Février 2022
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01/02/2022
Glass Hammer
Skallagrim - Into The Breach
progressive rock – 63:29 – USA ’21
Glass Hammer en est déjà à son 21e album depuis 1993. Belle carrière pour ce groupe américain dont la renommée n'est plus à faire. Pendant des années, les fans et les détracteurs ont affirmé que Glass Hammer sonnait comme un groupe de reprises de Yes. Alors que tous ceux qui connaissent leur musique et leur discographie savent que cela est manifestement faux, mais beaucoup restent sur ce préjugé. Il ne fait aucun doute que Glass Hammer honore le passé du prog, mais il le fait à sa manière et avec classe tant musicalement que lyriquement.
Une nouvelle chanteuse, Hannah Pryor, est arrivée depuis. Elle rejoint Steve Babb, Fred Schendel, Aaron Raulston ainsi que les guitaristes studio GH Reese Boyd et Brian Brewer. En voyant la pochette de «Skallagrim - Into The Breach», je me suis dit : «Mais j’ai déjà cet album!», car elle est très similaire au précédent opus de 2020, «Dreaming City». En effet, Glass Hammer poursuit son récit d’heroic-fantasy de «Skallagrim dans la Cité des Rêves». On ne peut pas dire que Glass Hammer ait fait un virage à 180° pour devenir un groupe de métal progressif mais il s'autorise depuis peu à introduire des ramages métalliques. J'en veux pour exemple le titre «Sellsword»: dans l'introduction, avant que les divers claviers s'en mêlent, j'aurais juré qu'il s'agissait d'une intro de Korn, le groupe américain de néo-métal. Avec le titre «Steel» on perçoit bien du Deep Purple en eux. «Moon Pool» nous rappelle leur passé jazzy psychédélique de haute qualité technique. «The Ogres of Archon» est très spécial également, il a une structure prog mais le chant ainsi que le rythme viennent lui donner une touche originale de stoner rock. «The Forlorn Hope» nous fait découvrir pourquoi ils ont introduit Hannah Pryor dans le groupe: quel timbre de voix magnifique qui colle parfaitement à ce titre à la Yes ou Paatos!
Vous l'aurez compris, «Skallagrim - Into The Breach» est un album totalement varié, ce qui permet de ne pas décrocher sur la longueur. Le son y est encore une fois parfait. Je ne peux que vous conseiller l'écoute de cette pépite. Longue vie au maître Glass Hammer.
Vespasien
https://glasshammer.bandcamp.com/album/skallagrim-into-the-breach
02/02/2022
Alain Pire Expérience
Purple Skies
psychédélique – 54:24 – Belgique ‘21
Est-il encore utile de présenter Alain Pire Expérience? Bah, ne résistons pas à la tentation car la carrière d’Alain est riche d’expériences diverses puisqu’il a débuté en 1968 comme batteur dans Big Bunny & the Carrots Company. En 1980, après avoir commencé à jouer de la guitare électrique, il intègre Jo Lemaire + Flouze («Precious Time»). Puis vient le temps des groupes Les Révérends du Prince Albert et Such A Noise. Il fonde ensuite Huy!, suivi de Michel Drucker Expérience, en tenant la guitare dans le groupe de cover des Beatles, Abbey Road. C’est en 2014 qu’il fonde Alain Pire Expérience dont voici la quatrième offrande, sans compter un album live, chroniqué dans ces pages (http://www.progcensor.eu/2020-juin.html#oNTf2hFO). Remarquons également, sans pour autant entacher sa modestie, que, fort de son doctorat en Information et Communication, obtenu en 2009 avec la thèse «La musique psychédélique britannique», il sort en 2011 chez Camion Blanc une «Anthologie du Rock Psychédélique Anglais» et qu’il traduit la bio de Syd Barrett «Dark Globe».
«Mais la musique de ce nouvel album dans tout ça?» me direz-vous. Eh bien, elle est, comme d’habitude avec notre ami, d’une qualité exceptionnelle. La réalisation et la production sont probablement les meilleures que notre ami puisse nous présenter avec des titres évidemment toujours ancrés dans le psychédélique de la meilleure école, prenant ses racines aussi bien chez les Beatles que chez Jimi Hendrix. Certains titres de chansons sont déjà un clin d’œil appuyé à ces grandes références et les mélodies sont imparables («Beautiful Day», par exemple). Des citations hindoues sont également au rendez-vous («Purple Skies»), ainsi que des ambiances jazzy («If Six Was Four»). Ne manquez surtout pas la longue plage de 9 minutes, «Live is Life», qui clôture ce disque en tout point remarquable, ce serait une grave erreur!
Amateurs de tout bord, précipitez-vous sur cette plaque qui restera une pièce maîtresse de votre collection!
Tibère
https://alainpireexperience.bandcamp.com/album/purple-skies
03/02/2022
Habelard2
Copriferro Semantico
crossover prog – 55:32 – Italie ‘21
Habelard2 est le oneman band de Sergio Celaca. Ce Milanais, multi-instrumentiste prolixe, produit sous ce nom des albums depuis 2013. Voici le 9e!
Actif depuis 1977, il avait créé avant cela 7 albums dont une quasi démo initiale en 1979, nommée «Copriferro Semantico». Cinq morceaux en ont été prélevés et six autres ajoutés, ce qui donne une grande hétérogénéité à cet album. Le chant est parfois en anglais et plus heureusement en italien. La voix multiforme, elle aussi, oscille entre Hackett et David Byrne (tel le rocky «There's no solution»). Mais c'est avant tout de la musique qui est proposée, ce n'est pas un disque trop bavard, pour preuve le très bel instrumental final. Électronique à la Tangerine Dream psyché, il donne son titre à l'album.
11 pistes avant: «Muscle inertia part 1», ouverture magnifique de classicisme symphonique vintage, sa ligne de basse évoquant un instant, en retenue, celle du «Starless» de King Crimson version Levin. La guitare et les synthés penchant, quant à eux, largement vers Genesis. Vient ensuite «How can I explain it» qui, avec une verve identique, est plus sombre mais nous emporte avec ses accents «hammilliens» dans une passe réjouissante entre une flûte bondissante et synthés. Tout l'album nous promène ainsi dans des styles très différents avec des sonorités familières qui servent des mélodies raffinées.
Je tente une synthèse de ce kaléidoscope au moyen de la formule : PROG x (4Hackett+ 2néo+ 4électro+ 2folk+ 2Rpi+ 2Rock), il y a même une courte citation de l'hymne italien dans «Carossello»!
Mention spéciale à Ettore Salari (ex-The Watch, cover de Genesis donc avec Steve hacké 😉) pour avoir orné l'album de guitares et bouzoukis incisifs. Fabio Sereni (drums) et Sergio Caleca (claviers) complètent le line-up de cet album très plaisant en pays connus.
Cicero 3.14
https://habelard2.bandcamp.com/album/copriferro-semantico
04/02/2022
Bruno Karnel
Las Ilusiones
rock poétique – 55:20 – France ‘21
Si on se fie à la biographie de Bruno Karnel, on se rend vite compte d’un passé musical chargé qui débute dans les années 2000 par la publication de démos artisanales proposées par le biais du net. Un véritable auteur-compositeur et chanteur qui va dès lors arpenter France et Europe, tantôt en solo, tantôt avec un groupe. Vous conter toute son histoire prendrait trop de place sur celle qui m’est impartie, aussi, concentrons-nous sur «Las Ilusiones» qui se présente comme un album de chanson française, assaisonnée d’une musicalité progressive flagrante, quelque part entre les œuvres des années 90 de Francis Décamps et Arthur H. Quatorze titres d’une durée moyenne d’un peu plus de trois minutes, que l’on peut qualifier parfois de minimalistes mais toutes habitées d’un esprit poétique parfois désabusé. Les courts morceaux ont ce goût des autoproductions des années 70 procréées avec enthousiasme et passion par de multiples combos de rock progressif du terroir. Pas de grandes envolées symphoniques certes, mais une poésie enjolivée de nappes de claviers et de guitare rêveuse. Cet opus inattendu aurait pu donc facilement voir le jour vers 77/78, quand de nombreuses jeunes formations françaises (Opale, Grime, etc.) avaient su marier, avec parfois une naïveté rafraichissante et un artisanat de bon aloi, des textes sympathiques et une musique inspirée des meilleurs représentants du genre. La brièveté des titres ne gâche jamais le petit plaisir qu’on peut y prendre si on a connu ces années de braise créative pas toujours bien récompensée. Le Meldois (habitant de Meaux) ne propose pas moins de seize travaux depuis dix ans sur sa page Bandcamp; vous pourrez découvrir en profondeur l’univers mélancolique des trois tiers de son inspiration, prog’, folk, musique du monde...
Commode
https://brunokarnel.bandcamp.com/album/las-ilusiones
05/02/2022
Shiva the Destructor
Find the Others
psychedelic rock/stoner – 44:36 – Ukraine ‘21
Parcours spirituel en Inde et en Mésopotamie pour le thème mais ne cherchez cependant pas ici de sonorités Ravi Shankar. La première plage étale sur un peu plus de neuf minutes purement instrumentales des riffs cinglants et une ambiance aux relents psyché nourris d’effets reverb et d’une rythmique syncopée au tempo lent et enrobant. Probablement la meilleure plage de l’album de nos Ukrainiens qui poursuivent le trip métaphysique en y ajoutant le chant. «Hydronaut» reste dans la même veine que «Benares», avec ses accords plaqués suivis de cascades de notes ponctuées de riffs décoiffants. La voix vient s’y greffer au bout de trois minutes, douce, mélodieuse, aérienne. «Summer of Love» complète le voyage par un beau jeu de basse doublé d’un son d’orgue délicieusement vintage. «Ishtar» apparaît comme une intruse parmi ces déités indiennes vu que cette déesse est d’origine babylonienne. C’est surtout la plus longue plage de cet opus où l’on trouve des saveurs orientales, créant une ambiance sixties mystique que n’auraient pas désapprouvée les enfants de Woodstock. Les sonorités d’Orient et les riffs toujours bien frappés se marient voluptueusement et viennent se lover comme deux serpents ophiens dans un chant incantatoire qui semble invoquer la divinité. La partition de clavier y est à nouveau sublime. «Nirvana Beach» qui clôture le voyage n’est pas en reste avec ses accords travaillés sur une rythmique toujours bien présente et une brume légère de parfum oriental. Un bel album bien ficelé que l’on n’hésite pas à se repasser.
Clavius Reticulus
https://shivathedestructor.bandcamp.com/album/find-the-others
06/02/2022
Stone From The Sky
Songs From The Deepwater
stoner/post-rock/rock progressif – 40:45 – France ‘21
Si, en termes de paillettes et de projecteurs, Le Mans doit beaucoup à Steve McQueen et à Hélène Rolles, voici venu le temps de réclamer de nouvelles références. Un peu d’audace, allez, allez, j’ai peut-être une suggestion.
Il est question d’un trio pile-poil (aphone ou à peu près) – guitare, basse, batterie – venu nous rapporter une histoire d’eau… profonde. Après deux albums, pas mal fichus, «Fuck The Sun» en 2017 et «Break a Leg» en 2019, Stone From The Sky va frapper plus fort et plus juste. Comment se fait-il? Condensé de maîtrise et de décontraction? Peu importe, j’en veux bien un pareil tous les deux ans, ce qui semble être la cadence de leurs productions.
«Songs From The Deepwater» est une solide palette colorée de 7 titres instrumentaux (ou presque) planants-furieux-cohérents, distribués comme des micro-univers interdépendants musicalement. Mais encore? Qu’est-ce que cela donne?
«Godspeed», le groove vient par petites vannes, «Le Squinfus» explose littéralement, fumigène à donf, «Karoshi», couci-léger, couça-dynamique, «The Annapurna Healer», tension et attente avant récompense, «City/Angst», comme des petites touches nostalgiques, «49.3 nuances de Fuzz», riche et violent circuit hasardeux-aventureux, «Talweg», au revoir chanté (!?!) tristounet.
Sur toutes les pistes, nos trois comparses jouent en meute, pas question pour l’un ou l’autre de se tailler la partition du lion, l’équilibre est au rendez-vous entre guitare disto-poignante, basse rocailleuse et batterie extra-accompagnante qu’ils font «parler» merveilleusement.
À l’évidence, si leurs premières compos étaient plus convenues, plus académiques, le présent opus pousse un grand cri d’émancipation, se permettant de visiter, avec grande conviction, le rock progressif, le post-rock ou encore le post-metal.
En passant par ici, le groupe, fort d’une disco respectée et d’exploits scéniques multipliés, ne pourra que consolider son influence déjà bien assise sur la scène stoner européenne.
Et donc? Le mot de la fin? Nous venons d’assister aux bons soins d’une parfaite équipe d’habileté à un jet de pierre de la perfection!
Kaillus Gracchus
https://stonefromthesky.bandcamp.com/album/songs-from-the-deepwater
07/02/2022
Circe Link and Christian Nesmith
Cosmologica
progressive rock – 51:38 – USA ‘21
Circe Link and Christian Nesmith (Circe and Christian Fanpage) c’est la fusion d’une voix qui s’est découverte par hasard un soir de pleine lune... je n’en suis pas sûr! C’est aussi un musicien hors pair qui a fait de nombreuses sessions pour des pubs US, suivi des artistes pour peaufiner son idée personnelle du son, allant de Bob Wills pour la trace country jazz fusion à David Bowie, de Patti Smith à Abba pour la voix virevoltante de Circe, de Zappa à ELP, King Crimson, Genesis et surtout les légendaires Yes; un son qui vous prend aux tripes dès la première écoute, c’est pour dire, mais lisez, ça sera mieux car leur expérience audio phonique, tourbillonnante et trippante donne un album prog onirique de très grande qualité.
Bon, niveau titres, entre l’intro survitaminée jouissive, le long titre de 11 minutes dégoulinant d’atmosphères vintage dont un solo à la ELP, le fait de baigner dans du Yes des années 2030 et le meilleur titre de l’année avec «Assignment In Eternity» et cette intro qui distille un condensé de tout ce que vous aimez dans le prog mais n’avez pas osé le demander, avec «God From The Machine» yessien jusqu’aux jointures… Vous aurez le choix de vous immerger dans ce concept album détonant, concept et magnifique.
Circe Link and Christian Nesmith c’est une explosion auditive de rock progressif et progressiste, celui qui perdure dans chaque groupe qui se respecte ayant envie de faire fondre nos oreilles à défaut de nos enceintes... puisque la musique est écoutée à plus de 80 % au casque ou autre écouteur de nos jours. Circe et Christian c’est juste la baffe de décembre, celle qui me met K.-O. En dehors du questionnement cosmique et cosmologique, cet album est dangereux, distillant des paysages musicaux régressifs au niveau de notre cortex pour entretenir le rêve musical; je reprends l’une de leurs phrases en conclusion: «pour naviguer vers des royaumes de la mer noétique innommable». Voilà, encore plus bizarre que ce que j’écris!
Brutus
08/02/2022
Evraak
Evraak 1
jazz rock zeuhl world – 60:07 – Japon ‘21
Ce sextet nippon créé en 2018 sort un 1er album de 6 longues pistes (de 7 à 12 minutes). La 1ère, «Refuse», avec sa basse/batterie spongieuse me fait craindre du dark metal; l'arrivée du sax façon big band rassure, nous entrons donc dans du non conventionnel! La voix dissonante de la chanteuse en japonais, le riff sax crimsonnien et le chant grégorien répétant un mantra confirment!
«Stigma» ouvre une éclaircie, de courte durée: une infernale gigue crimsonnienne s'emparant du groupe. Le calme revient puis avec un sax balkanisant, les vocalises de Marina Seo et le combo basse batterie guitares synthés communiquent un instant la puissance éruptive d'un Magma, et Seo enchante de nouveau! Révolution très déstructurée, voix saturées puis enchaînement slow. Plus loin, remontée de la pression avec un motif de basse très PFM et une libération par voix et cuivres. Quel morceau! 12 minutes de folie!
«Asylum piece»: direction Balkans et chant en japonais, guitare nerveuse, basse bondissante, c'est enlevé avec la (?) clarinette qui fournit le thème, pour un morceau qui oscille entre traditionnel, prog musclé, crunchy et jazz! Désarçonnant mais très loin d'être désagréable! [Lien YouTube ci-dessous, ndlr.]
«Into the new world» revient, plus monolithique, au moins pour quelques minutes, jazzy-rocky. Mais la voix de Seo, parfois trop forcée, trafiquée, perd toute épaisseur et fait sortir de ce morceau sans direction, avant que le thème initial ne revienne conclure opportunément cette piste interminable de 12 minutes.
«Cure» reprend des couleurs soft jazz plus traditionnelles, Seo, redevenue sage, contraste avec le sax démoniaque façon Jackson, pour une envolée assez zeuhl mais dont l'évolution du thème ramène à un jazz-rock pêchu.
Allant bien au-delà de ses influences citées (j'ajoute un riff Howe dans «Sacrifice»), Evraak fait un beau coup d'essai. À suivre!
Cicero 3.14
https://soundcloud.com/user-628490291
https://www.youtube.com/watch?v=QcKO5U0grYM
09/02/2022
Dial Code
Lucy Tale from the Random Thoughts
crossover prog – 64:46 – France ‘21
C’est avec une fraîcheur et une innocence joliment imbibée de rosée matinale que ce «Lucy Tales from the Random Thoughts» tourne en boucle dans mon jardin d'Eden juvénile. Pop psychédélique ou proto progressif très early seventies, on ne saurait dire de quel côté la balance à influences va pencher au gré des dix titres du premier album de Dial Code, encore des Français inspirés. Difficile d’en savoir plus sur ce groupe naissant. Internet qui regorge d’informations en donne très peu au sujet du groupe. Alors, libre écoute sans préjugés ni a priori, on se laisse aller à une découverte sans œillères et on peut dire que, en France aussi, on sait manufacturer de fort belles choses. Dial Code a entouré son album d’une ouate diaphane, comme si Echo and the Bunnymen devenait prog’. Intrigant n’est-ce pas? Telle une gazelle pop qui sautillerait avec grâce et élégance dans une mare aux couleurs de l’arc-en-ciel, ces «contes de Lucy aux pensées aléatoires» provoquent un léger tournis; une ivresse naissante enveloppe chaque titre car, toujours en suspension entre fragilité et aplomb, on se laisse embarquer dans ce faux psychédélisme à l’orée d’une diversité progressiste. Pas souvent écouté quelque chose de cet acabit et la critique n’est pas facile. Comme souvent, en ce cas de figure où rien n’est acquis, je dois laisser la pensée divaguer vers le clavier d’ordinateur pour déceler au hasard d’un détour surprenant, le truc qui m’émeut comme disait l’autre cruche! Il y a bien ce fond de psychédélisme qui fait le terreau de l’aventure, mais il est contrebalancé par des divergences à peine rugueuses, des guitares réussissant l’amalgame entre puissance et émotions à induction tangible et variable. Si Dial Code fait du rock progressif, c’est parce qu’il ne ressemble à rien d’autre qui pourrait supposer le contraire! Musique aventureuse au confluent parfois perçu de la meilleure new wave des eighties par la magie de fulgurances surprenantes, «Lucy» déroule ses propres codes ce qui en fait, au final, un disque des plus bouleversants par son charme timide et bien plus envoûtant qu’il n’y paraît...
Commode
10/02/2022
Electrond
In A Socially Distanced Future
electro – 38:12 – Norvège ‘21
Écoutant, au hasard des changements de fréquence ponctuant mon trajet, une vieille radio locale, de celles qu’on qualifiait de libres, je me rendis compte d’une chose étonnante: l’antenne était toujours ringarde! Sans être péjoratif; il y a une vraie jouissance en l’adjectif. À une différence près toutefois: la musique démodée qui y tartinait les ondes n’était plus ce «No Hype» irritant d’il y a 20 ans. Bien au contraire, celui-ci faisait maintenant bonne figure et l’on y apposait volontiers l’étiquette «Vintage», garante d’une qualité acquise à avoir courageusement traversé vents & décennies! La triste vérité m’apparut: le ringard évoluait. Pire, la poisse-gouttelette qui grelottait à mon tympan n’était que ce que jadis, nous déhanchant, nous eûmes l’audace de considérer comme révolutionnaire.
Il fallait clarifier cela. Tout d’abord, tordre le cou à la circularité du raisonnement, le «ça craint», la daube, dépend de l’auditeur. On est toujours le con de quelqu’un. Ensuite, ce Old Fashioned méprisé, ce daté, trouvait sa place à l'intérieur d’un interstice vacant, tout à fait particulier, situé après ce que le temps avait pu rendre classique et avant ce que nous considérons à la mode. Entre nostalgie et vision. No Man’s Land tantôt risible, tantôt délicieux.
Peut-être la répulsion était-elle similaire à cette «Strange Valley» dont parlait le roboticien Mori Masahiro; plus l’androïde ou l’image de synthèse nous ressemble, plus ses traits sont réalistes, et plus la moindre de ses imperfections nous semble monstrueuse… Cronos agissait-il de la sorte avec le son en passe de s’ancrer durablement au large de notre culture, provoquant ainsi un ultime rejet?
Si j’vous raconte tout ça, c’est que, pour l’instant, Electrond se situe quelque part sur les flancs de cette vallée, affligé d’une désuétude dont je ne sais quoi faire.
Escapade dans les entrailles d’un flipper. Il me faudra plusieurs semaines de Karen Carpenter & d’Agnetha Fältskog afin que s'apaise mon système nerveux puis que mes zygomatiques retrouvent taille normale.
Néron
https://electrond.bandcamp.com/album/in-a-socially-less-distanced-future
11/02/2022
Others by No One
Book II - Where Stories Come From
progressive metal et divers – 74:30 – USA ‘21
C’est de l’Ohio que nous arrive Others by No One. Je ne connaissais absolument pas ce groupe, pourtant vous vous doutez qu’il n’en est pas à sa première plaque! En fait, ils sont deux: Max Mobarry (chant, guitares, mandoline, basse, claviers, percussions) et Mike Gregg (guitares et piano). De nombreux intervenants les soutiennent dont Sam Ruff à la batterie, Sara Lung au violon, Kainan Shank au violoncelle ou Dave Simon à la flûte.
Nous nous trouvons ici face à un concept puissant: un écrivain se croyant poursuivi par un mystérieux harceleur finit par intégrer celui-ci dans son récit. Les histoires qu’il invente dans son œuvre finissent par prendre vie…
Le metal développé par nos amis se nourrit évidemment d’un tas d’ambiances extrêmement différentes, passant de moments presque suaves à d’autres quasiment horrifiques, le tout au sein d’un même titre (le long – quatorze minutes et quelques – «The Impassecopedum»). Ne parlons pas des références jazzy ou même popisantes, ni même du chant qui flirte, par instants, avec les meilleures prestations a capella. Others by No One nous offre ici une merveilleuse livraison digne des plus grands noms et casse littéralement les règles qui veulent qu’un groupe doive nécessairement se fondre dans un moule préétabli. Diablo Swing Orchestra n’est pas toujours éloigné de ce genre de production.
Un must absolu pour tous les curieux de bonnes découvertes que vous êtes assurément.
Tibère
https://othersbynoone.bandcamp.com/
11/02/2022 - EP
The Drive in Movie Band
Lines and Circles
progressive rock et divers – 27:01 – USA ‘21
De pesantes ambiances qui rappellent parfois les musiques de films d’horreur des années 70. Et le premier titre pourrait aussi évoquer un artefact oublié genre «Biafra 80» du «Caricatures» de Ange. Ronnie Marquiss (Ronald Marquiss), le fondateur de la formation, propose avec sa quatrième réalisation une musique instrumentale baignée tantôt de sonorités claviéristiques («Lockups and Lockdowns»), tantôt d’une touche de jazz-rock («Sorry We're Closed» ou «Patent Pending»), mais aussi de prog torturé, à l’image de la plage titulaire qui rappelle David Cross (le violon). À l’origine, Ronnie est le créateur de la radio internet «Friday Night Progressive» qui lui permit de réunir tout un panel de musiciens qui l’ont rejoint pour ce «Lines and Circles». Album aux prégnantes sonorités évocatrices du passé qui nous plongent dans une ambiance pour le moins étrange, et ça c’est déjà une réussite.
Centurion
https://driveinmovieband.bandcamp.com/
12/02/2022
Aquaserge
The Possibility Of A New Work For Aquaserge
rock in opposition/avantrock – 38:46 – France ‘21
Son nouvel album est l’occasion, pour Crammed Discs, de poursuivre la réanimation de sa série culte Made To Measure: le collectif français avant-rock Aquaserge, qui depuis toujours revendique un effacement des frontières entre genres et styles, explore le champ de la musique contemporaine de la moitié du 20e siècle et s’approprie les approches de (autant qu’il leur rend hommage) György Ligeti («Nuit terrestre» et «Nuit altérée» – sur scène, «Le poème du poème symphonique sans métronome» permet à tous les musiciens de percuter, chacun à sa façon), Edgard Varèse («Un grand sommeil noir» ou «1768°C», ses percussions obstinées, ses phrases obsédantes – 1768°C est la température de fusion du platine, dont sont faites certaines flûtes), Giacinto Scelsi (son exploration des timbres et oscillations dans l’éblouissant «Hommage à Giacinto Scelsi») et Morton Feldman (le soyeux «Only», le bruitiste et ferroviaire «Comme des carrés de Feldman», improvisé sur base d’une partition graphique – dont le compositeur américain est un des précurseurs). Felman inspire aussi le titre de l’album et du spectacle, puisque le groupe conçoit «Perdu dans un étui de guitare» (son titre complet: «The Possibility of a New Work for Aquaserge - Lost in a Guitar Case») comme un spectacle, musical et théâtral, construit à partir de cette anecdote où l’interprète se fait voler son étui de guitare et l’unique exemplaire manuscrit de la pièce, écrite par Morton Feldman en réponse à un programmateur qui lui demande s’il a «une pièce à ajouter au programme», à quoi il répond «eh bien, il y a la possibilité d’une nouvelle pièce pour guitare» – moralité: «ne jamais laisser son instrument dans la voiture». Entre les morceaux, Aquaserge retrace, au travers d’extraits d’emails, les échanges parfois impitoyables avec les éditeurs ou les ayants droit, quête à l’humour bureaucrate, préalable nécessaire à la création de ce nouveau disque – un des plus convaincants du groupe.
Auguste
https://aquaserge.bandcamp.com/album/the-possibility-of-a-new-work-for-aquaserge
13/02/2022
Epica
Ωmega Alive
opera metal symphonique (CD/DVD/Blu-ray) – 105:00 – Pays-Bas ‘21
D’abord paru en live-stream le 12 juin 2021, «Ωmega Alive», concert né de la crise sanitaire, a également eu droit à une unique diffusion au Kinepolis d’Anvers le 2 décembre 2021, soit un jour avant sa sortie en format physique. Ce spectacle d’une heure quarante-cinq, réalisé par Jens De Vos et complété par 75 artistes et techniciens, est, on peut l’affirmer, le fruit d’un dur labeur.
La setlist est orientée majoritairement sur les titres du dernier album («Ωmega») mais est aussi accompagnée d’autres compositions des albums précédents, donnant au spectateur un éventail de morceaux aux sons variés passant de ballades très calmes à des morceaux plus progressifs, plus puissants, le tout traversé de mélodies magistrales, de chants lyriques et de chœurs à couper le souffle dont Epica, seul, connaît la recette. L’ensemble est choisi avec beaucoup de réflexion pour créer un maximum de cohérence et de plaisir tout au long du show.
Et même si l’on perd le côté émotionnel de la joie et des applaudissements de la foule, l’absence de public aura permis au groupe de nous proposer un spectacle grandiose où les possibles erreurs ou petites imperfections auraient pu être corrigées en postproduction.
La réalisation du concert est tout bonnement majestueuse. Lumière et son d’une qualité inégalable, cadrage aux petits oignons, effets pyrotechniques, performers aériens, plateformes ascendantes… Comment rester de marbre face au piano enflammé présent dans «Kingdom of Heaven pt.3 - The Antediluvian Universe»?
Et comment passer à côté de la venue d’un magnifique chœur d’enfants apportant une puissance au chant lyrique à la fin du somptueux «The Skeleton Key»?
Les chansons sont intelligemment séparées en 5 actes illustrés par le biais d’une petite fille piégée dans un monde labyrinthique qui, guidée par Simone, tentera d’en trouver la sortie. Ainsi cette ingénieuse séparation en différents actes nous permettra de nous remettre de nos émotions et de nous préparer à la suite du show.
On perçoit aisément un côté très fraternel entre les membres du sextet et leur volonté de se transcender pour leurs fans.
Le groupe lui-même avait promu son nouveau show comme étant «la prestation la plus ambitieuse et la plus grandiose de toute leur carrière»; eh bien, nous sommes forcés de constater que les mots d’Epica étaient loin d’être hyperboliques.
Virgile
14/02/2022
Wang Wen (惘闻)
100 000 Whys
post rock/rock progressif – 62:11 – Chine ‘20
Quand je me suis engagé dans cette légion du prog, je pensais bien voir du pays. Et voici que j'écoute mon premier prog chinois! Ce groupe a 20 ans et plus d'une dizaine de disques produits. Ici, les 8 pistes sont essentiellement instrumentales, de 5:52 à 9:02, dont certaines en live. Appétissant!
«Forgotten» ouvre l'album sur un tempo lent, où les instruments traditionnels du prog se succèdent, livrant de simples mélodies, les passages à la flûte donnant un peu plus de relief; à mi-parcours, un joli thème se détache (enfin), il nous accompagnera jusqu'à la fin. Je reste sur la mienne.
«The Ghost» démarre sur un thème inquiétant, tout en retenue, on s'attend à... et cela vient, bien plus varié et attractif que le morceau initial, plus nerveux aussi parfois, bénéficiant d'un clavier plus électro. Voilà une belle pièce prog.
«Wu Wu Road», plus cinématique, reste agréable mais n'apporte rien de neuf pendant 4 minutes avant un beau solo de guitare saturée sur nappe de synthé et une fin plus symphonique inspirée.
«Wang Wen» est une belle piste nostalgique propice à la rêverie.
«A beach bum», live plus étonnant avec ses percussions typées années 90 et sa «trompette» solo pour la mélodie sur fond d'arpèges; enfin une voix égraine une sorte de mantra renforcé par des «cloches». Morceau de caractère! Enfin!
«Lonely bird», live aussi, démarre très très lentement. Post-rock dépressif. La trompette toujours présente alterne avec la guitare, puis une voix parle/chante en chinois (je crois 😉), transformant le tout en un long slow, pas désagréable du tout!
«Shut up and Play» ouvre avec une flûte qui se mue en harmonica puis en trompette pour nous servir un même thème qui s'éternisera ainsi avec de fines mutations, malgré un break médian et une fin énergique.
«Forgotten river», live en fin, claviers liquides, guitare simple, cloches et trompette concluent presque sur une note légère un album soyeux qui glisse très lentement dans un univers post-rock trop lisse.
Cicero 3.14
https://wangwen.bandcamp.com/album/100000-whys
15/02/2022
Donner
Hesitant Light
progressif électro divers – 40:32 – Norvège ‘21
La Norvège, durant la grande déferlante des groupes progressifs scandinaves des années 90, connut au moins un représentant important avec le désormais célèbre White Willow qui, en 1995, fit paraître «Ignis Fatuus» et 6 ou 7 albums ensuite. Un de ses musiciens, le guitariste Jacob Holm-Lupo, s’illustre depuis par la création, ou sa participation, à d’autres groupes tels The Opium Cartel, Weserbergland ou Telepath, puis aujourd’hui en défrichant un nouveau terrain propice à sa créativité avec le projet Donner.
L’idée était d’explorer des séquences musicales avec des synthétiseurs en s’inspirant de la Berlin school («Melancholy City») mais aussi, et je dirais même avant tout, des travaux musicaux (BOF) de John Carpenter, le réalisateur américain spécialisé dans le cinéma de SF et d’horreur. Pour améliorer l’ensemble, d’autres musiciens ont participé au projet afin de le peaufiner et l’enrichir de sonorités plus atmosphériques, notamment en compensant les rythmes trop synthétiques. Outre cette enveloppe très électro à l’ancienne et parfois cinématique, étonnamment, l’album renferme des séquences plus digressives («Dance of the Swallows», «Street Heat») inspirées du jazz funk américain des années 70, mais aussi d’un peu de sauce à l’italienne (genre BOF giallo) sur le titre éponyme «Hesitant Light» et même d’une pop sirupeuse sur «Night by Night».
Bref un album barbouillé de diverses tendances mais qui forme un tout plutôt homogène fait de sonorités vintage enrichissant des séquences électroniques.
Centurion
https://donner.bandcamp.com/album/hesitant-light
16/02/2022
Transport Aerian
Skywound
progressive rock baroque – 43:33 – Belgique ‘21
Le groupe anversois Transport Aerian est le projet d’Hamlet, leader incontesté du groupe. Cependant, le groupe en entier a accepté de répondre à notre demande d’interview que vous retrouverez ailleurs sur cette page. C’est en 2009 que le projet solo d’Hamlet a vu le jour, au départ avec des musiciens de passage, hormis Stefan Boeykens. Mais ce n’est qu’en 2019 que le groupe s’est stabilisé autour du line up actuel. Remarquons également que notre homme a aussi été impliqué, jusqu’en 2019, dans le groupe Fabulae Dramatis et qu’il est particulièrement féru de poésie et de littérature.
Hamlet nous révèle, dans cette interview déjà mentionnée, la thématique de l’album, celle d’un couple d’amoureux observant la fin du monde en espérant se retrouver dans l’au-delà. La politique et la religion sont également abordées dans cette œuvre, enrichie de nombreuses références littéraires, historiques et culturelles.
Comme vous pouvez vous en douter, musicalement, cette œuvre flirte avec un lot de styles différents pour un résultat époustouflant. D’entrée de jeu, «Shall Not Be» envoie des guitares lourdes, laissant entrevoir tout le potentiel de ce qui va suivre. Quatre courts intermèdes («Fracture» de I à IV) parsèment la plaque, allégeant le propos. Le titre «Lunatic» débute par de délicats arpèges guitaristiques avant de passer vers un ton plus lourd. «The Effect» me fait beaucoup d’effet (d’accord, c’est facile, mais je ne m’en prive pas!). C’est tout en contraste, vocalement s’entend, que la plage titulaire termine notre écoute attentive.
Personnellement, je ne me lasse pas de cette véritable pépite et vous engage à la découvrir, voire à aller les voir en concert!
Tibère
https://transportaerianmrrartist.bandcamp.com/album/skywound
17/02/2022
This Winter Machine
Kites
neoprog / AOR – 45:37 – France/UK ‘21
Fort d’une reconnaissance évidente dans le milieu prog’, This Winter Machine remet le couvert avec une belle régularité. 2017: «The man who never was», 2019: «A tower of clocks» et donc 2021: le dernier bébé «Kites». Ce groupe aux musiciens interchangeables n’a gardé d’origine que le chanteur Al Winter, véritable «patron» de l’entité, d’où certainement le jeu de mots avec le nom de la formation qui fait songer à l’hiver (surtout avec la pochette du premier opus) mais qui, sûrement, fait référence au leader. Ceci dit, mais qui donc a rejoint, pour sept titres, le combo britannique? Un certain Pat Sanders, clavier de Drifting Sun, groupe franco-anglais basé en terre d’Albion dont Prog censor a chroniqué le dernier opus et, pour le violon sur un titre, le dénommé Bouillette Eric, compère de Sanders, sans oublier Peter Jones (Tiger Moth Tales) pour le chant sur «Sometimes». Les présentations ainsi faites, on peut se pencher sur ce troisième album qui ne surprendra pas ceux qui connaissent déjà, un néo-progressif pur et dur, inspiré des maîtres du genre, Marillion, IQ et Pendragon, tout en puisant dans le vivier symphonique des années 70. Après une intro au piano sur «Le jour d’avant» (oui, en français dans le texte), T.W.M. rentre dans le vif du sujet avec le bouillonnant «The storm part I» qui nous installe en territoire connu avec une intervention majeure de Mark Abrahams à la guitare pour un solo d’envergure «barrettien» des plus fulgurants. La voix d’Al Winter est un atout de taille, l’organe parfait pour ce type de néo chatoyant et mélodique, qui fait merveille grâce à un timbre assuré idéal pour le genre. Je ne veux m’étendre sur chaque titre mais dites-vous bien qu’on a ici un disque sécurisant pour tous ceux qui ne jurent que par le rock mélodique. Tout y est, carré, accessible, bien tourné, parfois à la limite d’un rock fm/aor standardisé, mais, comme en pareil cas, la galette regorge de belles mélodies, le plus souvent enguirlandées d’une guitare qui sublime des efforts ainsi mieux récompensés («Pleasure & Purpose»). D’une beauté accessible et attendue, aucune surprise n’est donc à espérer, juste le plaisir d’un panel de morceaux qui possèdent toutes les qualités requises pour un amateur de belles ritournelles; bref les amateurs de Canterbury ou de zeuhl n’ont rien à faire ici, c’est évident. Je ne peux me renier, j’ai toujours eu un faible pour ces groupes réconfortants, riches en sons gratifiants. Une qualité d’écoute tranquille pour ne pas dire facile, mais ce serait faire injure aux musiciens et compositeurs de les blâmer pour un savoir-faire mélodique et choral qui frôle parfois les qualités d’un Asia au sommet de sa forme; les «This heart’s Alive» et «Broken» en sont deux superbes exemples. Je place à part «Sometimes», chanté par P. Jones, un bonbon fondant qui renforce, à dire vrai, mon impression générale, une véritable gâterie intemporelle, où le violon d’Eric Bouillette nappe avec délicatesse. Bien bel objet malgré tout.
Commode
https://thiswintermachine.bandcamp.com/releases
18/02/2022
Deception Store
Pindaric Flights
soft pop prog – 44:12 – Italie ‘21
12 pistes principalement en format radio pour ce premier album de Deception Store. Les morceaux sont donc ramassés mais pas simples pour autant. Là où d'autres en feraient des morceaux de 6-7mn, Marco Pantozzi, le compositeur, prend le parti de la concision. En tant que chanteur il est très présent, ce qui accentue encore le côté chanson; heureusement il est bon (11 fois en anglais et une fois en italien), avec un «je ne sais quoi» qui rappelle parfois Roger Waters.
Sortant du rang avec ses 7:36, le morceau titre, vocalement s'ouvre un peu en direction de CSN, mais un break abrupt, car inattendu et sans lien avec ce qui précède, lance le morceau dans une direction convenue, après seulement 2:30, un peu dans une verve Floyd sans l'emphase avec lesquels ces derniers savent nous régaler. «A new world», piste suivante, déjà la 7e, poursuit dans cette voie, finissant de me convaincre que c'est relaxant, bien composé, parfaitement exécuté, mais qu'il y manque une touche de folie pour que ce soit plus qu'un album lisse, qui s'écoule comme du sable entre les doigts.
Tels sont «Distant lover» un slow de 2:13. Trop peu pour conclure. «Free» égraine pendant 1:15 de jolies notes d'un piano solo errant sans but. «Close your eyes» tire longuement ses 4:20. Seule la première piste, «Lifetime», présente le relief espéré mais elle s'achève trop vite!
Cela mérite votre écoute, mais je crains bien que rien ne vous accroche pour y revenir. Déception... rien de neuf dans le magasin.
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/pindaric-flights
18/02/2022 - EP
Edges
First Round
jazz prog – 13:55 – Belgique/international ‘21
Une première réalisation de 4 titres, d’une durée de 14 petites minutes, en guise de mise en bouche pour annoncer un futur album à paraître en automne. La formation Edges, derrière laquelle se cache le guitariste belge Guillaume Vierset (Guillaume Vierset Music), est un projet mis en chantier grâce à la carte blanche offerte par l’édition 2019 du Marni Jazz Festival que le guitariste releva en s’entourant d’Anders Christensen, bassiste danois, de Diran Dumont, claviériste français, et de Jim Black, batteur américain.
Musique hybride, mise en équilibre stable entre jazz et musique progressive. Elle est instrumentale et sans esbroufe, apaisante et aguichante entre touches jazzy et digressions groovy et même pop. Belle promesse.
Centurion
19/02/2022
Levitation Orchestra
Illusions and Realities
jazz fusion/spiritual jazz/spoken poetry – 66:35 – UK ‘21
Deux ans après leur premier opus, les Anglais de Levitation Orchestra nous reviennent avec un nouvel album bien plus fourni et développé que leur premier effort, plus d’une heure de musique contre les 40 petites minutes du premier album.
Toujours emmené par le trompettiste leader, Axel Kaner-Lidstrom, le groupe évolue avec aisance dans un paysage en transformation où l’on retrouve les veines d’inspiration à la source du premier album, mais en quelque sorte plus mûres. Le groupe trouve son discours, son créneau entre jazz, jazz fusion, world musique et tradition(s). Le côté zeuhl, très présent sur le premier album, est cette fois beaucoup plus discret, voire quasiment absent. Intéressant de noter que l’ensemble a développé un abordage collectif dans l’écriture et le jeu différentiel de ses membres. Kaner-Lidstrom est un leader organisateur, sans s’imposer comme compositeur ou arrangeur unique de l’ensemble. Les compositions apparaissent au cours de discussions de groupes entre les intégrants du projet, joignant ainsi le processus de composition et d’écriture avec l’imprévisible de la rencontre et des échanges entre les musiciens en présence, ce que le titre du dernier morceau de l’album – «Many in Body, One in Mind» – ne pourrait mieux décrire… Notons une très belle suite en 4 parties: «Child».
On y trouve par contre une respiration, une sérénité et une aisance qui offrent d’excellents moments légèrement méditatifs. Ils sont certes alternés – comme sur «Listen to Her» – par d’autres moments plus dynamiques, voire dramatiques, pouvant évoquer certains contrastes chers au VDGG de la grande époque (donc des 4 premiers albums!). Les signatures peuvent se révéler complexes mais rien ne sombre dans l’ésotérique ou l’abstrait exagéré… On y trouve également – autre nouveauté – des moments de poésie déclamée, emmenés par la vocaliste Plumm.
Tout ceci nous offre une fois de plus un excellent CD à découvrir et réécouter car sa richesse ne se donne pas en une seule écoute…
Lucius Venturini
https://levitationorchestra.bandcamp.com/
20/02/2022
Final Coil
Somnambulant II
progressive metal/post rock – 32:59 – UK ‘21
«Final Coil a commencé sa vie musicale dans des hurlements de feedback et de chaos, où l’œuvre d’art enflamme l’imagination alors que la musique lui donne vie» voilà comme introduction littéraire à ce 8e album depuis 2013. Final Coil a complètement réinventé les chansons de leur EP de 2014 pour proposer une «tragédie et une lumière musicale suite au monde post-confinement». Un son expérimental, combinant du post-rock, du progressif, sur les Tool et autre Pink Floyd et certains détours sur la dark wave comme Cure ou Killing Joke, son fluide organique saturé doom métal prog je dirais, étourdissant, frais, monolithique et envoûtant.
«Corruption (Shadows of a Dream)» base rock planant légèrement psyché et mélancolique; la guitare rageuse finale me renvoie à celle de Daniel des Anathema. «Lost Hope (Trip)» pour un clin d’œil à la new wave sombre des Depeche Mode, son monolithique amenant à la transe; la guitare slide plaintive donne la direction de ce titre chanté au spleen évidant, gaîté quand tu nous tiens! «Waste Your Time (Quills and Trees)» enchaîne avec un rythme mantra du XXIIe siècle; un son vintage avant-gardiste rappelant le doom des Monster Magnet un temps, latent, animal et sombre et une guitare virevoltante dans les tourments du monde.
«Echoes of Corruption (Zero Sum)» sur l’interlude selon moi, titre court, plaintif, base mélancolique faisant… écho tant en voix qu’avec les notes de piano lourdes, cette voix d’outre-tombe finale qui nous emmène sur «Conviction of the Right (Industrial Slaughter)» au tempo rapide, métallique et industriel, sur un riff que ne renieraient pas les Rammstein; plus dynamique, presque frais si l’on vient rapprocher la joue devant les enceintes. «Imaginary Trip (Still)» avec une intro symphonique au piano, une voix déchirante sur un air légèrement pagan; les notes cristallines assènent une ambiance de fin du monde et insufflent une atmosphère idyllique de beauté morbide, le plus beau titre selon moi. «And I’ll Leave (Outsider Mix)» (bonus track) sur une déclinaison métallique, indus, au rythme industriel et syncopé qui clôt le CD.
Final Coil continue d’explorer le son expérimentant des questions sur le sort de notre civilisation; une touche de morbidité, de spleen sidérant et une aura de crépuscule mystérieux. L’ampleur émotionnelle d’un rêve avant qu’il ne s’estompe créée par Phil, Rich et Jola pour une œuvre unique.
Brutus
finalcoilrock.bandcamp.com/album/somnambulant-ii
21/02/2022
Hipgnosis
Valley of the Kings
progressive rock/electronic/psychedelic space rock/female vocal – 96:41– Pologne ‘21
Hipgnosis est ce groupe fondé en 2004 teinté de sonorités floydiennes au départ. En 2011, «Relusion» sort sur une base néo-prog planante, à la frontière entre Pink Floyd et Tangerine Dream, un peu post et avec une superbe voix féminine. Ce 3e album est un double dont un morceau unique sur le second relatant la vie pleine d’un homme telle une pièce de théâtre musicale. C’est aussi la première fois que les musiciens dévoilent leurs noms, donc je peux dire qu’Anna a une très belle voix enveloppée de sons électroniques et de clés diverses et d’un violon piloté par Ewa; les grognements ne sont pas de Donald Cardwell mais du fils du bassiste.
Au niveau des titres, 8 dont 4 de 10 minutes et un de 45 minutes, juste pour bien certifier que le son va être étiré, planant, psychédélique ou symphonique, je ne sais, mais long et envoûtant, ça oui. Un album où le travail de Slawek emmène plus près des Tangerine Dream et de Schulze que des Pink Floyd, un album où la voix d’Anna montre qu’elle s’en sert à très bon escient, avec délicatesse, émotion et tact. Au niveau sonorités, on pourra croiser le son d’Ushuaia, de Peter Gabriel, de Lisa Gerrard et des groupes électroniques cités plus haut. Le «Traveller Part 1&2» vaut son pesant de musique vintage à écouter les longues soirées d’hiver.
Hipgnosis continue sa lente définition de rock cosmique, électronique et limite religieuse avec leur dernier opus avant-gardiste. Slawek a mis 10 ans pour sortir cet opus long, sombre, envoûtant et symphonique; 10 ans pour vous emmener sur des terres brûlées où chaque son ne peut plus être stoppé, un album sans concession où il faut pouvoir aimer encore voyager durant longtemps.
Brutus
hipgnosis2.bandcamp.com/album/valley-of-the-kings
22/02/2022
Qilin
Petrichor
stoner rock/doom metal instrumental – 47:57 – France ’20
Il s’agit du premier album de ce trio parisien formé en 2015. Guitares saturées, basse vrombissante, batterie martelée témoignent de la filiation du groupe avec le hard rock stoner où fuse le fuzz. Ça envoie donc du lourd dans un climat chargé d’adrénaline, vibrant de sons rugueux, de façon à estampiller également les compositions du sceau incandescent du doom metal, souvent les brumes du sabbat noir planent autour.
Mais les fréquents changements de tempo au sein d’un même morceau, les variations d’intensité électrique dans la guitare qui atténue l’ardeur de ses riffs lors d’accalmies, témoignent de la volonté du groupe de faire évoluer ses compositions dans une sphère progressive. Le fait qu’il s’agisse de titres uniquement instrumentaux laisse les musiciens s’exprimer pleinement en remplissant l’espace sonore de cette diversité climatique musicale. Ainsi, accords plombés et sombres, soli aux effluves psychédéliques, passages acoustiques planants, envolées métalliques jalonnent chaque titre donnant à l’écoute de ceux-ci des allures de voyage dans des univers cosmiques aux teintes variées. Quelque part entre la noirceur de l’espace infini et la lumière irradiant d’astres en fusion.
Au gré de ce vol intersidéral, jaillissent, tels des comètes, bon nombre de soli de guitare joués avec créativité et dextérité. Ils zèbrent de leurs notes enflammées le néant, tandis que celui-ci est également traversé d’une section rythmique qui trépide telle une machinerie infernale et ralentit la cadence lorsqu’il s’agit d’apprécier le firmament de notes scintillantes.
Les fans de Kyuss, Acid Mammoth, Sleep, Red Fang… se délecteront de cette pépite du genre.
Orcus
https://qilin.bandcamp.com/album/petrichor
23/02/2022
XCIII
VOID
avant garde – 41:55 – France ‘21
XCIII, entité française dont vous lirez une interview ailleurs sur cette page, sort actuellement son quatrième album (sans compter les quatre EP). Depuis sa création en 2010, le line up a fortement évolué puisque constitué d’un véritable groupe à ses débuts et après une période où Guillaume agissait en solo, nous nous retrouvons devant quasiment un duo puisque Maélise assure les voix féminines. XCIII fait référence au 93e poème des «Fleurs du Mal» («À Une Passante») de Baudelaire.
Même s’il qualifie sa musique d’avant-gardiste, celle-ci est loin d’être absconse, au contraire, la musicalité et les mélodies accrocheuses sont bien au rendez-vous.
Pour vous en convaincre, n’hésitez pas à jeter une oreille sur «Red Lights» qui, malgré une entrée en matière lourde et pesante, nous entraîne dans un univers post-rock et même psyché. Le piano et la guitare s’entremêlent sur l’instrumental «At Least One Never Exists» avant d’exploser littéralement.
Vous qui, êtes curieux de musiques différentes et entreprenantes, XCIII est décidément fait pour vous, particulièrement avec cet album «VOID»!
Tibère
https://anesthetize.bandcamp.com/album/void
24/02/2022
A Gardening Club Project
The Blue Door
progressive rock – 43:40 – Canada ‘21
Personnellement, j’adore quand un album ou un artiste brouille les pistes. Et ici, nous sommes servis.
Une présentation tout d’abord: A Gardening Club Project est un projet porté par le musicien canadien Martin Springett. Pour ce troisième album, il est entouré de Kevin Laliberté aux claviers, Sari Alesh au violon, Drew Briston à la basse, avec l’apport de Wayne Kozak au sax. L’album est relativement court puisqu’il comporte 10 morceaux pour un peu plus de 43 minutes.
En voyant la pochette de l’album, on pourrait s’attendre à un album de folk essentiellement acoustique avec des constructions de morceaux relativement classiques comme pourraient le faire Clannad ou Three Colours Dark.
Que nenni! Derrière cet emballage un peu rétro se trouve au contraire une musique étonnante et vraiment emballante. La guitare acoustique donne souvent le ton mais est augmentée de rythmes parfois appuyés et de sonorités parfois arabisantes. Certains morceaux sont chantés par Martin avec une voix qui s’approche plus de David Sylvian, posée et profonde. Les compositions sont soignées mais sont plus comme des palettes de couleurs qu’un peintre aurait pris un soin infini à agencer sur sa toile. L’ensemble est remarquablement bien dosé et nous emmène souvent sur des chemins inattendus, même si les compositions sont souvent courtes. Les rythmiques de guitare n’hésitent pas à lorgner sur King Crimson et le raffinement de l’ensemble fait souvent penser à Steely Dan ou 10CC pour le soin apporté aux arrangements.
La plage titulaire est même pop et sautillante et trouvera sa place sur une radio mainstream sans que cela ne dévalorise l’album de quelque manière que ce soit. L’instrumental «The path not taken» emprunte même un chemin qui n’est pas trop éloigné de Frost*. L’autre instrumental, «Mirage», nous transporte au milieu du désert et le doublé final, «I Dream U» et «Long Tailed Flight», est de toute beauté; ce dernier morceau nous baladant dans les luxuriances des Mille et Une Nuits avec un violon virevoltant.
Bref, un album à découvrir et qui réserve son lot de surprises.
Amelius
https://thegardeningclub.bandcamp.com/album/the-blue-door
25/02/2022
Neon Heart
Livet / Ytan
krautrock – 90:15 – Suède ‘21
Après «Neon Heart» et «Temporaria» en 2020, Magnus Nordén (batterie), Björn Wallgren (guitariste), Johnny Karlsson Kern (basse, chant), Petter Kärnekull (electronic viola) et Daniel Borgegård Älgå (saxophone, flûte) nous présentent leur 3e album.
1. «Glossolalia» est porteur d’un psyché space rock habité et au chant qui n’est pas sans rappeler les excellents Finlandais de Circle. Un bon départ pour signifier que nous ne sommes pas dans un LP ordinaire.
2. «Tysta mig»: un orage électrique fort bien venu, nous sommes bien dans de la musique de possédés avec un mur de son cosmique et, pour moi, des fondamentaux très jazz rock, de la belle ouvrage et, effectivement, cette folie typique du rock allemand expérimental. La batterie enfonce bien le clou, vocaux hantés.
3. «Semena»: un feeling à la Kollektiv en plus space rock; ça me va très bien. Ce groupe est une belle découverte. Toujours ce rythme motorik et un saxophone qui fait penser à Nik Turner d’Hawkwind. Magique!
4. «Toppar»: une piste enfiévrée et cosmique avec toujours en filigrane cette virtuosité harassante et libératrice. Le Bouffon Vert semble avoir laissé libre cours à sa démence. Encore une noble agression krautrock.
5. «Andas så»: un jazz rock très psychédélique, très brut de décoffrage. Les musiciens ne nous laissent pas respirer et on en redemande; c’est le cas depuis le début.
6. «Livet»: la sono est toujours à fond dans cet exceptionnel HP (le seul où on aimerait rester), traversé de fulgurances à la Amon Düül 2. J’insiste à nouveau sur l’excellence des musiciens. Ils sont experts dans la jam session. Un enregistrement d’une rare densité.
7. «Gatans makt»: la pression ne chute pas avec une échappée spatiale hallucinée et sombre. En fait, c’est à mon sens un joyeux bordel free jazz prog kraut stoner cette affaire.
8. «Som bara»: la voix me fait toujours penser à Circle et au fil du temps je trouve aussi dans cette super production comme un air de Träd, Gräs och Stenar ou International Harvester.
9. «Ytan»: j’évolue encore «à des millions d'années-burosse de la Terre» (Objectif Nul) et je pense parfois au groupe Faust en écoutant cette galette. J’espère sincèrement voir ce groupe en concert. Et pourquoi pas au Kozfest ou au Crescendo (2Days Prog + 1 Festival) aussi?
10. «Tusen dagar»: remarquable de bout en bout, très aventureux et osé; j‘apprécie aussi le fait de voir mon cerveau martyrisé par la permanence des attaques soniques. Un brutalité comparable au choc de Phallus Dei.
11. «Får ta tid»: le voyage touche presque à sa fin; c’est toujours bien frappadingue mais je vis pour ces moments-là. Et cet assaut de talent ne me dérange guère.
12. «Början och slutet»: une piste apocalyptique et allumée. Je cherche toujours mon second souffle dans ce magma sonore rehaussé par un sens de l’improvisation abouti et névrosé.
13. «Sang till dig»: dernier morceau; je me fais l’effet d’un vieux boxeur ruiné par les coups et les combats perdus. Une longue transe une fois encore au feeling jazz qui s’étire vers l’infini. Dieter Dierks, Conny Plank et Rolf Ulrich Kaiser approuvent ce disque!
Fatalis Imperator
https://neonheart1.bandcamp.com/album/livet-ytan
25/02/2022 - EP
Machines Dream
Earth
progressive rock – 26:34 – Canada ‘21
C’est avec beaucoup de plaisir que nous découvrons ce nouvel EP du groupe canadien Machines Dream, qui nous avait considérablement séduit avec son double CD «Revisionist History» chroniqué chez nous fin 2019: https://machinesdream.bandcamp.com/album/revisionist-history
Le Covid et quelques changements au niveau du line up ont contribué à la léthargie du groupe qui nous revient néanmoins aujourd’hui gonflé à bloc avec cet EP de quatre titres annonçant un album pour cette année.
Musicalement le groupe n’a pas changé la formule, du rock baigné de progressif aux ambiances floydiennes, qui, comme souvent chez eux, s’épanouit sur la longueur. C’est encore le cas sur cet EP où le plus long titre, «The Standing Field» (11 minutes), démontre toute la force du groupe et sa capacité à plonger sans tergiversation dans le rock progressif avec autant de fougue que d’habileté. Un EP de bon augure pour la suite…
Centurion
https://machinesdream.bandcamp.com/album/earth-ep
26/02/2022
3 Primates
3 Primates
rock in opposition (Pagans) – 53:35 – France ‘21
Pour notre plus grand bonheur, cet ovni s’est échappé de la capsule temporelle qui le retenait prisonnier dans un espace-temps inconnu. Enregistré en public le 21 novembre 2015, à la Centrifugeuse de Pau, ce concert aurait pu être classé sans suite et appartenir aux bons souvenirs de ses auditeurs. Seulement, le trio Baudoin/Colautti/Toussaint laissera dorénavant une trace enregistrée de cet instant de grâce. Le projet 3 Primates, c’est le nom donné à cette formation éphémère ayant fait le joint entre 1 Primate et Bestiari, les deux projets solo de Romain Baudoin qui se distingue par l’emploi du Torrom Borrom, instrument accolant en une pièce vielle à roue et guitare électrique. Proche du courant rock in opposition, purement instrumental mais jamais rébarbatif, barbotant vaguement dans des eaux usées par le second King Crimson, 3 Primates ressuscite une musique progressiste parfois marquée d’un sceau à peine délavé de cold wave primale (exemple, ce «Fènix» que l’on pourrait croire échappé du premier Killing Joke!). Pour être complet, les sept morceaux interprétés sur scène ce soir-là et par extension sur cette version uniquement numérique, sont issus du bestiaire de Rigaut de Barbezieux (1140-1163), un troubadour occitan de la Saintonge, province française correspondant grosso modo à la Charente actuelle. 3 Primates dépeint ainsi par le son sept animaux issus de l’ouvrage médiéval du poète. Malgré cela, le trio ne dérive jamais vers le folklore d’antan, se consacrant à une véritable œuvre progressive où le son nouveau du Torrom Borrom, hybride d’une réelle beauté à contempler, résonne pour la première fois à mes oreilles sous le charme de ses arpèges mystiques. Depuis, il semblerait que Romain Baudoin soit retourné en solitaire avec son projet Bestiari qui reprend certains titres de 3 Primates sur un album éponyme sorti en 2018. Amateurs de chamanisme musical, ne passez pas à côté d’une œuvre qui n’aurait pu rester que le souvenir d’un concert vite oublié...
Commode
27/02/2022
Xavier Boscher
Firescapes
progressive metal – 43:59 – France (Nice) ‘21
Peintre, poète, producteur, pluri-instrumentiste, Xavier Boscher sait comment faire jaillir de sa guitare étincelles joyeuses et souffre-douleur. Tombé petit dans la marmite du quatrième art, actif depuis deux bonnes décennies en groupe ou en solo, c’est un cocktail de virtuosité qui est venu nous allumer le feu au départ de la promenade des Anglais.
Depuis 2020, avec une déconcertante fluidité, ce Maître du Jeu a évoqué, en autant de disques, les quatre éléments: l’eau, la terre, le feu et le ciel (l’air?).
Parce que certains l’aiment chaud, il ne sera question ici que de son avant (et meilleur) petit dernier: «Firescapes».
Livré sous pochette orangée éclaboussée par une échappée de mercure, l’album nous envoie les entrailles du T 1000 à la figure. Pas de doute sur l’annonce, le contenu est violent, sophistiqué et (prog) métallique.
Le titre «Pyrotechnic» est un opening fire qui ne fait pas de quartier. Il s’agit d’un marathon à six cordes, génie et émotion, de quinze minutes cinquante secondes.
Passé la vitrine, notre cracheur de flamme est tout bouillant. Les riffs et les bravades vont s’accumuler. Le bourrin est palpable sur «Lightning». Le speed est évident sur «Chuck’s Flame Will Live Forever». Le romantique crépite sur «Au Coin Du Feu». La croisade homme-pressé est reprise sur «Conflagration» et sur «Thermic Vision». Le final est époustouflant de diversité sur «Mercury Planet Retrograde».
Les morceaux se vivent comme les scènes d’un film d’action, à la Stallone ou à la Gibson; ça pète de partout, c’est l’escalade à tous les croisements, on n'a pas le temps de sortir un sachet de thé et de faire le bilan de sa journée…
Pourtant, la guitare de Xavier Boscher ne tombe jamais dans le piège de la masturbation écœurante d’un guitar hero qui se la raconte tout seul sur son rocher au milieu de la mer et des éclairs.
Bien au contraire, notre bête de studio ambitionne de nous faire partager sa grand-messe avec la passion des apôtres de la première heure, la pétillance de son instrument et de sa plume sur «longue» portée…
Concurrent modeste (en publicité) de Joe Satriani et de John Petrucci, sur ce disque, Xavier Boscher nous démontre aisément que le feu est son élément… et que son toucher est Nice very Nice.
Kaillus Gracchus
https://xavierboscher.bandcamp.com/album/firescapes
28/02/2022
HFMC - Hasse Fröberg & Musical Companion
We are the truth
neo-progressif/ progressive rock/rock – 69:50 – Suède ‘21
Il s'agit bien sûr du chanteur de Flower Kings qui, lors d'une pause de TFK, en 2008, créa HFMC, et qui a persisté pour notre plaisir! Voici 9 pistes de 4 à 13 minutes où, dès le 1er morceau, «To those who rule the world», on est dans un registre prog rock, juste et plaisant comme la piste 3, «Rise up». Plus hétérogène et intéressante encore, la #2, de 13 minutes: «Other eyes», un peu Yes «Perpetual Change» dans son accroche, puis une progression en escalier, tendue avec de belles incisions de guitares sur le thème, avec un break pluvieux et une reprise en chromatique à la sèche, en duo avec la voix d'Hasse plus Anderson que jamais! Aérienne seconde partie qui amène un peu de Camel/Genesis.
«The Constant search for bravery»: accueil guitare sèche solo, puis un pattern math frippien introduit la voix et un épaississement mélodique joyeux dans un mix guitare à la Yes et clavier Genesis. Plus chorus style Wishbone Ash! Dopé par ces doses de mon ADN prog, ce sont 9 minutes très vite passées.
«We are the truth»: piste multiforme que se finit avec du jazz et un rock bien musclé!
«Shaking and stired»: la voix se fait rock ainsi que la musique. Une belle rotation solo de chaque instrument façon jazz surprend lors du final.
«Every second counts»: piano, basse, voix initient une ballade aérienne avec ses chœurs célestes pendant 4 minutes. Agréablement apaisant après tant de muscles démontrés.
«A spiritual change» nous accueille avec des clochettes et des nappes de synthés avant qu'une batterie militaire et une guitare n'incise un thème léger, bientôt noyé dans de puissants accords; nous voici repartis dans l'un de ces longs morceaux (ici 11 minutes) à multiples thèmes qui parsèment l'album. Et quand c'est aussi bien maîtrisé, c'est efficace!
Donc un 5e album réussi qui permet de passer un bon moment en terres connues.
Cicero 3.14
https://hfmc.bandcamp.com/releases