwind et le Pink Floyd de l’époque psyché. Riffs de guitare scotchants et mélodie accrocheuse. De toute beauté. «Heaven on Earth» en est la suite instrumentale haute en couleurs tout au long de ses presque dix minutes d’envolée cosmique. «Interdimensional Connections» y ajoute un saxo déjanté et une flûte crimsonienne pour un trip d’un faucon structurellement plus chaotique. Vous l’aurez compris, si vous êtes comme moi, vous opterez plutôt pour cet album, bien plus construit et plus inspiré. Contrairement aux deux autres, plus on l’écoute, plus on l’apprécie. Et donc ma cotation s’y réfère exclusivement.
Clavius Reticulus
https://darksun.bandcamp.com/album/shadows-over-jupiter

https://www.youtube.com/watch?v=5XCE_gC6T0g&ab_channel=AstralMagic-Topic

24/11/2021

Lee Abraham
Only Human
AOR/progressive rock – 55:29 – UK ‘21
Lee Abraham, qui tint un temps la basse et même plus tard la guitare de Galahad, nous revient tout pimpant avec son neuvième album (enfin si on ignore «Idle Noise» qu’il réalise avec Steve Kingman en 2008). Couramment entouré de quelques pointures de la scène progressive au fil de ses productions, Lee a cette fois pu compter sur les services de Gerald Mulligan (Credo), Marc Atkinson (Riversea, Nine Stones Close, Mandalaband), Peter Jones (Tiger Moth Tales, Red Bazar, Camel), Mark Spencer et Rob Arnold.
Le musicien anglais a déjà fait ses preuves et n’a donc plus grand-chose à prouver. Il nous bluffe depuis longtemps par sa maîtrise des lignes mélodiques et la formidable mise en place et l’articulation de ses compositions; ses albums sont souvent brillants. Alors «Only Human», simplement un album de plus? Non, pas un album de plus, franchement le meilleur album du musicien à ce jour. Fidèle à sa marque de fabrique, Lee Abraham conjugue refrains accrocheurs, moments heavy de grandes intensités, et structures progressives à la fois douces et complexes; c’est un peu la fusion parfaite des deux univers qu’affectionne le compositeur, l’AOR et le rock progressif. Cinq titres d’une efficacité redoutable, dont le premier, «Counting Down», est une pièce d’anthologie où la griffe mélodique touche les sommets. Ample titre d’ouverture, (à ma connaissance, avec «The Edge Of Life» du premier album de 2003, le morceau le plus long d’Abraham à ce jour), où les climats se succèdent, se croisent, s’enrichissent, et feraient presque regretter que ce périple s’arrête là, au bout de 30 minutes; oui perso j’aurais bien remis un pièce dans la machine...
Les 4 autres titres, plus courts, (de 5 à 8 minutes), sont des condensés de joaillerie mélodique calibrés davantage dans le moule AOR, notamment cette tuerie qu’est «Days Gone By».
«Only Human», à l’image de ce qu’a été jadis «Out Of The Silence» du groupe Dare, est la perfection dans sa catégorie, plus efficace, plus frais, moins emprunté encore que ses prédécesseurs; une œuvre magistrale qui m’a transporté dans son inouïe déflagration.
Une bombe!
Petite anecdote pour terminer, la pochette est quasi identique à celle du groupe français Lunear sur «Curve.Axis.Symmetry»; la même banque d’images sans doute...
Centurion

https://open.spotify.com/album/21J2mvxfkzQGuJcM64R1jV?si=zblsG6D9Smakm2TXl-tyww&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=4rUoEl_RT0g&ab_channel=progrock

25/11/2021

Holy Monitor
Southern Lights
psychedelic rock – 39:37 – Grèce ‘21
Ce groupe d’Athènes a sorti 7 albums, à savoir «Golden Light» et «Aeolus» en 2015, «Holy Monitor» et «Ghost» en 2017, «2» en 2018, «This Desert Land» en 2020 et donc ce «Southern Lights».
«River» est un bon morceau space rock avec un feeling prog (les claviers). Après un bon passage instrumental, une voix traînante comme si elle était sous l’influence des psychotropes. Je pense entre autres à Dead Meadow. J’y vois aussi du stoner (la guitare). Une sympathique entrée en matière avec un final cosmique. «Naked in the rain» démarre en mode survitaminé avec un chant de qualité et une guitare bien en évidence. Une coloration à la Black Angels. Le psychédélisme se porte bien depuis des années et les albums fleurissent mais ce LP grec est solide avec un usage pertinent des claviers. Du psyché feel good avec ce Shine on répété. «Blue Whale»: un son à la Subarachnoid Space (un excellent groupe space rock américain aujourd’hui défunt) et la belle voix m’évoque celle de Go Kurosawa des superbes Kikagaku Moyo, çà et là des sonorités krautrock (la six cordes toujours). Un morceau court mais engageant. «Southern Lights», à ne pas confondre avec Northern Lights (une variété d’herbe que d’aucuns trouvent dans certaines boutiques bataves), mais ça fait du bien de voyager avec l’aspect répétitif et space. Ces Hellènes ont écouté beaucoup de krautrock. Chant toujours aussi juste et «Black Angels» sonne à nouveau à la porte avec le petit plus stoner rock. «The sky is falling down» ça ne rigole pas si le ciel nous tombe sur le coin de la tronche, mais ce n’est pas grave car je serai défoncé comme la Chrysler dans «Obsolete» de Dashiell Hedayatt. Une piste à la fois musclée et planante qui rappelle parfois Black Mountain. Guitare et claviers communient bien pour un bon trip. J’espère que nous pourrons voir ces gars en concert. Des réminiscences du Floyd en sus. Très cool. «Hourglass», encore un moment plongé dans l’hébétude, des sons qui me rappellent mes soirées enfumées à la fac. Un instrumental qui berce avec la basse, les percussions et les claviers. Il évoque un moment d’ennui lors d’une longue traversée spatiale. «Ocean Trail», l’énergie est de retour pour nous sortir du coma avec un heavy blues psychédélique.
Il m’a fallu un bon seau d’eau sur le visage mais je suis réveillé et disposé à m’évader avec cet album qui sait alterner phases de trip, moments plus rock et envolées space.
«Under the sea», l’agréable expédition s’achève dans les fonds marins; ça tombe bien j’adore observer les poissons. Un morceau lancinant et doux pour atterrir dans le calme. Très planant et apaisant. Un disque très bien fait que je réécouterai avec plaisir.
Fatalis Imperator
https://holymonitor.bandcamp.com/

https://www.youtube.com/watch?v=plpJe5SStHA&ab_channel=HolyMonitor

26/11/2021

The Watch
The art of bleeding
progressive rock/RPI/néo – 45:27 – Italie ‘21
Huitième album pour ce groupe trop souvent programmé pour ses seules reprises de Genesis. The Watch est bien plus qu'un cover band, et «the Art of Bleeding» en est la superbe démonstration. Si c'était un album de Genesis, et il en a la qualité, il aurait pu être publié après the Lamb, cela aurait été leur 2nd concept album, il y aurait encore Gabriel, car la voix du créateur du groupe, Simone Rossetti, en possède toutes les caractéristiques. De plus ses quatre collègues ne sont pas en reste pour soutenir la comparaison avec l'illustre quintet. Mais ce n'est pas un pèlerinage qu'ils vous proposent. Bien sûr, les claviers de Valerio de Vittorio comprennent Mellotron/Hammond et ArpProSolist, l'utilisation du drum kit du charismatique Marco Fabbri est puissant et créatif (autant que son drum kilt), la guitare de Giorgio Gabriel (non il n'est pas de la famille du chanteur) possède le doigté et la pédale de volume de Steve Hackett, et enfin Mattia Rossetti (oui, il est de la famille du chanteur, et chante aussi en seconde voix) fournit basse et seconde guitare.
C'est très intelligemment fait; dès l'intro on est en pays de connaissance, la voix, les sons, puis, presque insensiblement, l'ensemble se modernise vers les productions solo du Gab, et puis s'éloigne du modèle, pour affirmer avec pertinence son identité propre.
Car cet album a son entité propre. Le concept d'abord, très bien résumé dans le titre: il ne s'agira pas de berceuses, ou alors celles de «Nursery Crime»! Le climat de «Hatred of Wisdom» est un des plus oppressant que je connaisse. Une vraie réussite. L'«intro/red» et l'outro «red is deep» pourraient ne former qu'un morceau, le thème musical est le même, illustrant deux histoires bien distinctes. Ces 6 histoires sont autant de mini scénarii dont on se délecte. Bravo!
Cicero 3.14
https://thewatchband.bandcamp.com/album/the-art-of-bleeding

https://www.youtube.com/watch?v=l9zkWrfWgcs&ab_channel=%D0%BF%D1%80%D0%BE%D0%B3%D0%9D%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D0%BD%D0%BA%D0%B8

26/11/2021 - EP

Calcifer
Baluchon
shoegaze – 25:49 – France ‘21
Encore un nouveau groupe français qui fait une timide apparition sur la scène progressive. Pourquoi timide? Parce que leur premier ouvrage est un EP, moins d’une demi-heure pour s’imprégner de l’univers de Benoît de Guerry et Célestin Zimmerlin. On peut qualifier l’univers musical de Calcifer de «shoegaze», un genre né en Angleterre de jeunes gens qui semblaient regarder leurs chaussures sur scène; je ne sais pas si Benoît et Célestin ont une vue plongeante mais leur premier essai respire ce calme subjuguant, cette assise céleste, ces tempos éthérés qui plaisent tant à une certaine jeune génération. Moi, je me délecte encore de ce genre qui provoque l’intériorisation, le recueillement, la dérive mélancolique... On n’est pas ici dans le monde du rock progressif mais dans une sorte d’univers parallèle qui inspire des sensations voisines. Le dépouillement musical, (ici la guitare règne sur des accords simples), fait, paradoxalement, le charme du disque. Sagement, le duo aligne cinq compositions à écouter dans sa voiture, face à la mer, à marée basse, un dimanche après-midi d’hiver tristounet. Là, vous êtes dans l’ambiance. Mention particulière pour «Corvidae», dernier titre et le plus long pour son joli break d’orgue quasi liturgique.
Commode
https://calciferband.bandcamp.com/album/baluchon

https://www.youtube.com/watch?v=GPEmngBvMCQ&ab_channel=Calcifer

27/11/2021 - Les samedis étranges

Prog Censor - les samedis étranges

22 for Silicon Alone

Only dark Matters
art rock – 45:01 – Belgique ‘21
En musique comme dans n’importe quel art (ou pire, en politique, en management, en concours de crachat de cerises, de quéquettes coquettes ou de nichons oblongs – il n’y a pas de raison), il y a ceux qui pérorent sur le changement, la conversion, la nécessaire évolution et ceux qui, souvent peu diserts, grattent, cherchent et mettent en œuvre. À Bruxelles, 22 for Silicon Alone fait peut-être le lien entre les deux, tant Alexis Pfrimmer sait expliciter son projet en plus qu’il le construit dans la réalité du monde sonore. Et pas que, puisque l’artiste, réalisateur, est aussi un visuel, en plus d’assembler des sons de tous horizons (dans un monde qui convoque Salvador Dali, une trilogie de David – Byrne, Lynch, Bowie – et, peut-être involontairement, Christian Décamps), sur base d’un pari gonflé: remplacer – le plus souvent – guitare et basse par violon et saxophone. Un esprit chagrin dira qu’on frise parfois l’incohérence: c’est certainement vrai, «Only dark Matters» est une première œuvre qui ne manque pas de défaut, mais grouille d’activité, d’idée et d’envie.
Auguste

https://22forsiliconalone.bandcamp.com/album/only-dark-matters

https://www.youtube.com/watch?v=lb7fEvu4eAU&ab_channel=22forSiliconAlone

MediaBanda

Maquinarias
avant prog/fusion – 53:21 – Chili ‘21
Attention, on est ici dans l’aristocratie de l’avant-prog chilien, avec tendances un peu R.I.O., Zappa et autres fusions. En effet les deux têtes pensantes ne sont rien de moins que Cristian Crisosto et Arlette Jaquier, du mythique groupe Fulano, eux-mêmes non sans relation avec l’encore plus mythique Congreso. Autrement dit, on est dans de la haute voltige!
Attendez-vous à tout, et ce tout sera manigancé avec la plus subtile qualité musicale, au plus haut niveau!
On est en face d’un octet, mais avec six invités… Les morceaux se suivent et vous invitent au dépaysement: on entre avec des folies zappiennes («Perro Chico Malo»), pour continuer avec de délicieux relents de soul déjanté («Canción formal en 7/8») et ensuite enchaîner d’une belle mélodie rappelant les belles heures de Congreso («Buhardillas») et cela continue ainsi jusqu’au bout des cinquante minutes de pur plaisir que cet album nous offre. On pense aussi un peu à French TV à certains moments.
Il n’y a pas beaucoup plus à dire, sinon que j’ai entamé une seconde écoute dès que la première fut terminée…
Ne boudez pas votre plaisir avec ce qui se fait peut-être de mieux pour le moment! Un must!
Lucius Venturini

https://open.spotify.com/album/2wYN4iUfEu6vHqpjqjfZeN?si=-ruxmTyuSYqdrCLUxrpWyQ&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=ml4dZuBJXdE&ab_channel=MediaBanda-Topic

Jack O' The Clock 

Leaving California
folk rock /rock progressif – 45:18 – États-Unis ‘21
La caractéristique principale de la musique de Jack O' the Clock est de jeter un pont (plus ou moins sinueux, parfois cambré, jamais tortueux) entre folk et expérimentation, enrichissant l’un par l’autre avec une fluidité assidue, surprenant par la complexité de l’un mesurée à la simplicité de l’autre, renversant les conventions des deux – même la musique expérimentale a ses normes. Fred Frith est fan et on comprend pourquoi: l’écriture de Damon Waitkus (chant, guitares, mandolin, claviers, dulcimer à cordes frappées), qui cherche intuitivement ce que son oreille imagine et que le monde ne lui donne pas, est intrépide, hérissée de pointes mélodiques et auréolée de rythmes asymétriques, et fouine et fouille dans le terreau infini des sons – et de ce qui les environne. Parce qu’il contrecarre nos habitudes en déplaçant les points de repère, «Leaving California» désarçonne à la première écoute; réécoutez, persévérez: les textures sont riches, peut-être complexes, et, peu à peu, se rapprochent de vous, qui vous laissez faire, séduisent sans fard ni artefact – simplement elles-mêmes.
Auguste

https://cuneiformrecords.bandcamp.com/album/leaving-california

https://www.youtube.com/watch?v=8LHgKJoKaDA&ab_channel=CuneiformRecords

Pierre Vervloesem

Ruder
Don’t
Electronicaca
2020
Dead

avant prog/avant-garde rock/ambient/électronique – 50:05/43:01/44:31/45:49/45:39 – Belgique ’21
Tel un compositeur algorithmé de la Silicon Valley drivé par une incessante pulsion à produire, produire et produire, Pierre Vervloesem, personnage excentrique de la scène belge de la musique-qui-expérimente, qui remplirait plusieurs casiers à la Fnac si celle-ci vendait encore vraiment des disques, s’est fixé un défi (un challenge, un objectif, une bravade, une fanfaronnade?): publier un album par mois, chaque fois selon une règle (une méthode, un procédé, une norme, une contrainte?) préalablement définie. «Ruder» en coche les cases, et quelques-unes en plus: cet album de mars 2021, écho de «Rude», paru en 2005, enregistré en un jour après une unique répétition et avec des musiciens rencontrés le jour même, en reprend les conditions de création, les interprètes en moins (Covid oblige). C’est pas mal torché, sans fioritures ni inspiration excessive. Plus convaincant (même si l’utilisation d’un seau et d’un dictaphone peut de prime abord intriguer), «Don’t», album d’avril 2021, explore, à sa façon bien personnelle (la guitare y prend la place de la trompette), le monde fascinant de l’Américain Jon Hassell, que Brian Eno nous avait fait découvrir avec l’épatant disque «Fourth World, Vol. 1: Possible Musics» en 1980. «Electronicaca», album de mai 2021, se présente comme un échantillon de neuf morceaux au brio minimaliste: Pierre y joue des synthés et des boîtes à rythmes, non vintage et directement au clavier (sans passer donc par sa guitare midi, comme il en a l’habitude) – sympathique, mais laisse les pattes du canard intactes. «2020», album de juin 2021, pour lequel la règle est "composer en un jour, enregistrer en un jour, avec un batteur aussi humain que réel" (bon, Marc Ribot a quand même apporté sa basse), est à l’image de l’année dont il s’empare pour titre: d’abord émoustillant d’inquiétude, puis passablement éprouvant. «Dead», album de juillet 2021 à la sérénité fumeuse, qui n’est fait que de guitares (et d’une basse), clôt le semestre chargé de Pierre Vervloesem, dont l’exercice de style est sans doute à la musique belge ce que ceux de Raymond Queneau sont à la littérature française.
Auguste
https://pierrevervloesem.bandcamp.com/album/ruder
https://pierrevervloesem.bandcamp.com/album/dont
https://pierrevervloesem.bandcamp.com/album/electronicaca
https://pierrevervloesem.bandcamp.com/album/2020

https://pierrevervloesem.bandcamp.com/album/dead

https://www.youtube.com/watch?v=kg0V5hTioXg&ab_channel=PierreVervloesem-Topic

Mark & The Clouds

Waves
psychedelic rock – 61:47 – Angleterre ‘21
Un peu à la manière d’Alain Pire Expérience (mais lui est belge et cultive un côté guitare héros), Mark & The Clouds s’attache, depuis 2014 et trois albums, à faire revivre, avec un art consommé de l’à-propos, la vague psyché britannique de la deuxième moitié des années 1960. Le trio londonien, mené par Marco Magnani – italien d’origine, il chante, joue (notamment) de la guitare et a un sens aigu du songwriting –, rassemble sur «Waves» quinze compositions pleines de vie, aux timbres habilement variés (harmonica, trompette, violon, pedal steel, trombone…) et aux arrangements ciselés avec le doigté qui sied à l’esprit pop et folk de la chanson aux cheveux longs, aux pantalons à rayures et aux vestes de velours côtelé, qui sévissait dans les clubs de la capitale anglaise d’après les Mods. Rafraîchissant.
Auguste
https://markandtheclouds.bandcamp.com/album/waves

https://www.youtube.com/watch?v=TTcSIxsjUBA&ab_channel=GareduNordRecords

28/11/2021

TDW
Fountains
symponic metal prog – 56:04 – Pays-Bas ‘21
«Fountains» est déjà le huitième album de ce groupe créé par Tom de Wit (TDW Music & Visions). Pour être honnête, je ne connaissais pas du tout ce groupe, mais, dès que je découvre le line-up de cet album, des noms bien connus attirent l'attention du grand fan de métal que je suis: Rich Gray, bassiste du groupe canadien Annihilator (il y a quelques semaines, nous l'avions interviewé sur cette page au sujet du nouvel album de Aeon Zen), ainsi que le jeune batteur italien, toujours d'Annihilator, Fabio Alessandrini. Plusieurs chansons de cette nouvelle offre sont basées sur des suggestions données par les fans de TDW en 2020 lorsqu'ils ont précommandé l'album précédent. Tom de Wit a dit aux fans que s'ils lui donnaient un sujet et une idée de base, il écrirait une chanson basée sur ces idées. 6 chansons de cet album sont donc basées sur ces mêmes concepts. À cela s'ajoutent 4 chansons écrites par Tom qui forment toutes un thème lâche liant tout ensemble. Tom l'a décrit comme suit: «Cet album a quelques thèmes qui forment son cadre. J’ai fait des chansons sur le fait de garder espoir même lorsque la vie vous bat, de comprendre la valeur humaine de l'art réel plutôt que de regarder aveuglément les chiffres des ventes et le marketing et plus encore. Ma vie a été une croisade constante contre l'art creux à but lucratif uniquement. L'objectif le plus élevé pour moi est de faire quelque chose qui appelle une vraie réponse. Je pense que cela représente cela au maximum. Les gens sont souvent distraits par le côté commercial des choses, mais en fin de compte, c'est notre fontaine créative qui nous permet de continuer. Oui, vous devez prendre votre carrière au sérieux, oui, vous devez penser à ces choses, mais pour moi, la musique et l'aventure créative passent TOUJOURS en premier.»
Alors cet album… Une chose est sûre, le son est parfait, les guitares sont claires, les chœurs s'accordent bien, les orchestrations épiques sont parfaites avec des introductions assez accessibles et des violons envoûtants et la batterie technique claque super bien. Les compositions mélangent death, prog, mélodique et sympho-metal. On y retrouve naturellement de l'Annihilator, du Blind Guardian, du Nightwish, du Helloween et naturellement du Rhapsody of Fire. Mais beaucoup de curiosités aussi. Ils ont des influences mais ils ont des compositions bien à eux. Je pense notamment à «Hunter's Eyes» où Blind Guardian est mélangé à un fond sonore à la Jethro Tull. Une curiosité à écouter impérativement pour vous faire une idée, je vous y encourage. L'album sort ce 24 novembre et est disponible en prévente sous divers formats.
Vespasien
https://open.spotify.com/album/5nXG5LD0f6lEb1y8lDWtNr

https://www.youtube.com/watch?v=LerJQqdszbs&ab_channel=LayeredRealityProductions

29/11/2021

Mirage
The Tyler Durden Project
progressive rock bluesy – 58:19 – France ‘21
L’histoire de Mirage ressemble à un long fleuve tranquille. Songez, ce groupe marseillais existe depuis déjà 24 ans et a sorti son premier album «A Secret Place» en 2000. Et l’on peut bien qualifier ce «Tyler Durden Project» de come-back car le précédent opus, «Borderline», date quand même de 2009, sans oublier «Tales of the green Sofa» en 2004. Voici donc une formation qui ne se laisse pas abattre et continue son petit bonhomme de chemin au gré du temps qui passe. Je parlais de come-back, il est inattendu pour ma part mais me ravit car Mirage n’a jamais fait de mauvais disques. Aujourd’hui, le groupe revit sous la houlette d’Agnès Forner (flûte/chant/tambourin), Stéphane Forner, son époux (guitares, chant), Cédric Lechevrel (basse), Philippe Sorel (claviers) et Joël Mondon (batterie), soit trois anciens et deux nouveaux (Lechevrel & Sorel). On retrouve ce jazz rock pas trop jazz, cette fusion douce qui penche vers le progressif pur, bref, un inclassable qui trouve sa place du côté d’un Camel qui «jamerait» avec Santana si j’ose... Après tout, on ne s’appelle pas Mirage par hasard non plus. Les dix morceaux de cette nouvelle rondelle ont aussi ce petit côté bluesy qu’on retrouve chez certains titres du Floyd. Quand je parle de fusion, le mot n’a jamais si bien trouvé sa place pour décrire une musique qui passe d’un genre à l’autre sans qu’on y prête trop attention car le tout reste d’une redoutable cohérence pour un confort d’écoute optimal. Mis à part le «Real Pain» qui débute fort de ses onze minutes, les neuf autres titres se tiennent sur une moyenne d’un peu plus de cinq minutes. C’est donc plus des chansons prog’ en anglais qui retiennent un petit aspect «canterburyen» parfois aussi mais le côté plus accessible du genre, entre Caravan et Camel donc! Circonvolutions sans complexité, facile à amalgamer pour une oreille paresseuse, «The Tyler Durden Project» ne s’emballe jamais et trottine sur une ligne accessible sans renier ses influences lointaines, fidèle à une certaine conduite en dehors des clous mais pas trop loin quand même. C’est évidemment un album recommandé pour tous ceux qui aiment un progressif mâtiné de blues et de petites contorsions musicales guère déplaisantes, au goût sucré/amer comme entre la figue et le raisin. Mention particulière pour le planant «Project Mayhem part 2» qui survole les débats avec la Fender stratosphérique en plein émoi cosmique et «Split personality» au caractère jazz rock assumé avec audace et entrain...
Commode
https://mirage12.bandcamp.com/album/the-tyler-durden-project

https://www.youtube.com/watch?v=gfun5KbwP0g&ab_channel=VariousArtists-Topic

30/11/2021

Dream Theater
A View From The Top Of The World
progressive metal – 70:14 – USA ‘21
Dream Theater, mes maîtres du métal prog! 100 ans que j’attendais d’en chroniquer un. Comment vais-je faire pour rester neutre? En l’écoutant et en vous racontant pardi! Dream Theater c’est la découverte en 1992 d’un des meilleurs albums, c’est la réalisation en cette fin d’année de ce 15e grâce aussi au DTHQ qui leur permet de passer outre les distances. Dream Theater s’est essayé au début à recréer un son provenant de Yes, Rush, Pink Floyd ou Iron Maiden et Metallica, il a rapidement fait du Dream Theater avec soin et génie. La pochette signée Hugh Syme peut représenter le pont entre leurs productions bouleversantes du départ et ce dernier très réussi, rempli de mélodies soignées où les développements musicaux s’intègrent efficacement avec la voix de James.
Les 7 titres forment un tout, du très lourd «The Alien» survitaminé aux soli ravageurs, au «Answering the Call» rempli de claviers, le «Sleeping Giant» bouleversant par ses breaks et son originalité, «Transcending Time» bien rushien; «Awaken the Master» rien que pour ce solo ahurissant vers les 6 minutes et une 8 cordes magique, de fait pour le «A View from the Top of the World» pièce épique de plus de 20 minutes flirtant avec le «Six Degrees» pour son intro à cuivres, ses breaks nombreux, son passage latent acoustique, son orgue à l’ancienne et son final néo-classique déroutant mais ô combien jouissif.
Dream Theater montre sa capacité à composer des morceaux évolutifs, passionnants, virevoltants et réjouissants. Dream Theater sort une baffe musicale de haute volée avec un packaging de notes surboostées qui va enterrer les grincheux(-euses). Pensez à respirer un peu avant de commencer l’écoute de cet album asphyxiant par la qualité des morceaux bruts, sensuels. Des ambiances progressives il y en a, de l’art il y en a, un grand album il est là. Album métal progressif de l’année tout simplement.
Brutus

https://open.spotify.com/album/5eukDoHISjksEavVxVKcXn?si=_mbA8xfiTW6dzgDA0j7RGw&nd=1

https://www.youtube.com/watch?v=HkDxH1hH8kc&ab_channel=DreamTheater