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01/07/2022
Francis Décamps / Pascal Gutman
Bien au-delà du Délire
rock progressif – 58:00 – France ‘22
Après avoir mis fin à la belle aventure des Gens de la Lune, Francis Décamps s’est bien vite retourné sur son passé en reprenant pour la troisième fois un album de Ange, son bébé en commun avec son frère Christian. Après «Revisite Caricatures» en 2012 et «De retour au Cimetière des Arlequins» en 2020, Didou a accéléré la cadence pour nous proposer en compagnie de son ami Pascal Gutman, l’homme au stick Chapman, une autre façon de percevoir «Au-delà du Délire». Certains pourront être déçus par le traitement réservé à l’œuvre originelle, si célébrée par les vieux fans de la première heure. À ceux-là dont je comprendrais un certain désarroi, je rétorquerais que la vision oblitérée par Francis est bien dans la lignée de ses œuvres précédentes. Parfois, la musique part dans une tout autre direction que l’album de Ange et c’est en cela que certains seront désemparés ou déboussolés. La trame principale revient parfois à bon escient pour nous rappeler que c’est «Bien … au-delà du Délire» que l’on écoute. L’emphase angélique qui sied si bien aux premiers albums des années 70 est ici mise sous l’éteignoir, c’est comme un squelette des compositions d’origine que Francis remplumerait à sa façon, le Chapman stick étant mis à l’honneur au point que l’album est bien de Francis Décamps ET Pascal Gutman. Pour mieux me faire comprendre, je prends «Exode» traité principalement à l’accordéon, second instrument de prédilection après les claviers pour le cadet des Décamps. Comme si Francis avait traité «Au-delà du Délire» à la manière d‘«Épicier Marchand D’rock’» en 1993, s’appropriant à sa manière l’œuvre au complet et dans ses moindres recoins. Sa patte est ici mise en évidence. Après tout, qui d’autre que lui peut se permettre de désacraliser l’œuvre d’origine, à part son frère bien sur? Mon avis restera circonspect encore longtemps et il me faudra d’autres écoutes pour m’imprégner de ce changement de direction. Mais refaire à l’identique aurait été complètement incongru, cela va de soi. Le morceau éponyme «Au-delà du Délire» entretient pourtant une heureuse grandiloquence n’ayant rien en commun avec l’original et me semble une vraie réussite pour le coup. L’album se termine par un titre emblématique qui ne figure que sur le «70-71» en version live, bien sûr le magique «Le Chien, la Poubelle et la Rose», joli cadeau bonus de 12:41 où il faut attendre la toute fin pour entendre Tristan de sa voix si puissante, rejoindre son oncle. Pour la petite histoire, l’album a été enregistré par le chanteur des Gens de la Lune, Jean-Philippe Suzan, et il semblerait que seulement 1000 copies aient été pressées! Cet album est sorti le 17 mai, soit pile le jour des 70 ans de Francis…
Commode
https://francisdecamps.bandcamp.com/album/bien-au-del-du-d-lire
02/07/2022
Nanna Barslev
Lysbærer
neo folk – 46:16 – Danemark ‘22
Me revoici dans mon style de prédilection avec ce premier album solo de Nanna Barslev (Nanna Barslev - Nordic Music, chanteuse du groupe de folk metal disparu, Huldre), qui compose et écrit les paroles, même si elles sont influencées par des textes traditionnels (quelques-uns proviennent de l’Edda poétique: un ensemble de poèmes en vieux norrois rassemblés dans un manuscrit islandais du XIIIe siècle). Elle est également multi-instrumentiste (moraharpa, tagelharpa, langspil, bodhran, flûte) et signe toutes les photos (des gros plans sur la nature: une réussite de couleurs!) du livret joint au CD. Elle s’est accompagnée de Fieke van den Hurk (enregistrement, production et arrangements: électronique, beats, percussions, synthétiseurs…) et de Lies Sommer (hurdy gurdy, harpe).
Lysbærer (qui se traduit par «Porteur de lumière») fait référence à la célébration du Soleil et de la Lune éclairant les saisons sombres et changeantes mais également à toute la symbolique qui se rapporte au clair/obscur comme la vie/la mort, le bien/le mal sur «Sten», la paix/la colère sur «Mod Vrede». Le tout avec les changements de voix selon l’atmosphère des textes (tremblante sur «Jaghtmarker» qui évoque la tristesse après une bataille) où souvent la musique est légère pour faire place au talentueux chant de Nanna. À souligner également les chants en parallèle sur le même titre: chant principal et «chœurs», encore un beau travail réalisé par la chanteuse!
La Louve
https://nannabarslev.bandcamp.com/album/lysb-rer
03/07/2022
Fuzz Sagrado
A New Dimension
psychédélique rétro prog rock – 48:57 – Allemagne/Brésil ‘22
On voudrait bien connaître Chris Peters «par cœur», un Germano-multi-musicien-compositeur qui a fait du Brésil, au moins pour cette fois, la terre d'adoption de son inspiration. Guitariste au principal, notre gringo est déjà bardé de médailles puisqu’il a déjà traîné ses guêtres dans au moins deux projets «fulguramment» aboutis: Samsara Blues Experiment et Terraplane où son toucher va matcher et re-matcher avec vos sens… un régal… un récital… une «Fire Balle»!
¿Y qué da por favor? Un programme poignant de cohérence et de sincérité à six cordes! Parce qu’il n’est rien de plus soul dingue qu’une vitrine de savoir-gratter dispensée par des cadors à la Satriani ou encore à la Vai qui aiment contempler leur nombril; à l’opposé, notre Chris va faire Péter(s) les clichés du genre!!! Rien de superflu, aucune démonstration pour le fun, un tout indispensable pour le coup!
À l’ouverture, l'univers rock, c’est aussi la pochette! Alors, un peu d’imagination en passant par ici!!! Que voyons-nous dans cette «dimension»? Une sorte de désert-planète-guerre des étoiles remasterisée au milieu duquel trône une montagne canyonnée qui pourrait servir de repère à un Goldo(rak)riff rétro/futuro-psychédélique… Allez… pourquoi pas??? Les sons qu’on entend venir du dessous sont à la fois robustes et fantaisistes… Vous me suivez par là???
Mais plus concrètement? Qu’en est-il de la matière première? Un chant, à l’économie mais remarquable, caverneux à grand renfort d’échos, une guitare qui ne louvoie pas entre telle ou telle énergie, préférant hurler fièrement et interminablement pour notre plaisir!!!
Si rien n'est à jarter dans ce rassemblement de bonnes idées, certaines compos décrochent volontiers l’unanimité. «Tropical Rain», bien que n’ayant rien à voir avec «Riders on The Storm», a de très bons arguments, tant elle donne l’impression que la pluie a envahi les instruments, il fait chaud, la pièce se met à transpirer.
«Lunik IX» n’est pas le seule à donner de son temps; trois morceaux fleuves vont vous prendre en embuscade: «A New Dimension» et «Furthur» complètent la brochette délicieuse… Un fois repéré, surtout ne vous retenez pas, c’est comme la radja river à six flags (pour ceux qui ignorent: le célèbre parc aquatique de notre Brabant wallon): une petite pichenette à l’entrée, après quoi suivra un long déroulé de plaisir au commencement, au milieu et à la fin et à l’arrivée, on a envie de recommencer dès que nos pieds sont réceptionnés par le bassin de clôture.
Tout de même, n’allez pas croire que les formats plus courts soient restés en berne, «Baby Bee» et «Crashing Cascade», du planant au psychédélique, la voix et la guitare de Peter vous emporteront bien comme il faut.
En bref, après deux EP fondateurs, en 2021, «Fuzz Sagrado» et «Vida Pura», «A New Dimension» a été catapulté vers la Deutsche Qualität! Solide, fiable, innovante mais pourtant classique, une carrosserie à étoile qui fera date!
Kaillus Gracchus
https://electricmagic.bandcamp.com/album/a-new-dimension
04/07/2022
Solace Supplice
Liturgies Contemporaines
rock progressif alternatif – 48:48 – France ‘22
Il y a quelque temps, lors d’un début de soirée très chaud (enfin, chez moi), un échange «Messenger» entre notre boss, Denis Petit, et votre serviteur a débouché sur une écoute simultanée du premier opus de Solace Supplice. Que l’homme au chapeau pointu soit damné si nous n’avons pas passé une bonne heure à nous extasier par messages frénétiques sur la qualité de cet album hors sol! À 1200 km de distance, la musique a réuni deux passionnés ébahis et extasiés, voire exaltés par les circonvolutions progressives de ce nouveau groupe français. Ne cherchez pas trop loin, il est une émanation de Nine Skies puisqu’on y retrouve Eric Bouillette et Anne-Claire Rallo, sa compagne, tous deux membres de la formation qui nous a épatés en juin 2021 avec son «5.20» qui ne présente pourtant pas les mêmes atouts. Pour tout vous dire, je ne m’attendais pas à la sortie de cet album et encore moins à ce que j’allais y trouver. Je ne vous ai jamais caché ma passion dévorante pour le rock progressif aux textes français, eh bien, mes cocos, le Commode est gâté. Lazuli, Magnesis, JPL, Grandval and Cie, je vous aime tous beaucoup (et ils le savent) mais désolé si je place cette rondelle en haut de la pile à partir de ce printemps 2022! Par quelle magie blanche Solace Supplice a-t-il expulsé un disque pareil? Toute la faconde et les tours de passe-passe recelés par des décennies de «prog’ à la française» sont ici condensés en moins d’une heure de plaisir intensément jouissif. Pas une erreur, pas une seconde d’ennui et mieux, l’envie de remettre le couvert sitôt le dernier titre digéré. Voici mon coup de cœur du premier semestre 2022, vous l’avez compris car mes dithyrambes pourraient en agacer certains à force de vouloir être convaincant. Et pourtant, pas la peine de me forcer d’ailleurs pour m’émerveiller sur la haute teneur musicale et les textes inspirés des onze titres de ces «Liturgies Contemporaines». Alors, oui, pas de souci, Solace Supplice a su sonner moderne, j’entends par là que le passéisme parfois intrinsèque à de nombreuses œuvres progressives n’est pas de mise ici: Bouillette, Rallo et leurs complices font flotter comme un parfum de… Noir Désir dans l’urgence employée sur certains titres. En parlant de complices, il faut citer la bassiste Willow Beggs, fille de Nick Beggs (S. Hackett, S. Wilson) ainsi que le batteur Jimmy Pallagrosi (Karnataka, F. Carducci, Zio). E. Bouillette est le compositeur touché par la grâce et A.C. Rallo est la génitrice de cette merveilleuse littérature qui colle si bien aux musiques de son compagnon. Je vous suggère ardemment «Dans la couche du diable» et «Marasmes et décadence», les deux derniers morceaux de l’album. Ces deux-là vont vous achever car vous aurez dû en passer par «Le tartuffe exemplaire», «Schizophrénie paranoïde» ou encore «En guidant les hussards» et «Au cirque des âmes», que du bon, de l’enlevé, on rêve, on songe, on s’excite, on trépigne, on plane et puis, franchement, ces titres ne semblent-ils pas tout droit issus du «ventre fécond des seventies»? Juxtaposition de mots exaltants… Bref, si vous aimez les quatre groupes cités plus haut, mettez-les dans un sac, secouez bien fort, laissez reposer et… régalez-vous, la mixture surpasse tous les espoirs. Chaque année, un inconnu surgit sans prévenir et vous plante une «tuerie» en plein cœur, ravit votre âme et enchante vos sens. Cette fois-ci, c’est Solar Supplice. Bienvenue dans la cour des Grands!
Commode
https://solacesupplice.bandcamp.com/album/liturgies-contemporaines
05/07/2022
Sid Vision
Starve Out The Algorithm
postpunk / art-pop / 70's progressive rock – 62:33 – Allemagne ‘22
Son premier album, «Feverish», avait été très apprécié sur cette même page en 2019. Après trois ans de travail assidu, d’extraits proposés (sur Bandcamp, notamment) – histoire de maintenir le lien avec son public –, et de concerts au gré des confinements, Sid(ney) Klein (alias Vision) nous livre ici un album majeur, sinon dans l’histoire du rock au sens large du terme, du moins dans celle de son parcours personnel.
Une courte intro («The Gate Motif»), puis «Outlines», aux accents de Radiohead, déboule avec force, sur la voix d’écorché vif de Sidney, criant sa révolte. «All Hope Is Straded», dans la même veine, nous gratifie lui aussi d’un superbe jeu de guitare, encore plus subtil. On touche (déjà!) au sublime.
L’enchaînement des dix titres suivants me laisse penser que cet album a été élaboré comme un concept cohérent (à la Roger Waters) et que, une fois posées les prémisses, l’auteur a pris le temps de développer une thématique, à mi-chemin entre grandiloquence exaltée et instrospection: révolte contre ce monde cruel et égoïste, solitude, mais aussi espoir dans la solidarité et l’amour, «porte ouverte sur une autre vie et notre inépuisable gisement de minerai».
Pour ce mariage réussi entre rythmes (implacables) et mélodies (mémorables), Sidney exploite au mieux ses talents de multi-instrumentiste et a fait appel à d’excellents musiciens (voir le lien Bandcamp ci-dessous pour plus de détails). Dans «Dog Food For The Algorithm», sa voix est doublée par celle d’Evelinn Trouble. Violon (Johanna Marcy) et violoncelle (Elisabeth Sommer) ajoutent un supplément d’émotion pure à «No More Charade». On est séduit aussi par l'excellent travail au synthé sur «Anything Between», la sérénité et l’ouverture qui se dégagent de «I Awoke In Boots». «Dust», titre complexe de près de 11 minutes, apporte sa part de délicatesse et de sonorités rétro, développant plusieurs thèmes en forme de longue marche vers les paisibles «Nowhere Near Tired» et «Bat In The Sky».
«Focus On Your Hight», magnifique conclusion de l’album, est l’alliance parfaite entre synthés et basse, agrémentée d’un solo de guitare de toute beauté.
Impressionné par autant de talent et de maturité, je ne trouve pas les mots pour exprimer ma reconnaissance à l’auteur pour cette expérience musicale unique.
Et je ne peux que vous en recommander l’écoute approfondie. Je crois que vous ne serez pas déçus!
Vivestido
https://sidvision.bandcamp.com/album/starve-out-the-algorithm
06/07/2022
Vast Conduit
Always Be There
fusion progressive – 62:39 – USA ‘22
Sextette originaire de Californie dont les protagonistes font habituellement plutôt dans le prog metal… Dont on pourra percevoir quelques légers relents («Soul Tuck») au cours de l’écoute des 11 titres, tantôt chantés tantôt instrumentaux, que comporte ce disque!
Malgré tout, nous pouvons ici qualifier la musique de «fusion progressive», quelque part entre le jazz-rock («Barrier», «Too Buzy», «Philly Etymology», «Of A Feather») et le rock progressif («Endless Day», «500 Miles», «Early Eclipse», etc.).
L’album présenté comme concept prend son inspiration dans la réflexion de ce que nous pouvons faire pour construire et chérir toutes les relations entre parent et enfant, quelles que soient les circonstances, bonnes ou mauvaises, mais où à chaque moment nous devrions nous soutenir et améliorer la vie de chacun.
Comme le précise le leader Bill Jenkins, les chansons «Always Be There» et «Early Eclipse» véhiculent le message principal de l'album.
Au niveau musical, les interventions au violon («Barrier», «Soul Tuck», «Endless Days», etc.) et trompette («Philly Etymology») sont comme autant de papillons virevoltant autour d’un lilas en fleurs, venant soutenir et compléter les envolées de piano, les riffs véloces de guitare et le chant très volontaire. Les voix féminines apportent la touche finale sur deux titres («Barrier», «Early Eclipse»).
«Always Be There» se révèle un excellent album de fusion de jazz-rock/prog. Les musiciens sont des solistes virtuoses au service de l’ensemble. À noter la présence d’un inconnu au micro, à moins que ce ne soit un nom d’emprunt (Friel). Mais je n’ai pas reconnu la voix. N’hésitez pas à nous communiquer ce que vous en pensez ou ce que vous en savez…
Pour les amoureux de Yes, Mystery, Enchant et Uzeb, Sixun, Spyro Gyra…
Si vous ne deviez n’en écouter qu’un, ce doit être «Endless Days».
Publius Gallia
https://vastconduit.bandcamp.com/releases
07/07/2022
Kornmo
Svartisen
rock progressif symphonique instrumental – 65:43 – Norvège ‘22
Partenaires musicaux depuis cinquante ans, Kornmo (Kornmo-A Norwegian symphonic progproject) est formé par Odd-Roar Bakken et Nils Larsen, deux ex de Morild. Nils a une jazz bass et plein d'idées et Odd-Roar des guitares, des claviers et un studio. Le fils de Nils, Anton, complétant le line-up à la batterie et à la technique. 3 albums depuis 2017. Le label Apollon ressort ici leur 1er album, totalement instrumental, un concept daté de 2017.
Tout au long des 11 pièces, le trio nous sert un prog symphonique, avec de belles mélodies plutôt typées clavier; chaque thème est parfaitement mis en valeur et exploité. C'est totalement contrôlé, presque trop. J'y éprouve un sentiment de perfection et un manque de folie, comme pour certains albums de Camel, de Kitaro ou de Vangelis (RIP), qui me laisse parfois un peu en dehors. C'est le cas ici.
Même «Fallvind» et ses 10 minutes, ses belles alternances entre 12 cordes bucoliques et accords rock puissants, son solo mélodieux rattrapé par des claviers cameliens ne parviennent pas à m'enthousiasmer totalement. «Snøtind» magnifique mélodie slow, un superbe solo en chorus, un break tout en douceur. Trop lisse? Tous les morceaux sont bons, très bons parfois, mais aucun ne me voit sauter au plafond, même «Nordlys» et «Haredans» plus nerveux. Car il n'y a rien à reprocher à cet album très agréable pour qui, comme moi, apprécie le «vintage». Mais cette perfection qui n'émeut pas tant que cela me laisse un peu désappointé (d'autant que chez Prog censor nous sommes bénévoles), car la beauté d'une œuvre est aussi dans l'âme du spectateur... «Svartisen» signifie glace noire, mais non, ça doit être moi: allez vite l'écouter et arrêtez-moi avant la chronique de trop!
Cicero 3.14
https://kornmo1.bandcamp.com/
08/07/2022
Périsélène
Chiral
space rock / expérimental – 70:29 – France ‘22
Périsélène est un nouveau groupe français. Le Larousse me dit ceci: «Point de l'orbite d'un corps céleste où la distance de ce corps à la Lune est minimale». Que voici tout un programme à n’en pas douter. D’autre part, en chimie, un composé est dit chiral s'il n'est pas superposable à son image dans un miroir plan.
Comment qualifier leur musique? Je crois que l’étiquette «space rock expérimental» serait appropriée. Une autre particularité est la présence de deux basses. Toutes les chansons se déclinent en français. La plupart des titres sont longs, mélangeant allégrement les ambiances quasi aériennes et des décharges d’adrénaline plus terre à terre.
Une introduction bruitiste, «Larihc», nous ouvre la porte de leur univers pour se prolonger naturellement par la plage titulaire, sorte de lente mélopée spatiale. Plus loin, «Myosis» se fait plus introspectif, lent et majestueux. Mais des décharges d’adrénaline sont toujours possibles, comme sur «Albine».
Portez donc une oreille attentive sur cette production, vous ne pourrez qu’être surpris et charmé.
Tibère
https://periselene.bandcamp.com/album/chiral
09/07/2022
Ashinoa
L'Orée
krautrock – 39:08 – France ‘22
La propreté du son (instruments et techniques de captation ont évolué depuis les années 70), le rythme (pas encore annonciateur de Deutsch-Amerikanische Freundschaft, mais pas loin, le flirt disco en moins) m’évoquent Harmonia (Hans-Joachim Roedelius, Dieter Moebius et Michael Rother) dès «Vermillion», la première ambiance du disque – le troisième du groupe lyonnais Ashinoa (un nom tiré d’une prière qui aide les morts à trouver leur voie vers Bouddha) –, né dans une maison en pleine nature, portes et fenêtres béantes sur les odeurs des pins, où entrent et sortent les amis musiciens venus apposer leur patte sur une structure musicale suffisamment souple pour intégrer des idées imprévues – la production bénéficie elle aussi de quelques originalités, comme le final de «Fuel of Sweet» ou l‘utilisation (pourtant tonitruante) de l’écho dans «Unknown to Myself». Le groupe travaille cette fois les orchestrations en profondeur, poussant, avec habileté, synthétiseurs et percussions (les deux mamelles de la trance) à mêler hypnose krautrock («Koalibi») et groove trip hop («Bade BaidebSz»), avec de courtes incursions, psychédélique («Space Cow») ou expérimentale («Outro»).
Auguste
https://ashinoa.bandcamp.com/album/lor-e
10/07/2022
Strange Horizon
Beyond the Strange Horizon
heavy metal/doom – 46:02 – Norvège ‘22
Je vais être très franc: ce n’est pas l’une des meilleures friandises que j’ai eu à chroniquer. Loin s’en faut. Le son de guitare, graisseuse et ronflante, me rappelle ma première guitare électrique. Un gros son sans nuance et sans relief, même dans ses solos par ailleurs très anecdotiques. Bon, il est vrai, c’est du heavy metal (?) vintage qui rappelle tant soit peu Black Sabbath et qui plaira à une certaine frange d’aficionados à la condition d’être justement «inconditionnel». La batterie est présente comme accompagnement rythmique mais pas de subtilités à en attendre non plus. Donc, ça dépote avec, en sus, un petit côté doom metal dont raffolent les artistes nordiques. Le chant est des plus approximatifs et parfois même tremblotant. On dirait que le chanteur est mal à l’aise derrière son micro ou qu’il a un trac fou. Sa voix, comme le reste, est monocorde et manque aussi et de puissance et de relief. Au final, j’ai eu l’impression d’écouter le même morceau pendant toute la durée de l’album. «Turning the Corner», plus calme, a un côté atmosphérique (mais le terme est exagéré) avec quelques notes de gratte pas trop bien assurées non plus. «Death in Ice Valley» est la plage que je tiendrai comme exception pour son punch et son énergie jubilatoire. C’est aussi la plage la plus longue avec ses 9 minutes 15 au compteur. Dans l’ensemble, un album plutôt brouillon mais surtout d’une ennuyeuse linéarité qui m’a donc fortement déçu, on l’aura compris. J’ai du mal avec la cotation…
Clavius Reticulus
https://strangehorizon.bandcamp.com/album/beyond-the-strange-horizon
11/07/2022
Hats Off Gentlemen It's Adequate
The Confidence Trick
crossover cinematic prog – 68:08 – UK ‘22
Hats Off Gentlemen It's Adequate sort son 6e album, véhicule musical créatif avec Malcolm Galloway (ancien Doctor) et Mark Gatland, aidé par sa femme, Kathryn Thomas, à la flûte. HOGIA porte des influences diverses sur le rock progressiste, classique, électronique, d’où des réminiscences des Pink Floyd, Marillion et groupes cinématiques à la mode actuellement. Textes sur les erreurs humaines et leurs confiances exacerbées peintes en paraboles, avec 5 instrumentaux pour de l’art rock sans concession.
Au niveau morceaux, mélange de sons mélodiques avec guitares synthétisées, la batterie de Mark métronomique manquant de chaleur; la flûte de Kathryn et la voix rocailleuse de Malcolm donnent un ton singulier innovant. «End of the Line» me fait penser aux rêveries de Steve des Marillion; moment où le futile rencontre l’hypnose musicale. «Perky Pat» entêtant avec un instro électronique et progressif et le crescendo majestueux. «Pretending to Breathe» autre instrumental mélodique, atmosphérique et dubitatif, le passage ambiant ramenant sur un Schulze sombre puis sur celui des Tangerine Dream porteurs d’espoir.
«Another Plague» floydien préparant «Refuge» pour la pièce symphonique cinématique, mélange de douceur et drame musical doublé d’un beau solo pour l’hommage à sa grand-mère. «The Confidence Trick» guitare bluesy à la Gilmour, synthé à la Wright pour une rêverie bucolique. Notons «Lava Lamprey» jazzy, tournoyant avec ce synthé sinueux et «All Empires Fall» sur une critique acerbe des dictateurs, avec une slide guitare veloutée. Enfin «Cygnus» hymne au personnel de santé vis-à-vis de la pandémie.
Hats Off Gentlemen It's Adequate a sorti un album varié de musique alternative progressive contemporaine, album étonnant mélangeant sons électroniques et des passages classiques émouvants, gage de spleen et autre introspection. Attention de ne pas passer à côté de ce groupe à part qui donne un message philosophique sur le monde dans lequel nous vivons.
Brutus
https://hatsoffgentlemen.bandcamp.com/album/the-confidence-trick
https://www.youtube.com/watch?v=3z5ytUzqJrE
12/07/2022
Il sogno di Rubik
Stati Equivoci dell ‘Essere
RPI – 35:55 – Italie ‘22
Je découvre ce duo avec leur 2nd album; comparses depuis 20 ans, le chanteur Cosimo D'Elia et le multi-instrumentiste Francesco Festinante ont déjà fait un premier album en 2020 qui, je le regrette, est passé sous mon radar pourtant très orienté vers l'Italie.
Les premières impressions du morceau titre qui ouvre l'album sur près de 10 minutes, sont excellentes, cela sent l’œuvre. Mais est-ce dû à la compression de la copie de promo? Dès l'arrivée de la voix, un effet désagréable et du pompage se produisent et me feront souci tout au long de l'album, dès que la voix de Cosimo monte en puissance. Dommage. Sinon, l'impression première se confirme bien: c'est mélodieux, sautillant, inventif, la palette des instruments utilisés (violon, violoncelle, trombone en plus des traditionnels claviers, guitare, basse, batterie) élargit les horizons offerts, le tout chanté en italien. Pas de doute c'est bien du RPI! La fin du morceau est plus inquiétante et la voix se fait déchirante. Réussite Pour Introduction.
«Animali Sintropici» démarre sur les chapeaux de roues et la belle basse du guest Richard Sinclair fait des merveilles (né à Canterbury, parti depuis longtemps en Camel poser sa Caravan dans la péninsule, d’où ses nombreuses participations au rock transalpin récent). Ce morceau est un bijou de basse. Rick Parfaitement Intégré.
«Frattali et Santi» très accrocheur et ramassé. Radios Potentiellement Intéressées.
«Chanson balladée», instrumental, se présente comme une musique traditionnelle qui révèle habilement sa face «métal» dans un déferlement de guitares saturées. Ritournelle Prog Inattendue.
«Jerofante»: 10 minutes, une intro classique au piano en légère discordance, où lentement la tension se noue par un tempo lent dont l'accélération infernale oppresse comme sur les plus beaux Goblin. Réelle Pulsation Inquiétante.
Le tout faisant un album Rock Parfaitement Imaginatif, à découvrir.
Cicero 3.14
13/07/2022
Arlekin
The Secret Garden
néo-prog classique (si, si) – 42:01 – Ukraine ‘21
«The Secret Garden» est un 2e album. Le premier, «Disguise Serenades», était sorti en 2014.
Attention! Référence appuyée à Marillion époque «Script For A Jester's Tear» donc, bien évidemment, à Genesis et aussi, dans une moindre mesure, à IQ époque «The Wake», Pendragon époque «The Jewel» et Collage époque «Moonshine». La voix contribue fortement à souligner ces références.
Arlekin est un projet «one-man band» d’Igor Sydorenko, habitant de Kiev… que chacun situe désormais correctement sur une carte!
Puisqu’on est en plein dans l’actualité, je ne peux qu’évoquer le premier titre de l’album, «Old Mother Europe», dont Igor disait le 5 mai que c'était la chanson dont il est le plus fier. Épopée de 13 minutes dont il aimerait qu’elle laisse une trace…
Ce qui le choque aujourd’hui, c'est la façon dont ses paroles, principalement écrites en 2004 (Il avait 17 ans), reflètent parfaitement la situation actuelle: la corruption, l'apathie et la réaction globalement flasque que les Ukrainiens ont vues de la part de presque tous les politiciens européens… Alors que les gens ordinaires se sont beaucoup mobilisés.
C’est un néo-prog solide, plutôt rock et sans fioriture ni grandes envolées. Sur ce disque, Igor est rejoint par Yuri Komonov, batteur de son état.
Dans un ou deux titres, on pourra entendre un piano («Night of Two Knights», «In Possession of The Moon») et une flûte («In Possession of The Moon»).
J’ai une petite préférence pour les trois derniers des six titres. Et je décernerai une mention spéciale à «It Wouldn’t Last», plus pop et qui a «un je ne sais quoi» de Cure…
Il semble qu’Igor Sydorenko se révèle véritablement sur les scènes devant lesquelles les fans sont nombreux. Le mieux est donc d’aller le voir à Kiev.
En attendant, profitez-en pour découvrir «I’m The Montain» de Stoned Jesus, groupe qu’il a fondé en 2009 et qui jouit d’une belle réputation dans ses terres…
Publius Gallia
https://arlekin.bandcamp.com/album/the-secret-garden
14/07/2022
Harpo Jarvi
Abuelo Blanc
progressive rock – 43:01 – USA ‘21
Groupe expérimental de St. Louis (Missouri), formé en 2017, 2 albums: «Toe Zone» en 2019 et donc «Abuelo Blanc» l’an dernier. Dan Ilges (batterie), Nick Johnson (basse, guitare, synthés), Jim Miles (chant, Fender Rhodes, Hammond B3, synthés, sax alto, flûte), Dan Johnson (sax tenor et bariton). «Forest Mom Part 1». Un morceau d’introduction bien planant avec d’inquiétants murmures, un feeling jazz et une basse bien en évidence, et ça s’énerve presque en mode zeuhl à la Weidorje, pour virer plus précisément au rock progressif. Très Canterbury aussi. C’est la voix qui m’y fait penser et la délicatesse de la musique. Les claviers y sont pour beaucoup. Un final énergique. «Funk Hell». L’enfer promis est bien funky en effet avec une bonne louche de jazz rock. Une voix flippante pour bien servir le propos musical. À nouveau une ambiance à la National Health et enfin un passage plus agressif (grosse guitare). Très bon jazz rock qui fait penser à One Shot. «Aspartame as part a’ Me». Fort heureusement il n’y en a pas dans ce morceau, au contraire du sucre à hautes doses dans une grande partie des productions musicales. J’embarque sans peine dans cette piste bien trippante. Un bon instrumental très jazz qui évolue vers du Eloy mâtiné de Genesis. Très chouette. Je pense aussi à Deluge Grander. «Hellgrammite». À nouveau intro tout en douceur, mais les choses se compliquent dans le bon sens avec une tournure jazz métal et un chant possédé. Batterie plus présente. Puis je reprends mon souffle, pas persuadé de pouvoir me poser et j’avais raison. C’est heavy et dissonant et c’est très bien comme ça. Une saine folie, une musique massive qui vous envahit. Un bon disque tout simplement. «Good night Margaret». Une bonne nuit mais sans berceuse pour Margaret. Une conclusion jazz-rock et des sonorités qui me font presque penser à Goblin. Ce serait en effet une bonne bande son pour un giallo. Une basse omniprésente. D’excellents musiciens au service d’une musique exigeante et changeante.
Fatalis Imperator
https://harpojarvi.bandcamp.com/album/abuelo-blanc
15/07/2022
ATHAK
ATHAK XI - Dihmin Ïszhe
zeuhl – 33:56 – France/Hong Kong ‘22
C’est en 2008 que le projet d’avant-garde Athak voit le jour. Le patronyme est évidemment un hommage à l’album de 1978, «Attahk», du groupe Magma. Il va sans dire que le jeu du bassiste Jannick Top est une énorme influence pour le créateur de cette entité, Scarset Vincent vivant actuellement à Hong Kong. Seulement deux titres constituent la charpente de cette plaque qui, comme vous vous en doutez, est la onzième sortie discographique du bonhomme. Alors qu’il faisait appel, pour ses anciennes productions, à d’autres artistes, Athak XI est l’œuvre complètement assumée et unique de Scarset.
Les influences revendiquées par ce personnage sont, outre Magma et ses enfants directs, King Crimson, Soft Machine, Mekong Delta ou Frank Zappa.
Il semble en revanche difficile, pour ne pas dire impossible, de déceler les attractions que notre intéressé déclare avoir avec le métal extrême avec des groupes comme Deicide, Immortal, Emperor, Cannibal Corpse ou Dimmu Borgir.
Si l’univers du zeuhl exerce sur vous une attirance implacable, vous ne pourrez qu’adorer Athak!
Tibère
https://athak.bandcamp.com/album/athak-xi-dihmin-szhe
https://www.youtube.com/channel/UCNo8Ua1RLfXjN5LI6mjKVOw/featured
16/07/2022
Aspic Boulevard
Memory Recall of a Replicant
dream électro - Old-fashioned Collage – 41:36 – Italie ‘22
Difficile de trouver chaussure à ses orteils, même si ce n’est qu’une «question de volonté» vous dirait l’existentialiste à la Merleau-Pronti! Sauf si l’on parle de pantoufles. La paire confortable, celle que l’on retrouve invariablement chaque soir, qui pousse son masochiste respect jusqu’à attendre vos pieds, immobile, sur le paillasson rugueux et sale de l’entrée.
Qu’est-ce qui ressemble davantage à ce moelleux nuage, ce magnifique pageot pour panards, ce plaisir meringué de fin d’journée, sinon un générique seventies-eighties acidulé de synthés étranges? Assurément, aussi, un des titres de ce «Memory Recall of a Replicant Dream» (K-Dickien au possible cet intitulé) du duo italien qui nous occupe.
En un élan gracieux, l’on passe de la brasserie Early Bird à une dégustation de tisane façon L’aventure des plantes. Puis Shaft se prend une mandale avec la déflagration électronique d’un phaser type Capitaine Flam, le tout dans un bouillon analogique Dusty mais très «naturel» et plutôt agréable à écouter. Aspic Boulevard: c’est fun! Quel pied! D’ailleurs, arrivé à la 9e piste, je retrouve presque logiquement cette délicieuse désuétude French-Touch qui fit le succès de groupes comme AIR, à la fin du siècle dernier. Quant aux deux morceaux concluant cet album, ils prennent des allures rock puis s’aventurent même en de progressives voies, sans se détacher du reste. Une belle cohérence quoi!
Traîner le talon sur le carrelage neuf d’une maison que l’on pensait connaître par coeur; la charentaise sicilienne a fait son effet et il me semble qu’à l’instar d’une germaine Carpet elle fera partie des doudous plantaires qui berceront souvent mes nuits à venir.
Néron
17/07/2022
Sylvaine
Nova
post-rock / black metal atmosphérique – 43:50 – Norvège ‘22
Sylvaine, c’est le nom d’artiste de Kathrine Shepard, multi-instrumentiste qui a composé et écrit des textes en langue inventée (sauf «Fortapt», chanté en norvégien, tantôt en voix rageuse, tantôt en voix claire) sur son quatrième album. Elle participe aux voix, guitares, basse, synthés et arrangements, mais se fait toutefois accompagner de Dorian Mansiaux à la batterie et, sur le titre «Everything Must Come To An End», de Lambert Segura aux violons et de Patrick Urban aux violoncelles, où il ne règne uniquement que la douceur du chant et les cordes apaisantes de ces deux musiciens. Nova n’a pas été facile à réaliser, comme l’explique (en français) Sylvaine sur son Facebook: «C'est un album où j'ai vraiment laissé chaque pièce de mon âme capturée à l'intérieur de ses chansons et mélodies, après avoir traversé certains des moments les plus difficiles de ma vie… Ça marque une mort. Ça marque une renaissance.» (d’où sans doute sa position fœtale sur la pochette). Au départ de cet album avec «Nova», rien ne laisse à supposer le style musical: voix angélique, quasi a cappella, avec juste quelques sons à l’arrière, à peine audibles, puis soudain (comme l’étoile Nova, qui devient très brillante de manière extrêmement brutale), sur «Mono No Aware», on se réveille directement au son de la batterie et d’un chant black metal, mais nous avons affaire aussi ensuite à des passages post-rock et un chant plus calme. «Nowhere, Still Somewhere» est un post-rock classique mais avec un joli chant féminin qui donne un aspect enrichissant.
Voici un album comme je les aime: avec des titres aux styles musicaux variés, étiqueté aussi par un mot que je ne connais pas: «blackgaze» (https://bandcamp.com/tag/blackgaze?artist=2079284976), mais qui, en effet, pourrait lui convenir.
La Louve
https://sylvainemusic.bandcamp.com/album/nova
18/07/2022
Green Asphalt
Green Asphalt
rock progressif – 47:32 – Suède ‘22
Avec Green Asphalt, (Green Asphalt Music), Dan Bornemark, grand fan de Gentle Giant (il fouille les archives et édite deux coffrets de raretés du groupe), passe à l’acte: il compose et arrange les 7 chansons du disque, y tient la basse, les claviers et la guitare acoustique, assure la plupart des voix (sauf celles, féminines, qu’il recrute principalement dans sa famille) et s’entoure d’un batteur et d’un flûtiste-saxophoniste pour nourrir la musique dense, complexe, fouillée, ce progressif symphonique chantant qu’affectionnent les frères Schulman – dont il s’inspire bien sûr profondément. Cet axiome posé (les morceaux sont neufs, l’esthétique ne l’est pas – mais elle a bien d’autres qualités), il reste à se laisser aller dans une orchestration qui ose les pépiements d’oiseaux et le meuglement de vaches («She’s a Cow»), le concerto d’horloges, clin d’oreille au «Poème symphonique pour cent métronomes» de György Ligeti (l’ambitieux «Time in Your Face»), les voix divines («Walking Her Dog»), les ruptures rythmiques («Suit Yourself»), les dislocations de timbres («The Green Asphalt») et les façonnements mélodiques («‘Xcuse Me»): Bornemark s’est littéralement imprégné de son groupe fétiche, devant lequel il se présente, avec révérence et intelligence.
Auguste
https://greenasphalt.bandcamp.com/releases
https://www.youtube.com/watch?v=CiUtlBhlZ1c&list=PLJEmVGCh0nkePqNGG7zQidWcNiFVy-ex-
19/07/2022
Mirlitorrinco
Odas Mixtas para Criaturas Mínimas
rock de chambre – 30:10 – Colombie ‘22
Ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance de chroniquer un groupe colombien et plus précisément de Bogotá comme Mirlitorrinco. À tout hasard, ce sont les Lyonnais du label Dur et Doux qui se chargent de distribuer cette plaque intrigante. Le groupe, créé en 2017, est composé de Ricardo Arias (flûte, soprano sax), Mauricio Ramírez (percussion, drums), Nicolás Eckardt (guitare, banjo électrique, et María «Mange» Valencia (soprano & clarinette basse, alto sax). Dès l’introduction de «Mercurio», un certain charme opère: nos vaillants musiciens de Combo Belge ne sont jamais très loin. La suite, «El cordero es una especie de polo», se fait toujours aussi délectable. Attention cependant, la musique pratiquée ici se veut hybride avec des aspects expérimentaux. Le très court «Eclosión» s’en veut un autre exemple frappant. Soulignons également une approche très rock de chambre, comme dans «Las Mujeres» ou surtout «BBF».
Amateurs de musique facile et racoleuse, passez votre chemin: il vous faudrait trop de patience pour apprécier Odas Mixtas para Criaturas Mínimas!
Tibère
https://duretdoux.bandcamp.com/album/odas-mixtas-para-criaturas-m-nimas
20/07/2022
Soledad
XIII
rock progressif / classic-djent metal – 55:25 – France ‘22
Soledad est né à Metz (France) en 2016 du projet solo de Lola Damblant-Soler chanteuse, guitariste et compositrice qui a écouté Muse, Dream Theater, Leprous, Haken, A.C.T et Neal Morse ou Queen; 2e album autoproduit pour une musique harmonieuse singulière fournie en breaks musicaux, entre djent et romantisme, entre émotion et finesse pour une création intrigante.
«Hanging Over Me» avec Lola voix transgenre, sur un titre opéra pompeux, air enivrant avec les instrus incisifs sur ce titre mélanco-fruité. «Hex» avec Suzie des Archætype pour un djent électrisé; break andalou, nature, puis le maelström musical sur un Faith No More. «Migraine» rythme lourd avec des percus métalliques, le riff accrocheur sur un Marylin Manson; le solo d’Hassan d’Ange virevoltant, ébouriffant et un long crescendo portant ce titre progressif. «Fading Sight» au titre bucolique, crescendo symphonique et riff djent délicat, des violons qui pleurent renforcés par la voix suave. «Shelter I» mélodique sur un air de valse; Jeremy Bares distille ses notes slide pour un morceau baroque à la Queen. «Shelter II» grandiloquent et djent; solo tournoyant, Soledad se matérialise, entre Haken, A.C.T et Queen.
«XIII» éponyme; pas possible qu’un groupe français sorte du son aussi bien foutu, je commence à «fall in love»; break classique bluffant sur un «Swan Lake» idyllique avec piano et flûte puis son orchestre final; solo guitare à la May sublime. «The Spell» pour la mélodie piano plaintif classique avec envolée djent. «Remembrance» continue d’évoluer avec le titre le plus progressiste où la lumière sombre remplit les oreilles, Lola nous captant dans ses tourments musicaux, fusion métal djent. «Amnesia» batterie secondée par ce frappé caractéristique pour un air varié; mélodique, puissant, torturé, de l’émotion avec Lola plaintive; break violon, déclinaison piano et cello dantesque musien.
Soledad a sorti la baffe française de l’année; oui je choisis mes chroniques et mets de bonnes notes car tout cela n’est pas au hasard, loin de là; ceux qui me lisent commencent à comprendre... quand je dis que c’est bon c’est bon. Bon là c’est excellent et je suis content de vous l’écrire; Lola a fait aussi l’artwork, elle m’a bluffé.
Brutus
https://soledadproject.bandcamp.com/album/xiii
21/07/2022
Omesthesia
Fas To The Nefas
rock psychédélique / doom progressif andalou – 40:39 – Espagne ‘21
Jerez de la Frontera, ville espagnole située en Andalousie (pas très loin de Gibraltar), est connue pour ses vignes et sa production de Xérès (le célèbre Sherry anglais), ses élevages équins et le flamenco dont elle est une des capitales.
Le quatuor Omesthesia recueille toutes ces influences et les façonne en un flux sonore lancinant, qui se livre souvent à la forme instrumentale, ne laissant à la voix, de dimension plutôt incantatoire, que la mission d’alourdir l’ambiance déjà bien plombée par les mélodies.
En ce qui me concerne, je suis plutôt vin rouge, Bull Terrier et slow…
C’est pourquoi j’ai bien des difficultés à apprécier les 9 titres de ce que d’autres reconnaîtront comme un superbe doom teinté d’ambiance (arabisante) sombre et à prédominance psychédélique. C’est lourd. C’est angoissant. C’est saturé. Déprimant comme un soir d’automne pluvieux. Cela aurait pu s’intituler «No Mercy»! Genre: un esclave, peut être pour avoir volé du cuivre, se retrouve seul dans la prison du Roi fou. L’esclave se repent avant son jugement mais finira toutefois pendu…
Quelques douceurs sont distillées par les interventions d’Ana Hortas au piano et nous permettent ainsi de bénéficier d’intermèdes mélancoliques («The Slave», «Repentance»).
Dans un style vocal mélangeant le chant et le récitatif, les paroles sont écrites et chantées par le guitariste Alejandro Rejón Mata ainsi que par Manu Guitarte (basse). Le batteur Alex Copero, très présent et très actif, complète la section rythmique du groupe.
Si la présentation que je viens de vous faire vous paraît exagérée, penchez-vous sur le travail de Jose Antonio Hinojosa Castro qui a contribué aux illustrations de l'album. Il a su refléter l’état d’esprit de l’album.
Ma conclusion: il n’est pas impossible que «Fas To The Nefas» s'avère être un exceptionnel premier album et que je sois «passé à côté», n’ayant rien compris à l’univers du groupe.
Publius Gallia
https://omesthesia.bandcamp.com/album/fas-to-the-nefas
22/07/2022
Pymlico
Supermassive
rock progressif / jazz-rock – 46:11 – Norvège ‘22
8e album en 13 ans pour Pymlico qui est à l'origine le projet d'un seul homme: Arild Brøter qui jouait de la batterie et des claviers. Lors du 1er album, il était seul crédité avec une vingtaine de guests; depuis, le groupe s'est étoffé en septet avec Øyvind Brøter, son brother (clavier), Stephan Hvinden et Andreas S Engen (guitares), Are Nerland (bass), Robin H Løvøy (sax) et Oda Rydning (percussion). Mais il y a encore 6 guests dont Roine Stolt (Flowers King) et Ole M Bjørndal (Airbag dont le 1er album solo «Caligonaute» est un chef-d'œuvre).
En 8 instrumentaux de 5 à 6,5 minutes, ils nous offrent un panel de musiques: jazz/prog rock flamboyant et euphorisant avec «Breaking Protocol» où le sax et la guitare de Ole se répondent gaiement, Ole ayant le dernier mot pour un solo floydien nuancé terminé en fade out. «Confusion» poursuit avec la même verve, le solo en moins, mais riff commun sax et guitare de toute efficacité, avant qu'un break à mi-chemin ne ramène l'ombre du Floyd pour une fin somptueuse sur le thème.
«Clockwork»: dans un registre plus soft jazz rock avec son sax d'incantation en opposition avec un combo guitare/clavier en accords puissants, et synthés vocaux pour magnifier le tout.
«Are we there yet»: une guitare puis un sax pour une mélodie torride, toujours après un break une montée enthousiasmante. «Time out»: trompette bouchée puis cuivres jazzy sur un tempo lent invitent à prendre son (bon) temps, avant qu'une guitare incisive et des cuivres accompagnent le songe. «Little Nelli»: un peu funky, un Rhodes éthéré, des percussions afro; voilà qui sort de la recette des 7 autres pièces. «Dopplemayr» y revient avec Rhodes sautillant, des guitares nerveuses et toujours le sax solo. «WTG»: rutilant comme «Are we there yet» pour une fin qui fait soupirer de contentement, car ce Pymlico c'est 45 minutes de feel good music, du bonheur dans les oreilles: tout ce qu'il faut à chacun en ces moments.
Ne les ratez pas en concert au festival Crescendo, le 19 août prochain, à Saint-Palais-sur-Mer (17).
Cicero 3.14
https://pymlicomusic.bandcamp.com/album/supermassive-2
https://www.youtube.com/watch?v=bM9QxUN7a6o&list=PLJdP6kZNQvK0K_SowyUSVsMcNBjcQp8xk&index=2
23/07/2022
Erik Baron - D-zakord
58’
progressif / avant-garde – 58:00 – France ‘21
Le 28 avril 2020, je parlais du précédent opus du D-ZAKoRD d’Erik Baron, «73». Bon, ici, c’est «58», ne cherchez pas: c’est la durée du disque tout simplement! Une manière d’appeler son album on ne peut plus minimaliste, tout comme la musique du Bordelais, bassiste de formation et tenant d’une école musicale qui ne rameute pas les foules, il faut être sincère. Déjà, le voyage, car c’est sincèrement de ça que l’on parle ici, se fait avec le concours de cinq bassistes et sept guitaristes; formation des plus singulières, il ne faut pas s’en cacher. La musique d’Erik Baron peut-elle être encore qualifiée de musique au sens communément admis par les masses populaires? Je n’hésite pas à dire non! Basée sur de très longs étirements à la limite parfois du supportable pour qui n’est pas prévenu. Il faut être préparé psychologiquement pour s’imprégner de ces lancinantes vibrations qui ne semblent jamais en finir. D-ZAKoRD joue avec les nerfs et il peut se passer quasiment 58 minutes sans que rien ne vienne dévier d’un iota la destination où la formation veut nous amener. D’ailleurs, c’est plutôt un voyage sur place, une sorte de spirale infernale dont ne voit pas le bout et pour cause, c’est à cela que veut nous amener Erik Baron. J’aimerais beaucoup voir le compositeur en action, dans son Atelier des Marches au Bouscat, cela doit être fascinant! À l’image de «73», «58» est emballé dans un artwork raccord avec l’écoute. Toujours un arbre, solitaire, dénudé, sur une steppe désolée sous un ciel blanc laiteux qui sent la neige, une photo qui ne respire pas la joie de vivre. Si je comprends bien, «58» a été joué en public à Mérignac en mars 2010 et précède donc dans le temps l’album «73», comme j’en parlais déjà il y a deux ans. Voici donc la version «studio» de cette œuvre intense, glaciale, rébarbative pour certains. Erik Baron se présente lui-même sur son site internet comme un compositeur bassiste électronique cordophoniste. Depuis 2000, il dirige donc cet ensemble, D-ZAKoRD, qui n’est qu’une de ses activités. Musique concrète, à la limite de l’écoutable pour qui n’écoute que la radio; Erik Baron mériterait d’être chroniqué dans Diapason, le célèbre magazine français de musique classique sans œillères. Je considère ces œuvres comme des explorations sonores vers lesquelles il ne faut pas s’aventurer armé de certitudes. Un compositeur français à part comme il en existe finalement quelques-uns dans le pays. D’ailleurs, donner une note à cet album me semble dérisoire…
Commode
https://erikbaron.bandcamp.com/album/58
24/07/2022
Empire Springs
The Luminescence
métal progressif – 48:11 – USA ‘22
Je dois l’avouer d’emblée: j’ai un problème avec le prog métal. Le problème n’est pas que je n’aime pas le genre en soi, certainement pas. Mais, personnellement, je trouve que le genre a du mal à se renouveler. Convenons que Rush en est peu ou prou l’inventeur et que Queensrÿche a codifié le genre.
Mais le totem incontournable, en ce qui me concerne, sort en 1992 et c’est «Images and Words» de Dream Theater. À l’époque, une telle fusion n’avait jamais été sublimée à ce point. Et depuis, j’ai beaucoup de mal à trouver un groupe de prog métal parvenant à vraiment se démarquer, à l’exception peut-être de Magellan, le projet des frères Gartner aujourd’hui malheureusement disparus. Cette longue intro vous permet donc de comprendre mon état d’esprit au moment d’aborder cet album.
Empire Springs est un jeune groupe formé en 2015 en Alabama. Il sort ici ce qui semble être son premier album après quelques EP visiblement bien reçus. Cet album se présente avec un emballage avenant et, d’emblée, la production accroche l’oreille. Le son est profond et chatoyant, parfaitement en phase avec le style proposé. Les compositions sont très bien torchées et le chant retient l’attention, car il se démarque des hurleurs que l’on peut retrouver trop souvent dans le métal. Il pose son chant clair et chaleureux sur une musique dense et bien construite.
Le morceau «This Place» se démarque de suite de par son groove et sa basse ronflante sur laquelle perlent des notes de guitare et de claviers. La plage titulaire montre également l’étendue du talent de ces jeunes gaillards en alternant les climats et les riffs accrocheurs. L’album se conclut par le très beau «Protector» qui ravira les fans de belles ambiances.
Cela étant, au-delà de ses indéniables qualités, cet album n’est pas d’une originalité confondante et le risque qu’il peine à se démarquer dans un segment de marché déjà très occupé n’est pas absent. «The Luminescence» est donc tout à fait recommandable pour les amateurs du genre. Les autres viendront (ou pas) et se feront leur propre opinion.
En conclusion, une découverte sympa pour moi mais certainement pas l’album de l’année.
Amelius
https://empiresprings.bandcamp.com/album/the-luminescence
25/07/2022
Porcupine Tree
Closure / Continuation
rock progressif – 65:48 – UK ‘22
C’est peu dire que cet album était autant inespéré qu’attendu! D’emblée, on ne peut aborder cette sortie sans la resituer dans son contexte. Formé en 1987, PT a sorti entre 1992 et 2009 10 albums qui ont changé la face du prog à cette fameuse charnière entre la fin des 90ies et le début des années 2000. Le groupe a imposé un style unique, forme de croisement entre Pink Floyd et Radiohead, selon les propres dires de Steven Wilson.
Une fois la tournée de «The Incident» terminée, le groupe est entré dans une léthargie pour une durée indéterminée laissant Wilson entamer une carrière solo émaillée de cinq albums en dix ans, sans compter les innombrables travaux de production et de remix auxquels il s’est adonné. Les fans devaient se rendre à l’évidence, Porcupine Tree avait vécu. Wilson lui-même a, à plusieurs reprises, laissé peu de doutes quant au fait que le groupe était un chapitre de sa carrière définitivement clos, au grand dam des nombreux fans du groupe.
C’est bien connu, la rareté crée l’envie: non seulement la musique de PT (et dans une moindre mesure de Wilson en solo) a influencé des brouettes d’autres artistes, mais cette absence a créé une forme de culte autour du groupe qui n’a peut-être pas eu l’audience qu’il aurait méritée.
Et puis, patatras: le 1er novembre dernier débarque sur le canal YouTube le riff rageur de basse de «Harridan» annonçant d’emblée un nouvel album à paraître au mois de juin.
Première constatation: le titre intrigue. Impossible de savoir si cet album est à considérer comme une conclusion définitive de l’histoire («Closure») ou si, au contraire, il s’agit d’un nouveau départ sur une durée plus longue («Continuation»). Et visiblement, les membres du groupe n’ont pas la réponse à cette question et laissent toutes les options ouvertes.
Seconde constatation: le groupe est réduit à un trio. Colin Edwin n’est en effet plus de la partie. Dans une interview au site Ultimate Guitar, Wilson explique que, pendant le hiatus, Edwin n’a pas donné de signes de vie. De plus, les morceaux ont été entamés par des jams entre Gavin Harrison et Wilson à la basse et non à la guitare. Il explique encore que la force créatrice du groupe, ce sont ses compositions, les polyrythmies de Harrison et les ambiances sonores de Richard Barbieri.
Je ne suis pas un grand spécialiste de la discographie du groupe mais cet album est tout ce que l’on peut attendre d’un album de Porcupine Tree. On y retrouve effectivement ces combinaisons de compositions aux mélodies soignées soutenues par des rythmiques improbables et saupoudrées de sons parfois dissonants à nuls autres pareils. Gavin Harrison est au sommet de son art et produit des lignes de batterie à donner le tournis. Mais ce qui frappe par-dessus tout, c’est de constater à quel point la voix de Steven Wilson est une partie fondamentale du son de PT. Ce n’est certes pas un grand chanteur mais tout est parfaitement juste et maîtrisé et son grain est (un peu comme Steve Hogarth dans Marillion) vraiment la marque distinctive, aux antipodes des voix maintes fois entendues dans le prog.
En poisson pilote, «Harridan» donnait le ton avec un morceau dur et agressif. Dès le deuxième morceau, «Of the new day», on retrouve les ambiances typiques du groupe, avec cette fausse simplicité qui finit par retourner l’auditeur au milieu du morceau. «Rats return» vous remet une bonne claque avant d’arriver sur la première perle de l’album avec «Dignity». «Herd culling» vous secoue comme une crêpe, «Walk the plank» intrigue, «Chimera’s wreck» est certainement ce qui rappelle le plus les anciens albums; l’instrumental «Population Three» offre une super transition avant «Never have» qui est pour moi le meilleur morceau avec sa mélodie imparable. L’album se conclut avec un «Love in the past tense» renvoyant également aux anciens albums.
En conclusion, Porcupine Tree fait bien mieux que de ne pas décevoir en livrant un album conforme à son histoire mais fourmillant de nouveautés et d’ambiances intrigantes et surprenantes. Si le groupe a maintes fois été imité, il démontre que rien ne remplace l’original.
Foncez!
Amelius
26/07/2022
Major Parkinson
A Night at the Library
rock progressif – 60:01 – Norvége ‘22
J’avais déjà craqué pour la musique sombre et mélancolique des Norvégiens de Major Parkinson à la sortie de leurs deux précédents albums, en particulier le dernier en date, à savoir «Blackbox» sorti en 2017, qui présentait déjà une singularité artistique excessive, bousculant les conforts et les habitudes.
Pour cet opus, «A Night at the Library», le groupe a investi la bibliothèque publique de Bergen avec comme objectif de revisiter leur répertoire, de réduire certains de leurs titres récents à leur forme la plus basique. Ce qui reste est un Parkinson majeur comme nous l’avons rarement écouté, sans artifice, développant ici un prog de chambre intense.
Sur ce «live» version covid (enregistré en mai 2020), le côté sombre, cinématique à la «Tim Burton» est développé à souhait. Je pense aux meilleurs moments de Nick Cave; musicalement les compositions sont mieux maîtrisées que dans leurs œuvres studio, l’élégance des morceaux est évidente car dépourvue de tout artifice, ce qui rehausse l’aspect théâtral de Parkinson d’autant que la voix de Jon Ivar Kollbotn, proche de Cave voire Leonard Cohen, donne une approche brute et sombre aux compositions du groupe.
Pour cette «nuit», le band nous propose une sélection de titres extraits des deux derniers albums, c'est-à-dire «Blackbox» et «Twilight Cinema», dont les textes sombres et macabres se prêtent mieux à cette prestation nocturne et intime.
Cet album est une pure merveille. Je vous conseille son écoute, son achat, et j'invite ceux qui ne les connaissent pas à découvrir la musique de ce groupe génial. Qui a dit que le prog était mort?
Tiro
https://majorparkinson.bandcamp.com/album/a-night-at-the-library
27/07/2022
Stuckfish
Days Of Innocence
rock progressif mélodique – 57:36 – UK ‘22
Vous prenez deux musiciens du nord de l’Albion, Philip Stuckey (chant) et Adrian Fischer (guitare). Vous mélangez bien et cela donne Stuckfish!
Le groupe existe depuis 2017 et il présente son troisième album «Days of Innocence». Les précédents sont «Calling» sorti en mars 2018, puis «The Watcher» en mars 2019.
Pour cet album, l’équipe a été renouvelée. La section rythmique est tenue par deux nouveaux arrivants, Phil Morey à la basse et Adam Ayers à la batterie qui assurent un travail de qualité et une solide présence permettant à chacun de s’exprimer en confiance. Gary Holland aux claviers complète la formation. L’apport de ces nouveaux membres ne se limite pas à l’interprétation des morceaux, chacun ayant eu la possibilité de s’exprimer au niveau de la composition. La richesse mélodique est bien présente.
Ce qui interpelle tout de suite, c’est la voix qui fait immédiatement penser à Styx («Thief in the Night»)… Ah, Dennis DeYoung et son «Babe»! Mais les clins d’œil sont nombreux. D’abord aux Canadiens de Rush («Age Of Renewal»), puis à l’Écossais Alex Harvey («Painted Smile»), ensuite aux Britanniques Pink Floyd («Yearn») et Judas Priest («Nevermore»).
Ces quelques indications vous informent sur les accointances musicales, plutôt patriotiques, de nos amis.
L'atout principal de la formation, en plus de la recherche mélodique, c'est avant tout Phil Stuckey, remarquable vocaliste, mais ce serait faire injure aux autres membres que de ne pas souligner la qualité de leur travail.
Sur les huit titres que contient l’album, trois pièces sortent du lot, la pièce titre «Days of Innocence», portée par le phrasé vocal remarquable, puissant et mélodique de Phil Stuckey, puis «Thief in the Night» pour ses notes cristallines de guitare, soutenues par la basse, sur les nappes de synthétiseurs.
Et s’il ne fallait en garder qu’un, ce serait le superbe et conclusif «Different Ways» avec un crescendo digne des meilleures œuvres symphoniques progressives.
Publius Gallia
https://stuckfish.bandcamp.com/
28/07/2022
Giant Sky
Giant Sky
pop prog électro – 48:42 – Norvège ‘21
Sous quelle étoile suis-je né? Ce n'est pas ce que je me demande à l'entrée de cette chronique, même si l'intro de ce 1er album de Giant Sky possède une tonalité proche du titre de Polnareff... au moins pendant 10 secondes...
Sautez écouter les liens en fin de chronique... car ensuite l’envoûtement commence avec des voix enchanteresses féminines qui viennent nous caresser les oreilles. Les 12 minutes de l'epic initial passent dans un souffle doux et mélodieux: des claviers et des programmations typées Kitaro, une batterie simple mais efficace et en arrière-plan. Puis arpeggiator et voix masculine apparaissent pour une seconde partie à peine plus musclée. Intro très convaincante pour ce groupe formé autour d'Erlend Viken (clavier et fondateur de Soup). On poursuit avec «Broken stone» qui est effectivement un morceau qui casse des briques: une douce mélodie et des harmonies vocales qui font monter l'émotion bien au-delà du raisonnable, sauf qu'il s'agit encore d'un morceau de près de 10 minutes. Un ravissement. Un rien de Ghinzu dans les vocaux finaux.
«Interlude 91» de flûte et piano vient mélodieusement relâcher la tension avant que «No cancelling this» ne reprenne avec arpeggiator et voix masculine intimiste avant un (léger) embrasement de batterie et de synthés emphatiques.
«Out of sword» (8:45): intro arpèges de guitare sèche et toujours ces voix «chorussées» qui nous emmènent dans les limbes, pendant un morceau d'une grande mélancolie et terriblement émouvant; la guitare qui s'électrise et se tord, épaulée par les violons, fournit un bridge juste avant les pleurs. La fin plus éthérée, en nappes successives, adoucit la redescente vers la terre. «Breaking patterns» finit l'album avec une intro d'une rythmique très floydienne, pour un feu d'artifice final, flûte et synthés dans un ciel vraiment géant.
Si vous avez lu jusqu'ici, merci... mais MERCI à GIANT SKY pour ce coup de maître, non?
Cicero 3.14
https://giantskyband.bandcamp.com/releases
29/07/2022
Kaipa
Urskog
rock progressif – 67:26 – Suède ‘22
Cinq années se sont écoulées depuis la parution de «Children of The Sounds» et le maître Kaipa nous revient avec ce magnifique «Urskog». Kaipa, un pionnier du prog, actif depuis 1973, sort son quinzième album. Un petit changement dans leur line-up habituel: leur batteur étant indisponible il a été remplacé par Darby Todd, qui a travaillé entre autres pour Devin Townsend et Gary Moore, rien que ça! Ce disque à forte dominante instrumentale, ce qui est bien vu car les parties vocales ne sont pas le point fort du groupe, est une fois de plus une petite merveille de rock progressif. «The Frozen Dead Of The Night», le premier titre de pratiquement dix-neuf minutes, nous montre d’entrée de jeu l’étendue de leur talent. Plus mélancolique, «In A World Of Pines» permet à Aleena Gibson, la chanteuse du groupe, de se mettre en évidence. «Wilderness Excursion»: magnifique instrumental, aux éléments jazz-rock parfaitement équilibrés qu’on ne peut pas ne pas aimer. C’est ça Kaipa: un rock progressif symphonique majestueux aux accents folkloriques croisé avec des moments jazzy qui arrivent à nous faire planer et voyager dans leur univers.
Comme influence, impossible de ne pas citer The Flower Kings, Moon Safari, Kansas et bien sûr Yes.
Tout en gardant ses attaches 70’s, Kaipa propose un bon album de progressif qui ne paraît pas hors temps avec une approche moderne à la production impeccable. Comme quoi ils ont encore de beaux restes. Longue vie à Kaipa et bonne écoute.
Vespasien
30/07/2022
Vitam Aeternam
Revelations of the Mother Harlot
dark progressif – 38:53 – Mexique/Norvège ‘22
L’album précédent de Vitam Aeternam avait été chroniqué en ces pages le 28/11/2020 et s’en sortait ma foi avec une belle cote. Notre Centurion vous décrivait de belle manière la genèse et la composition du groupe. Je n’y reviendrai donc pas. Comme pour «The Self-Aware Frequency», de nombreux invités sont invités à la fête avec, entre autres, des membres de Devil Doll (Bor Zuljan en personne!), Leprous, Haken, Dimmu Borgir ou Vulture Industries (mais que deviennent ces derniers?). Si, outre les groupes déjà cités, vous êtes fans de Sleepytime Gorilla Museum, Mike Patton, Igorrr, nul doute: «Revelations of the Mother Harlot» est fait pour vous! En effet, vous trouverez dans la musique de Vitam Aeternam des parties de heavy metal, de rock progressif, d’industriel, de classique et même de pop.
Dès les titres d’entame, «Veil of Isis» et «Redemption», le ton est donné. Tout au long de ses 9:52, «Sick & Pious» enfonce le clou et je retrouve, pour ma part, des ambiances proches de Diablo Swing Orchestra, par exemple. «Bardo Thodol» nous convie dans un univers presque néo-classique avec d’évidentes connotations progressives. «Promethea», sur plus de quinze minutes, nous entraîne dans un monde encore plus étrange et anxiogène. Quant à «Finis Gloriae Mundi», ce titre constitue un fantastique final pour un album hyper convaincant de bout en bout.
Un must have pour tous ceux qui, musicalement, n’ont pas froid aux yeux.
Tibère
https://vitamaeternam.bandcamp.com/album/revelations-of-the-mother-harlot
31/07/2022
Heterochrome
From The Ashes
metal progressif – 41:24 – Iran ‘22
Iran 2014, deux étudiants d’unif, Arash «Death» Rezaei et Mida «grâce» Malek, ont associé leurs différentes couleurs vocales dans une harmonie, jusqu’à ce jour, d’enfer et de braises.
En 2017, rejoints notamment par Mohammad «percutant» Mir(o)boland, l’EP «Mélancholia», sombre, frontal, condensé et parfaitement maîtrisé, avait déjà bien secoué nos puces. Les suites en 2021, deux singles du même acabit sont venus compléter leur répertoire. Enfin en 2022, deux autres, tout pareils, se sont apprêtés à «descendre» leur premier grand boulevard: «From The Ashes».
Sous une pochette fauviste impressionnante, on devine un ange rock au féminin, ailes déployées, se préparant à fuir le bûcher des sorcières, elle doit avoir le feu aux plumes!
Et pour preuve, d’entrée, Heterochrome nous met la fièvre! «Baraye Farda» et «Badbadak», c’est un trente-huit tonnes qui vient de nous passer dessus… gros moteur, pots d’échappement crachant de la lave en fusion!
N’allez pourtant pas penser qu’on vit là un remake d’«Over The Top». Une aquarelle de thèmes aussi engagés qu’actuels dégouline de leur disque: le climat, l’insécurité et la sexualité pour tous… Mais oui, pourquoi pas? Nos musiciens ont autant de jeux que de mots à sortir… Quoi de la guitare ou du stylo nous emportera le plus justement? 1 partout, balle au centre!
Dans l’ensemble, l’album se vit comme un champ de bataille, à la chevauchée d’un pur-sang, Excalibur à la main, en direction du barrage de boucliers de l'ennemi, ça va cogner grave! À mesure que les morceaux s'enchaînent, on se «farcit» volontiers leurs cris «persans» et leurs gammes heavy-stridentes provenant des fonderies de tous les diables, avant de souffler le chaud et le froid, en guise de «transition», mode gueule de bois, qui reprendra le combat, mal par le mal, song after song, vers un «metal pas de répit» jusqu’à la fermeture. Si j’avais à vous vendre cet opus, je déposerais entre vos oreilles un échantillon de trois titres: 1/ «Badbadak», parce que vous allez voir des poussières d’étoiles métalliques, à force de vous manger des battes dans la figure; 2/ «Time’s up» qui fait contraste (genre où j’ai mis les pieds?). Il pourrait se jouer dans un bar de Saint-Germain-des-Prés, à trois du mat, devant deux pelés et trois tondus, merlot et chardonnay, gorges pâteuses; 3/ «The Outlaw», la parfaite fin de concert, toutes les qualités de l’oeuvre y sont résumées, après le dernier coup de jus, nous sommes prêts à regagner nos voitures sur le parking, des flashs plein la tête, des vibrations au plus près de nos tympans, on aspire à la prochaine fois!
Gojira, Opeth, Devin Townsend, Lamb of God, façon Moyen-Orient? Il faut bien commencer par quelques-uns. En vérité, je vous le dis, même si la formation n’a pas encore détecté en elle toutes ses capacités, on a vu beaucoup moins inspiré ou original par chez nous! Vérifiez par vous-mêmes, vous viendrez me rechercher…
Kaillus Gracchus
https://heterochrome.bandcamp.com/album/from-the-ashes