Juin 2022
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01/06/2022
Pattern-Seeking Animals (PSA)
Only passing through
crossover prog néo US – 59:34 – USA ‘22
Cela commence avec les 2:50 de «Everdark Mountain», du prog US dans ce qu'il a de plus concis et efficace, sans verser dans le clinquant. Et cela retient l'attention. Le meilleur est à venir, car avec «I Can't Stay Here Anymore» on monte d'un cran dans la complexité des morceaux, multiples signatures au gré des breaks, les digressions généreuses au thème principal confirment l'impression initiale, c'est riche et abouti. Il faut dire que c'est déjà le 3e album de PSA. Parce que John Boegehold (claviers) avait beaucoup de morceaux qui ne convenaient pas à Spock's Beard, il a créé ce projet avec d'autres membres et ex de SB, Ted Leonard (chant souvent Henley/Eagles, guitare), Dave Meros (basse, voix), Jimmy Keegan (batterie, voix). Rien qu'eux!
Le point d'orgue (n'en manque pas), «Time Has a Way», est un epic enlevé de 13 minutes, si riche que l'on pense qu'il dure le double le temps d’un claquement de doigts. Superbe articulation entre thèmes tantôt nerveux, ou ondulants, ou hispanisants avec ses "trompettes" triomphantes. Époustouflant.
«Rock Paper Scissors» se joue de nous, dans cette ballade entêtante qui fait la part belle aux «violons».
«Much Ado», plus rock, plus choral et emphatique, accentue alors le côté US de l'album.
«Only passing through»: plus intimiste avec piano, «violons» et voix, avant qu'un thème ne réveille çà et là cette piste langoureuse, qui prend même, un instant, des teintes d'opéra.
«Said the Stranger»: intro western, Hammond granité, rythmes syncopés, chant chorus. La mécanique qui nous emporte semble implacable et ne nous lâche que sur des breaks éthérés, des envolées de synthés, des soli chaloupés, pour une piste captivante.
«Here with You with Me», plus mainstream, ne cède pas à la facilité grâce à ses synthés aliens et ses chœurs avec un petit côté Todd Rundgren sage.
Ce très bel album devrait légitimement susciter un intérêt bien au-delà des seuls possesseurs de prostate. Il n'est jamais trop «taux» pour s'intéresser à PSA!
Cicero 3.14
https://pattern-seekinganimals.bandcamp.com/releases
02/06/2022
Cyril
Amenti's Coin. Secret Place Pt. II
progressive rock/crossover/pop rock – 49:24 – Allemagne ‘22
Cyril a été formé en 2010 à la suite de la disparition du groupe de rock Gabria. Marek, saxo et clavier sur Toxic Smile, Flaming Row et UPF, a travaillé avec Steve Hackett, Jon Anderson, Shadow Gallery, Spock's Beard, Jadis et RPWL. Tout ça pour dire l’extrême variété de sons qu’il a pu intégrer. Ce 4e album fait suite à son 2e opus de 2016 sur un concept dont Guy Manning a écrit les paroles, histoire d’au-delà pharaonique, le titre signifiant l’occident et la demeure des morts. Les chansons s’apparentent à un néo-prog mélodique, harmonique, fruité et romantique teinté d’instruments singuliers tels que saxophones alto et soprano.
Au niveau composition, ça fleure bon la pop prog rock des 80’s avec un relent d’AOR. «On Sacred Sound» sur une chanson édulcorée, saxo et guitare fraîche. «My Fathers Answer» mélodique avec le saxo, la suite plus nerveuse sur une ballade tonique et un riff hargneux accompagné d’un saxo soprano intimiste. «Desert Crossing» continue sur une déclinaison rappelant Phil Collins funky; le break acoustique andalou sympa et final au clavier sur un son à la Alan Parsons. «Caravan» vibrant avec intro new wave des Cars puis air AOR; break envoûtant avec chorale et flûte. «Amenti's Coin» pour l’instrumental rêveur, mélodie piano délicate. «The Temptress» acoustique puis la joute verbale entre Larry et Andrea; les notes, des gouttes de pluie tombant d’une feuille. «Arrival» pour le saxo en réverbération qui monte progressivement; un bon néo-prog pop vitaminé; break piano avec Guy Manning en spoken word; un solo charnu entre new wave colorée et rock radio d’Asia ou Toto et un final spatial qui coupe court.
Cyril sort ce concept sur une voix d’IQ, sur un prog rock mélodique où le saxo se fait la part belle; l’ambiance est aérienne, alerte, colorée; à la fois simple et entraînant manquant d’un je ne sais quoi pour décoller véritablement. Entre AOR funky et pop rock prog d’ambiance, frais comme le printemps.
Brutus
https://marekarnold.bandcamp.com/album/amenti-s-coin-secret-place-pt-ii
03/06/2022
Nolan Potter's Nightmare Band
Music Is Dead
psychedelic rock – 41:28 – États-Unis ‘21
Nolan Potter affectionne les tissus sonores fournis, denses, épais – d’autant plus serrés et drus que le multi-instrumentiste texan (il vit à Austin), isolé des mois comme une planète entière l’a été, est le seul, unique et impitoyable responsable de cette musique qui vogue entre rock progressif et pop psychédélique. Impitoyable car ses 6 nouveaux morceaux (c’est son deuxième «vrai» album studio, outre une série de parutions plus artisanales), qui peuvent rappeler le Mike Oldfield de «Tubular Bells» en plus excité («Stubborn Bubble») mais aussi les Beach Boys en slips de bain (les harmonies vocales de «Holy Scroller»), laissent peu d’espace au coton-tige qui voudrait dégager le tympan et lui accorder une pause, moins minime que l’intervalle entre deux chansons. Cela dit, l’énergie, l’humeur Flower Power, la qualité des arrangements (Potter se permet même quelques dissonances bienvenues) font de «Music Is Dead» l’antithèse de son titre.
Auguste
04/06/2022
Compassionizer
An Ambassador in Bonds
avant prog – 55:22 – Russie ‘21
Voici un album qui, pour ma part en tout cas, nécessite plusieurs écoutes pour en goûter toute la substance et l’apprécier à sa pleine valeur. La clarinette est l’un des principaux instruments et l’ambiance parfois médiévale jongle avec une musique que l’on pourrait presque qualifier de «contemporaine» ou «musique de chambre». Étonnant mélange de textures mélodiques qui évoquent tant soit peu certaines compositions de Anthony Phillips. C’est aussi le deuxième album du projet solo de Ivan Rozmainsky (claviers) qui a participé à l’album «Compassionizer» du groupe russe Roz Vitalis. Ici l’on trouvera aussi quelques instruments non conventionnels qui ajoutent à l’originalité de l’opus: le doyre (tambour sur cadre) et le rubab (de la famille du luth) joués par Sergei Liubcenco; ajoutez-y une étonnante clarinette basse. Mais les interventions de guitare parfois acide («Bear Ye One Another’s Burdens»), sertie de gros riffs, rappellent qu’il ne s’agit pas de musique world, tribale ou ethnique. Le nom de David Bedford et de Robert Wyatt me sont également venus à l’esprit à l’écoute du titre éponyme «part 1» pour le côté «déjanté» et même une coloration Peter Hammill dans l’excellent «part 2» et sa clarinette basse pour une compo en mode marche funèbre. Les claviers donnent çà et là une touche atmosphérique presque ambient par quelques battements d’ailes éthérés ou intimistes pour mieux redémarrer vers cette musique quasi pastorale habillée de l’omniprésente clarinette qui se marie si bien avec les envolées synthétiques, créant parfois des ambiances étranges voire inquiétantes comme si des oiseaux transdimensionnels venaient annoncer l’Apocalypse («An Ambassador in Bonds Part 3»). Il faut se laisser emporter dans cet univers interpellant et être ouvert à l’Inconnu. Si vous remplissez ces conditions, vous plongerez dans une dimension prog hors des sentiers battus.
Clavius Reticulus
https://compassionizer.bandcamp.com/
05/06/2022
The Blank Canvas
Dark Mirage
post metal alternatif – 38:02 – Italie ‘22
«Dark Mirage» constitue le deuxième album des Italiens de The Blank Canvas et non, ceci n’est pas une pipe. Heu, je voulais dire, ce n’est pas du RPI. Rien de traditionnel dans ce disque, car ils introduisent dans leur metal des séquences électro sans aucun rapport avec le metal progressif qui pourrait nous occuper habituellement, je les rapprocherais plutôt du metal indus, comme les premières productions de nos compatriotes Skeptical Minds. Mais la comparaison s’arrête là car nos Italiens ont un sens aigu de la mélodie, j’en veux pour preuve «Here for a While».
Composé d’Alessio Dufur au chant, Maurizio ‘Pappone’ Tuci aux guitares, Marco Filippi à la basse, Michele Marchiani aux synthés et Nicola Benetti à la batterie, le groupe s’est formé en 2017 des cendres d’Incoming Cerebral Overdrive et Karl Marx Was a Broker.
Un concept semble soutenir cette plaque, mais j’avoue ne pas bien l’appréhender: «Un sombre mirage d’une planète infectée où la nature s’est rendue pour faire place à un scénario désolant et résiduel plein de sentiments contrastés et multiformes».
Musicalement, l’ensemble se tient parfaitement et dégage des impressions angoissantes et glaçantes où l’inventivité le dispute à l’aspect mélodique déjà évoqué ci-avant. Ma plage préférée est indubitablement la dernière, «Lands».
J’ignore ce que vous allez faire, mais moi, j’y retourne!
Tibère
https://drownwithinrecords.bandcamp.com/album/dark-mirage
06/06/2022
Returned To The Earth
Fall Of The Watcher
prog atmosphérique – 45:44 – UK ‘22
J’adore ce job. Il m’oblige à écouter différemment de la façon dont j’écoutais avant d’être chroniqueur… Je suis passé d’un plaisir solitaire et le plus souvent indicible à une obligation de retranscrire mon ressenti en mots dans une orientation altruiste.
Ainsi en est-il de l’écoute de «Fall Of The Watcher». Un album dans lequel les titres nous invitent à nous isoler dans une sorte de démarche spirituelle. Notre expérience personnelle face à l’immensité de l’univers.
Ce quatrième album, qui dure la moitié du temps qu’il faut à l’ISS pour faire le tour de la Terre, nous permet de caresser du bout de l’oreille ce sentiment profond d’interconnexion et de magnanimité dont les astronautes parlent depuis la photographie «Lever de Terre», prise durant la mission Apollo 8.
En dessous de vous, la nature se montre complètement indifférente à l’existence des Hommes. Débarrassée de ses fictions politiques, la Terre elle-même rend ridicules les conflits qui se déroulent à sa surface…
Flottant dans la nuit noire de l’espace intersidéral, on peut voir les lumières de la ville et soudain le bord de la terre devient plus lumineux. Vous entendez alors ce solo de guitare et voyez cette ligne d’horizon qui change de couleur et devient de plus en plus épaisse, puis le soleil apparaît.
Cela fait huit années (2014) que le trio Returned To The Earth est revenu de ses rotations autour de la Terre et qu’il nous fait voyager sur sa musique des grands espaces, rythmes lents et lancinants… Légèrement électroniques. Il y a une dimension floydienne dans cette musique («Fall Of The Watcher» - «April Sky») même si le groupe se dit inspiré par Radiohead, The Cure, Coldplay, U2, Duran Duran, Joy Division et des artistes comme David Bowie et Steven Wilson.
On peut également découvrir le son de «Returned To The Earth» dans la pénombre d’une bougie ou d’un feu de bois… Prévoyez un temps «de décompression» avant de recontacter votre environnement habituel.
Publius Gallia
https://returnedtotheearth.bandcamp.com/
07/06/2022
Knekklectric
Alt blir verre
crossover/rock/jazzy-fusion/progressif – 48:08 – Norvège ‘22
Knekklectric est un groupe naissant musicalement en 2012, sortant son 3e album, 4 ans après le «For Mange Melodia» avant-gardiste. Ce nouvel album propose 7 titres de notre époque actuelle, dans le dialecte d'Ålesund singulier, signant des compositions bariolées, fruitées, bucoliques d’où chaque note et air semble gicler de-ci de-là comme une nouvelle chance pour le monde allant de mal en pis!
«Angra Paa» part sur un rock pop fusion fruité avec la particularité vocale d’Ålesund à laquelle il faudra s’acclimater, genre le Nena des 80’s en teuton; il faut attendre le roulement de tambour pour avoir la déclinaison progressive somptueuse. «Alt Blir Verre»: plus doux, jazzy fusion avec le clavier en avant; de loin ou de près un air bien entendu des Meer de l’an dernier dont j’avais fait le top de l’année; une digression plus calme, puis criée, progressiste, éclectique et aérienne, inclassifiable. «1992» suit sur la même trame tonique et ce n’est qu’au break que le prog nouveau de la décade fait effet, frais, étrange, appétissant.
«Muknado»: sur un air jazzy-rock tonitruant, un peu sur le Joe Jackson intimiste, un air enjoué sud-américain, dérangeant car loin du prog et aussi rempli de sève progressiste, paradigme musical à son comble. «Roed Bil»: avec la priorité donnée aux voix sur ce titre alambiqué et millimétré avant une montée vocale finale jouissive. «Beksvart Gull» est difficilement déchiffrable, du Alan Parsons jazzy, du Frank Zappa modern jazz, progression des instruments cristallins, aériens. «Se Paa Me»: ballade mélancolique et/ou explosive, chanson-hymne d’un nouvel ordre musical de la décade 2020, le clavier vintage amplifiant la nostalgie.
Knekklectric sort un album fusion entre prog rock et pop jazzy, frais, endiablé, coloré, funky et groovy à la fois. Un album bourré d’arrangements millimétrés, semblant sortir de nulle part, album découverte où les instruments classiques font la nique à la guitare; album avec une langue sombre, sournoise pour choquer encore plus.
Brutus
https://knekklectric.bandcamp.com/album/alt-blir-verre
08/06/2022
Envy of None
Envy of None
pop rock/électro rock – 41:45 – UK-Canada ‘22
Voici un album qu’il est difficile d’aborder sans a priori. Deux raisons à cela: tout d’abord, l’album sort sur le label Kscope dont on connaît l’esthétisme et la rigueur artistique. Ensuite, ce nouveau groupe (puisqu’il s’agit bien d’un nouveau groupe) compte dans ses rangs nul autre qu'Alex Lifeson (faut-il préciser qu’il fut pendant plus de 40 ans le guitariste de Rush?)! Pour ce dernier, il s’agit donc de son premier enregistrement de compos originales depuis 2012 et la sortie de «Clockwork Angels», le dernier album studio des inventeurs du prog métal.
Certes, Alex Lifeson avait déjà tenté l’aventure en solo avec son projet «Victor» en 1996. Mais ici, on parle d’un vrai groupe qui, outre Lifeson, compte dans ses rangs Andy Curran du groupe Coney Hatch, Alfio Annibalini et la jeune chanteuse Maiah Wynne (25 printemps au compteur). Un écart de 43 ans entre le plus jeune et le plus âgé des membres d’un groupe, vous conviendrez que ce n’est pas courant. L’album brouille encore un peu plus les cartes avec une pochette intrigante où deux infirmières semblant sorties d’un film de Hitchcock portent une grosse pilule sur un plateau; bref, toutes les pistes sont brouillées et donc on ne sait vraiment pas à quoi s’attendre au moment de pousser sur le bouton «Play».
Ce qui marque d’emblée, c’est le travail sur le son; la production est très soignée et tisse des paysages sonores très intéressants. La rythmique est bien appuyée et la guitare de Lifeson entraîne joliment ce premier morceau «Never said I love you». Dès le deuxième morceau, «Shadow», une autre marque de fabrique du groupe arrive avec des boucles électroniques qui lorgnent légèrement vers l’électro sur des textures de guitares légèrement orientalisantes. Pour le troisième morceau, «Look Inside», on revient en terrain de connaissance avec un rythme lent et lancinant sur des textures électroniques qui, cette fois, lorgnent franchement sur le prog. Ces trois morceaux donnent vraiment une image assez fidèle de la palette du groupe; la chanteuse Maiah Wynne pose sa voix délicate sur ses textures avec justesse et une conviction évidente. C’est d’ailleurs la voix qui donne le vrai caractère de cet album.
Le jeu des comparaisons est toujours futile et imparfait, mais l’ensemble fait penser à une version rock de Garbage qui aurait avalé quelques pilules de prog. Les morceaux sont courts et vont à l’essentiel et l’album compte 11 morceaux: ni trop ni trop peu donc. Il se conclut aussi sur l’instrumental «Western Sunset», composé par Lifeson en hommage au regretté Neil Peart qui nous a quittés en janvier 2020.
En conclusion, un album pas franchement prog qui déroutera assurément les fans de Rush mais qui se révèle très intéressant et assurément convaincant
Ha! certes pas l’album de l’année mais une belle découverte pour tout qui a l’esprit ouvert.
Amelius
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/envy-of-none
09/06/2022
Il Giro Strano
Il pianeta della verità
proto heavy prog rock/RPI/free jazz – 88:09 – Italie ‘21
Aujourd'hui c'est de l’archéologie prog! Exhumé par le label génois Black Widow, Il Giro Strano n'avait sorti qu'un seul disque en 92 (les musiques avaient été composées en 72-73), basé sur un des marronniers RPI: la Divine Comédie. Dans cette nouvelle publication, on retrouve l'intégralité de cette œuvre, mais ce ne sont que 5 des 13 morceaux! Certains ont été remaniés à cette occasion.
Ces 5 longues pièces de 7 min à près de 15 min oscillent agréablement dans un triangle RPI, proto heavy prog rock et free jazz. L'ensemble est très instrumental avec de longues et belles digressions qui sentent bon l'impro. La voix volontaire, mais parfois un peu limitée, de Mirko Ostinet reste malgré tout convaincante et ne trahit pas le noyau de ce sextet basé sur les claviers d'Alessio Feltri, les sax et flûte de Mariano Maio et la guitare de Valentino Vecchio.
On y trouvera de multiples similitudes ou inspirations: une urgence dans la voix très hard, des claviers âpres et survoltés, des guitares saturées, le tout sonnant un peu comme Deep Purple ou Led Zep selon les morceaux, mais aussi un sax à la Jackson et une flûte andersonienne. C’est varié et musclé.
Les 8 autres plages sont inédites et ont été remixées au mieux. Elles sont plus courtes, à l'exception de «You're gonna find» (7 min, en fait 2 fois 3 min 30) et une reprise bootleg de «Since I've been loving you» de Led Zep où se confirme la virtuosité de Valentino Vecchio à la guitare. Les autres morceaux sont donc plus courts et le style est plus conventionnel; ils prendront leur importance aux yeux des afficionados, ou plutôt des appassionati de ce témoignage de RPI naissant.
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/artist/2frCeIIeEyBLF0kYLOmb9m
10/06/2022
Fairy Tale
That is the Question
art rock/rock progressif – 36:09 – Slovaquie ‘21
Il était une fois, quelque part en Europe centrale, un auteur-compositeur et producteur chevronné, Peter Kravec, et une sublime et talentueuse voix, Barbora Koláriková…
Ambitieux et passionné, le beau conta ses projets à la belle qui s’embarqua dans l’aventure, avec à la clef «Sound Mirrors» en 2005, «Dream» en 2008, «Loveland» en 2011 et après un lent son du silence, «That is the Question» en 2021.
Ok! À l’ordre du jour, une seule question! Que donne cette alliance confirmée 17 ans après leur nuit de noces artistique?
À coup sûr une intrigante pochette: un théâtre de grisaille où trône un point d’interrogation qui s’étiole entre une homme flou et un solide globe qui fait ravage…
Quid derrière cette tragi-comédie? Le propos de nos amants mélodieux en 10 actes. En voici quelques pièces:
- «Wake Up» taquinera délicieusement vos oreilles, chant en presque haut chuchot avec un refrain ambiance brouillée.
- «Girl of the Opera» nous sert un frais clin d’œil au groupe Queen et à sa «nuit à l’opéra». Taillé pour le single, le morceau s’emballe comme il faut, les rythmes varient délicatement, la diva au-dessus du lot.
- Avec «Sophie», Barbora et Peter nous emmènent dans leur monde, électrique, électro, sensuel, sophistiqué, un programme prenant sur 10 minutes 15 secondes, ils ne laissent jamais tomber la note, elle rebondit sur tous les parterres des sons et lumières!
- Les trois parties de «Wasting the Sound» sont des expériences, en format break, ironiquement indispensables; pas de gaspillage, que de la musique noble.
Tous comptes faits, l’univers de Fairy Tale nous vient de l’osmose entre deux âmes musiciennes qui se mettent en valeur à tour de rôle, utilement accompagnés par une poignée de géniaux permanents et invités au bal de la promotion de leurs prouesses musicales.
On ne fait pas d’«Hamlet» sans casser les œufs; après une longue remise en question à la recherche de l’inspiration, tous les moyens ont été mis pour réussir un come-back subtil et éclatant.
Kaillus Gracchus
https://fairytaleartrock.bandcamp.com/album/that-is-the-question
10/06/2022 - EP
Yojimbo
Yojimbo
stoner – 22:24 – France ‘22
Yojimbo, nouveau groupe (créé en 2019) strasbourgeois, qualifie sa musique de stoner intergalactique et il est vrai que ce mélange quelque peu étonnant se retrouve dans leur musique, d’autant que leur chanteuse (et également guitariste), Sophie Steff, peut se montrer tour à tour sauvage et céleste. Les autres membres de quatuor sont Florent Herrbach (guitare), Aurélien Schreiber (guitare) et Stefan Legrand (batterie). D’emblée, le ton est donné, les guitares sont bien évidemment les vedettes incontestables du groupe. Cinq titres, emplis de distorsion et de fuzz, constituent la moelle épinière de ce premier EP. L’introduction d’une guitare folk sur «Kingdom» et «The Fear Still Grows» permet cependant d’alléger quelque peu le propos. En tout état de cause, des débuts plus qu’encourageants. Gageons que c’est en concert que la bande ténébreuse nous donnera toute sa mesure!
Tibère
https://yojimbostonerband.bandcamp.com/releases
11/06/2022
Rob Gould
Dome I et II
ambient /new age/prog-electro – 45:32/46:46 – UK ‘07/’22
Le premier des deux albums est le remix de celui sorti en 2007. «Dome I» attaque avec des notes frippiennes qui virent rapidement en style teinté new age où cascadent des partitions de piano glissant sur des vapeurs synthétiques féeriques. Au bout de 17 minutes, le mood se mue en trip spatial qui rappelle tant soit peu le «Mirage» de Klaus Schulze sans pour autant coller à la Berliner Schule. La première partie de «Dome I» a été enregistrée en live dans le célèbre Devonshire Dome à Buxton en Angleterre avant d’être complétée par un enregistrement studio. Cet opus se décline dans une sérénité quasi absolue avec des envolées spatiales et des effets de chœurs ponctuels. On s’approche parfois du style Vangelis (la BOF de «1492») mais aussi parfois de l’acidité sonique de Heldon. Cet album comporte aussi des moments plus inquiétants, proches de l’abîme du dark ambient. Le tout s’harmonise par touches savamment dosées, ce qui rend l’œuvre totalement unique, magique et envoûtante. «Dome II», quant à lui, a des accents prog avec, en entrée, un usage plus marqué de la batterie et de la boîte à rythmes. Le piano et les nappes synthétiques restent présents en mouvements spiralés et aériens en coda. Ajoutez-y quelques séquences cousines de Tangerine Dream et nappez de quelques murmures cosmiques dialoguant avec des voix d’outre-espace. Ce double album de Rob Gould (musician) est un délicieux patchwork mélodique qui ravira les amoureux d’ambiances feutrées (le plus souvent) serties d’arpèges presque classiques où le piano ravit l’âme du poète sans oublier les élans progressifs du deuxième album. À déguster comme une friandise étoilée que l’on laisse fondre doucement sous la langue.
Clavius Reticulus
https://robgoulduk.bandcamp.com/album/dome
12/06/2022
Bjørn Riis
Everything to Everyone
prog atmosphérique – 50:16 – Norvège ‘22
Bjørn Riis (Bjørn Riis - artist page), à ne pas confondre avec Bjarne Riis, le célèbre cycliste danois, vainqueur d'un Tour de France en 1996, ayant eu quelques problèmes avec les contrôles antidopages. Non, Bjørn le Norvégien est, entre autres, un des membres de l'excellent groupe Airbag. Il nous présente ici son quatrième album en solo depuis 2014, «Everything to Everyone». On découvre un rock atmosphérique prog. Quand on pense à un guitariste atmosphérique, on pense à David Gilmour; eh bien, croyez moi, Bjørn est au niveau. Quel feeling! Il est entouré de Henrik Bergan Fossum d'Airbag à la batterie, Kristian Hultgren (bassite de Wobbler), Simen Valldal Johannessenn (claviériste d'OAK)… que du beau monde. Dès le début, le titre «Run» nous montre toute l'étendue de la qualité de cet album à la fois calme et mouvementé, saupoudré de nappes de claviers exceptionnelles. «Lay Me Down» est un titre plus calme mais fermez les yeux et David Gilmour ou Gary Moore est devant vous. «Every Second Every Hour»: le titre le plus long est le plus magique. La beauté, le ressenti, les frissons ne se décrivent pas… ils s'écoutent. Les notes de Bjørn sont précises, son toucher hors norme et ses solos nous hypnotisent. On y retrouve naturellement du Pink Floyd et de l'Anathema. Que dire de plus, à part que «Everything To Everyone» est un autre grand opus de Bjørn Riis, l'un des auteurs-compositeurs les plus doués actuellement. Il réussit tout ce qu’il entreprend. Le son est parfait, tout comme le mixage et la production. Vous ne pouvez pas passer à côté de cet album.
Vespasien
https://bjornriis.bandcamp.com/album/everything-to-everyone
https://www.youtube.com/watch?v=SZkIn7z_LG4&list=RDEMlRbLSHvTlKB1ILUTxbKfWA&index=2
13/06/2022
Karfagen
Land of Green and Gold
progressive rock symphonique – 57:53 – Ukraine ‘22
Je ne vous cacherai pas que je suis fan de tout ce que réalise l’Ukrainien Antony Kalugin et, comme le disait en son temps le regretté chroniqueur belge Bert Bertrand : «L’avis d’un fan est par définition débile.» Le projet Karfagen n’échappe évidemment pas à la règle en ce qui me concerne. Prolifique, notre ami Antony l’est à souhait puisque voici, si j’en crois le site Discogs, son quatorzième album sous cette appellation: n’oublions pas qu’il officie également sous son nom quand ce n’est pas AKP, ou Hoggwash, ou Akko, ou même Sunchild!
Fatalement, d’aucuns vous diront qu’il se répète dans la structure de ses morceaux et ils auront probablement raison, mais c’est toujours un réel plaisir d’entendre ce que nous prépare l’ami Antony.
C’est sur l’acoustique «Kingfisher and Dragonfly Part 3» que s’ouvre ce disque. Nous revenons à des atmosphères plus habituelles sur les trois parties de «Land of Green» avec de nettes influences à chercher du côté de Camel ou Flower Kings, sauf pour la troisième partie qui surprend par son aspect funkysant (danser sur du prog, quel pied!). De courts breaks acoustiques tirant sur le néo-classique peuvent être également trouvés, tels «Solis Festum» ou «Pastoral». Des influences jazzy se font sentir sur les deux parties de «Garden of Hope» ainsi que sur la pièce de résistance de l’album: «Land of Gold». Return to Forever peut même se nicher au sein de «Land of Jazz».
En définitive, une pièce des plus agréables pour notre ami Kalugin que je vous conseille de découvrir dès que possible.
Tibère
https://antonykalugin.bandcamp.com/album/land-of-green-and-gold-hi-res-24-48
14/06/2022
Poulpie
Time Wars
rock progressif – 45:08 – France ‘22
Le 27 septembre 2019, notre Centurion, valeureux gladiator de Prog censor, chroniquait le disque précédent de Poulpie, «Multidimensional Love», en des termes incluant des encouragements pour un jeune musicien qui vient d’atteindre la vingtaine. Cette fois, le compositeur vient proposer un double album concept avec deux fins différentes, l’une est sombre, l’autre lumineuse! «Time Wars», titre on ne peut plus d’actualité, s’intéresse au sort d’un homme ayant perdu sa femme et qui s’enferme chez lui pour sombrer dans la neurasthénie puis la folie. Partant du principe que Poulpie fait plutôt une sorte de pop rock indie flirtant avec certains aspects du rock progressif comme nous l’entendons, ce disque s’adressera plutôt à ceux qui n’ont pas d’œillères ni de préjugés hâtifs sur la condition musicale. Chantés en anglais avec une forte inclinaison pour des climats «floydiens», un groupe fort apprécié par le jeune auteur/compositeur/interprète, les vingt titres d’une durée assez courte (le plus long fait 5:13) sont autant de petites introspections en musique mises en scène avec un talent qui s’affirme avec le temps. On ressent parfois, non seulement à cause du thème, un déchirement dans le chant qui n’est pas sans rappeler un Peter Hammill plus jeune, Poulpie jouant avec les intonations de sa voix comme un vieux loup du prog’ («The Narrator, pt. 1 & 2»). Sa musique pourrait être qualifiée d’intimiste comme celle d’un Robert Wyatt; la pluralité et les directions prises pour nous emmener dans les tourments de son personnage sont d’une beauté tranquille et intrigante. Qualifier de «psychédéliques» quelques passages serait réducteur, mais certaines configurations sont alambiquées et participent pleinement d’un format progressif rarement entendu, ce qui reste le but de Poulpie: obtenir «une diversité en essayant toujours de créer de nouvelles choses jamais entendues auparavant» (dixit)… Le tout reste chargé d’émotions tour à tour volatiles ou intenses. On ne s’ennuie jamais avec «Time Wars»; la variété des musiques proposées en fait un parcours cinématique où chaque pastille musicale illustrerait un passage du film s’il existait. Maniant aussi l’électro avec bonheur, certains titres capturent des atmosphères décalées («No Man’s Life» et «Vignetto») plongeant l’auditeur dans l’univers cold wave des années 80. Poulpie continue d’explorer son univers sonore en élargissant ses influences et créant un monde musical qui devrait compter pour ceux qui aiment le rock qui… progresse!
Commode
https://poulpie.bandcamp.com/releases
15/06/2022
Temple of Switches
Four
crossover psychedelic rock déjanté – 52:44 – USA & Canada ‘22
Temple of Switches débute en 2012, proposant un rock bigarré alternatif sombre, contemplatif, avant-gardiste avec des touches jazzy mélancoliques; fondé par Tenk Van Dool et aidé du batteur David White du groupe Rattleface, il sort ce 4e opus aux sonorités atonales. Un album cinématographique progressiste où l’excentrique est de mise avec classique et pur progressif des 70’s.
«Welcome» préambule instrumental, rock aux composantes électroniques latentes. «Your Fly is Down» vocal typé rappelant Bowie pour de l’électro new wave décalé, bucolique et psychédélique. «The Wind» avec un air épuré, Amanda Lehmann flirtant avec une atmosphère tamisée, l’orgue majestueux magnifiant le tout. «Pareidolia» plonge encore plus loin avec cet instrumental à la Dead Can Dance arabisant et psychédélique; un peu des Doors avec cette réverbération monolithique. «Dale’s Neglected Song» solo de batterie partant sur un The Cure psyché; un peu sur Focus. «Human Zoo» va sur les terres crimsoniennes, voix haute amplifiant la grandeur instrumentale dramatique; un dernier solo hackettien en final.
«Llamada a San Cristobal» sur une déclinaison instrumentale canterburyenne avant «the Unfurling» pour le moment tonitruant avec breaks délicats primaires, tempo bigarré flirtant sur le jazz avec piano et débauche sombre crimsonienne; de l’art rock sans compromis, sûrement l’une des plus belles pièces progressives de la décennie avec un final contemplatif. «Freeway» sur la lignée des Blue Oyster Cult. «Go Champion» sur les premiers Alice Cooper, T-Rex. «Lemongrass and Thyme» pour une déclinaison singulière entre Leonard Cohen et Johnny Cash pour le phrasé; c’est intimiste mais vibrant.
Un album bucolique avec de la boue, des averses de pétales, un album éclectique brassant des genres mijotés pour sortir un rétro prog décalé et bourré de sensibilité, de spleen. Temple of Switches a juste fait cela avec dextérité; un album à écouter différemment.
Brutus
https://tenkvandool.bandcamp.com/album/temple-of-switches-iv
16/06/2022
Leap Day
Treehouse
néo-prog – 55:51 – Pays-Bas ‘21
Le groupe néerlandais Leap Day a été formé en 2008.
Il est habitué à sortir un album tous les 2 ou 3 ans depuis le premier en 2009. Nous en sommes donc au 6e et il s'appelle «Treehouse».
J’ai fait la connaissance de Leap Day avec cet album, je serai donc incapable de poser une comparaison avec les albums précédents. Je me contenterai (et vous aussi) de mon «rapport d’étonnement».
Je découvre 6 titres dans lesquels s’entremêlent la guitare et les claviers s’appuyant les uns sur les autres pour monter graduellement en tension.
Dès le premier titre, on sait que le plaisir sera au rendez-vous grâce au dialogue auquel se prêtent les différents instruments, après une intro symphonique dans la tendance IQ/Pendragon. On se prend à souhaiter que, tels Icare, nous n’allons pas nous abîmer en mer pour nous être trop rapprochés du soleil.
Le second titre nous propose un rythme de valse qui met Clementine en orbite sur un échange digne des demi-dieux Hackett et Banks… Du coup, je ne sais s’il faut remercier ou maudire pour le rappel au calme que constitue le 3e titre jusqu’à ce que j’entende la trompette qui fera tomber les derniers murs de résistance et m’oblige à rendre les armes... Peut-être un peu vite, les 2 titres suivants ne créant pas d’émotions particulières; en même temps, cela me permet de récupérer un peu. C’est le doux spleen de l’«Autumn» qui m’emmènera jusqu’à la fin de l’album dans une délicieuse béatitude. Chanson magnifiquement nostalgique et mélancolique avec des paroles fortes, sur des souvenirs d'enfance, dans laquelle le chanteur démontre sa fabuleuse technique et son feeling.
Je sais que je reprendrai un ticket pour refaire le voyage, mais pas aujourd’hui, mon petit cœur ne tiendrait pas.
Cet album est éloquent, significatif et touchant. Les arrangements sont engageants, fluides et un voyage merveilleux du début à la fin.
Publius Gallia
https://leapday.bandcamp.com/album/treehouse
17/06/2022
Stick Men
Tentacles
math rock/art rock/rock progressif – 30:03 – USA/Allemagne ‘22
Stick Men (Official) Je pense toujours qu'un trio c'est un peu court pour faire du prog. Cela ne se vérifie pas ici!
J'ai déjà vu Pat Mastelotto battre avec 4 baguettes et 2 pieds, pendant que Tony Levin et Markus Reuter jouaient à eux 2, sur un total 18 cordes en tapping avec 2 mains chacun. Je les ai entendus ainsi armés, jouer parfaitement du Crimson à 3, là où les Crimson sont jusqu'à 8. Ces trois-là sont donc hors normes. Et cela dure depuis 2010, à raison d'un album par an, en plus des tournées de King Crimson!
L'ambiance générale est souvent très énergique mais reste mélodieuse. Des thèmes répétitifs puissants se succèdent à grande vitesse, la touch guitare frippienne de Markus, tantôt incisive, tantôt soundscape, semble faire front, mais le Chapman Stick de Tony donne bien plus que des lignes de basses, fournissant la mélodie lorsque Markus fait le tempo avec des patterns comme sur «Ringtone». La batterie de Pat est tout en précision, très créative, et reste rarement sur un tempo fixe plus de quelques secondes, et sur «Danger in the Workplace» elle pulse comme dix cardiaques en détresse. Énorme.
Froid comme le monde moderne, dans sa beauté glaçante. La quasi absence de texte, Tony, vocodé, répétant et chantant seulement le mot tentacles sur... «Tentacles». Cela est sans doute pour beaucoup dans la distance à l'humanité que l'on ressent à l'écoute de ces morceaux d'une intelligence extrême. Pourtant, quand on les rencontre, ces 3 musiciens sont vraiment chaleureux! Cette musique massive est, heureusement, parfaitement servie par un mixage ciselé.
«Satieday Night» est un magnifique clin d'œil final, plein d'humour et de maîtrise. La musique classique du début 20e n'est jamais très loin des Stick Men qui continuent de me... scotcher à chaque sortie.
Du grand art, et il ne s'agit que d'un EP!
Cicero 3.14
https://stickmen-moonjune.bandcamp.com/album/tentacles
18/06/2022
Bààn
Shadowboxing
krautrock/post-rock – 42:05 – Belgique ‘22
Formé en 2016 par Pascal N Paulus (claviers) et Jean-Philippe De Gheest (batterie). Un album éponyme en 2017 (LP et digital), une cassette «Outtakes» en 2019 et «Reset» en 2020.
Les influences: krautrock et ambient.
«Delta». Force bien entendu, mais je m’égare à l’écoute de ce morceau d’introduction sinueux et planant, des réminiscences d’Air. Du bon néo-psychédélique mélangé au progressif électronique. Ce serait encore mieux avec une guitare mais ce n’est que moi, j’ai toujours préféré les groupes dominés par elle.
«Charlotte». Ambiance post-rock tout en délicatesse avec un semblant de Neu! Ça me parle une fois encore. C’est un groupe qui mérite sa chance de reconnaissance comme leurs compatriotes de Motor!
K. Mélancolique et beau et space. Belles sonorités de claviers. J’irais bien les soutenir en concert.
«Dogs». Une course haletante contre des chiens enragés mise en musique par un très bon duo instrumental. Je suis très heureux de voir que le krautrock et la répétition continuent d’inspirer l’underground actuel. Un morceau sombre et inquiétant. Assez post-apocalyptique à mon sens. Avec un air de Cluster.
«Sun line». Jazzy et cool mais toujours avec cette pesanteur et cette noirceur qui m’évoquent des vies condamnées de longue date.
«Nuit blanche». Quitte à en passer une, autant écouter cet album aux airs monolithiques et imposants – sans s’imposer, cela dit, car cet aspect monolithique nourri par la répétition de thèmes simples mais affirmés est réjouissant! Une belle expérience cinématique.
«Octopus». Ce morceau m’évoque le désarroi de Kevin Spacey dans «American Beauty» mais aussi une divagation mentale vers l’infini. Un album très bien produit et bien trippant ça fait plaisir. Il sonne parfois comme GAM le groupe de Gunther Schickert avec un aspect à la Turzi (et aussi comme une BO de poliziottesco).
«Epilogue». Tiens, ça me rappelle «Rock Bottom» de Robert Wyatt et «Sea Song». Agréable de se laisser porter avant d’aller dans l’enfer du Desertfest et ses guitares fuzz. Radiohead toque également à la porte.
Belle pioche!
Fatalis Imperator
19/06/2022
Ghost Toast
Shade Without Color
crossover prog – 67:18 – Hongrie ‘22
Depuis 2011, Ghost Toast en est déjà à son cinquième album. «Shade Without Color» est la suite de «Shape Without Form», sorti en 2020. Les deux albums ont été écrits en même temps (une espèce de double album) mais sont sortis à deux ans d'intervalle. Les deux titres viennent d'un poème de T.S. Eliot, «The Hollow Men». Les deux albums traitent principalement du ressenti du vide, du processus pour en arriver là. J'aime beaucoup «Chasing Time»; c'est une chanson épique de douze minutes où s'entremêlent les rythmes de guitare et les inquiétantes mélodies de clavier. La construction y est totalement décousue et atypique. «Let Me Be No Nearer» nous montre le côté sombre et inquiétant de Ghost Toast avec des passages au violoncelle envoûtants. «Whimper» montre une autre facette, avec un son plus lourd de guitares et de batterie, bien rythmé, mais qui garde quand même une ligne directrice: celle de partir dans tous les sens. Pour écouter «Shade Without Color», vous devez être capable de vous concentrer sur la musique car Ghost Toast n'est pas un groupe facile à écouter; en effet, il y a du travail de création et de recherche. Mais tous n'aimeront pas cet album et ce style. Je n'en suis pas spécialement fan mais soyez curieux…
Vespasien
https://ghosttoastband.bandcamp.com/album/shade-without-color-2022
20/06/2022
Ben Craven
Monsters From The ID
progressive rock symphonique – 54:42 – Australie ‘22
Ben Craven (Ben Craven Music) est ce compositeur australien talentueux, connu grâce à Roger Dean pour la pochette de 2011. Du rock prog symphonique où il cite lui-même Focus, Caravan, Nektar, Can, Yes, Genesis et Pink Floyd. Ce 5e album se compose de deux longs titres avec arrangements orchestraux cinématiques, ponctués de chant sur la lutte Bien-Mal et de séquences guitare émotives; du prog épique, bouleversant.
«Die Before You Wake» pour la baffe musicale, 7 titres flirtant avec le symphonisme cinématique à la mode actuellement, envolée classique à la Orff; un air au refrain aérien avec chœurs, un riff rappelant celui du célèbre «Kashmir», un break guitare hackettien; break progressiste art-rock planant, nuageux dans sa conception mélodique, solo gilmourien; ça monte encore plus haut aux 11 min avant le retour du couplet, du solo synthé à la Banks où les réminiscences suintent de toute part. Le final bluesy floydien de «The Dark Side» avec une guitare spleen, émouvante et chaleureuse; on est loin des tourments terrestres.
«Amnis Flows Aeternum» et 12 tiroirs autour de l’éternité, intro digne d’un Asia «Aqua», des claviers 70’s inquiétants, film d’espionnage plongeant dans ce genre cinématique fusionnant. Ça dévale d’un coup sur une basse squirienne, le solo guitare aigu, vintage et sombre à la fois avec un trémolo singulier; un orchestral ralentit le temps avant de repartir et le 2e «Amnis» chanté apparaît; crescendo amenant la musique à l’état d’art éclairant l’émotion symphonique en profondeur. Le dernier tiers repart sur les chœurs, une expérience majestueuse faisant oublier le temps.
4 bonus reprenant des titres de chaque composition avec le hit radio edit et la folie symphonique, puis la mélodie reconnaissable et l’envie de se replonger dans les deux compositions.
Ben Craven sort un album magnifique, c’est dit. Notes d’espoir, de dépassement, d’épopée majestueuse, 6 ans mis à profit pour faire un top album 2022, tout simplement; atmosphères enivrantes, breaks dithyrambiques pour sublimer notre vision subjective cinématique, pour amener le psyché au firmament et s’évader de ce monde. CD/DVD en 5.1 mix avec l’illustration de Freyja [Dean, ndlr], telle fille.
Brutus
bencraven.bandcamp.com/album/monsters-from-the-id
21/06/2022
The Tangent
Songs from the Hard Shoulder
crossover / Canterbury / jazz / prog – 75:48 – UK ‘22
Groupe créé en 2002, par Andy Tillison (clavier, texte, chant), qui reste seul membre de la formation originale. Ce quintet est maintenant stable depuis 8 ans. Tous ses membres actuels font partie du gotha prog: Jonas Reingold (basse: Flower Kings, Hackett), Luke Machin (guitare: Cyan, Seven Steps To The Green Door, It Bites), Theo Travis (vents: Gong, Fripp, Soft Machine), Steve Roberts (drums: Magenta, Godsticks).
Le titre de l'album, «Chansons depuis la bande d'arrêt d'urgence», résume parfaitement son contenu et joue avec subtilité sur l'ambiguïté: l'arrêt d'urgence c'est le confinement, mais aussi un stop face au monde tel qu'il est, et qui ne peut/doit pas redémarrer ainsi.
Ce 12e album s'offre avec sa pochette dont le graphisme froid est l'illustration de l'un des 5 morceaux de l'album, «The lady tied to the lamp post», l'histoire réelle (Andy nous explique dans l'interview jointe) d'une femme exclue du monde du travail sur décision d'un tableur et qui décide, pour garder la tête haute, de s'attacher à un pylône. Le propos est lourd, la tension est palpable, le thème musical est imparable, efficacement repris au chant, au sax, au synthé ou à la guitare, il magnifie le terrible propos.
Les 3 autres compositions ne sont pas en retrait (le 5e morceau est une superbe reprise/jam de UK «In the dead of night!»).
Dans «The Changes», Andy met en musique son confinement, à travers les photos souvenirs de tournées passées, ses projets et souhaits d'un monde nouveau.
«GPS Vulture» est instrumental (avec un solo de guitare énorme). L'album est riche, sans doute grâce aux 3 musiciens solistes, et si l'on excepte le court «Wasted soul», plus groovy Motown, on y gravite avec bonheur entre l'élégance de Canterbury, l'efficacité du jazz-rock et le lyrisme du prog vintage, sans pour autant cloner qui que ce soit! Les textes créant une proximité, une intimité même, avec l'auteur dont on a l'impression de partager les pensées, comme dans une conversation musicale entre amis.
Album remarquable, pour moi leur meilleur.
Cicero 3.14
22/06/2022
Robby Steinhardt
Not In Kansas Anymore
rock progressif – 43:58 – USA ‘21
Quand le nom masculin «Éloge» s’impose… Pour le bonhomme, pour la carrière et pour cette dernière offrande testamentaire qu’est «Not In Kansas Anymore».
Expression à sens multiples!
Dans le film de 1939, «Le Magicien d'Oz», Dorothy dit à son chien à un moment donné: «Toto, j'ai l'impression que nous ne sommes plus au Kansas.» C'est une expression qui en est venue à signifier que nous sommes sortis de ce qui est considéré comme normal.
L'album, produit par Michael Thomas Franklin, a réuni un large éventail de musiciens de renom. Ian Anderson, Steve Morse, Billy Cobham, Patrick Moraz, Bobby Kimball, Billy Ashbaugh, Pat Travers, Les Dudek et une multitude d’autres pointures à découvrir (plus de 35 noms sur la pochette)…
Les titres s’enchaînent les uns aux autres (parfois deux n’en font qu’un), visitant un large style de musiques allant de Dave Grusin («The Tempest») avec un soupçon de Jean Luc Ponty («Rise of The Pheonix») à ELO («Mother Earth»), en passant, bien entendu, par Kansas («Prelude», «Dust in the Wind»)…
Le violon est à l’honneur mais jamais écrasant et grande place est laissée aux invités dans les intros, les mélodies et les soli.
Après avoir terminé l'album, Steinhardt avait commencé les répétitions et les préparatifs pour une tournée, lorsqu'il est tombé malade.
Sa femme Cindy décidera de la sortie de l'album en octobre 2021.
Cet album, devenu posthume par la force des choses, est une totale réussite. L’album ayant été terminé du vivant de Robby Steinhardt, il garantit le respect de la vision de l’artiste et n’a pas de visées purement financières.
Même sur ce qui semblerait être un stratagème marketing sous la forme d'un réenregistrement de «Dust in the Wind». Les musiciens donnent vie au morceau et prennent des risques avec l'incorporation d’une trompette («Prelude») et ensuite d’une batterie lors du célèbre passage au violon de la chanson, puis d’un solo de piano jazzy (Chuck Leavell) et avec des coups de guitares qui remontent des origines du hard rock. À écouter absolument… En hommage.
«Now, don’t hang on, nothing lasts forever but the earth and sky.»
Publius Gallia
23/06/2022
The Chemistry Set
Pink Felt Trip
psychedelic rock – 46:21 – UK ‘22
The Chemistry Set fut créé en 1987 par Dave Mclean et Paul Lake. Ils furent même les vétérans du label alternatif Imaginary ainsi que d’Acid Tape (ce dernier label ne distribuait que des K7 comme son nom l’indique). Pour plus de détails et d’explications, je vous engage à vous reporter, ailleurs sur cette même page, à l’interview qu’ils nous ont accordée. On peut, en tous les cas, les considérer comme une véritable anthologie de la musique psychédélique.
D’entrée de jeu, la plage titulaire se révèle d’un psychédélisme énervé et quasi militaire, alors que la dernière minute, très années cinquante n’est pas sans rappeler Ritchie Valens (!). Pour suivre, une reprise d’un titre de Mark Fry, «The Witch». Nos deux acolytes sont friands de reprises comme ils nous l’expliquent par ailleurs. Le côté sautillant et primesautier de «Lovely Cup of Tea» ne vous échappera évidemment pas, les Kinks ne sont jamais très loin. «Psychotronic Man» se fait beaucoup plus éthéré. Même des influences country sont présentes sur «Sail Away» alors que «The Rubicon» est un rock basique mais, rassurez-vous, toujours enveloppé de psychédélisme. L’album se termine sur le long et magnifique «Self Expression» regroupant des ambiances très différentes les unes des autres (encore un fois, j’invite le lecteur à se reporter à l’interview qui vous en dévoilera tous les secrets).
Au total, un album que tous les amateurs de musique psyché se doivent de posséder!
Tibère
https://thechemistryset.bandcamp.com/
24/06/2022
Steve Anderson
Journeyman’s Progress Part 1
rock progressif – 42:04 – UK ‘22
Steve Anderson est un musicien prolifique. En plus de jouer dans les groupes The Room, Grey Lady Down et Sphere³, ce guitariste britannique sort ici son 1er album solo entièrement instrumental.
Il reste sur ses premières amours, le rock progressif, au sens large du terme, avec ici un panorama musical qui explore toutes les facettes du genre: néo-prog qui évoque IQ, Jadis..., du prog classique à la façon des ténors Yes, Genesis..., mais aussi du prog symphonique style Kansas, du prog orienté jazz comme dans Sphere³, ainsi que des attaques de riffs tranchants à la Dream Theater, sans oublier des moments planants, bref de quoi ravir les oreilles affûtées des progueux éclectiques. Sur certains titres, ces éléments cohabitent; cela donne du relief, des rebondissements bienvenus dans l’écoute des 11 plages de cet album. Leur durée varie: des courtes, notamment des interludes acoustiques, des moyennes et une belle pièce épique de 10 min, «Journeyman», quintessence du savoir-faire d’Anderson qui clôt l’album tel le bouquet final d’un feu d’artifice.
C’est clair, l’artiste a plus d’une corde à son arc, comme à sa guitare, et met les petits accords dans les grands pour servir des compositions riches en mélodies et en envolées progressives spectaculaires. On ressent qu’il est habitué à s’aventurer avec les groupes dont il est issu dans les vastes contrées du prog et à jongler avec les différentes nuances du genre. Il manie sa palette sonore pour colorer ses compositions, en mode guitare classique, folk, rock et ainsi, tel un peintre, il appose avec talent une gamme de tonalités sur ses fresques sonores.
Voilà un musicien qui a des années d’expérience derrière lui, cela s’entend, tandis que défilent ces titres qui mettent de la lumière dans l’esprit tant les notes rayonnent avec un éclat qui rend cet album recommandable.
Orcus
https://journeymansprogress.bandcamp.com/album/journeymans-progress-part-one
25/06/2022
Klaus Schulze
Deus Arrakis
ambient / Berlin School – 75’26 – Allemagne ‘22
Triste année pour les fans de musique électronique. Klaus et Vangelis, deux géants du genre, nous ont quittés. Le Maître de la Berliner Schule nous laisse un dernier joyau ciselé dans un écrin de délicate douceur mélancolique. Ce «Deus Arrakis» est donc inspiré une fois encore de l’œuvre de Frank Herbert à qui elle est d’ailleurs dédicacée, ainsi qu’à d’autres artistes qui ont jalonné le parcours immense du grand KS: Lisa Gerrard et un certain Hans Zimmer, pour ne citer que ces deux noms devenus célèbres, mais aussi à tous ses fans pour leur soutien indéfectible durant toutes ces années (sic!). C’est à l’annonce du nouveau tournage par Denis Villeneuve de la saga de SF que Klaus a lue et relue et adaptée en musique à plusieurs reprises (dont «Dune» avec Arthur Brown) et par l’intermédiaire de sa grande amie Lisa, dont Hans est un ami personnel, que Klaus décide de revisiter une fois encore l’univers du génial écrivain. Trois longues pièces dont les titres n’ont cependant rien à voir avec la saga de «Dune» (Arrakis) puisque les deux premiers font référence à des divinités égyptiennes et le troisième évoque la fragrance de la vie («Der Hauch des Lebens»). Tout est ici d’une grande sérénité; les séquenceurs, quand il y en a, sont coulés dans de longues nappes de synthés où glissent les notes nostalgiques d’un univers que nous ne retrouverons plus jamais, en cela sublimé par le violon aux accents tristes de Wolfgang Tipold déjà complice de Klaus dans le «Silhouettes» de 2018 dont le présent opus est quasi le frère jumeau. Les effets de voix sont le fait de Eva Maria Kagermann. Chaque plage est divisée en plusieurs séquences enchaînées et fondues en ces trois titres. Splendeur cosmique, onirisme et parfum d’un Au-delà étoilé que Klaus semblait vouloir nous faire entrevoir en guise d’adieu, de façon inconsciente et prémonitoire. Mais d’adieu, pour les fans, il n’en est pas question. Son immense discographie restera le portail vers sa galaxie. «Deus Arrakis» termine une carrière titanesque en magnificence absolue dans la simplicité mélodique et la grandeur astrale. Un incontournable chef-d’œuvre. «May the Spice be with you, always», termine Klaus Schulze.
Clavius Reticulus
https://klausschulze.bandcamp.com/album/deus-arrakis
26/06/2022
SomeWhereOut
More Tales from The Old Forest
progressive metal – 20:23 – Espagne ‘22
Somewhereout - Oficial est le projet du multi-instrumentiste andalou Raúl Lupiañez. Il compte deux albums à son actif: «Eternity, Infinity», paru en 2019, et «Deep in the Old Forest», l’année dernière. «More Tales from The Old Forest» est un magnifique EP de trois titres qui ont été créés lors des sessions d'enregistrement de l'album précédent. SomeWhereOut clôture sa scène dédiée à l'exploration du folklore européen. Le premier titre est «Lady Bird», qui s'inspire du conte serbe «The Bird Girl». Il nous présente un panel de paysages sonores, desquels se détachent certains riffs accélérés qui font opposition à d'autres plus tranquilles de guitares acoustiques. On y découvre la très belle voix de son partenaire John Serrano. On enchaîne avec «The Dragon»; dans la continuité du premier titre on passe du prog technique à une déferlante de guitares parfaitement maîtrisée. On termine avec «The Loneliness»: ce morceau nous plonge dans le conte serbe, «La Madrastra» où toute la place est prise par la guitare acoustique calme et mélancolique. Au niveau influences, j'y trouve Porcupine Tree et Riverside. Cet EP nous donne envie de découvrir ou redécouvrir l'univers de SomeWhereOut.
Vous avez envie de nouveauté, n'hésitez pas…
Vespasien
https://somewhereout.bandcamp.com/album/more-tales-from-the-old-forest
https://www.youtube.com/watch?v=3ba1YHqJW30&list=OLAK5uy_kDFIdlEEuYbFxM1BZYQg-ZlaIfuI7-e0U
27/06/2022
Pure Reason Revolution
Above Cirrus
électro-crossover prog – 45:55 – UK ‘22
Pure Reason Revolution est le groupe de rock britannique formé en 2003, distillant du rock moderne accrocheur et complexe, space et post rock, des vocalises déjantées, des riffs de guitare lourds, un rock progressif malsain sur du grunge rock, à la frontière entre Pink Floyd, Porcupine Tree, Led Zeppelin et Smashing Pumpkins. Dix ans après leur séparation, ce 2e (5e album depuis leurs débuts) surfe entre pop, new wave, électro et métal.
7 titres dont 4 enchaînés, 2 hits dont «Our Prism» heavy, tribal au synthé vibrant, un chant nerveux et un tempo changeant, du métal électro innovant et «Phantoms» pour un radio edit à l’ambiance disco, entre New Order surboosté et Depeche Mode aux lignes progressives explosives. «New Kind of Evil» titre atmo mélancolique, sur un piano et une explosion de sons synthétiques; la voix de Jon émouvante puis nerveuse et un final post apocalyptique géant. «Cruel Deliverance» alternatif, vocaux mélangés au son rêveur; la basse et l’orgue déboulent sur un solo digne d’un Paradise Lost entraînant.
«Scream Sideways» au bonheur angélique; chœurs, piano solennel, breaks complexes; sur les orchestrations des Alan Parsons et Smashing Pumpkins; oriental, tribal, électro, sur du Motorpsycho; break «Echoes», vocal funky puis atmo sombre et chœurs avant le final explosif. «Dead Butterfly» trois voix pour un piano, l’empreinte d’un Porcupine Tree se fait jour, plus déjanté; son distordu, entre la lumière et l’obscurité, malsain et tribal. «Lucid» en mélodie triste où la voix et les chœurs se mélangent aux instruments, dans un art rock électro porté au firmament.
Pure Reason Revolution a sorti un album court avec des titres enchaînés, un bon point. PRR a mixé la substantifique moelle musicale du son métal, synthé, électro et progressif que tout progueux rêve d’entendre. Une fusion sombre, innovante, dévastatrice, associée à une musique claire d’où chaque note vibre dans votre intérieur sans relâche.
Brutus
28/06/2022
Enneade
Withered Flowers and Cinnamon
heavy prog – 37:17 – France ‘22
Voici donc la troisième production pour Enneade. À noter que les paroles sont disponibles sur leur site! Foin de présentation du groupe et de l’album: le groupe s’en tire à merveille dans l’interview qu’ils ont eu la gentillesse de nous accorder et que vous trouverez ailleurs sur cette page.
Des phrases mi-parlées, mi-chantées nous permettent d’entrer dans «A Foul Taste of Freedom». Cette accroche serait-elle un clin d’œil à Genesis via le titre «Dancing With the Moonlit Knight»? Je ne peux me retenir d’y penser. Mais la suite nous prouve qu’Enneade possède son propre univers et n’a nul besoin d’emprunter des citations à gauche ou à droite. Ce titre est lourd quoique entrecoupé d’une respiration quasi médiévale en son sein avant de revenir à des arrangements plus posés.
Genesis revient via la guitare acoustique sur «Illumination» avant que le tout ne s’envole dans des zones plus rythmées. Une vraie respiration nous est offerte avec «Tinkling Forks», une plage réellement inventive dans sa mise en place. L’aventure macabre de Ted (lire interview) se poursuit avec «Grand Buffet» où l’on peut ressentir les influences de groupes comme King Crimson ou Magma pour n’en citer que deux. Mais le long «Autumn» arrive pour nous envelopper de ces atmosphères envoûtantes bien que complètement différentes les unes des autres.
Le groupe s’améliorant d’album en album, je ne peux que vous conseiller de jeter une oreille attentive sur celui-ci, voire à vous le procurer!
Tibère
https://vallislupi.bandcamp.com/album/withered-flowers-and-cinnamon-2
29/06/2022
Alex Carpani
Microcosm
crossoverprog – 59:28 – Italie/France ‘22
7e réalisation prog en 14 ans de l'Italo-Français Alex Carpani, multi-instrumentiste, producteur et musicologue, qui n'évolue pas que dans notre sphère. Il est actif aussi dans d'autres styles musicaux, du new-age à l'électro-jazz, dans la création musicale pour le théâtre, le documentaire; par ailleurs, il a aussi écrit une thèse sur la musique de Nino Rota!
Mais c'est sa qualité de compositeur prog qui nous permet de découvrir cette dernière production dans laquelle, outre Monsieur David Jackson (Van der Graaf Generator, un partenaire habituel, parfois sur scène aussi), nous retrouvons une belle brochettes de talents: les vénérés David Cross (King Crimson), Aldo Tagliapetra (Le Orme), Theo Travis (Gong, Fripp, Soft Machine, The Tangent), Bernard Lanzetti (PFM) et Jon Davison (Yes). Mais, même si le morceau d'intro «Starless» pourrait laisser croire à une réunion d'anciens combattants pour des covers, on découvre bien vite que ce ne sera pas le cas. Déjà ce beau «Starless» est largement revisité, raccourci, électronisé et la basse encore plus ondulante que sur les versions de Tony Levin. Les 11 autres pièces sont des créations qui oscillent entre jazz, rock, pop, classique, créant un univers d'un abord facile, mais dont la richesse ne se dément pas, même après plusieurs écoutes (nécessaires pour faire une chronique sérieuse!).
Alex y chante en anglais la plupart des morceaux avec une voix très proche de celle de Sting, le voile en moins. Sauf sur «Kiss and fly» où Jon Davison œuvre dans son registre habituel.
Tous les morceaux durent de 4 à 6 minutes, cette concision n'empêche pas de beaux développements et des soli (le superbe «Prime numbers»), des alternances tel le sax léger puis déchirant de «The Outerworld».
Bref si vous avez une heure devant vous, prenez un casque, vos voisins n’écoutent peut-être pas les mêmes, excellentes, choses que vous, encore que cet album soit potentiellement très consensuel, et profitez!
Cicero 3.14
https://alexcarpani.bandcamp.com
30/06/2022
Pershagen
Hilma
prog atmosphérique (cinématographique) – 40:38 – Suède ‘22
Un quatuor qui avec son troisième album studio «Hilma» continue de tracer, et ce depuis août 2014, un chemin sur lequel le rock instrumental coloré avec des éléments de musique folk nordique, de rock psyché expérimental et de l'indie à la guitare se marie avec le grunge et le rock alternatif.
Une caractéristique de nombreux groupes de prog nordiques est l'influence de leur environnement et de leur folklore sur la musique.
Cela en parfaite cohérence avec la démarche de nos musiciens consistant à créer une musique cinématographique, instrumentale, mélancolique qui reflète les mois d'hiver, au-delà du cercle polaire, de leur ville natale de Norrbotten…
Pour qui aime ces ambiances, c’est une réussite. Avec leur nouvelle livraison de neuf titres, Pershagen partage le spleen scandinave et m’évoque le bifröst, la danse des esprits de certains animaux, particulièrement les saumons, les rennes, les phoques et les bélugas. Si vous lâchez prise, vous entendrez le chant des baleines de l’océan Arctique, vous devinerez le reflet du Soleil ou de la Lune («Långt bort nära», «Klangskog») sur les armures des Valkyries quand elles traversent le ciel et verrez les torches allumées par les esprits des morts pour accueillir au paradis les nouveaux arrivants («Archangelska»).
Chaque note, chaque titre nous invite à la transe avec des guitares qui vrillent, des rythmes qui se tordent et des percussions répétitives et hypnotiques. Pershagen a un sens inné pour jouer ce qui semble juste, mélodieux, parfois blues, toujours atmosphérique et pour garder les choses très simples sans avoir besoin de trop élaborer.
Par-ci, par-là, vous pourrez sans doute vivre des réminiscences de la période expérimentale «Ummagumma» de Pink Floyd.
Si l’envie de divaguer entre l'obscurité et la lumière vous tente et qu’il n’y avait qu’un titre à retenir, ce serait «Karelia».
Publius Gallia
https://pershagen.bandcamp.com/album/hilma