Janvier 2022
- 01/01/2022 : Les samedis étranges
- DSF
- Tom Namias
- Pili Coït
- Falling Into Birds
- Regal Worm
- 02/01/2022
- 03/01/2022
- 04/01/2022
- 05/01/2022
- 06/01/2022
- 07/01/2022
- 07/01/2022 - EP
- 08/01/2022
- 09/01/2022 : Heavy Prog
- Beyond The Labyrinth
- Skore
- Som
- Marcel Coenen
- Bader Nana
- 10/01/2022
- 11/01/2022
- 12/01/2022
- 13/01/2022
- 14/01/2022
- 15/01/2022
- 16/01/2022
- 17/01/2022
- 18/01/2022
- 19/01/2022
- 20/01/2022
- 21/01/2022
- 22/01/2022
- 23/01/2022
- 24/01/2022
- 25/01/2022
- 26/01/2022
- 27/01/2022
- 28/01/2022
- 28/01/2022 - EP
- 29/01/2022
- 30/01/2022
- 31/01/2022
DSF
DSF
progressive folk/fusion – 32:12 – France ‘21
Le travail de DSF pourrait évoquer celui de Corde (dont je vous parle ailleurs sur cette page), mais le duo composé de Tom Namias (guitare) et d’Augustin Lusson (violon) se nourrit à des sources métissées, très diverses, du baroque à la musique irlandaise, du jazz manouche au rock progressif, de Tigran Hamasyan à Robert Fripp, et s’amuse à percer les cloisons inter-genres, à jeter des ponts entre musiques traditionnelles et actuelles, tout en expérimentant, sans à-coups, des sons, des rythmes, des modes de composition, des techniques instrumentales…, d’une façon d’autant inattendue qu’elle œuvre à partir d’un instrumentarium somme toute restreint et pas inhabituel. «Poulet aux fraises» est un exemple de cette démarche aimablement exploratrice, qui nous prend là où nous avons nos habitudes, pour nous laisser un pas plus loin, pas perdus, non, mais vaguement étourdis, comme si on avait subtilement déplacé quelques-uns de nos points de repère.
Auguste
Tom Namias
(stuck in the middle)
progressive rock – 32:39 – France ‘21
C’est par un morceau simplement percussif que démarre ce premier album de Tom Namias (dont je vous parle ailleurs sur cette page du duo DFS): on pense à «Clapping Music» de Steve Reich (toutes proportions gardées) – ça n’a l’air de rien, mais voir Reich sur scène, fin sourire sous sa casquette et mains frappantes, est une expérience – et le minimaliste américain se réinvite d’ailleurs dans l’univers de Namias, qui ambitionne, avec The Long Distance Ensemble (projet audiovisuel et novateur), de réinterpréter «Tellihim», une composition qui marque un tournant dans l’esthétique du compositeur. Le style de Namias est celui d’un musicien qui (se) cherche, récolte et assemble – et peut s’avérer déroutant (et inégal): «(a) hole in the sky» m’évoque par instants «Heptaparaparshinokh» de League of Gentlemen, alors que la courte phrase répétée de «wave III/for f.» fait penser au Pink Floyd de «Shine On You Crazy Diamond», éthéré et alangui ou que «simkhe/the shape of things to come» s’inscrit sagement dans la tradition acoustique espagnole – même s’il est suivi d’un «crisscross/atelophobia» qui lorgne vers le metal progressif, alternant riff pesant, piano primesautier et guitare véloce.
Auguste
https://tomnamias.bandcamp.com/
Pili Coït
Love everywhere
rock in opposition – 40:27 – France ‘21
Désaxés comme Television Personalities ou Family Fodder, la dérision n’était en moins, l’envie de fabriquer du son sur la chanson en plus, Guilhem Meier (chez PinioL, PoiL et ailleurs, il fait des bruits et tape sur sa batterie; ici il chante et joue de la guitare – en plus de la composition) et Jessica Martin Maresco (chez Résonance Contemporaine ou Le grand SBAM, elle chante le répertorie contemporain, chez ICSIS ou Saddam Webcam, elle flirte avec le rock noise; ici elle chante aussi, mais tape en plus sur un bidon d’huile ou un tom basse – parfois les deux en même temps – et pianote sur un synthé-drum), Guilhem et Jessica proposent donc, pour ce «Love everywhere» emballé dans une pochette à l’érotisme brinquebalant, sept morceaux à l’écriture inégale, un peu à la manière de ces photos éparses qu’on rassemble après des années et qui témoignent du passage des styles – et de la vie. «Conveyor belt» s’en sort bien, je vous ai mis le lien.
Auguste
Falling Into Birds
Scraps of Paper
rock in opposition/rock de chambre/complexe – 49:19 – USA ‘21
Falling Into Birds est un nonette américain dont la tête pensante est le guitariste/bassiste/batteur Joey M. Bishop. Tout est pensé, écrit et réalisé par Bishop qui cherche les musiciens dont il a besoin pour ses compositions. Ceci étant le deuxième album de ce projet, on retrouve certains participants du premier album sur ce second opus, comme, entre autres, Nicoles Garcia au violon, Maksim Velichkin au cello ou encore Márton Adámi à la trompette. L’instrumentation est riche et, outre les instruments déjà cités, nous avons droit aux timbres variés du saxophone, du violon alto, de la clarinette basse et contrebasse, et du piano.
Nous sommes ici résolument dans le rock de chambre, avec des compositions variées où les multiples timbres se marient à l’excellence, avec une certaine touche de nostalgie, de souvenirs embrumés, et une tasse de thé fumant pour faciliter les évocations pensives.
Tout cela est très beau! C’est une musique qui prend son temps, qu’on peut apprivoiser à son aise, avec l’envie soudaine d’écouter de nouveau un morceau que nous venons de terminer, avant de passer au suivant…
À certains moments, comme par exemple dans «Petrichor», on est dans la musique de chambre, tout simplement, sans aucun élément rock (progressif ou non). À d’autres, on se plaît à découvrir quelques motifs minimalistes ou répétitifs, ou encore, dans d’autres passages, la batterie apparaît et anime l’ensemble de manière plus nette. Certaines compositions sont plus acrobatiques et semblent basées sur des suites mathématiques, comme le titre du dernier morceau, «F.I.B.onacci», le laisse entendre…
En résumé, un album à écouter, à son aise, qui ravira ceux dont les genres proposés sont la tasse de thé...
Lucius Venturini
https://fallingintobirds.bandcamp.com/album/scraps-of-paper
Regal Worm
The Hideous Goblink
avantgarde – 41:52 – UK ‘21
J’avais découvert Regal Worm avec leur album de 2014, «Use and Ornament». Et c’est non sans un certain plaisir que je les retrouve avec leur nouvelle livraison, j’ai nommé «The Hideous Goblink». La musique qui se dégage de cette nouvelle livraison est toujours un savant dosage entre les influences psychédéliques, progressives, le tout saupoudré d’aspects avant-gardistes, sans pour autant oublier les mélodies d’enfer et des arrangements vocaux qui ne sont pas sans rappeler un groupe comme Gentle Giant, par exemple. Formé en 2012 par Jarrod Gosling (Cobalt Chapel, I Monster), le groupe qui l’accompagne ici, n’hésite pas à utiliser des instruments autres que la sempiternelle basse/guitare/batterie/claviers, puisque l’on y retrouve effectivement du saxophone, du trombone, de la trompette, des cuivres et des instruments à vent.
Loin d’être hermétique, la musique se fait au contraire accrocheuse sur l’ensemble de la plaque. Des touches jazzy se font également jour, sur «Action by HAVOC», par exemple. Sur «Pollinators», la basse (me semble-t-il) imite, par moments, le bruit des abeilles (non, nous sommes loin de Jonathan Richman et ses Modern Lovers qui nous serinaient «Buzz Buzz Buzz»). Mais la touche finale est atteinte avec la plage clôturant cette plaque, «The Satan», qui du haut de ses dix-neuf minutes, ne pourra que vous emballer au vu de la richesse des arrangements présentés.
Une bien belle œuvre qu’il me tarde que vous découvriez…
Tibère
https://regalworm.bandcamp.com/album/the-hideous-goblink
02/01/2022
Moon Machine
Moon Machine
progressive rock/prog alternatif – 43:22 – USA ‘21
Trois petits gars de Boston, tout frais, tous masqués, stratégiquement placés sous les pieds de la nature, façon carte postale, ont lancé, au milieu des vacances 2021, la promotion de leur tout premier long effort: «Moon Machine».
Leur univers ne manque pas de bonnes intentions. Sous une pochette aux allures écolos de l’Espace, genre monstres aux plantes tout droit sortis de «Jayce et les conquérants de la lumière», se pavanent, tout bouboules, sept titres, au demeurant chouettement remplis, généreux en effets de complicité clavier/guitare.
Si on peut avoir quelques réserves sur les vocalises, certes, assurément justes, très certainement interprétées avec volonté, mais un tantinet passe-partout, on ne peut pas dire que la bébête prog-rock a loupé sa sortie estivale. Son inspiration est à bien des carrefours. Pour sûr, on joue sur des partitions classiques, mais rien ne vient éclipser, le plus souvent, leur ingéniosité.
«The Cave» est une bonne entrée en matière, une arrivée orchestrale captivante et variée, bien que dénuée de délires explosifs.
«Reckoning» et ses riffs lourdauds-hardeux nous emporte, en première partie, nous surprend, en son milieu, tout de cuivre venue, tout de folk vêtue, pour finir en distorsion à la sortie, revenant sur une guitare solo bien sentie.
Moins emportées, sur «Demon:05» ou «Left to Wander» et leurs structures en lieux communs, un peu longuettes, mes sensations reviendront au galop, à l’heure du triptyque.
«Post Upgrade: I.Discovery»: court et efficace; choix des armes: que des instruments; les discrétions du micro sont appréciées sur cette partie.
«II.Grief»: nous n’en avons pas à ce stade; l’accompagnement «main dans la main» guitare/clavier est bienvenu; chaque musicien tire son bâtonnet du «mikado»; le set est, à certains moments, solaire ou lunaire, c’est selon.
«III.Requiem»: pas pour un fou; la conclusion de «Moon Machine» reprend le pari de l’orchestre, pas un mot, pas une ligne, que du son et peut-être des expériences sur le thèmes des navettes spatiales.
Une fois que les enceintes se sont tues, que retenir de ce voyage à la Jules Verne? C’est toute la question, pas vraiment métaphysique… Nous dirons que le Massachusetts a de bonnes raisons de croire en sa jeunesse, quoique celle-ci doive encore se laisser pousser la barbe. Un peu de fantaisie par ici, un peu de fureur par là, on y est presque, on peut la voir, on peut la toucher...
https://moonmachinemusic.bandcamp.com/album/moon-machine
https://www.youtube.com/watch?v=NfFEj91syQI&ab_channel=TheCirclePit
03/01/2022
Silv
Dernière Lumière avant la Nuit
rock progressif à la française – 42:50 – France ‘21
Silv, c’est tout simplement Silvain Goillot, connu comme étant le batteur de l’actuel Apairys et du défunt Maldoror. Des références qui situent d’emblée où notre cogneur de peaux veut en venir. Bien entendu, il existe des cas de batteurs qui ont pondu un album solo en s’éloignant du style précis où ils évoluaient avec leur groupe d’origine. Ce ne sera pas le cas ici... Il est difficile de savoir avec qui Silvain a créé ce disque, aucun nom ne vient embellir la pochette. Alors, oui, l’ami Goillot s’est occupé de tout: compositions, arrangements, enregistrements, textes, mixage, mastering et infographie. Je suppose que c’est la définition exacte d’un album solo! Onze titres occupent cet album avec un «Ovni» en trois parties, disséminé au gré de l’auteur, «Le Mal», texte d’Arthur Rimbaud, et «Le paradoxe des jumeaux» de Paul Langevin, un physicien qui a présenté cette thèse au congrès de Bologne en 1911, appelé aussi «paradoxe des horloges» (un peu d’instruction ne fait pas de mal!). D’ailleurs, Silvain Goillot semble beaucoup apprécier la science en général, témoin ce «Haarp» inaugural, le Haarp étant un institut de recherche américain sur l’ionosphère. Musicalement, les textes pour le moins recherchés sur les sept titres en comportant, «Ovni(s)» étant des instrumentaux au même titre que «Numérologie» qui clôt l’album, sont au niveau d’un rock progressif à mi-chemin entre les volutes féériques d’Atoll et les muscles poétiques d’Ange. Ce qui en soi n’est pas anormal, étant donné d’où viennent S. Goillot et «ses» groupes. «La Maison» est inspirée (librement) de «L’Écume des jours» de Boris Vian et sa poésie sombre rappellera à certains le «Horla» de The Box, groupe québécois avec un petit air de «Kashmir» en arrière-plan. Silvain Goillot possède un réel talent pour faire vivre ses histoires entre les textes d’une vraie beauté poétique, jamais facile, toujours évocatrice et sa musique, exaltante, cinématique, digne d’un héritage progressif français de haut vol et de belle lignée. On y décèle cet amour pour ce style, cette école nationale dont je parle si souvent en chroniquant des groupes français. Pour autant, «Dernière lumière avant la nuit» n’est jamais naïf ni enfantin, bien au contraire, c’est une réelle œuvre bien construite, qui devrait trouver sa place dans le contingent prog’ frenchy sans barguigner. «Ovni 1, 2 et 3» sont des petites pastilles electro souples d’1:30 en moyenne qui viennent rafraîchir l’album, intelligemment placées pour aérer le propos. Bien sur, S. Goillot remercie ses compères dont B. Campedel et Ch. Bellières, fidèles complices d’Apairys (sans savoir si ceux-ci ont joué sur l’album). Quoi qu’il en soit, ce disque est une vraie perle qui se rapproche du prog’ 70's français; je pense au «Paradoxe des jumeaux» déclamatoire sur fond de percussions, une délicieuse madeleine de Proust! Pas de trop longs morceaux ici, ce qui permet de ne pas trouver de temps morts tel un «Persistance» qui a le goût des derniers joyaux de... Christophe (les initiés apprécieront), aérien et crépusculaire à la fois, magique! On en termine avec «Numérologie», plus long titre (6:54) qui ne dépareillerait pas dans le répertoire moderne de l’Ange éternel, un instrumental donc, aux claviers ébouriffants; voici un morceau progressif qui éclabousse l’album d’un talent certain. Je recommande Silv sans modération, voilà tout... French Prog not dead!
Commode
https://silv.bandcamp.com/releases
https://www.youtube.com/watch?v=lUl8KiuOqro&ab_channel=VariousArtists-Topic
04/01/2022
Blacksmith Tales
The Dark Presence
progressive rock symphonique – 76:04 – Italie ‘21
Bien que fondé dans les nineties par le claviériste et compositeur italien David Del Fabro, «The Dark Presence» constitue la première réalisation discographique de Blacksmith Tales. La troupe est constituée de deux guitaristes, un batteur, deux claviéristes (dont David et son comparse, également flûtiste), un chanteur et une chanteuse.
Cette plaque débute par le titre éponyme, sur plus de onze minutes, pour des envolées autant lyriques qu’épiques. Il est suivi de «Golgotha» où le chant féminin ne peut qu’enchanter les oreilles sensibles aux mélodies grégoriennes. Les morceaux suivants ne déméritent en rien et se montrent même parfois plus nerveux. D’autres nous font découvrir de délicates parties de piano. Un court «Interlude» nous permet une pause ornée d’une ritournelle des plus agréables. On peut même trouver traces des grands anciens comme sur «Tides From a Faraway Shore». Mais laissez-vous subjuguer par la pièce de résistance (plus de 17 minutes au compteur) où les ambiances se suivent et ne se ressemblent pas, pour notre plus grand bonheur.
N’hésitez surtout pas à jeter une oreille curieuse sur cette production: avec 76 minutes de musique, je doute que vous n’y trouverez pas votre bonheur. Ah oui, dernier détail: le chant se décline en anglais et non pas italien car je connais des rétifs que cela rebuterait!
Tibère
https://open.spotify.com/album/7i6YwkdwLGrym06gLd4lut
https://www.youtube.com/watch?v=EMB02grMQPw&ab_channel=hard%60heavy
05/01/2022
Glasgow Coma Scale
Sirens
post rock ambiant/stoner rock – 44:58 – Allemagne ‘21
Glasgow Coma Scale est un indicateur de l'état de conscience. Glasgow Coma Scale est un trio post-rock stoner allemand instrumental agissant en plusieurs couches comme l’échelle pour statuer sur l’état de conscience; ils jouent, jamment, enregistrent, mixent et prennent le meilleur de leur production. Depuis la formation du groupe en 2011, ce 3e album sonne toujours dans le doom psyché heavy metal comme Isis, Caspian, Tides from Nebula, Toundra ou Russian Circles. Encore plus comme Mono, Red Sparowes, Leech et les Godspeed You! Black emperor et Explosions in the Sky.
«Orion»: superbe entrée ambiante et progressive stoner, voix de l’espace en arrière. Prenez le temps, vous n’en entendrez plus qu’à la fin de l’album. Ça part sur un instrumental classique prog-rock qui met le feu aux poudres, simple mais efficace. «Magik» plus mélodique et électronique fait perdurer la transe; même thème avec un crescendo final brutal et nerveux. «Underskin» bis repetita des premiers morceaux, guitare rythmique plus présente pour entretenir la transe et donner de la cohérence au son du groupe. «Sirens» avec la batterie métronomique de Peter qui met en branle ce morceau au tempo plus rapide, final planant emmenant nos oreilles haut dans les limbes. «Day 366» avec Piotr et Marek qui assurent la lignée, la basse me rappelant de loin celle de The Cure, plus près de nous celle des God Is An Astronaut et autres Mono, élégant ballet de notes. «One Must Fall» avec le seul titre où des chœurs sont «entendables», voix qui viennent mettre une fin à cet album dans la pure veine du post.
Ce groupe part sur des contrées plus sombres tout en gardant des passages bourrés d’émotion et quelques voix éphémères augmentant notre qui-vive, voix qui pourraient être plus présentes. De l’atmosphère musicale continue qui le fait rentrer dans un mode concept stoner-desert-post, envoûtant, répétitif mais hypnotique.
Brutus
https://glasgow-coma-scale.bandcamp.com/album/sirens
https://www.youtube.com/watch?v=t1q1HZLAgAg&ab_channel=WherePostRockDwells
06/01/2022
Fleesh
Eclipsed
progressive rock – 58:59 – Brésil ‘21
Fleesh est un duo brésilien composé de la chanteuse Gabby Vessoni et du guitariste et multi-instrumentiste Celo Oliveira. Depuis 2014, ils alimentent un canal YouTube de reprises essentiellement prog (mais pas que) de très belle facture. La voix douce et caressante de Gabby et le toucher subtil de Celo magnifient les morceaux parfois en les dépouillant et en revenant à l’essentiel de ce qui fait leur force, à savoir les mélodies et les harmonies. Écoutez leur reprise de «Seasons End» de Marillion ou de «I will remember» de Toto pour vous en convaincre.
Ils ont par ailleurs publié des albums de reprises consacrés à Rush, Steve Hackett, Genesis, Renaissance (oui oui), Marillion et quelques autres, mais surtout ils se sont mis à la composition et l’album qui nous occupe aujourd’hui est déjà leur quatrième production originale.
Sans grande surprise, leur travail est évidemment fortement influencé par leurs illustres modèles. Le jeu de guitare notamment est très inspiré de Steve Rothery. Les compositions n’excèdent pas les 6 minutes mais elles sont fluides et vraiment plaisantes. La production est aussi chatoyante (rappelons qu’il s’agit d’une autoproduction) et ne souffre d’aucune comparaison avec des productions de groupes bien établis.
Cela étant, ce n’est pas d’une originalité renversante et le chant de Gabby Vessoni a un côté monocorde qui peut légèrement lasser; elle chante en effet tous les morceaux de la même façon et un peu de folie ne serait de temps en temps pas malvenue.
À cette réserve près, voici un album de très bonne facture qui, certes, ne va pas révolutionner le prog mais vous fera passer un bon moment.
Amelius
https://fleesh.bandcamp.com/album/eclipsed
https://www.youtube.com/watch?v=WFC0l-iOylw&ab_channel=FleeshOfficial
07/01/2022
Ton Scherpenzeel
Velvet Armour
medieval folk – 58:03 – Pays-Bas ’21
Ce cinquième album solo est le prolongement logique de son précédent, «The Lion’s Dream», de 2013 déjà. Il est distribué par Friendly Folk Records sous différentes formes dont celle d’un book reprenant les partitions des chansons toutes composées par Ton. Secondé au chant par Irène Linders, qui devint sa femme en 1976, Ton s’entoure d’un panel de musiciens jouant des instruments propres à faire renaître l’ambiance du Moyen Âge et de la Renaissance. C’est ainsi qu’on y entendra beaucoup le violon, le clavecin, la flûte ou encore le luth. Cette plongée dans le temps est, on l’aura compris, très loin du prog rock ou même du pop rock que jouait Kayak. Il y plane pourtant plus d’une fois l’ambiance d’un «Merlin, Bard of the Unseen» (une perle de leur discographie datant de 2003) et même d’un plus lointain passé. Ton nous offre en effet le mélancolique «My Heart never Changed», un petit bijou exhumé de l’album «Royal Bed Bouncer» de 1975, une autre pépite de la discographie de Kayak. Cette ambiance de chevaliers et troubadours alterne la douceur, la poésie et les accents de gaieté au son des fifres et des tambourins. «River to the sea» fait partie de la veine du précité «Merlin». Une mélodie romantique où la harpe fait naître le frisson tandis que «Noughts and Crosses» se montre plus enjoué. «Hands of Time» et «Lily’s Lament» ont cette fragrance de douce mélancolie. «Mirrors of Versailles» ajoute une touche de majesté aux accents Mozart. Ainsi l’album partage-t-il les moments festifs et les quiétudes romantiques qui font rêver l’âme du poète. Les chœurs angéliques de «Rings around the Moon» ajoutent l’émotion à la beauté céleste de la partition. «Tempus Fugit» démarre sur un ton baroque et poursuit dans une veine classique avec chœur, chant et contre-chant. Un album qui se savoure comme une bouffée de fraîcheur dans un monde qui n’en comporte plus beaucoup.
Clavius Reticulus
https://tonscherpenzeel.bandcamp.com/album/velvet-armour
07/01/2022 - EP
Eskilstuna kulturskola An Orchestral Dream
Play Tangerine Dream
e-music/musique acoustique – 19:17 – Suède ‘21
C’est en surfant sur YouTube que le label «Fruits de Mer Records» est tombé sur la réinterprétation du titre «Poland» de Tangerine Dream par ce groupe d’étudiants suédois, Eskilstuna Kulturskola, dirigé par le professeur Thomas Rydell. Le label les contacte et sort dans la foulée 3 titres de cette formation via un EP 10’’. Au menu, «Poland» première partie donc, (l’original date de 1984), ensuite «Charly The Kid» (de la BO de «Firestarter» en 1984) et pour terminer «Love on a Real Train» (issu notamment de la BO de «Risky Business» en 1983).
Là où la puissance de certaines sonorités de Tangerine Dream était captivante, l’ensemble Eskilstuna Kulturskola (essentiellement constitué d’instruments à vent, cuivres, quelques cordes, voix et percussions…) introduit comme une magie tangible, une réalité palpable. Un peu comme si les sonorités spatiales se matérialisaient sur terre en s’humanisant. Petit orchestre étonnant où le travail de Thomas Rydell, habitué à ce genre de performance, (il revisite parfois certains classiques du prog avec ses élèves), donne une nouvelle couleur à des compositions faisant partie du patrimoine musical électronique. «Poland» est incontestablement le titre le mieux revisité, le plus travaillé. Une très belle découverte que je vous convie instamment à regarder via la vidéo YouTube en commentaire.
Centurion
https://www.youtube.com/watch?v=k5z9qES48Rw&ab_channel=ThomasRydell
08/01/2022
Maybeshewill
No Feeling is Final
post rock/rock alternatif – 50:00 – UK ‘21
Maybeshewill est un groupe de post-rock de Leicester, créé en 2005, reformé en 2016 à la demande de Robert Smith… Il y a pire comme parrainage…
Le titre de cet album est tiré d’un poème du poète autrichien Rainer Maria Rilke. «Let everything happen to you: beauty and terror. Just keep going. No feeling is final».
D’après Maybeshewill, «'No Feeling is Final' est né d'un lieu d'exaspération fatiguée. De la connaissance que nous vivons dans un monde qui se dirige vers l'autodestruction. Nous observons les forêts brûler et les mers monter. Alors que le monde vacille au bord du désastre, nous soupirons et continuons à faire défiler, la sensation d'un malaise dans notre estomac nous ronge un peu plus chaque jour… mais pourtant, 'No Feeling is Final' est un message d'espoir et de solidarité…»
En effet, cet album fait naître toutes sortes d’émotions. Aucune émotion n’est unique. Aucune émotion n’est définitive. Tout est dans tout…
Album à la fois lumineux et crépusculaire… totalement instrumental, à l’exception du morceau «Zarah». Celui-ci fait entendre en bruit de fond la voix de la députée britannique Zarah Sultana et des samples de son discours au parlement, dénonçant l’inutilité de construire des murs toujours plus hauts pour se protéger.
Sombre avec des morceaux comme «We’ve Arrived at the Burning Building» qui sourdent de façon assez lancinante et inquiétante… (à la façon «Winter is Coming» de «Game of Thrones»), via des synthés, des pianos répétitifs.
Lumineux avec la trompette qui apporte de la respiration, du souffle et de la sérénité.
Léger avec «Tomorrow» qui débute tout en finesse, avec un piano en douceur et réconfortant pour terminer l’écoute de l’album sur une note d’optimisme.
Un méli-mélo avec les deux plus longs morceaux de l’album: «The Last Hours» combinant violons, pianos qui sous-tendent tendrement le morceau et des guitares rageuses qui montent crescendo et «Even Tide» qui monte également en puissance.
Un album aux arrangements soignés, d’une très grande inventivité, très raffiné. Une très très belle rencontre.
Mon morceau préféré: «The Last Hours».
Isidøre
https://mybshwll.bandcamp.com/album/no-feeling-is-final
https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nu1sCSnwcX-b0DlxTYbaE5HrXqAnxsxNw
Beyond The Labyrinth
XXV
hard rock mélodique – 60:48 – Belgique ‘21
Beyond The Labyrinth est un groupe bien connu du métal progressif belge des années 2000. Le groupe est le bébé du guitariste-compositeur Geert Fiew, qui porte le projet depuis le début. Ils fêtent le 25e anniversaire du groupe avec ce cinquième album. Leurs albums précédents nous ont toujours offert de l'excellent métal progressif. Je me souviens notamment des albums «Signs» et «Castles in the Sand» qui leur ont permis de faire la première partie de Pain of Salvation. Après de très nombreux changements de line-up, Beyond The Labyrinth nous propose cette fois un album hard mélodique, avec des pincées de progressif par-ci, par-là, grâce à la présence du nouveau claviériste Eddy Sheire. L'autoproduction n'impacte en rien la qualité du son. C'est un album accessible avec une rythmique de batterie subtile à laquelle se greffent les autres instruments, naturellement. Vous ne trouverez pas de démonstrations techniques sur cet album mais bien de l'harmonie entre ces quatre musiciens et, qui plus est, d'excellents riffs et tempos entraînants. Cela sent l'amusement entre amis, la liberté de composer et de s'exprimer à leur manière. À mon point de vue, ce n'est pas le meilleur album de Beyond The Labyrinth, mais j'ai passé un bon moment à son écoute. Pour vous faire une idée, cliquez sur le lien en commentaire avec le clip de l'album. Bonne écoute.
Vespasien
https://beyondthelabyrinth.bandcamp.com/music
https://www.youtube.com/watch?v=_2vHJGBU57k&ab_channel=BeyondTheLabyrinth
Skore
Modernland
progressive metal atmosphérique – 49:47 – Hongrie ‘21
Qu’il est difficile d’obtenir des informations sur ce groupe hongrois dont voici la quatrième offrande depuis 2013. Ils semblent être à cinq pour constituer la charpente (métallique, cela va de soi!) de cette entité quelque peu obscure. Le chant growlé et le chant clair se disputent sur le même titre, de même que les riffs lourds du prog metal, cédant la place à des passages nettement plus aériens. Mais les passages d’obédience progressive ne sont pas en reste. On pourrait rapprocher leur travail de celui de groupes comme The Provenance ou Opeth à l'approche des années 2000. Un titre comme «Immunizer» vous en convaincra sans aucune difficulté. «Sacral Gossip» (rien à voir avec l’icône du mouvement LGBT!) est une respiration presque folk bienvenue avant la reprise en des terres plus métalliques.
Skore constitue donc une belle découverte à faire si vous êtes en manque de death largement progressif.
Tibère
https://skoreband.bandcamp.com/album/modernland
https://www.youtube.com/watch?v=KzoTaN1wEmM&ab_channel=skoreband
Som
The Shape of Everything
alternative metal – 34:10 – USA ‘21
Nous c’est le prog, mais nous recevons parfois des choses qui n’ont que peu de rapport avec notre style de prédilection. C’est le cas une fois encore avec ce groupe américain SOM dont nous constatons l’existence discographique depuis 2018 avec l’album «The Fall». Notez ensuite le EP «Awake» en 2021, puis ce dernier «The Shape of Everything» qui est annoncé pour début 2022. Musicalement mélodique, voire parfois atmosphérique, mais toujours plombé par des riffs graveleux, cet album d’un rock heavy alternatif n’est guère progressif dans l’esprit mais touchera néanmoins une frange non négligeable de nos lecteurs adeptes de sonorités puissantes. La trame lente, rude et lourde des rythmiques renvoie peut-être un peu aux groupes de gothic/doom du début des années 2000 mais sans le côté darkisant. Bref, c’est plutôt dans la dream pop ou le Shoegaze alternatif et tutti quanti qu’il faut tremper les paluches pour en retirer les bons ingrédients. Quoi qu’il en soit, même hors sujet, c’est un album agréable.
Centurion
https://somtheband.bandcamp.com/album/the-shape-of-everything
https://www.youtube.com/watch?v=TOBxgSN1d1M&ab_channel=PelagicRecords
Marcel Coenen
guitar talk 2021
heavy metal progressif – 78:16 – Pays-Bas ‘21
Le nom de Marcel Coenen ne vous dit peut-être rien mais le plus gros de sa carrière professionnelle vient du fait qu'il est le guitariste du groupe international Ayreon d'Arjen Lucassen. Il a également fondé le groupe de métal progressif Sun Caged. Avec ce troisième album solo on peut dire qu'il fait de l'Ayreon mais avec plus de soli de guitare… et quel guitariste! Il sait tout faire, que ce soit du plus technique à la John Petrucci, de l'acoustique ou du plus trash. Je l'ai connu en live aussi lors d'un cover de Pantera exceptionnel au Graspop Metal Meeting en Belgique où il maîtrisait à la perfection les riffs de «Dimebag» Darrell Abbott. Pour cet opus il invite plusieurs claviéristes, chanteurs, bassistes et drummers. Si vous aimez les guitares, le titre «Less is moore» montre la technique du gaillard. Avec ses arpèges lents et particulièrement heavy comme le font les grands groupes AOR. «Shoreline» n'a rien à envier aux Dream Theater ou autre Symphony X. On y retrouve un son de guitare plus rapide et technique, les notes défilent à une vitesse incroyable. Vous voulez plus de prog, ça roule, puisque le titre suivant, «Move that groove», sonne comme du néo-prog musclé. «Endless» m’a fait découvrir en backing vocal, sur un titre plus folk, la superbe voix de Micky Huijsmans, chanteuse de groupe Porcelain. Pascal Remans sur le titre «Human experiments» nous en met plein les oreilles avec un titre heavy qui fait penser sans conteste à Helloween. Vous l'aurez compris, je suis totalement emballé par cet album de Marcel Coenen et je suis sûr que l’éclectisme de cet album permettra à un grand nombre d'entre vous de passer comme moi un excellent moment heavy metal prog. Bonne écoute.
Vespasien
https://open.spotify.com/album/0y8iBW9QY0gieQRmOW4VYK
https://www.youtube.com/watch?v=2khfPTPTnyY&ab_channel=MarcelCoenen
Bader Nana
Wormwood II
progressive rock/néo-prog/metal prog – 53:55 – Koweït ‘21
Bader Nana est un musicien libanais basé au Koweït. Il est influencé par de nombreux groupes de metal et rock néo-progressif et a composé pour les BO de «God of War», «Star Wars», «Battlefield» et «Assassin's Creed». Il sort son premier album «Wormwood» en 2011; ce dernier est son 5e album et une suite de l’histoire SF au travers du temps et de l’espace. Question son, c’est mélodique, néo comme du prog moderne avec des escapades métalliques; Nancy Alsafady au violon et Omar Afuni aux chœurs l’aident à développer un son envoûtant et varié.
En ce qui concerne les 10 titres enregistrés sous forme de concept album, «Long Story Short», intro symphonique sur un spleen romantique piano et violon, propose un joli départ; «Star Born» sur un air des Eagles et le final violon de Nancy introspectif. «Mercury» donne le ton avec un riff heavy rock spatial à la «Inspecteur Gadget» et un break digne des Dream Theater pour une trame progressiste bourrée de cordes. «Earth 1974» et sa cour de récré pour une ballade bucolique au violon et solo à la May. «Desperate No More» pour l’instrumental à la Deep Purple. Enfin «The Dream» qui déboule avec la voix de Bader expressive, des entourloupes, des cordes amplifiant la tristesse et donnant une fin emblématique riche d’émotions musicales.
Bader Nana se rapproche du Dream Theater le plus symphonique ici, avec les claviers et la guitare angélique, les touches mélodiques étonnantes qui transportent facilement. Un style assez basique mais efficace, moderne sur la trace des Spock’s Beard et Porcupine Tree. Un son relevé aussi avec la participation d’Adel Al-Qattan et Ramzi Ramman qui ramène aux grandes heures de l’AOR avec leurs solos magiques; un concept album qui fait dans la nouveauté à partir de sons plus ou moins anciens, bien plus intéressant qu’un copier-coller comme on le voit trop souvent ces derniers temps.
Brutus
https://badernana.bandcamp.com/album/wormwood-2
https://www.youtube.com/watch?v=Yy_CL5JN8xA&ab_channel=BaderNana
10/01/2022
Legacy Pilots
The Penrose Triangle
progressive rock – 58:23 – Allemagne ‘21
Legacy Pilots c’est Frank Us à la barre qui gouverne. Il composait pour des jingles et des compagnies privées avant de revenir à ses amours progressifs avec ce 3e album; il nous plonge dans un univers bariolé, rempli de titres affolants de par l’apparition de guests renommés et de titres plus intimistes. Un album complexe, fruité, bourré de déclinaisons rappelant l’univers du prog; des titres pop rock sans prétention, oserais-je dire au départ, suivis de pièces épiques luxuriantes au fur et à mesure de l’avancée de l’album où l’émotion passe avant la virtuosité. Un album dans lequel Frank avoue une fois de plus son adoration pour le légendaire ELP.
Au niveau des titres, cet album est un fac-similé du dernier «Aviation». Je m’explique: des titres pop prog comme «Better Days» ou «Ghosts of the Ocean» avec un air facile et un beau solo (Steve Rothery en l’occurrence), trop surfaits, trop formatés pour donner dans l’âme progressive. Des morceaux tels «Mad Kings», «As Dominos Fall» et «Shadowplay» où le ton sonne résolument prog, bon deux instrumentaux dedans avec des tiroirs et des circonvolutions virevoltantes, un peu jazzy, un peu de Toto dedans ça cause. Les «A Change of Mind» et «A Compendium of Life» qui te mettent une baffe musicale en plein travers de la face pour les titres que tu ne rêvais plus d'avoir et qui sortent comme ça, sans crier gare, bouleversants, intimistes et grandioses à la fois, c’est l’oxymore musical progressif en fait.
Legacy Pilots vient de publier un album controversé, très convenu au départ, malgré l’apparition de nombreux guests (Wilson, Marillion, Kino, Arena, Proto-Kaw, Styx, The Aristocrats, Lonely Robot ou Neal Morse) tirant sur du rock pop à déclinaison prog. Il faut se laisser aller pour comprendre la progression musicale de ce voyage qui vous attend et risque de vous envoyer sur un territoire sophistiqué, épique et méditatif progressif. Bref, je pars me remettre les deux dernières.
Brutus
https://legacypilots.bandcamp.com/album/the-penrose-triangle
https://www.youtube.com/watch?v=ul5Z1DlvnaY&ab_channel=LegacyPilotsOfficialChannel
11/01/2022
Kiku Latte
Stories
progressive rock – 35:31 – Japon ‘21
Kiku Latte nous vient du pays du soleil levant et se produisait, depuis sa création en 2006, sous la forme d’un trio instrumental, sous l’appellation Cichla Temensis. Le changement de dénomination s’est acté en 2019, après la sortie de leur troisième EP, «Fantasia». C’est donc sous la forme d’un quintet que nous les retrouvons en 2021: Kazumi Suzuki (flûte), Yusuke Akiyama (claviers), Takumi Kokubu (basse), Shingo Yoshida (batterie) et Hiroyuki Kato (guitare, violon).
Le rôle important joué par la flûte pourrait faire penser à Jethro Tull, mais pas que. En effet, on retrouve dans leur musique des éléments propres à la musique classique, du jazz, du rock et même du funk.
La plage finale («Turquoise Wind»), par exemple, est construite comme une pièce classique. «The Encounter Suite» constitue, du haut de ses dix minutes et quelques, la plage de résistance de cet album et nous emmène dans différentes ambiances. Notons également, dans l’ensemble des morceaux proposés, d’incessants changements de rythme qui ne feront évidemment pas reculer les progsters que vous êtes!
Les amateurs d’albums purement instrumentaux seront comblés d’aise, surtout s’ils aiment un travail époustouflant sur la flûte!
Tibère
https://kikulatte.bandcamp.com/album/stories
https://www.youtube.com/channel/UCoP7zFlp_gP9Cy-Y8xqIryA/videos?view=0
12/01/2022
Ghosts of Jupiter
Keepers of the Newborn Green
neo psychedelic – 43:02 – États-Unis ‘21
La flûte en plus, on pense d’abord aux Byrds (ou, en plus propret, à certains de ces groupes allemands de la fin des années ’60 que Garden Delight se plaît à rééditer) en découvrant «Keepers of the Newborn Green», troisième album de Ghosts of Jupiter, ce groupe de Boston qui, soit est né une ou deux générations trop tard, soit vénère les utopies musicales de ses parents. Puis, à quelques étonnants choix de production près (le mixage de batterie de «On Bending Tides»), on accueille le modernisme (en tout cas l’ancrage dans le 21e siècle) des dix chansons écrites par Nate Wilson (claviers, flûte, guitare), dont les racines musicales anciennes sont pensées dans l’environnement d‘aujourd’hui – où les préoccupations s’appellent virus, théories du complot et obscurantisme. Parmi elles, «Sea Of Madness», au rythme plus électrique et enchaîné par une accalmie floydienne à l’aquatique «Battlekat» se singularise et prend l’avantage sur des morceaux plutôt… bien faits.
Auguste
https://ghostsofjupiter.bandcamp.com/album/keepers-of-the-newborn-green
13/01/2022
Catalyst*R
Catalyst*R
neo prog et divers – 60:19 – UK ‘21
La pandémie a conduit de nombreux artistes vers leur home studio, et c’est le cas de ce projet Catalyst*R formé par Damien Child (ESP), Gavy Jevon (ex-The Winter Machine) et Greg Pringle (ESP, S. Townshend, Quadrophenia), en effet, les trois compères ne se sont pas vus physiquement pour composer cet opus, pas plus qu’ils n'ont joué ensemble pour produire cet album.
Il est ici mis en valeur par les diverses influences musicales de chaque membre et comprend, sans s’y limiter, du prog, du glam, de l’électro, de la soul «nordique», du métal, du big band, du jazz et du rock théâtral!
Si avec tout cela ils ne trouvent pas leur public? C’est le risque bien évidemment: passer d’un style à la Marillion à de l’AOR estampillé 80’s a de quoi en refroidir certains. Mais bon, cet album musicalement est très réussi, une réelle bonne surprise, de plus on nous dit que la suite de ce premier essai est déjà en chantier! Il nous reste donc à espérer que ce second volet confirme nos attentes et que, très bientôt, il soit possible de les voir ensemble et en concert.
Une fois de plus, je fais appel à votre curiosité, vous ne serez pas déçus.
Tiro
https://progressivegears.bandcamp.com/album/catalyst-r
14/01/2022
Tony Pagliuca
Rosa Mystica
musique sacrée, minimalisme – 33:33 – Italie ‘21
Ce mystère joyeux est le premier de 4 séries de 5 mystères issus de la liturgie chrétienne. Je ne sais pas si Tony Pagliuca compte les mettre tous en musique, et notre chapelle étant la musique et le prog, je vous laisse réviser votre catéchisme ailleurs!
Les 5 mystères présentés ici sont: l'annonciation faite à Marie, la visitation, la naissance de Jésus, sa présentation au temple et son recouvrement. Chacune des parties est chantée en latin, le texte est de saint Luc, et la musique de Tony Pagliuca, clavier historique d'un des big 4 du prog italien: Le Orme.
La musique sacrée est très présente dans le RPI, on ne compte plus le nombre de versions de la Passion selon saint Matthieu, par exemple; ici on découvre d'une part des textes courts, chantés à 2 voix par Elisabetta Montino et Andrea Saccoman, répétés tels des mantras, destinés eux aussi à la méditation, et d'autre part une musique faite essentiellement de synthés soft et amples, accompagnés de batterie, guitare... et ukulélé (ce dernier intervenant de manière surprenante entre chaque morceau). À sa première incursion, on pense à une messe dans les îles, mais ces respirations sont finalement judicieuses.
L'ensemble, étonnant de prime abord, ne manque pas de charme; je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai été touché par la grâce, mais c'est dans la verve de «Rain Of Blessings» de Lama Gyurme/J.-P. Rykiel, un excellent disque de méditation. Le charmant mariage d'un texte en musique itérative (sérielle) et d'une musique itinérante (linéaire).
Et pour vous donner à penser: l'album dure 33:33, âge du Christ à sa mort ou vitesse du vinyle LP? Vous avez 2013 secondes de méditation pour vous prononcer!
Cicero 3.14
15/01/2022
Kayo Dot
Moss Grew on the Swords and Plowshares Alike
avant prog métal/post-métal/post-rock/avant-garde – 59:12 – USA ‘21
Pour leur dixième album en studio (à ma connaissance, il y a deux live officiels), Kayo Dot renoue avec ses débuts, avec un album lumineux (si j’ose dire), inspiré et extrêmement riche. On se souvient que Toby Driver, le multi-instrumentiste-tête pensante du groupe, et sa clique ont inauguré leur voyage musical, après la dissolution de Maudlin of the Well, en 2003, avec le fabuleux «Choir of the Eyes» qui fut lancé sur Tzadik, le très select label de John Zorn. Ceci peut déjà nous mettre la puce à l’oreille, «l’écurie» Tzadik n’est de fait pas à mettre entre toutes les oreilles.
Je vous remets ici le commentaire du label Tzadik sur la pochette du premier album, comme cité également sur Wikipédia: «Kayo Dot intègre efficacement les éléments de composition classique moderne aux nappes de guitare et voix plus communément présentes dans le rock et le métal. Avec une partition stricte bien que malléable dans son exécution, Kayo Dot emploie une large gamme d’instruments pour faire naître une convergence entre violence et sérénité.»
La formation a connu de nombreux remaniements au cours de ses 18 ans d’existence. On pouvait regretter le départ de la violoniste et chanteuse Mia Matsumiya, en 2011, car elle apportait un élément important du discours musical de Kayo Dot. Vous pourriez vouloir écouter les projets en duo de Toby Driver et Mia Matsumiya, sous le nom de Tartar Lamb. Pour cet album, c’est le noyau original du pré-Kayo Dot, Maudlin of the Well, qui fait son come-back pour propulser le groupe vers de nouveaux horizons.
Les années passant, nous voici en 2021, avec ce nouvel album, et, autant vous le dire sans ambages, il est excellent. On y retrouve tous les mouvements qui font l’histoire de ce groupe hors du commun: métal (plus ou moins) extrême, prog, changements harmoniques, une certaine nonchalance post-rock, des moments très mélodiques (il y a des passages où l’on a l’impression d’entendre une rythmique et série harmonique à la Cure* avec une voix bien Death métal au-dessus – par exemple dans «Get Out of the Tower») –, on y trouve également une dimension quasi symphonique par l’ampleur des sonorités (sans que cela ne passe pour du progressif symphonique!), des moments plus expérimentaux.
Enfin, vous l’aurez deviné, il s’agit d’un album à explorer, à savourer en prenant son temps, du nez au bouquet d’un long final (pour les amateurs de single malt!).
Lucius Venturini
*Intéressant de voir que le journaliste de Music Waves a eu la même association d’idées!
https://kayodot.bandcamp.com/album/moss-grew-on-the-swords-and-plowshares-alike
16/01/2022
AUA
The Damaged Organ
krautrock/pop progressive – 30:02 – Allemagne ‘21
Après un premier album, «I Don’t Want It Darker», paru l’année dernière et chroniqué sur cette page, le duo germanique Fabian Bremer et Henrik Eichmann nous envoie, pour notre plus grand plaisir, les pistes de son second album «The Damaged Organ».
La ligne musicale de ce dernier est faite de sonorités vintage qui sont peut-être proches de l’idée du krautrock d’antan mais avant tout bercée d’une pop atmosphérique organique, pulsative et vivante. C’est un peu comme si Archive plongeait ses doigts dans les méandres des câbles électriques de la musique électronique allemande des années 70. Le duo dit explorer les profondeurs de l’aliénation dans une démarche introspective. Un mal-être certes un peu palpable dans l’aspect à la fois mélancolique et triste de leur musique mais dont le climat global la propulse pourtant au firmament des béatitudes, comme la beauté du spleen qui coule d’une eau limpide et continue sur nos émotions. Une musique captivante, faite de rythmes envoûtants comme sur «Brick Break», de mélodies amères à la Meer sur «Islands Song».
Magnifique petite dégustation d’un Apfelwein acidulé que l’on engloutit d’une seule gorgée.
Centurion
https://auaband.bandcamp.com/
17/01/2022
ALCO Frisbass
Le Mystère du Gué Pucelle
progressive rock – 44:46 – France ‘21
Attention, chef-d’œuvre! Oui, j’emploie les grands mots sans avoir honte. Cet album est digne des meilleures rondelles early seventies de notre Ange national! Oui, je n’ai pas peur d’assumer et de me lancer dans une comparaison haute en couleur et limite iconoclaste qui pourront me valoir les foudres de certains. Déjà auteurs de deux albums, «Alco Frisbass» (en 2015) et «Le Bateleur» (en 2018), les Parisiens ont, cette fois, acquis une maturité certaine qui nous permet de nous délecter d’un troisième opus instrumental. Ah oui, on ne chante pas chez ces gens-là, Monsieur, on joue! Les ambiances surannées sont ivres de ces sons du passé qui vont enchanter mille et une oreilles (j’espère beaucoup plus pour eux...) de progsters qui devraient se vautrer dans ce rock progressif d’une facture haut de gamme, bref de niveau international. Déjà, c’est simple, chez Alco Frisbass, on envoie du synthé à tout bout de champ, Patrick Dufour? Claviers et synthés, Fabrice Chouette? Claviers et synthés, Frédéric Chaput? Claviers et synthés! Bien sûr, chacun a aussi une tâche autre: Paskinel Dufour programme les «drums», Chfab Chouette gratte la guitare, Tourneriff Chaput «bassine», «percussionne» et, accessoirement, prend aussi les guitares électrique et acoustique. Un certain Jean-Luc Payssan est venu prêter son concours sur «Pulsar» avec sa guitare classique, sa mandoline et son sitar. Cinq morceaux tout en longueur pour le plus grand bénéfice de nos esgourdes enchantées et ivres de bonheur, oui des tympans peuvent s’enivrer, c’est ainsi! Rien dessous les sept minutes, de quoi savourer des développements musicaux imbibés de sons de claviers analogiques (?) qui n’ont rien à envier à la décennie dorée et mieux semblent en provenir en droite ligne d’exploits qui nous ont fait rêver. Imaginez donc, cinq fois le plaisir de s’enfouir dans un univers musical élaboré avec la pugnacité d’archéologues prog’ mais qui jamais ne vous feront dire «ça ressemble à ça» ou «on dirait tel morceau». Non, non, le savoir-faire des trois Parisiens pêche certes dans un vivier reconnaissable entre tous pour nos pavillons bien formés, mais parvient à créer un rock progressif inouï, donc jamais entendu. Bien sûr, j’ai cité Ange au début mais plus pour l’élaboration musicale que l’on ressent dans «Caricatures» ou «Le Cimetière...». La foultitude des sons de synthés offre un panel éblouissant où l’on se vautre comme un cochon dans la boue, avec ce plaisir «défoulatoire» que seuls les grands disques savent offrir! Certains y trouveront des accents canterburyens et, fugacement, c’est National Health, Gilgamesh ou Anglagard qui passent en catimini, avouez, il y a pire. Ruez-vous sur ce «Mystère du Gué Pucelle», les yeux fermés mais les oreilles grandes ouvertes, vous allez rugir de plaisir.
Commode
https://alcofrisbass.bandcamp.com/album/le-mystere-du-gue-pucelle
18/01/2022
Finally George
Icy Skies
art rock/rock progressif – 50:35 – Allemagne ‘21
Georg Hahn, la cinquantaine confirmée, musicien publicitaire du studio de Hambourg, a décidé, depuis quelques années, d’enregistrer ses émotions musicales. Premières bandes en 2018: «Life is a Killer» est une orchestration raffinée et virtuose où il est question des amours tourmentés de l’artiste: «Tears of a Million Lies», «She», «Remember Me», «Human»... Voilà dix morceaux qui n’auront aucune peine à vous emporter dans leur univers!
Après trois années, du peaufinage et de la sophistication, il publie son second disque: «Icy Skies».
Auteur-compositeur-producteur, multi-instrumentiste, ce bon vieux Georg revendique de solides influences, du côté de chez Supertramp, Genesis ou encore Yes (à certains moments, on lui reconnaîtra volontiers une technique et des accents gilmouriens).
Très bien, très bien, mais que nous propose-t-il derrière tant d’ambition? Aucune arrogance mal placée, ce sont 9 morceaux méticuleusement écrits et interprétés, avantageusement mis en valeur par une pléiade de bons musicos, le toucher de Todd Sucherman (batteur de Styx) en prime.
Pureté de l'œuvre? Ses claviers, ses cordes, ses vocaux diffusent dans notre mental, onde après onde, comme des petits éclats de cristaux rafraîchissants ou serait-ce des fragments de “ciel glacé”?
«Icy Skies» ouvre le bal en bonnes pompes, petites caresses sonores d’entrée de jeu. Le ton est chatoyant.
«Beautiful»: troublante sur certains couplets, comme reprise par l’espoir le temps d’un break ou deux, la guitare chavire d’un thème à l’autre sans désemparer. Belle facture de riffs à recommander.
«Message» décharge l’énergie d’un son “pop” en première partie, avant de récupérer à l’usure un brin de mystère, un brin de réserve, et c’est tant mieux.
«I Adore you»: la partition est plus dense… le chant est appuyé, les guitares poussent, les claviers sont ostensiblement mis à l’honneur, le charme agit à petits pas.
«Long Way Home» accroche toute notre attention; un thème séduisant servi aux claviers, un cheminement bien rempli, des vocalises appliquées avec un final à la George (mais) Michael, on a atteint le sommet de l’album.
Et finalement, George? Il est (très) sympa et attirant… mais… pas vraiment surprenant… Les morceaux sont fort réussis techniquement mais ils ne nous bouleversent pas (totalement)! Du coup? Bien foutu mais pas fichu de nous émouvoir (tout du long).
Kaillus Gracchus
https://finallygeorge.bandcamp.com/album/icy-skies
19/01/2022
Shamblemaths
Shamblemaths II
art rock – 46:54 – Norvège ‘21
Comme vous pouvez vous en douter, nous sommes ici face à la seconde galette de ce groupe norvégien, Shamblemaths. C’est en 2004 que Simen Andreas Ådnøy Ellingsen (chant, guitares, saxophone) et Ingvald A. Vassbø (batterie, percussions) décident de s’associer afin de proposer une musique inventive et personnelle. De nombreux invités se croisent au gré de cet album, notamment Eskild Myrvoll (Kanaan) à la basse et Paolo ‘Ske’ Botta (Ske, Yugen, Not a Good Sign) aux claviers. On trouve de tout dans cette production: une réinterprétation d’un quatuor à cordes du XXe siècle, un hymne du IIIe siècle, du classique contemporain. Tous les sentiments y passent, de la colère à la crainte, en passant du désespoir à la peur, le tout émaillé de doute, de faibles lueurs d’espoir et de (mais oui) mélancolie tranquille. Certes, décrite de cette manière, leur musique pourra paraître, aux yeux de certains, comme absconse et élitiste et pourtant le tout est construit de main de maître, je peux vous l’assurer.
Sortez donc de vos habitudes et de votre zone de confort (d’écoute!) et osez donc, Joséphine, poser vos esgourdes sur ces terroristes musicaux venus du froid!
Tibère
https://shamblemaths.bandcamp.com/album/shamblemaths-2
https://www.youtube.com/watch?v=va2AxXIxDVI&list=OLAK5uy_kMeQbgDvAR2QyQKra7PQGdTnvFwuhqYVw&index=11
20/01/2022
The Deepstate
Mysinformation Highway (part 1)
progressive rock/cinematic – 83:06 – UK ’21
Ralph Cardall et James Sedge travaillent ensemble depuis 1995. Le premier œuvre aux guitares et claviers, le second à la batterie et aux percussions diverses. Ils se disent inspirés par les Genesis, Yes, Rush et King Crimson des premiers temps. Le style de The Deepstate (Deepstatemusic) navigue entre un progressif bien ciselé aux nuances parfois jazzy («Bi Polar») ou psyché et une musique proche du genre cinématique. Album ici essentiellement instrumental, mais «Door to the Dome» allie cependant un chanteur et un séquenceur serti de chœurs synthétiques où se greffe un rythme lent de percussions envoûtantes. Cette plage met aussi en lumière le talent incontestable du guitariste Ralph. En arrière-plan, le mellotron complète la partition par ses sonorités inimitables. Grand moment d’essence onirique! «Birth of a Killer» confirme la maestria du guitariste qui nous offre ici un vrai moment de bravoure sur un fond rythmique au parfum jazz rock. Plusieurs moments électro complètent leur musique d’envolées psychés à la Steve Hillage (l’intro de «Little Blue Dot» qui rejoint vite des tonalités à nouveau plus fusion). «Down the Rabbit Hole» renouvelle le trip avec cette belle couverture de mellotron générant un inévitable frisson de bonheur. Plage magique s’il en est! L’album se clôture par un «edit» de près de 45 minutes, liant les composants de ce bel opus aux colorations de mondes mélodiques venus de multiples horizons. Séquenceurs en doses homéopathiques, récitatifs ponctuels associés aux riffs et aux solos parfois incendiaires de la six cordes, envolées dignes d’Arena, partitions riches en variations, tout est là pour combler le fan le plus tatillon. Si vous avez apprécié cette première partie, n’hésitez surtout pas à plonger sur la seconde et sur leur dernier sorti: «The Dead are rising» qui, cela dit, se trouve un peu terni par un récitatif envahissant.
Clavius Reticulus
https://thedeepstate1.bandcamp.com/album/mysinformation-highway-part-1
21/01/2022
Il Porto Di Venere
E Pensa che mi Meraviglio ancora
rock progressif italien (RPI) – 49:37 – Italie ‘21
Nouvel avatar des multi-instrumentistes Maurizio «Mau» Di Tollo (La Maschera Di Sera, Finistere, Höstsonaten) et Cristiano «Cri» Roversi (ex-The Watch, Moongarden, Rosenkreuz, Submarine Silence), le groupe Il Porto Di Venere commence sa carrière par cet album et une participation au Festival de Veruno. Les deux compères sont de solides compositeurs et, alliant leurs talents avec celui de quelques musiciens de complément soigneusement choisis, nous offrent en 6 pistes une belle démonstration de la vitalité du RPI. Ouverture par «Formidabile» (10:45), au milieu d'une foule et de l'écho de volées de cloches d'église. Orgue et synthé nerveux, riff de violon, batterie syncopée et LA voix de «Mau» pour un premier epic convaincant, le premier break intervenant avec une flûte pastorale et des arpèges à la sèche, ambiance un peu débuts de Genesis accentué par le Mellotron et le Rhodes, mais enrichi du violon, et d'un expressif solo de trompette et de violon emmêlés. Mais le dernier quart s’avère bien plus musclé et finit de convaincre. Très réussie entrée en matière.
«Stop al Televoto» confirme avec sa basse tendue et ses envolées de synthés et de violons, et le beau solo de guitare final. «Dahlia»: voix, cello, violon dans une marée éthérée. «Miserere Sovietico» (12 min) est plus dissonant et sa lourde batterie en rupture nous emmène dans une piste très contrastée et emballante par ses multiples ambiances entre tension et légèreté.
Le court morceau titre avec sa simple mélodie, sa guitare sèche et son violon est, lui aussi, remarquable. De même «...E Ancora...» (8 min) avec son chorus de saxos bouillants et langoureux, entourés de fulgurances de claviers, de guitare et de trompette, sur tempo très slow, et c'est déjà fini!
Aucune révolution dans ce bel album, mais de solides mélodies parfaitement exécutées.
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/e-pensa-che-mi-meraviglio-ancora
22/01/2022
Embryo
Auf Auf
krautrock jazz rock/musique ethnique – 47:05 – Allemagne ’21
Embryo, collectif musical allemand de jazz rock fusion ethnique, revient avec un nouvel album. Le fondateur, Christian Burchard, nous a quittés en 2016 et c’est sa fille Marja qui a repris le flambeau avec talent. Albums principaux: «Opal» (1970), «Father Son and Holy Ghosts» (1972), «Steig Aus» (1973) et «Rock Session» (1973).
«Besh»: une entrée en matière bien planante d’un jazz world à couper le souffle. Très méditatif et toujours aussi fusionnel; voilà une belle expédition dans le désert.
«Yu Mala»: une confirmation de la qualité de cet album avec une bonne guitare bien psychédélique et un feeling plus jazz rock. Embryo revient à ses racines 70’s, synthés à l’avenant. Un très bon trip avec une accélération free pour un bon final.
«Auf Auf»: à nouveau une percée jazz rock avec des airs de King Crimson. Un rythme frénétique, une batterie survoltée; la folie s’empare d’Embryo pour un jazz rock free et lumineux. Des cuivres puissants; après un moment de répit une ambiance poisseuse de film noir se fait jour. Un morceau enivrant qui fait aussi penser à Gong.
«Baran»: le voyage se poursuit bien avec des relents de Shakti. Une bonne ballade enthousiasmante, idéale pour se reposer avant la longue suite en 5e position.
«Januar»: envie d’un concert d’Embryo en janvier (ce ne sera pas tout de suite mais au Krautologischer Kongress à Wurzburg en juin), 16 minutes et quelques de bonheur jazz rock. Très psychédélique et planant, ça ramène une fois de plus à «Opal», leur premier opus. D’aucuns penseront à Soft Machine et à Missus Beastly. C’est vraiment une belle exploration/méditation. Magma vient à l’esprit quelques secondes. Il me tarde de les revoir sur scène.
«Alphorn Prayer»: ambiance Dead Can Dance pour clore un album abouti et vraiment spécial jazzy prog et psyché; l'ADN originel est respecté.
Fatalis Imperator
https://embryo3.bandcamp.com/album/auf-auf
23/01/2022
Kornmo
Fimbulvinter
progressive rock symphonique – 71:29 – Norvège ‘21
Ils collaborèrent au détour du projet Adventure durant les années 2000 et poursuivirent leur coopération avec le groupe Morild («Time to Rest» en 2010 et «Aves» en 2013). Odd-Roar Bakken et Nils Larsen, frères d’armes musicales depuis des décennies, sont, cette fois, réunis autour du combo Kornmo (Kornmo-A Norwegian symphonic progproject) et ce depuis 2017 dont ce «Fimbulvinter» s’avère être la troisième réalisation.
Les projets Adventure et Morild évoluaient, à des degrés divers, dans le rock progressif parfois symphonique, parfois folk. Kornmo poursuit cette démarche en la magnifiant. Nous sommes à présent de pleins pieds plantés dans la terre progressive ancestrale, et à plusieurs reprises, par l’ampleur imposante des compositions et l’emploi de vieux claviers pompeux et solennels, cette musique fait songer à «Gothic Impressions», l’œuvre légendaire de 1994 de Pär Lindh Project. Mais cet album évoque également les premiers travaux de Kerrs Pink de par les ambiances doucement folkeuses qui planent çà et là au fil de compositions totalement instrumentales et dont deux d’entre elles avoisinent les 20 minutes.
Musique agréable, qui vogue sur l’univers connu du rock progressif symphonique traditionnel des années 70. Un univers certes déjà sillonné de toutes parts mais la musique de Kornmo, en suivant le sens du courant, en balisant à merveille le parcours, perpétue une tradition et donne à foison un breuvage nécessaire aux insatiables toujours assoiffés. «Fimbulvinter» c’est ça, un phare rassurant qui marque l’identité et qui indique le chemin d’une musique devenue diluvienne afin de rejoindre un havre de paix où les pèlerins se réunissent le temps d’une ripaille avant de repartir explorer d’autres mondes.
Un album rassurant, qui donne la note juste, qui sur la longueur pourrait finir par se répéter; quoique, finalement, 71 minutes, c’est sans doute le temps nécessaire pour faire honneur à un festin. Réussi!
Centurion
https://kornmo1.bandcamp.com/album/fimbulvinter
24/01/2022
Phil Bourg
01001001 01000011 01001001
pop rock alambiqué alternatif – 37:55 – Canada-Québec ‘21
Phil Bourg est un auteur-compositeur qui a sa devise: «Suivre une recette n’est envisageable que pour divertir.» Il s'y est donc attelé après avoir travaillé 10 ans avec Poulet Neige. Il dit vouloir étonner par sa musique lourde, cassante, et par ses textes, par un désir de liberté et un engagement à améliorer le monde. Un son des Nine Inch Nails, Radiohead ou Björk pour leurs recherches singulières, un titre binaire à notre monde informatisé et déshumanisé. Il s’associe Fuudge et David-Boulet de Harfang pour livrer un album rock arpentant les sentiers du prog, du stoner et du psychédélisme, assez déroutant et paradoxal.
«Juste», voix à la Polyphonic Size, groupe belge trop méconnu durant les années 80. À mi-parcours, ça part sur un bad trip angoissant, un riff hard, une longue montée orgasmique dans une veine apocalyptique. «Les jours sombres», avec un son rock alambiqué, texte implicite peut-être trop présent; son partant en stoner syncopé et transe hypnotique. «Ici» sur un spleen mélodique où certains sons des Sigur Rós peuvent être reconnus. «Réveille», air manouche des Balkans au rythme saccadé et guitares explosives. «Constellations», long morceau de 11 minutes avec sax, basse vibrante, recherche phonique; bref un peu de Manu Dibango pour un crescendo hypnotico-cérébral jazzy; c’est aussi électrique, avant-gardiste, déroutant, progressif. «Ce que je veux» en final avec la voix de Phil en boucle dans un magma musical.
Phil Bourg sort cet album conceptuel inventif et déjanté où sa voix accompagne ses délires musicaux dans l’élaboration d’un climat de fin du monde. Ses textes engagés utopiques s’associent à sa musique survoltée d’un autre monde, un où ses idées pourraient vivre de fait?
Brutus
https://philbourg.bandcamp.com/album/01001001-01000011-01001001
25/01/2022
The Winter Tree
Sandman
neo prog/rock progressif – 58:53 – USA ‘21
Andrew Laitres aura fait du chemin depuis le rock de son groupe Magnus. Le multi-instrumentiste américain nous revient avec son projet solo, The Winter Tree. Est-il influencé par l’œuvre de Hoffmann? Force est de constater que l’ensemble de ce «Sandman» est bien sombre; même ce titre fait référence aux contes géniaux du non moins génial Offenbach et gageons que, contrairement à ce cher Jacques, The Winter Tree ne signe pas ici son chant du cygne.
Musicalement c’est inspiré, chaque instrument est bien placé, aucune longueur ne vient alourdir une ambiance déjà bien obscure.
Impossible de ne pas penser à Pink Floyd en écoutant «She’s a Lady»; de-ci de-là vous penserez au Supertramp des premiers albums tant les passages de sax me font penser à un « Crime… » d’une galaxie lointaine…
Vous l’aurez compris, à défaut d’être original, The Winter Tree nous propose une voyage à tiroirs où tout passage, à l’instar du nom de l’album, fait référence à ce que le rock et le prog ont de meilleur.
En cette période de surabondance de sorties musicales, et ceci malgré la mise à contribution de vos cartes de crédits par des poids lourds du style, vous auriez tort de vous en priver... Allez, faites-vous plaisir, le Père Noël fait des heures sup cette année.
Tiro
https://thewintertree1.bandcamp.com/album/sandman
26/01/2022
cHoclat FRoG
Snapshot
RIO/progressive rock – 60:07 – Allemagne ‘21
cHoclat FRoG, quel nom bizarre pour un groupe! Bizarre, j’ai dit bizarre? C’est en tout cas le patronyme (tiré de Harry Potter?) choisi par ce duo allemand pour se faire connaître. Composé de Rainer Ludwig aux claviers, batterie, chant et de Tim Ludwig à la basse et aux guitares, «Snapshot» est le premier album. L’idée était de créer un flow d’informations semblables aux journaux télévisés, aux journaux papier ou aux réseaux sociaux. Ils ont finalement séparé leur longue plage unique de 60 minutes en 11 parties dénommées Part I à Part XI, suivies de qualificatifs entre parenthèses. Musicalement, on voyage entre différentes eaux, passant du progressif pur à l’expérimental avec, même, des éléments jazzy. Même si les agencements sont curieux, il existe toujours une musicalité qui lie l’ensemble. En tous les cas, si Magma ou Frank Zappa sont parmi vos préférés, il n’y a aucune raison que cette plaque ne fasse votre affaire.
Tibère
https://choclatfrog.bandcamp.com/album/snapshot
27/01/2022
Professor Tip Top
Lanes of Time
progressive rock – 42:33 – Norvège ‘21
7e album en 10 ans pour ce quatuor norvégien à chanteuse germaine. L’entrée en matière est très soft rock: 3 pistes de 4 minutes environ, avec de belles parties de guitare posées (Sam Fossbakk), des claviers d'accompagnement et la voix claire et consistante de Sonja Otto. La 4e débute itou, une solide mélodie avec un riff qui ponctue les parties couplets/refrain, mais heureusement on sort du prévisible après 2:30 pour un 1er vrai break qui sublime, enfin, ces pistes sympas manquant de relief; au second break on se prend à rêver, mais en fait c'est la fin!
«The Quest remains» qui démarre en mode Moyen Âge fait, enfin, dresser l'oreille, tambourin, guitare sèche et flûte. La belle voix de Sonja enchante sur un rythme lent, avant qu'un très beau break n'enclenche un solo de guitare tout en langueur, en alternance avec un clavier entre Canterbury et Procol Harum. Magnifique.
«Shining» démarre par une Fender très lente, notes posées à la Gilmour, et les vocalises de Sonja nous bercent pendant 5 minutes cotonneuses. On est loin de King/Kubrick!
«Past forever» renoue avec leur passé psyché, voix hawkwindesque déclamant sous écho, synthés qui volettent en tous sens, et lorsque le moog s'envole, batterie/basse (Stein Hogseth/Charles Wise) explosent, mais le riff de guitare tend plus vers ELO et c'est agréablement surprenant, mais court (3 minutes 30)!
«Shallow shadow» est plus suspendu grâce à cet accord égrainé, soutenu par des synthés, et toujours cette voix. Le morceau s'étoffe enfin avec un orgue, une guitare bien ronde, dans un slow sans fin. L'album s'achève avec un second clin d’œil psyché qui en 2 minutes 17 fait une fin trop lisse.
Tout ce qui est proposé est finement pensé et exécuté mais manque de peps. Car là où les 4 morceaux cités sont plus qu'intéressants, les 5 autres restent trop convenus. Vivement le prochain!
Cicero 3.14
https://professortiptop.bandcamp.com/album/lanes-of-time
28/01/2022
Airbag
A Day in the Studio - Unplugged in Oslo
prog acoustique – 37:30 – Norvège ‘21
Airbag nous revient avec un album live acoustique en studio; la période très longue sans concerts en est vraisemblablement la cause. Lors d'interviews, ils expliquent: «Nous avions prévu de partir en tournée et de jouer en live pour tous nos fans et amis, mais cela n'a pas été le cas. Nous voulions quand même faire quelque chose de spécial qui nous permettrait de rester connectés à nos fans et aussi de les remercier pour leur soutien en ces temps difficiles.» Airbag… quel groupe magnifique! Je les ai découverts avec l'album «A day at the Beach» sorti l'année passée (pour relire la chronique de mon collègue Néron, je vous renvoie sur notre site http://www.progcensor.eu/index.html). Trois chansons de cet album figurent sur ce live et je n'ai rien d'autre à dire que waouh… La magie s'opère totalement, aussi profondément que sur l'album, voire plus avec ces versions acoustiques. On a l'impression de les entendre dans un petit club sympa, entre amis, avec une bonne bière en main. Si «Machines and Men» et «Into the Unknown» ne vous donnent pas des frissons, je ne sais pas ce qu'il vous faut! La voix de Asle Tostrup et la guitare de Bjørn Riis font encore une fois des merveilles. «Come on In» nous fait découvrir un magnifique solo de guitare qui ne peut que vous faire fermer les yeux et profiter du moment présent. Ce live se termine avec «Sounds That I Hear» et, ce titre terminé, on n'a qu'une envie c'est de repartir pour ce voyage fantastique. Cet album est fait de douceur, de mélancolie, de feeling et, cela va sans dire, de talent. Un indispensable de cette fin d'année.
Vespasien
https://airbagsound.bandcamp.com/album/a-day-in-the-studio-unplugged-in-oslo
28/01/2022 - EP
Lůn
Chamanes
neofolk/ambient – 21:07 – France ‘21
«Chamanes» est le premier EP de Lůn, c’est aussi le titre qui l’entame et lui est parfaitement approprié: le côté bâton de pluie et rituel est bien présent. Lůn, c’est Mayline Gautié à la musique (inspirée par la Nature), aux paroles (qu’elle a elle-même inventées), aux violons et aux chants; elle est accompagnée de Raphaël Verguin au violoncelle. Notons aussi la superbe pochette élaborée par l’artiste français Okiko. Revenons aux 4 autres titres de cet EP: l’instrumental «Prāṇa» est une belle harmonie entre les battements et les cordes comme si les uns poursuivaient les autres, «Sedna» est le plus adapté pour ressentir l’effet pleine nature, avec de jolies voix qui balancent et dansent, «Sève» est un très court titre sur lequel on peut se laisser bercer et «Lặsteio» clôture par un ensemble de chants féminins sur des cordes douces et mélancoliques.
Ne manquez pas de visionner la vidéo [lien YouTube en commentaire, ci-dessous], tout est en accord avec les thématiques recherchées (Nature, éléments, énergie vitale, mysticisme); je pense que Mayline a suivi et supervisé l’intégralité du processus de cet EP pour en arriver à cette belle réussite.
J’attends vivement le prochain Lůn!
La Louve
https://lun-music.bandcamp.com/album/chamanes
29/01/2022
Cobalt Chapel
Orange Synthetic
folk psychédélique – 42:43 – Angleterre ‘21
Je ne démentirai pas, avec «Orange Synthetic», le nouvel album du groupe de Cecilia Fage et Jarrod Gosling, le plaisir que j’ai eu à vous parler, il y a un temps, de «Variants», re-travail du premier album éponyme. On retrouve ici les mêmes ingrédients qui forgent une musique aussi mature que nature, entre pureté et simplicité: l’exploration de l’environnement proche (le Yorkshire), son histoire, ses paysages, ses gens, ses mythes et ses faits divers. On ne trébuche jamais dans les pas de Cobalt Chapel, les contours sont soignés, les angles arrondis, c’est un chemin de déambulation douce (comme on le dit d’une mobilité): les arrangements vocaux sont suaves, l’emploi des orgues (Vox Continental, Philicorda, la soviétique Elektronika Organ…) nourrit de timbres plaisants, variés autant que rassurants. Comme le disait Paul, patron du Western Spaghetti à Arlon, dont ni le décor (d’épaisses tables et chaises de bois vernis, des colifichets de cow-boys et d’Indiens), ni la carte (steak et spaghetti) n’avaient bougé depuis 1971, un jour que je lui suggérais de passer de la Vieux-Temps à la Duvel: «Tu ne voudrais quand même pas que je change la recette de ma bolognaise, non?».
Auguste
https://cobaltchapel.bandcamp.com/
30/01/2022
Trifecta - Blundell, Holzman, Beggs
Fragments
jazz fusion – 44:55 – UK ‘21
Le compositeur et bassiste Nick Beggs, flanqué de ses complices Adam Holzman aux claviers et Craig Blundell, l’excellent batteur qui œuvrait aussi dans le supergroupe prog Frost*, forment l’alliage parfait pour nous livrer un album émotionnellement puissant, témoignant d’une maestria totale dans la manipulation de leurs instruments respectifs. Nick indique qu’après la tournée avec Steve Wilson ils disposaient d’un matériel prêt à être modelé sous forme de compositions non encore exploitées. L’idée naît alors chez les trois compères de se réunir sous le nom de Trifecta une fois leurs travaux solo en cours terminés. Le résultat est ce «Fragments» que vous allez pouvoir savourer comme un merveilleux cookie de Noël. On y trouve des fragrances Chick Corea, Return to Forever ou Billy Cobham perlées de quelques échappées déjantées louchant vers King Crimson (on ne s’étonnera donc pas du titre de cette sixième plage «The Enigma of Mr. Fripp» mais aussi les dissonances acides savamment sculptées de «Lie 2 me and take my money») et même d’un phrasé Soft Machine («Hold it like that»). La basse, bien sûr, y est prépondérante ainsi que la batterie syncopée, aux rythmes cassés et en parfait mariage avec la quatre cordes ronflante ou frappée. Le clavier vient y couler ses notes en cascades pétillantes, glissant sur des portées tantôt d’une grande mais éphémère douceur, tantôt enlevées avec une énergie communicative tant au sein du trio que pour l’auditeur mesmérisé. Mais qui donc a lâché le chien de Pavlov dans le studio pour qu’il aille bouffer le chat de Schrödinger? Véritable ovni, ce premier single opère dans un style radicalement différent. C’est aussi la seule plage chantée de l’album. Saut quantique? Peu importe, tout l’album est un bijou.
Clavius Reticulus
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/fragments
31/01/2022
Møtrik
Moon: The Cosmic Electrics of Motrik
space rock/krautrock – 63:25 – USA ‘21
Møtrik est un groupe américain de space kraut. «Silver Twin» nous régale d’entrée de jeu avec un space rock très stoner à la Electric Moon (un trio allemand, très réputé à juste titre, présent au Freak Valley Festival). «Particle Maze» lance bien le voyage. Un rock psyché ouaté et plus cool qui fait penser à Can. Que tout ceci semble lysergique mais ça me va comme un gant, ça me fait penser à des soirées à la fac (j’en suis resté à la fumette). «Streamline» est bien plus énergique avec des racines krautrock et un dynamisme digne du Planetfall de Litmus (un énième disciple talentueux d’Hawkwind). Le rythme motorik est de rigueur et j’ai toujours les yeux rivés sur les étoiles du fond de ma cabine dans le Millenium Falcon. «Space Elevator», nous passons aux choses sérieuses avec un morceau mastoc très proche du quart d’heure. Guitare incisive, caractère instrumental répétitif jamais lassant, un bon trip pour les surfers de l’espace comme Norin Radd (identité du Surfer d’Argent dans les Marvel Comics). Très acide comme dans un bon festival space rock (le Psyka à Karlsruhe, à tout hasard). J’en suis resté hébété. Fait de nouveau penser à Electric Moon. Un psychédélisme massif et généreux. «Stabilize», les premières notes m’élèvent comme seul Manuel Gottsching sait le faire. Planant puis mon rythme cardiaque s’accélère avec des accents à la Neu! En plus spatial. Très enivrant et ça shoote aussi bien que le Moloko Plus de ce bon vieux Alex. Stabilisé certes mais dans la grande envolée cosmique. «Red Eye», une rythmique sautillante et hallucinée pour un morceau dansant. D’aucuns penseront à Kraftwerk en plus léger. Le bon trip continue sans problème. «Yellow Moon», une piste admirable ou la pression ne cesse jamais, acide et kraut et non éloigné des formidables Spacelords (autre groupe germanique remarquable). «Sonik Rug», un final lancinant et sombre pour signifier la conclusion d’une odyssée des défoncés. Question à Møtrik: «Quand pourrez vous venir jouer en Europe?»
Fatalis Imperator
https://motrik.bandcamp.com/album/m-n-the-cosmic-electrics-of-m-trik