Novembre 2022
- 01/11/2022 : Crippled Black Phoenix - Banefyre
- 02/11/2022 : Ok Wait - Well
- 03/11/2022 : Térébenthine - Promenade au bord de l’abîme
- 04/11/2022 : Curlees - Thursday’s Father
- 05/11/2022 : Abdou Boni - Sources
- 06/11/2022 : High Castle Teleorkestra - The Egg That Never Opened
- 07/11/2022 : Ef - We salute you, you and you!
- 08/11/2022 : The Different Class - Skins
- 09/11/2022 : La Bande à Joe - Chrones
- 10/11/2022 : Rocking Horse Music Club - Circus of Wire Dolls
- 11/11/2022 : Jordan Peacock - A Method to the Madness
- 12/11/2022 : Andy Pickford - Exospore
- 13/11/2022 : Etrange - Enigme
- 14/11/2022 : The Gardening Club - Bridge of Spirits
- 15/11/2022 : Coral Caves - Journey to the end of the light
- 16/11/2022 : Silent Temple - Faery Revolution
- 17/11/2022 : Esthesis - Watching Worlds Collide
- 18/11/2022 : Moon Letters - Thank You From the Future
- 19/11/2022 : Aurora Clara - Clear Dawn
- 20/11/2022 : Sideless - Choose The Way
- 21/11/2022 : Virgil & Steve Howe - Lunar Mist
- 22/11/2022 : TOC - Did it again
- 23/11/2022 : Spiritraiser - Ciklos
- 24/11/2022 : Fearful Symmetry - The Difficult Second
- 25/11/2022 : Elysian Fields - Gateway
- 26/11/2022 : Desert Twelve - Desert Twelve
- 27/11/2022 : Pink Floyd - Animals
- 28/11/2022 : Alan Parsons - From the new world
- 29/11/2022 : René Lussier - Au diable vert
- 30/11/2022 : Asia Minor - Crossing the Line (réédition de 1979)
01/11/2022 : Crippled Black Phoenix - Banefyre
Crippled Black Phoenix
Banefyre
dark / post-rock / prog – 97:27 – UK ‘22
Crippled Black Phoenix: projet rock instable de Justin Greaves (jouant dans Electric Wizard et Iron Monkey), voulant jouer un rock progressif macabre, doomy dès 2004. La venue de Dominic Aitchison (bassiste de Mogwai) permet de partir sur une fusion stoner à la Isis avec des ballades mélancoli-post-rock. Crippled Black Phoenix est connu en 2014 comme le Pink Floyd du nouveau millénaire.
Ce 12e double album tient son titre des feux de joie qui consumaient les sorcières et les politiciens d’antan.
CD1 avec l’intro haka tribale, «Wyches and Basterdz» avec Belinda chantant sur une base mélancolique celle de Zombie, un titre dans la veine dark/cold wave métallique. «Ghostland» continue sur un mantra répétitif suédois à l’air teutonique, genre fin du monde; ersatz folklorique scandinave là où l’on chasse les mammouths. «The Reckoning» cri de corne, tirs et l’air de «Paint It Black» en arrière; ça me rappelle Mission et The Alarm pour ce violon et la batterie militaire irlandaise; hymne écorché vif, le chassé risque de ne pas être celui que l’on croit. «Bonefire» au titre plus langoureux, post dark rock, les codes progressifs sont bousculés. «Rose of Jericho» alchimie Sigur Ros rock et Mono sombre, Explosions In The Sky pour les chœurs, notes étirées, les trompettes venant vrombir dans un maelstrom musical; break doom frissonnant, un peu de The Cult, New Model Army; c’est agressif, progressiste, sur The Cure période «Disintegration».
CD2 et «Blackout77» plonge dans le post-rock stoner de fin du monde, panne de courant dans New York et pillage. Voix off de journaliste, riff doom primaire, Killing Joke en souvenir et des nappes de synthés cold wave. «Down the Rabbit Hole» enchaîné, arpège guitare mélancolique pour un rock gothique décadent à la Lana Del Rey; ambiance crépusculaire. «Everything Is Beautiful but Us» pour une trouée musicale positive. «The Pilgrim» change de rythme, psychédélique, hypnotique. «I'm OK, Just Not Alright» et patatras, orgue de foire sur des pleurs; un crescendo onirique au spleen progressif moderne. «The Scene Is a False Prophet» pour le final post rock, expérimental conciliant l’atmosphère glaciale à la sonorité métallique qui sied bien à la décade 2020.
Crippled Black Phoenix a le mérite de nous amener sur un son actuel, semblant signer l’état du monde actuel. Du post-rock progressif avec touches doom, une touche de gothico-mélancolique à la Lacrimosa; des univers musicaux dramatiques enchaînés, noirs, macabres d’où la clarté essaie de s’extirper. Un climat fait sur mesure par Justin pour donner sa voix aux sans-voix, animaux, laissés-pour-compte de ce monde inhumain. Musique d’art oxymorien, son de beauté absolue lorsque l’éthéré rencontre le post et fusionne pour nous hypnotiser, pour créer du nouveau son des 2020 et se démarquer d’hier.
Brutus
crippledblackphoenixsom.bandcamp.com/album/banefyre
https://youtu.be/A7V7H2_GL1
02/11/2022 : Ok Wait - Well
Ok Wait
Well
rock progressif – 54:14 – Allemagne ‘22
En 2022, à Hambourg, Christoph Härtwig (guitare), Michel Jahn (guitare), Florian Zeth (bass) et Lutz Möllmann (batterie), quatre «Cocoricocoboys» ont associé leurs multiples expériences (Sonic Black Holes, Rodha, Barrels...) pour former Ok Wait! Tout simplement? Pas vraiment! Puisque l’amorce est une longue plage de 15 minutes, synthétisant tous les états d’esprit possibles. Le suite n’est pas moins généreuse, le compteur ne descendra pas en dessous des 7 minutes 47 secondes… Le coq est sportif! Il trône d’ailleurs fièrement sur la cover de l’album: crête rouge vif, œil menaçant, plumes multicolores, un étendard? Un drapeau? Qui sait? En tous cas, des nuances. On pense à l’Elbe, la Mer du Nord, son ressac, les morceaux nous attendent… Ils planent, prennent leur temps, ils font leurs vies contrastées en mode good «Cope»/Bad cop, rien ne vous sera épargné! En bons héritiers de Johannes Brahms, leur partition est tout en instrument, tout en émotion, ce sont cinq symphonies sur vagues électroniques…Toutefois, si le tout est sophistiqué, hyper développé, à la première écoute, il nous est permis de perdre quelque peu nos repères. Clairement, on met les pieds un peu partout sans prendre de direction, il faudra un peu de persévérance pour saisir le tout cohérent, les thèmes, les messages! Wel, Wel, en ce qui me concerne, après un petit faible pour «Blow» et ses breaks bien rocks pêchus-préchas, j’ai jeté mon dévolu sur leurs deux grands efforts, faut bien que ça paie après tout! 1/«Wait» avec son rythme en suspens, ses saisons qui n’en finissent pas… et 2/«Dust» aux accents bientôt plus cow-boy que l’on ne voudrait se l’avouer, d’ici ou là-bas, ils nous donnent l’impression de jouer sous le porche d’une frêle cabane en bois, devant un soleil couchant, guitare sèche, clopes roulés, santiags sur balustrade, chevaux en pâture avant d’exploser en un feu de distorsion de tous les enfers… et puis voilà, «la porte sur le monde» nous est grande ouverte! Si n’est pas Pink Floyd qui veut, l’aisance de nos gaillards mérite nos encouragement à continuer à rechercher leur créativité. En gros, les gars, vous n’êtes déjà plus dans la basse-cour, mais ne «soufflez» pas trop longtemps, votre premier est fort réussi, va falloir passer la seconde sans caler!
Kaillus Gracchus
https://okwait.bandcamp.com/album/well
https://youtu.be/-Y58KRHGwe0
03/11/2022 : Térébenthine - Promenade au bord de l’abîme
Térébenthine
Promenade au bord de l’abîme
rock progressif / stoner – 38:42 – France ‘22
Voici un groupe détonant dans le paysage du rock français car Térébenthine a réussi le mélange iconoclaste de réunir des courants parallèles qui n’auraient jamais dû se rencontrer (le principe du parallélisme!) mais le fait est bien là devant nos portes. Une sorte de stoner alerte et pas écrasé comme souvent s’empare des boucles hypnotiques du King Crimson d’après 1980, tout en évoquant par endroits une musique de western moderne. Non, ce n’est pas du desert rock, appellation d’un courant stoner particulièrement aride, si je ne m’abuse, mais un rock qui progresse, pas progressif, une exubérante bouillie bien goûtue. Le rock de Térébenthine est hautement inflammable, d’où ce patronyme, et, comme le précise le groupe, «Il s’agit d’une dystopie onirique et musicale». Térébenthine part d’un riff développé et modifié pour se retrouver avec un morceau complet et complexe. Oui, ici, pas de claviers et juste un quatuor basse/guitares/batterie pour un tout instrumental. Arnaud Jarsaillon (basse), Benoît Foucault (guitare), Miguel Miranda (guitare) et Rémi Subjobert (batterie) ont démarré en 2012 avec l’éponyme Térébenthine, suivi de Matière Noire en 2016. C’est M. Miranda qui a fondé le groupe en 2009 en étant le principal compositeur. Vous connaissez Kasabian? Alors imaginez ce groupe se perdre dans un rock psychédélico-progressif aux rebords bien boueux. Oui, ça reste vague, dit comme ça, mais pourtant Térébenthine use et abuse de riffs «frippiens» secs et concis alors que le duo basse/batterie touille une bourbe bien dégoulinante derrière. «Est-ce qu’on tombe encore?», c’est la question que pose Térébenthine à la toute fin du disque. Eh bien oui, mais on va rebondir, car il faut de l’estomac pour assumer l’écoute d’un seul jet. Après plusieurs passages, on ne tombe plus dans l’abîme, on le survole, mais n’attendez pas ici de clairières ombragées pour vous rafraîchir !
Commode
https://rebenthine.bandcamp.com/album/promenade-au-bord-de-lab-me
04/11/2022 : Curlees - Thursday’s Father
Curlees
Thursday’s Father
rock progressif – 40:35 – Émirats arabes unis ‘22
Attention c’est une perle d’Orient qui s’offre à nous avec ce quatuor de musiciens de Damas, en Syrie. Il est composé du leader et chanteur Majed Tamimi, du guitariste Yamen Fahham, du claviériste Ghaith Totanjy et du batteur Anas KhierAllah.
La vie des musiciens est, à l’instar de la majorité de la population de cette région du globe, mélangée culturellement et ethniquement, riche et dépouillée, colorée et sombre, moderne et ancestrale, trouvant un mode d’expression à travers un monde musical extraordinaire, plein d'émotions, de tragédie, de peur, mais aussi... d'insouciance ordinaire, et même d'un sourire.
Si les deux principales sources d’inspiration sont Steven Wilson et Jake Smith, côté style, les fans de Pink Floyd, Airbag, Camel, Marillion, Porcupine Tree, RPWL, Riverside vont adorer dès la première écoute.
L'album est principalement un disque sur la guerre (civile) en Syrie. Chacune des sept chansons parle de ses horreurs et des aspects ou résultats qui résultent de cette grande tragédie qui affecte des personnes, leurs familles et des nations entières...
Il a été écrit entre 2014 et 2017 dans un home studio à Damas. Cela peut nous donner une idée des conditions difficiles dans lesquelles tous ces sons imprégnés de sincérité et d'émotions douloureuses ont été créés (et je ne parle pas des coupures d’eau ou d’électricité).
C’est tout cela qui doit expliquer la maturité de la musique de Curless et donne cette impression que le groupe veut prendre son temps pour traiter l’urgence.
Cet album extraordinaire est couronné par une composition onirique à la Floyd: «Kenna». C'est la seule chanson chantée en arabe et bien qu'elle sonne digne et pathétique, elle montre l'approche sarcastique et même humoristique des musiciens face à la vie. Malgré tous ces malheurs, l'énormité des larmes, de la colère et de l'impuissance, c'est une histoire quotidienne, peut-être anodine, d'amis qui s'assoient simplement dans le parc, histoire de faire une pause dans les épreuves de la vie, de rire ensemble.
Puissant et sincère.
Publius Gallia
https://curlees.bandcamp.com/releases
https://www.youtube.com/watch?v=1XE8cUZbyh8
05/11/2022 : Abdou Boni - Sources
Abdou Boni
Sources
expérimental / jazz – 33:01 – France ‘22
CIRCUM-DISC
L’un pourrait allégrement être le père de l’autre (en termes de génération, s’entend), les deux se croisent une première fois en 2017 en formule quartet, dans le cadre du collectif lillois Muzzix, avant de se retrouver, deux ans plus tard, sur la scène à l’improviste, à… improviser, en duo et en toute liberté. Raymond Boni (guitare, harmonica), imprégné de ce que le free jazz impulse comme transmutations musicales, routier des scènes de France et d’ailleurs (il collabore longuement avec Joe McPhee), agrandit l’éventail des possibilités expressives de la guitare – son luthier? Roger Buro –, piochant chez les Tsiganes, dans le rock ou dans l’héritage de Django Reinhardt, quand Sakina Abdou (saxophone, flûte à bec), adepte de musiques ancienne, contemporaine et jazz, travaille ses instruments aux frontières du live, de la performance et de l’installation sonore, multipliant les expériences dans différentes formes et formations. La musique du duo, souvent acoustique, explore et fouine – et réclame une certaine ouverture d’oreilles.
Auguste
https://circum-disc.bandcamp.com/album/sources
https://www.youtube.com/watch?v=3cb2IHfSReI
06/11/2022 : High Castle Teleorkestra - The Egg That Never Opened
High Castle Teleorkestra
The Egg That Never Opened
avant-prog – 48:16 – International ‘22
Vous connaissez mon goût prononcé pour les «trucs» improbables et barrés. Eh bien, High Castle Teleorkestra est de cette trempe, mais ce n’est en rien un hasard. En effet, ce supergroupe réunit Tim Smolens (Extradasphere, Don Salsa - USA - basse, claviers, chant), Chros Bogen (USA - guitares, synthés analogiques), Bär McKinnon (Mr. Bungle, Umlaut - Australie - sax ténor, flûte, claviers, clarinette, chant), Timba Harris (Extradasphere, Secret Chiefs 3 - France - violon, alto), Stian Carstensen (Farmers Market - Norvège - accordéons, pedal steel), et Dave Murray (Extradasphere - USA - batterie, percussions). De nombreux invités dont je ne citerai aucun nom faute de place participent également à ce passionnant projet. Mélangeant allégrement des styles aussi différents que le jazz, la musique classique, le rock progressif, la musique d’avant-garde, la musique expérimentale, le métal ou le folk balkanique, vous aurez l’occasion de partir en voyage loin de vos soucis journaliers.
Déjà, la plage titulaire voit des guitares hawaïennes chevaucher des rythmiques de style oberbayern. «Ich Bin’s» se veut une valse décousue tandis que «Valisystem A» fait directement référence à la série d’écrits VALIS (pour Vast Active Living Intelligence System) de Philip K. Dick. Certaines plages, comme «At Last He Will», ont des apparences plus «normales». Si les ambiances propres aux anciens films des années cinquante font votre bonheur, ce sera certainement le cas avec «Diagnosing Johnny». Toute la folie des Balkans vous sautera au visage sur le dernier titre de l’album «Mutual Hazard».
Osez les fusions incongrues et précipitez-vous donc sur «The Egg That Never Opened», vous serez éblouis.
Tibère
https://highcastleteleorkestra.bandcamp.com/album/the-egg-that-never-opened
07/11/2022 : Ef - We salute you, you and you!
Ef
We salute you, you and you!
post-rock – 43:59 – Suède ‘22
Ef est le groupe qui a commencé à jouer du heavy-rock dès 2003 puis a décidé de se tourner vers le post-rock plus émotionnel. Ayant joué auprès de Red Sparowes, ils sont inscrits dorénavant dans la mouvance des Gregor Samsa, Mogwai, Explosions In The Sky et Goodspeed You! Black Emperor. Ils sortent leur 5e album après 10 ans d’absence.
«Moments Of Momentum» intro géante sirupeuse piano, montée avec quelques voix immergées dans l’air; spleen onirique. «Wolves, Obey!» sur une basse syncopée lourde, violon puis vocaux éthérés et un titre alternatif entraînant avec trompettes. «Hymn Of...» son en adéquation avec le titre; le post dans tout son état, notes de guitares stridentes et montées à leur paroxysme, voix douce en coupure, chœurs orgasmiques et trompette militaire avec sa batterie avant la finale hurlée. «Nio» pour l’interlude piano solennel. «Leuven» ambiance spatiale éthérée, spleen, entre mélancolie et espoir déçu. «Apricity» et la voix d’origine, femme et homme avec orgue pour le repos; on touche aux Sigur Ros pour la quiétude, le voyage, la détente; le cor présent amène la sagesse; ça part sur un air western mexicain puis une finale intense avant de tomber en douceur. «Chambers» slide guitare de catacombes introduisant la note vibrée de la corde; montée douce, break jazzy boîte de nuit avec la trompette puis seconde escapade hurlée, les violons et autres cuivres en remettent une couche jusqu’au final en decrescendo méditatif.
Ef fait donc du post-rock cinématographique à l’émotion brute, basé sur les explosions musicales et la mélancolie qui en résulte; ils nous saluent tous, nous, et nous pour leur retour en associant «sublime et fragile» à l’intérieur de cet album. La pandémie, le confinement va les rassembler pour donner un rock presque instrumental (ah ces voix!) vibrant et hypnotique rempli de nostalgie mélancolique du plus bel effet.
Brutus
https://efmusicsweden.bandcamp.com/album/we-salute-you-you-and-you
08/11/2022 : The Different Class - Skins
The Different Class
Skins
rock psychédélique/indie/électro – 52:39 – Roumanie ‘22
La musique de ce groupe est composée de mélodies d’une beauté envoûtante, elle est sexy et sensuelle, dialogue de sonorités électro, hard rock, un peu stoner et psy.
Il y a du Depeche Mode dans leur musique et même quelquefois des traces de trash métal. L’alternance de chants en anglais et de la langue maternelle du groupe donne une touche envoûtante, voire hypnotique à ceux-ci.
The Different Class traite d’une gamme extrême d’émotions sur «Skin», ils vous proposent un voyage de rêve mélangeant l’amour et la luxure, vapeur opiacé de soirée underground, hypnotique, stroboscopique.
Un album de nuits blanches, de musique forte et enfumée, de clubs et de ruelles éclairées de rouge aux pavés humides.
À découvrir.
Tiro
09/11/2022 : La Bande à Joe - Chrones
La Bande à Joe
Chrones
pop-psyché / prog – 30:36 – Suisse ‘22
Dans l’entre-Röstigraben et Jura, le facteur temps a crié au moins deux fois: «C'est le guet, il a sonné onze, il a sonné onze!». Faut-il voir en la guette une prédisposition lausannoise à s’intéresser à la flèche de Zénon?
Réponse positive de la bande à Joe qui, contrairement à celle de Basile, ne fait point dans la farandole.
Aussi vrai que l’helvète élan, se révèle à nos pavillons avides de finesse (en ce monde de brutes) une musique aux pieds lourds comme l’ancre, allures monacales, molle boue qui tend tantôt vers l’éther, tantôt vers le roc distordu d’un sol pesant. Soudain projeté par une guillerette croustillance appuyant un rythme soutenu, on atterrit bien vite sur une longue piste au tempo délicatement retenu. J’explore les antipodes, sans cependant de déconnexion, ce «Triptyque» du temps ouvre le bal d’une manière magistrale et s’autorise au passage des allures de garçon boucher.
Mais, ôtez-vous de mon soleil, voici la blues-brûlante quatrième qui démarre. Rédigée, bavarde comme un jeune endimanché, elle passe au peigne fin l’hybris sans mettre de gants. Les claviers sont ivres, le reste droit au but. Like!
Revenons-en aux mystères de Chronos avec «Rire-Clavecin»: «une machine à musique, à remonter le temps» ou le plaisir confortable de ne pas dépasser la nostalgie. Trip halluciné servi par une clean au son que je jalouse; la bande marque des points! Dans cette lignée, naturelle, confidentielle, sans complexe, nous enchaînons nos trois derniers titres. L’écriture est belle, le flirt osé entre chant et récitatif colle parfaitement à l’intention sonore: de la belle ouvrage.
Joe termine en sa barque, prenant le hip-hop par l’interstice, puis s’enfonce gentiment sans écoper. Nous reste l’audace de s’être détaché de l'aspect clinique caractéristique de tant d'œuvres contemporaines, de cette fausse maîtrise que donne la machine aux gens pressés, sans plus de temps. Nous reste la sincérité d’une personnalité artistique bien attachante.
Néron
https://tablebasserecords.bandcamp.com/album/chrones
https://www.youtube.com/watch?v=4bDOJuJyZrk
10/11/2022 : Rocking Horse Music Club - Circus of Wire Dolls
Rocking Horse Music Club
Circus of Wire Dolls
néo-progressif – 94:54 – USA ‘22
Le «Rocking Horse Music Club» est un collectif d'auteurs-compositeurs et d'interprètes qui se croisaient régulièrement au «Rocking Horse Studio», situé dans le New Hampshire, aux États-Unis.
Les membres du groupe travaillent ensemble dans diverses configurations depuis 2008.
Un premier album, «Every Change of Seasons», est sorti en septembre 2018.
Un deuxième, en octobre 2019, «Which Way the Wind Blows», hommage au guitariste originel de Genesis, «Ant», le trop émotif Anthony Edwin Phillips.
Et voici un troisième album de 23 titres (de 1:30 à 8:45), à ranger dans la rubrique «opéra-rock».
L'album raconte l'histoire d'un homme qui crée un cirque miniature avec du fil de fer, de la ficelle et du tissu. Dans son imaginaire, les artistes de son cirque prennent vie avec des pensées et des émotions humaines. Au fil du cirque, les interprètes racontent chacun leur histoire, révélant les aspirations, les peurs et les pensées de leur créateur.
Le style éclectique du groupe mélange le rock progressif avec des éléments de pop baroque et de chambre, de gospel, de blues, de fusion, d'indie folk et d'art rock.
Nos 7 musiciens sont accompagnés d’une foule d’invités apportant une foule de belles voix féminines et masculines, d’instruments (cuivres, cordes et bois), d’ambiances, d’émotions et de sons (y compris électroniques).
Riche donc, mais d’accès vraiment facile et ne pouvant que plaire à un maximum d’amateurs et même au delà. Le genre de groupe qui sait qu’il n’a pas à étaler sa technique pour présenter un excellent produit fini. L’harmonie est reine! Les soli nombreux et transcendants. C’est un album sur lequel chacun pourrait s’appuyer pour expliquer éventuellement ce qu’est le rock progressif.
Chacun peut y trouver au moins 2 ou 3 titres préférés. Par ailleurs, je ne doute pas que certains y voient même leur album préféré de cette année.
Publius Gallia
11/11/2022 : Jordan Peacock - A Method to the Madness
Jordan Peacock
A Method to the Madness
crossover jazz-rock / rock progressif – 75:03 – USA ‘22
En intro, un epic de quasi 13 minutes ouvre avec des arpèges et une nappe de Mellotron (façon «Night in White Satin») pour un thème d'une minute bien prenant qui sera transposé pour mon bonheur, revenant ainsi plusieurs fois dans le morceau. Mais le morceau bascule à 3 minutes pour se faire rock purple, et une voix s'élève pour chanter avec écho, très décalée, rauque et/ou nasillarde, je ne sais pas, mais je n'adhère pas et je regretterai tout au long de l'album principalement instrumental qu'il ne le soit pas totalement. Côté musique, l'impression est d'avoir affaire à un groupe de prog 70 orienté Deep Purple/Uriah Heep, mais où le Hammond serait remplacé très souvent par un Mellotron.
Autre ambiance dès le 2e morceau, plus soft jazz-rock, avec une guitare souple (Lee Ritenour) qui solifie joyeusement. Gai!
Le 3e, franchement prog, propose un climat inquiétant où planent alternativement guitares et flûtes. En 4, une énorme basse syncopée nous accueille pour un retour funk jazz-rock groovy où une guitare électrifiée par l'Orient et un synthé 70 proposent un contrepoint efficace. Mais le riff de basse finit par triompher, pour notre bonheur.
«Perseverance» poursuit sur plus de 10 minutes ce jazz-rock chatoyant et mélodieux et un rien orientalisant; le peu de chant est féminin (Jersey Meg), ce qui me comble. Suit «Devotion», un pattern de Rhodes, dans un climat sombre, où des cordes viennent pleurer. «Guardian Angel» renoue avec l'inspiration et nous mine! Le Rhodes reste pour «Moonlight, Starry Night» avec une très belle guitare à l'unisson d'une flûte, ponctuées de tubular bells. Beauté cosmique.
«Beginings» est l'avant-dernier du LP(?), rythme latino, basse tellurique et une Strat en accord pour le fond, puis pour les soli: trompette bouchée, guitare saturée (Santana). Efficace support à nos rêves d'ailleurs ensoleillés.
«Forgiveness» sur la voix... no forgiveness!
Pourtant le kaléidoscope chatoyant de cet album mérite bien plus qu'une écoute, les 5 quarts d'heure passent dans un souffle.
Cicero 3.14
https://jordanpeacock.bandcamp.com/album/a-method-to-the-madness
https://www.youtube.com/watch?v=ecMEnQOKPHI
12/11/2022 : Andy Pickford - Exospore
Andy Pickford
Exospore
chill out/electronica – 76:36 – UK ‘22
Avec neuf compositions de quelque dix à onze minutes, Andy nous offre un merveilleux voyage cosmique qui nous replonge à plus d’un instant dans son chef-d’œuvre «Lughnasad», sorti il y a 20 ans déjà. On retrouve ici, à plusieurs reprises, ces ambiances éthérées et oniriques que cette perle de la musique contemporaine nous avait offertes. «Encephalation» est dans cette veine, «Shagnastification» confirme. «Quasidyllic», qui suit une introspection de l’encéphale, porte judicieusement son titre (serait-ce voulu?) pour nous prendre par la main et nous emmener parmi les étoiles: envolée atmosphérique en ouverture et belle montée en puissance au son d’une batterie synthétique syncopée. Idem pour «Inembryation» qui se calque sur le même modèle et rappelle encore ce chef-d’œuvre pickfordien qui n’a pas pris une ride! Ainsi est construit l’album, entre partitions oniriphores et rythmique séquentielle colorée. Ceux qui suivent Andy depuis des années sont habitués à ses explorations harmoniques qui peuvent encore surprendre au bout de plusieurs écoutes. À noter qu’une plage en 16 bits compile le tout en un seul long trajet sidéral. Notre artiste le propose à chaque nouvel opus. Le bonus «Intraversal» replonge une fois encore dans la galaxie «Lughnasad» pour notre plus grand bonheur. Dites-vous enfin que, pendant que j’écrivais ceci, il se peut que de nouveaux albums soient disponibles sur Bandcamp car Andy non seulement ne dort jamais mais reste d’une incroyable créativité!
Clavius Reticulus
https://andypickford1.bandcamp.com/album/exospore
https://www.youtube.com/watch?v=_BogSn07yXA
13/11/2022 : Etrange - Enigme
Etrange
Enigme
metal progressif – 48:17 – France ‘22
J’avais déjà eu l’occasion de vous dire tout le bien que je pensais de la première sortie éponyme (http://www.progcensor.eu/avril-2020.html#PFb8fD6m) de ce duo français Etrange. Leur second album, Enigme, vient de sortir. À cette occasion, le duo nous a accordé une interview dont je vous invite à prendre connaissance ailleurs sur cette page. Dès le titre d’ouverture, «Entity», le ton est donné pour cette œuvre cinématique et progressive en diable. Le morceau suivant, «Nexus», enfonce le clou. Ce n’est qu’avec «Irradiance» que le tempo se ralentit quelque peu (et encore!). Toutes les influences dont nos héros nous parlent dans l’interview sont effectivement présentes tout au long de ces six plages. Plus loin, «Möbius» nous entraîne encore plus profond dans notre imagination débordante: laissez-vous donc porter par les images qui envahissent votre esprit durant ces moments magiques. Mais il est temps de prendre congé de nos amis, «Eclipse» est parfait dans ce rôle.
Je ne peux que réitérer ma conclusion faite pour l’album précédent: précipitez-vous donc sur une version physique de l’album, vous n’en aurez que plus de plaisir.
Tibère
https://etrange.bandcamp.com/album/enigme
https://www.youtube.com/watch?v=Tjw85Bn0H28
14/11/2022 : The Gardening Club - Bridge of Spirits
The Gardening Club
Bridge of Spirits
rock progressif – 53:21 – Canada ‘22
Découverte, pour moi, que ce groupe canadien fondé par Martin Springett (guitares, basse et voix), qui vient de produire 2-3 LP, depuis mai 2021! Je dis 2-3, car celui-ci est une extension de leur album «The Time Trilogy» dont les 6 morceaux sont repris, dans l'ordre, et le 7e de celui-ci, «Bridge of Spirits», fait le... pont avec deux nouveautés, l'epic «The Owl» (17 minutes), et le plus court «The Gift», plus un bonus, «Strange Kingdom». Cet album combine aussi deux atmosphères. Gardening Club West de Norm MacPherson (guitares et basson) avec le GC East de Kevin Laliberté (guitares, basse). GCE fournit le morceau d'introduction, qui est l'un des meilleurs entendus cette année.
Je complète le line-up avec Dave Wilkie et Denise Withnell (chant), Drew Birston (fretless and acoustic basses), Sari Alesh (violon) et Wayne Kozak (sax).
L'intro «Forever Leaving Home» possède tout ce que j'aime: une belle atmosphère, un peu orientale, servie par un riff de guitare flamenco, une double basse enveloppante archet et fretless, et des voix doublées (voire plus) avec parfois un décalage variable entre elles. La «voix» qui en résulte est quelque chose de proche (en plus calme) de celle des Talking Heads des '80, autrement dit, très accrocheuse. Une seconde guitare sèche rythmique donne la pulsation. Le tout servi par une mise en son parfaite. Le résultat est un foisonnement merveilleux, fourmillement délicieux pour esprit curieux qui, écoute après écoute, trouvera de nouvelles sensations pour le satisfaire.
«The Sister of Theft» accentue le trait oriental et n'est pas moins roboratif. Le violon ondule comme une danseuse du ventre, les claquements de mains et la guitare flamenco fournissent le rythme et le solo. Énorme en seulement 170 sec !
Je n'ajouterai rien sur la musique, les 8 autres pièces sont à l'avenant, car si vous n'êtes pas en train d'écouter, j'ai perdu mon temps à écrire 😉 ! Un mot sur le livret, superbe, il fournit l'enluminure ultime de cette œuvre indispensable.
Cicero 3.14
https://thegardeningclub.bandcamp.com/album/bridge-of-spirits
https://www.youtube.com/watch?v=eFihCJrrhQE
15/11/2022 : Coral Caves - Journey to the end of the light
Coral Caves
Journey to the end of the light
rock progressif – 50:11 – Italie ‘22
Fondé en 2001 à l’initiative de Stefano Bartolomei (1er batteur). 1er album en 2008 («Metapoiesi»). Influences: Genesis, Yes, Deep Purple, PFM, King Crimson, Quatermass, Camel, Queen et Pink Floyd. Pietro Saviano (basse chant et flûte), Massimiliano Vaca (batterie), Salvadores Arcoleo (claviers et piano), Dario Gallotta (guitare) et Lucio Gallotta (lead guitare).
Part 1 Inspirée par Louis-Ferdinand Céline et son Voyage au bout de la nuit et Lettres à des amies.
«Place de Clichy». Un début en douceur et jazzy avec quelques réminiscences de Pink Floyd (le sax). Très planant et bonne intervention de la flûte (normal ce n’est pas moi qui joue!).
«Molly». Un morceau qui m’évoque le très mélodique «Efter Efter» de Trettioariga Kriget (sorti en 2012). Très agréable à écouter, un rock progressif très soigné (des claviers qui sonnent comme il faut). Encore l’influence du jazz et du jazz rock ( guitare bien en avant). Élégant comme Weather Report.
«Africa». C’est marrant la voix m’évoque Bernardo Lanzetti (ce qui est bien pour moi merci). Une intro apaisée percussions à l’appui. Un voyage très chouette qui fait à nouveau penser à Pink Floyd (les claviers, le sax et le son de la guitare).
«Ballad of Modern Man». Ça me fait penser à Agusa. Un bon mix entre prog et rock psychédélique. L’album est abouti et ne sombre pas dans la guimauve. De beaux morceaux de bravoure. Les guitaristes sont en grande forme. Trippant.
«Ballet Dancers». Une intro à la Genesis, une réussite bien mise en exergue par des solos bluesy et incisifs. Un prog qui n’oublie jamais le rock et qui va à l’essentiel.
Part 2 Lost and found.
«Semiotica». Un groupe qui attache beaucoup d’importance aux mélodies et au chant. Ils confirment leur amour de Genesis et d’Anthony Phillips.
«In the arms of Morpheus». Fait penser à Radiohead mais le plus proche serait «A trick of the tail». Même émotion que pour «Entangled», la voix est très Phil Collins. «The Cinema Show» frappe à la porte. Une musique racée et bien écrite. Très riche et respire le blues.
Part 3 Echoes from elsewhere.
«Here comes the flood». Reprise de Peter Gabriel. Un morceau très mélancolique et beau, un peu de Magic Pie. Je passe un très bon moment en compagnie de ces musiciens transalpins. Genesis est toujours dans la place (un son à la «Selling England by the Pound»).
«Lavender». Un final explosif et généreux pour cette reprise de Marillion qui va bien aux musiciens de ce groupe. Des solos de guitare généreux au service d’un chant inspiré et émouvant. Un feel good prog à la Hasse Froberg Musical Companion, et vient «End of the night», en fait je suis déjà réveillé et suffisamment lucide pour attester de la sincérité de mon avis sur cet album réjouissant.
Beau travail.
Fatalis Imperator
https://open.spotify.com/album/1lQJ9UUtWn5P2XNQYJQbJP
https://www.youtube.com/watch?v=cJbWAb6C9yo
16/11/2022 : Silent Temple - Faery Revolution
Silent Temple
Faery Revolution
folk rock progressif – 63:42 – USA ‘22
Aïe, je ne suis plus du tout dans ma zone de confort avec ce cinquième album de Silent Temple originaire de Portland dans l’Oregon. Mais notre Centurion pense que c’est bien aussi d’avoir l’avis de quelqu’un qui n’est pas connaisseur. Ce groupe est mené par le multi-instrumentiste Amos Hart (guitare électrique, luth, guitare acoustique, flûte à bec et chant). Il est accompagné, entre autres, de Maria «Rossi» Cahill (Ten Spiders) au banjo, à la guitare électrique et au chant, et de la voix de Natty Isabel (Flying Caravan) qui ont signé ensemble le très aérien «Hold On»; à part ce titre-là, toutes les musiques et paroles ont été écrites par Amos Hart. Voici en quelques mots mon ressenti de cet album. Un côté moyenâgeux et un côté «peace and love» sur «Raotan». Cordes et clavier tout en douceur sur «Sail of the Serpent» avec, sur la fin, les choristes qui me rappellent un peu «The Great Gig In The Sky». C’est sur «One Day» que l’on peut apprécier la très belle voix grave de Amos Hart, les chants de Rossi et de Natty, ainsi que de belles orchestrations, à l’inverse du titre suivant, «Far Away From Here», où la voix du chanteur se fait crooner sur une musique jazzy. «Faery Revolution» est une ode à la Terre Mère, qui sera sauvée de l’humain destructeur par la révolution des fées et autres créatures de la forêt («Les cerfs, les trolls et les loups erreront parmi nous en paix. Nous errerons entre nous en paix.»).
Maintenant, à vous d’écouter pour vous faire une opinion.
La Louve
https://silenttemple.bandcamp.com/album/faery-revolution
https://www.youtube.com/watch?v=lc-NyQGNT5Y
17/11/2022 : Esthesis - Watching Worlds Collide
Esthesis
Watching Worlds Collide
rock progressif – 50:28 – France ‘22
Ils sont rares, pour ne pas dire inexistants, les groupes français qui ont eu droit à une bonne presse anglaise. C’est pourtant le cas d’Esthesis avec son album précédent qui avait été jusqu’à bouleverser le magazine british «Prog», bible des revues du genre! Et pourtant, à bien y écouter, on comprend mieux pourquoi. Le groupe de Toulouse, emmené par le compositeur et leader Aurélien Goude évolue dans un univers qui n’a de progressif que le sens moderne que l’on veut bien lui octroyer. Dans une atmosphère qui n’a pas trop d’équivalent, Esthesis surprend encore pour son second album en perfusant un jazz décaféiné sur un tamis d’electro peu envahissante, sans renier les effluves floydiennes qui avaient participé au charme du premier opus, «The Awakening», en 2020. «Watching Worlds Collide» est encore mieux produit, du moins c’est l’impression qui en ressort, et la qualité de ce son si particulier rajoute au bonheur d’écouter ce deuxième opus. On peut qualifier la musique d’Esthesis de rock progressif cinématique, expression que j’emploie souvent quand un groupe nous emmène faire un tour par la force de sa musique à nous donner des visions oniriques sorties de notre imaginaire. Fervent partisan d’un prog’ français inspiré par Ange, je suis pourtant subjugué par la grâce diaphane que mettent Goude et sa bande à fomenter un rock parfois léger comme une bulle de savon, savant miroir déformant d’un Porcupine Tree qui aurait mis un colorant jazzy dans ses épopées évanescentes. Mais la référence au groupe de S. Wilson n’est qu’une figure de style pour diriger le lecteur vers ce qu’il connaît. Esthesis a un style bien à lui, mélodique avant tout, et navigue sur une mer immatérielle de mélodies mouvantes, ondulant avec la grâce d’un groupe de soul new wave («Place your bets») (et pourquoi je pense à Sade*?!). Avec cette musique si différente, Esthesis devrait plaire à d’autres auditeurs que les purs fans de progressif, car le groupe va déjà beaucoup plus loin dans sa lancinante quête de musique languide et éthérée où le reflet du Pink Floyd commence déjà à s’effacer… À ce titre, «Skimming Stones» est une pure merveille! Violon, cuivres, sax sont du voyage et portent la musique vers un ailleurs qu’on ne soupçonnait pas après le pourtant très réussi premier album. Si vous avez aimé le premier album, foncez, c’est encore meilleur. Si vous ne connaissez pas du tout, foncez aussi, bien sûr, pour partir en voyage, loin, très loin, beaucoup plus loin; la musique d’Esthesis alliée à votre imaginaire vous fera faire une odyssée sans commune mesure avec un banal quotidien musical. Ceci dit, je me refais un tour dans la «57th Street» d’une insolante «jazzitude» mais pas autant que le final «Through my Lens» et son saxo évocateur, un titre d’une beauté radieuse et impertinente à la fois. Ce disque est décidément salvateur!
Commode
https://esthesis.bandcamp.com/album/watching-worlds-collide
https://www.youtube.com/watch?v=4iv8UKHVDcM
18/11/2022 : Moon Letters - Thank You From the Future
Moon Letters
Thank You From the Future
rock progressif symphonique – 41:02 – USA ‘22
Je vous avais déjà dit, dans ces colonnes tout le bien que l’on pouvait penser de ce groupe américain intitulé Moon Letters (voir http://www.progcensor.eu/aout-2019.html#r8btmVp2). Et ce n’est pas leur nouvelle offrande qui va me démentir: «Thank You From the Future» est une petite merveille de plus à verser à leur actif. La composition du groupe n’a pas changé d’un iota depuis sa formation en 2019. Je ne la reprendrai donc pas ici. La musique présentée ici n’est pas que symphonique, c’est également un véritable modèle de rock progressif, ode aux temps immémoriaux de la musique que nous adorons.
D’entrée de jeu («Sudden Sun»), nous sommes emportés dans un monde parallèle, empli de références, que ce soit aux chœurs dignes d’un grand Queen, guitares à la Zappa, j’en passe et des meilleures. Des mélodies dignes des Beatles, voici ce que nous propose «The Hrossa». Par contre, avec «Isolation and Foreboding», c’est Yes et même Gentle Giant qui s’invitent à la fête. Comme pour le disque précédent, Moon Letters nous garde le meilleur («Yesterday Is Gone») pour la fin.
Quelle belle progression (vous me direz, pour un groupe officiant dans notre style préféré, c’est normal) depuis «Until They Feel the Sun»! Mais je vous en laisse seuls juges; pour ma part, j’ai déjà tranché.
Tibère
/https://moonletters.bandcamp.com/album/thank-you-from-the-future
https://www.youtube.com/watch?v=TShJwz_LeYc
19/11/2022 : Aurora Clara - Clear Dawn
Aurora Clara
Clear Dawn
jazz rock – 55:52 – Espagne ‘22
Ma première rencontre avec le jazz rock date de 1973, où un copain de classe (on se chamaille mais on s’aime bien finalement) me cale avec «Between Nothingness & Eternity» du Mahavishnu Orchestra – il (le copain) a un côté soul, jazz, West Coast, alors que je vogue, pour ma part, de Yes à Genesis, en passant par Pink Floyd. Sacrée claque et j’écoute et réécoute mais sans pour autant passer à un approfondissement réel du genre (l’erreur? me contenter d’un enregistrement sur cassette au lieu d’acheter le disque). De là ma curiosité aujourd’hui pour «Clear Dawn», de l’Espagnol Aurora Clara, dont c’est le deuxième album – et sur le premier morceau de chacun d’entre eux, on retrouve, au violon électrique… Jerry Goodman, du line-up original du Mahavishnu –, plus propre (mieux produit, mais «Between…» est capté live), moins purement électrique (quoique) que celui de la bande à McLaughlin, mené par un de ces guitaristes (Raul Mannola, qui partage l’écriture avec le batteur Marco Anderson) dont on aimerait recompter les doigts, au repos, calmement, tant la vélocité de son jeu suppose une adjonction bionique, soutenu par une rythmique plénipotentiaire mais capable de se faire subtile, s’autorisant des incursions blues («I Know What You Mean») ou acoustiques («Blues for RT») et des rythmes chaloupés à la Santana (la flûte et les congas dans l’impeccable «Slo Fun»): sacrée pépite.
Auguste
https://auroraclara.bandcamp.com/album/clear-dawn
https://www.youtube.com/watch?v=JvSgJPHXpPo
20/11/2022 : Sideless - Choose The Way
Sideless
Choose The Way
metal prog / classic – 54:25 – Italie ‘22
Sideless est un quatuor mélodique, mi-frères, mi-amis, jeune prodige du métal progressif d'Italie du Nord. «Choose the Way» est leur premier studio, un album concept autoproduit, déjà plein de réussites et de promesses. Di cosa stiamo parlando? Eh bien, premier indice sur la pochette: un temple classique où trône un présage morbide… Vous êtes à l’opéra, dans l’attente qu’une tragédie vous joue dessus… Tout commence par une longue introduction de 7 minutes 10 secondes, «Strange Illusion», où règnent les souffles mielleux d’une flûte. C’est culotté, cela pourrait être incongru mais c’est plutôt bien partitionné, d’autant qu’on entre au piano, vibrations solennelles, avant de tout remettre en question avec de bons gros riffs, électrifications démentielles! Pas un mot mais main droite-clavier, main gauche-guitare, puisque c’est Francesco Marangoni qui jongle en plein milieu! Bravo, bravo, bellissimo! Et ce n’est que le portail! L’histoire ne fait que commencer. Il est question de deux Nord-Coréens, l’un inféodé au régime, l’autre affranchi, pourtant deux amis d’enfance, qui viendront cogner leurs âmes si différentes et si inséparables, Yin “Ning” et Yang “Tian”, jusqu’à l’affrontement final, façon western ou «Heat». Une odyssée à l’instrument, entre ouragan et espoir, vous irez écouter qui l’emportera!!! Chapitre II: «Chain», les langues se délient, on devine le chef suprême monologuer sur les ondes radio et bientôt le grain de voix de Maurizio Gioli, un parfait prêtre métal, crieur ou narrateur, habitant son texte avec conviction, violence et toute la sombreur qui convient; ce qu’il démontrera chapitre après chapitre. «Without A Soul» et son didgeridoo hardeux viendra rechercher le «Seventh Seal» de Van Halen avant de le lâcher en plein vol pour plus de mélancolie, que «Away» et «Misstep» viendront confirmer et allonger (surtout pour ce dernier). «Throwin’ Treats» est le parfait morceau hard rock, section rythmique au taquet, c’est la basse de Alberto Marangoni et les caisses de Christian Camazolla, on peut ressentir un filet d’orgue à la Deep Purple, par moments. En gros, il y a bien de quoi enflammer un stade! Nos quatre musiciens ne boudent pas leurs influences seventies chez Pink Floyd et ramassent par-ci, par là, la lourde sophistication technique d’un Dream Theater, tout du long, tout du bon. Et donc jusqu’à «The Last Shot», ending song de leurs concepts rock songs où l’on imagine plein les oreilles la course dans le cimetière, la poursuite vers les pistes de l’aéroport de Los Angeles. Pour le coup, nos musiciens-conteurs sont venus signer leur tableau, ils ont décidé de jouer, épaule contre épaule; c’est un partage de bons moments tous mélangés, notes dans leurs notes… Après quoi, les lumières vont se rallumer dans la salle de spectacle et le public entonnera l’ovation! Parce que ce petit groupe italien a bien fait son taf. La prochaine fois, je le prédis, «we'll need a bigger boat!».
Kaillus Gracchus
https://sideless.bandcamp.com/album/choose-the-way
https://www.youtube.com/watch?v=fmi9GJMGRcc&list=OLAK5uy_knhmCW7nqrqIYNwKdnsYdQQZ0PmL2ZNi8
21/11/2022 : Virgil & Steve Howe - Lunar Mist
Virgil & Steve Howe
Lunar Mist
instrumental / ambient – 44:49 – Royaume-Uni ‘22
Virgil Howe, batteur et claviériste de Little Barrie est parti en 2017. Il était le fils de Steve guitariste de Yes, GTR et Asia, un grand monsieur de la 6 cordes, guitar hero qui adore Atkins, Stravinsky, Vivaldi ou Miles Davis. En solo une vingtaine d’albums, avec son fils ce deuxième, œuvre posthume dans le sens où Steve a finalisé les ébauches de feu son fils dans la suite de «Nexus».
«Lunar Mist» pour découvrir le travail de Steve à développer les notes de son fils, à les retraduire pour nous faire danser au-delà de la mort. «More Than You Know» aux guitares espagnoles en écho. «Plexus» prog latent 70’s. «Mariah's Theme» son cinématique bourré de sensibilité et d’atmosphère méditative. «A Month in the Sun» guitare bluesy entreprenante sur un piano jazz-rock. «As If Between» berceuse où les cordes pincées de Steve maintiennent en alerte. «Never Less» ballade piano cristallin baigné de notes guitare.
«Lothian's Way» en cascade. «Free Spirit» piano de bar de nuit sur une guitare électrique plaintive. «Eternal» mélodie-déclinaison mandoline redondante. «Dirama» pour un combat free jazz guitares-synthés. «Pinnacle» piano saloon associé à la guitare andalouse de Steve, celle que l’on peut écouter dans Queen-pâte à modeler(Innuendo). «Pagoda» plus enjoué. «Martian Mood» BOF de Flash ou Mars Attack à vous de jouer.
Vigil a proposé des ambiances feutrées, des ballades inachevées qui pourraient être incorporées dans des BOF; l’ode musical symbiotique finalisé par Steve pour rester un peu ensemble alors que la vie en a décidé autrement, airs où le piano dirige les guitares de Steve; airs aériens, ouatés, compositions courtes pour passer d’un nuage du Ciel à un autre où la quiétude règne; airs souvent répétitifs pour être sûr de partir; album aérien, méditatif et cinématique à part.
Brutus
https://open.spotify.com/album/3FH1Mv6by5zd0kDfZb8Epx
22/11/2022 : TOC - Did it again
TOC (CIRCUM-DISC)
Did it again
expérimental – 120:47 – France ‘22
Pour les musiciens qui, rodant sur les scènes étroites de laconiques salles intimes, vivent de l’interaction avec le public, l’arrêt de toute vie culturelle extérieure sonne comme un cataclysme tonitruant de silence. TOC – un acronyme aux relents psychiatriques, suintant l’obsession irrépressible, qui peut aussi plus simplement se décliner à partir des initiales du trio, Fender Rhodes (Jérémie Ternoy), guitare (Ivann Cruz) et batterie (Peter Orins) – est de ceux-là, qui se précipitent dès la réouverture des routes et des territoires de la musique live – même si le public craint encore les visages sans masques et les mains nues. Ce quadruple album, au titre («Did it again») qui rappelle le Soft Machine des débuts, rassemble quatre captations en concert, en Europe centrale et en France (La Malterie de Lille, pour «Le Gorille», réédition du premier album du groupe), d’une musique brute, improvisée, énergique et déstructurée, bruitiste et essentiellement (poly-)rythmique – qui envoûte si l’on s’y immerge sans se préserver.
Auguste
https://circum-disc.bandcamp.com/album/did-it-again
https://www.youtube.com/watch?v=Knyh02UeuUw
23/11/2022 : Spiritraiser - Ciklos
Spiritraiser
Ciklos
rock / metal / alternatif / progressif – 52:14 – Finlande ‘22
D’entrée de jeu on rangerait ce groupe finlandais dans la catégorie du rock alternatif, d’ailleurs le riff d’intro de «Artificial Light» renvoie directement à celui d’«Alive» de Pearl Jam. Mais ce n’est là qu’un début avant que le groupe ne révèle sa véritable personnalité au fil de l’écoute de ce très bon album.
Y interviennent de beaux contrastes aux reflets progressifs lorsque les accords se teintent de diverses nuances, passant de la plus cristalline à celle de l’adrénaline électrique. On pense alors davantage à Riverside dans une succession de plans prog, comme dans «Invisible Enemy», «Virgin Soil» ou encore «Mountain» qui montent crescendo sur une rythmique qui se déploie avec aisance entre calme et puissance. Le chant de Jules Näveri passe avec aisance du mode caressant vers des tonalités incisives. Marquant directement l’esprit, les titres nous baladent dans ce rapport entre montées hard et atmosphères planantes; les refrains sont accrocheurs, l’instrumentation est efficace, sans artifices de haute technicité, ça joue l’efficacité.
La guitare d’Uula Korhonen marque sa présence et ne manque pas de déployer des interventions pertinentes comme sur «Stream», peuplé de soli intéressants. Ainsi les moments musicaux qui interpellent l’oreille ne manquent pas, e.a. la rythmique dansante de «Quipu», titre dynamique et entraînant avec un break aérien et une variété d’intensités donnant un rendu prog. Certaines compos affichent un aspect nettement plus prog metal, comme sur «Fearism», «The Wrong Giants», toujours entre énergie et accalmie. Le batteur Kristian Merilhati déploie un jeu volubile sur lequel se plaque la basse d’Anssi Ruotanen.
Soli impeccables, belle suite d’ambiances diverses, chant à amplitude variable, voilà un beau programme délivré par ce groupe prometteur.
Orcus
https://open.spotify.com/album/2cqSIu9zMYJIPqJRWdRRY7
24/11/2022 : Fearful Symmetry - The Difficult Second
Fearful Symmetry
The Difficult Second
rock progressif / jazz rock – 60:00 – Royaume-Uni/Israël ‘22
« (...) sometimes words have two meanings» chantait Robert, et c'est ce qu'écrit, en clin d'œil, Suzy James dans le dossier de presse. «The Difficult Second», tout un programme pour le second album de Fearful Symmetry. Projet studio de Suzy, multi-instrumentiste, aidée de la voix de Yael Shotts et de Sharon Petrover (batterie). 3 fans de prog et rock classique.
Et ils ont décidé de se faire plaisir!
Une intro chorale, un riff de guitare sympa (avec un goût d’antan, mais je n'ai pas réussi à en retrouver la source... l'âge sans doute), sur un rythme très entraînant, malgré une batterie un peu trop linéaire, ainsi «Mood Swings and Roundabouts» ouvre l'album de manière très alerte. Le morceau éponyme suit, instrumental inspiré, syncopé avec une belle guitare nerveuse, qui s'éclaire, un instant en un chorus langoureux. «Light of My Life»: une belle ballade, une balade qui ne mène pas assez loin, malgré un solo de guitare qui clôture agréablement le morceau. Le meilleur est à venir, les vocalises et des percussions devenues créatives, «Shifting Sands» et son suivant «Eastern Eyes», plus rock, constituent, pour moi, le véritable point de départ de cet album trop lisse jusque-là. Cette teinte orientale constitue un déclic.
«The Song of the Siren»: thème interrogatif au piano, puis à la guitare saturée, introduit un morceau chaloupé où l'on apprécie l'étendue du panel d'instruments utilisés par Suzy. «Hope» retourne à la normalité; heureusement le chorus de guitares final donne de l'espoir pour la suite. «Sandworm», avec sa basse percussive et sa batterie militaire, crée l'angoisse que ces vers de sable nous font subir Dune manière ou Dune autre!
«Shukraan Jazilan»: autre beau voyage au Moyen-Orient. L'epic final permet une apothéose en rapport avec la qualité du LP qui, si l'on excuse «facilement» les 3 premiers morceaux, est un superbe album. Profitez des liens et cherchez dans la pochette créée par Suzy les allusions (façon Paul Whitehead) aux morceaux!
Cicero 3.14
https://fearfulsymmetry.bandcamp.com/album/the-difficult-second
25/11/2022 : Elysian Fields - Gateway
Elysian Fields
Gateway
opéra progressif – 119:47 – USA ‘22
En voilà un qui a une retraite active! Mark Jeffrey Dye, après une carrière musicalement bien remplie et voyageuse (NY, Californie, Floride, Tennessee), s’attaque depuis quelques années aux projets dont il n’a pas pu s’occuper jusqu’alors… Toujours dans le cadre du groupe (dont il est le seul membre), Elysian Fields, formé en 1973 et qui a sorti dix albums sous ce nom. Pour info, en 1978, il s'était installé à Los Angeles avec son groupe qui avait, à cette occasion, changé son nom en Impulse et sorti cinq albums.
Mark est bien connu de Prog censor et plus particulièrement de mes collègues Commode et Tibère qui ont chacun chroniqué un album en 2020 (chroniques consultables sur la page FB).
Pour ce dernier album, Mark continue de travailler avec Andrew Winton et semble (si mes investigations sont fiables) avoir associé son épouse Adrienne Dye née Anastasia, artiste peintre ayant l’habitude de chanter en travaillant sur ses toiles.
«Gateway», c’est quatre actes, trente-sept titres, plus de trente personnages qui racontent l’histoire, inspirée de l’univers de Frederik Pohl, d’un astéroïde creusé par les Heechee, une race extra-terrestre disparue depuis longtemps. L’astéroïde est administré par la Gateway Corporation au nom des gouvernements des États-Unis, de l'Union soviétique, de la Nouvelle Asie populaire, de la Confédération vénusienne et des États-Unis du Brésil.
Musicalement, c’est le capharnaüm. Mark J. Dye embrasse une bonne partie de la (contre-)culture américaine. Mon esprit voguait sur le souvenir «The Rocky Horror Picture Show» qui serait réinterprété par Bertolt Brecht ayant découvert la musique country, le tout en version progressive, avec des bruitages, des voix féminines et masculines parlées, chantées et transformées au besoin et à l’envie. Les rythmes et instruments changent au gré des personnages et par moment des bandes sons semblent superposées. Passionnant mais difficile d’accès, cet opéra demande et mérite l’effort que nécessite l’écoute.
Publius Gallia
https://open.spotify.com/album/55coP8JEEGMkJWYwD5HBq7
26/11/2022 : Desert Twelve - Desert Twelve
Desert Twelve
Desert Twelve
stoner – 43:43 – Italie ‘22
Voici donc le premier album pour les Italiens de Desert Twelve. Et la musique présentée ici n’a strictement rien à voir avec le RPI si cher à nos amis transalpins. Non, bien au contraire, nous nageons dans du rock parfois psyché et toujours heavy. Le groupe a été initialement créé par Gabriele «Gaby» Finotti (guitare et également fondateur du groupe Misfatto d’ailleurs toujours actif), rapidement rejoint par Gabriele Gnecchi (batterie, percussions), Alex Viti (basse et guitare) et Vittoria Ipri au chant. Surprise, l’album débute par la plus longue plage (11:20), «Your Cold Cold Desert Heart» bien rock ‘n roll où le travail de la basse n’est pas en reste, pas plus d’ailleurs que la voix chaude de Vittoria capable de beaucoup de nuances. Plus loin, une rythmique «funky» vient nous cueillir («Everyone Against»). Profitons d’ailleurs pour apprécier à sa juste valeur les variations que Vittoria est capable d’imprimer à son chant. Ma plus grande (et agréable) stupéfaction arrive ensuite, sur un rythme qui n’est pas sans rappeler «Requiem pour un Con», voici que déboule la reprise d’enfer: «In the Air Tonight», la scie de Phil Collins!
Une excellente découverte en ce qui me concerne et j’espère qu’il en sera de même pour vous.
Tibère
https://desertwelve.bandcamp.com/releases
https://www.youtube.com/watch?v=I9jCtt-Dqrw
27/11/2022 : Pink Floyd - Animals
Pink Floyd
Animals
rock progressif – 41:51 – Royaume-Uni – 1977 (remix 2018, sortie 2022)
À l’époque, Waters trempe déjà bien sa plume dans le vitriol pour s’attaquer aux politiques et aux riches en critiquant de façon acerbe les conditions socio-politiques de la fin des années 70. Cet album marque aussi une transition musicale pour le groupe. «Animals» voit également venir les premiers désaccords au sein du groupe. Rick Wright partira d’ailleurs deux ans plus tard. Le concept puise son inspiration dans «La Ferme des Animaux» de George Orwell en reprenant les grandes lignes du roman: cynisme, agressivité et critique sociale au menu. Les cochons sont moralistes, despotiques, de vrais dictateurs; les moutons sont exploités par les chiens et les cochons. C’est la masse amorphe de rêveurs résignés (on pourrait faire un parallèle avec l’époque actuelle mais ici n’est pas le débat). D’autant que les moutons finissent (dans l’album) par s’élever pour dominer les chiens. Waters adaptera plus tard ses attaques – en concert – en prenant Donald Trump pour cible («Trump is a pig»). Dans le concept initial c’est plutôt Margaret Tatcher qui est dans la ligne de mire. Accueil favorable à sa sortie sauf par la presse, celle-ci étant fortement influencée par le mouvement punk en plein essort. L’album est mixé par Brian Humphriest qui a déjà travaillé avec le Floyd lors des sessions de WYWH. «Dogs» et «Sheep» sont des adaptations de morceaux joués en concert sous un autre titre. «Pigs on the Wing» est une nouvelle compo de Roger Waters. Seule la plage «Dogs» est coécrite avec Gilmour. Mais qu’en est-il donc de ce nouveau remix? Je laisse la plume à mon confrère Vivestido, bien plus spécialiste que moi dans le domaine du son!
Merci, Clavius Reticulus.
Il aura fallu attendre 4 ans pour pouvoir découvrir cette merveille. La raison? David Gilmour avait mis son veto, exigeant que les notes du journaliste Mark Blake, qui devaient accompagner la réédition de «Animals», soient retirées… La suite, vous la connaissez: c’est (enfin!), après retrait des notes litigieuses et avec l’accord de Roger Waters, la présentation au public de cette œuvre mythique dans plusieurs formats et sur différents supports (CD, DVD, vinyle, Blu-ray et SACD), remixée par le «sorcier» du son, James Guthrie, dont la carrière est intimement liée à celle de Pink Floyd.
L’ingénieur du son et producteur, séduit par «la direction originale de l'album, extrêmement imposante» et «le paysage sombre et dystopique, effrayant et inspirant», s’est efforcé «de conserver la forme dramatique du projet», selon ses propres dires.
Logiquement, c’est sur les versions 5.1 que «la scène sonore est la plus tridimensionnelle, ce qui rapproche l'album des autres disques de Pink Floyd».
James Guthrie élargit, étire littéralement l’image sonore, rejetant au loin (vers les enceintes surround) les aboiements, par exemple [Benji pour témoin à chaque écoute, note de C.R.], plaçant au mieux voix et instruments pour une meilleure définition spatiale. C’est magique et sans excès, car toujours dans une certaine logique (celle du concert) pour le positionnement des instruments. C’est là tout le grand art de James Guthrie: savoir jusqu’où pousser les manettes et choisir/analyser finement les sources à traiter, sources analogiques originales qu’il a dû longuement rechercher car elles étaient multiples et dispersées dans plusieurs studios depuis 1977.
Pour moi, le résultat est vraiment superbe et inespéré. Je retrouve, avec bonheur et non sans émotion, l’esprit et l’ambiance de l’album original. Le son est splendide, limpide, d’une clarté incroyable, dynamique, avec une absence totale de bruit de bande. Le seul élément (mineur) qui nous rappelle l’âge respectable de ce chef-d’œuvre et les (relatives) limites des techniques de prise de son de l’époque se situe au niveau de la restitution des cymbales (et de la caisse claire), difficile voire impossible à améliorer très sensiblement à partir des enregistrements d’origine.
Je laisse la conclusion à James Guthrie: «Je sens qu'il y a un regain de vie dans la musique maintenant, en stéréo et en 5.1, et j'espère vraiment que tout le monde appréciera les nouveaux mix.»
[Il est évident qu’il vous faudra l’installation adéquate pour en profiter au maximum, le choix du Blu-ray me paraissant le meilleur est inégalable, note de C.R.]
Clavius Reticulus et Vivestido
https://open.spotify.com/album/1zCYX95X6vrMSa2KTKHUTD
https://www.youtube.com/watch?v=jX5x9wzMN4s
28/11/2022 : Alan Parsons - From the new world
Alan Parsons
From the new world
pop / progressif – 44:31 – Royaume-Uni '22
Je pense que pour tout le monde, il est inutile d’encore présenter Alan Parsons, producteur et ingénieur du son de légende. Une parenthèse d’emblée: je suis tombé récemment sur une discussion croisée sur YouTube entre Alan Parsons et Steven Wilson qui échangeaient sur leurs visions respectives de la production musicale et des techniques d’enregistrement. Intéressant de voir les vues comparées entre ces deux légendes. Alan Parsons coproduisit d’ailleurs «The raven that refused to sing» sorti par Wilson en 2013.
Son association avec Eric Woolfson a donné le Alan Parsons Project qui a aligné neuf albums entre 1976 et 1987 avec des qualités inégales. Mais surtout APP a eu deux hits interplanétaires avec «Eye in the Sky» et «Don’t answer me». Le décès de Woolfson en 2009 sonne certes le glas définitif pour APP, mais Alan Parsons prend visiblement goût à la scène et tourne de plus en plus régulièrement depuis.
Dès 1993, il sort également des albums sous son propre nom et voici donc en 2022 sa sixième livraison en solo qui, comme les précédentes, aligne les invités comme des perles avec, parmi ceux-ci, Tommy Shaw de Styx et Joe Bonamassa.
Bien que ne se définissant pas comme un concept album sensu stricto, le titre de cet album est une allusion à la Symphonie n° 9 d'Antonin Dvořák, dite "Symphonie du Nouveau Monde", qui, comme l'écrit Parsons dans les notes de l'album, était une des œuvres préférées de son père. On peut ainsi y voir une référence à ce nouveau monde qui tarde à émerger suite de la pandémie.
Musicalement, nous sommes en terrain archi-connu: l’intro du premier morceau est même une référence directe à «Sirius». Les compositions sont donc hyper classiques mais en même temps, avec une classe incomparable propre au personnage. La production est évidemment 5 étoiles (le contraire serait un comble) et les interventions des invités toujours à propos. Ne vous attendez donc pas à des développements épiques mais le symphonisme de bon aloi n’est jamais loin. J’ajouterai une mention particulière pour les morceaux «I won’t be led astray» (avec un solo de Joe Bonamassa) et «Halos» qui se détachent de l’ensemble. Après une ballade pleine d’émotions («Going home»), l’album se conclut par une reprise du «Be my baby» des Ronettes qui évoquera des souvenirs aux fans de «Dirty dancing».
En conclusion, un album parfaitement conforme à ce que l’on pouvait attendre et qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de ses travaux précédents.
Amelius
https://open.spotify.com/album/0ySYs5Q9ATYf72SvoNGULZ
29/11/2022 : René Lussier - Au diable vert
René Lussier
Au diable vert
expérimental / musique contemporaine – 48:11 – Canada ‘22
En temps de pandémie, certains ingurgitent de la saucisse netflixienne en série infinie, d’autres profitent du «luxe du temps» à la campagne («Au diable vert», ce cul-de-sac de Saint-Jacques-le-Majeur-de-Wolfestown – sic – où personne n’arrive par hasard – déjà qu’il faut savoir qu’une maison gît là, enfouie dans les arbres), comme René Lussier, fouineur québécois des sons, des langues, des bruits, des histoires, qui aime tant l’accès difficile, à sa maison, à lui, à sa musique – à quoi il ajoute cet ingrédient premier qu’est la liberté, celle de ton, de découverte et de choix de matériau. Cette fois écrites pour quintette à instruments divers (dont une batterie droite et une batterie gauche, en plus du tuba, de la guitare et de l’accordéon), auxquels se sont ajoutés, au fil de l’écriture, clarinettes, trombone et ondes Martenot (et des voix, dont celle de Chris Cutler dans «Leçon de danse»), les compositions fourmillent, foisonnement sonique, dans l’esprit espiègle (et débridé) de ce gamin-qui-ne-sera-jamais-vieux, fusion de jazz, de rock, de musique contemporaine, revenant par intermittence à ce doublage instrumental qui suit la prosodie de la voix parlée, d’usage fétiche chez Lussier. Difficile, et jouissif.
Auguste
https://renelussier.bandcamp.com/album/au-diable-vert-2
https://www.youtube.com/watch?v=EsskqmB-zgU
30/11/2022 : Asia Minor - Crossing the Line (réédition de 1979)
Asia Minor
Crossing the Line (réédition de 1979)
rock progressif – 36:39 – France/Turquie – 2022
Les racines d'Asia Minor remontent à 1971 et à l'Asie Mineure, en Turquie. À cette époque, Eril Tekeli et Setrak Bakirel ont formé un groupe avec un troisième ami et ont également remporté des prix. En 1973, tous les trois ont émigré en France pour y étudier. Le troisième homme s'est ensuite tourné vers le jazz, tandis que Tekeli et Bakirel ont ajouté le batteur autodidacte Lionel Beltrami, alors âgé de 16 ans, et se sont appelés Asia Minor, pour ce premier opus; un claviériste, Nick Vicente, vient se joindre au trio. Comme ils adoraient tous le rock progressif anglo-saxon, ils voulaient le mélanger à la culture musicale de leur pays d'origine. Si vous écoutez le CD, vous saurez bientôt de quel groupe britannique ils se sont le plus inspirés… Camel! Il y a cette ambiance un peu mélancolique, rêveuse, il y a deux guitaristes, une flûte qui rappelle parfois Ian Anderson, un batteur très accompli et le chant, à la prononciation parfois étrange, est peu spectaculaire, subordonné à la musique, voulant juste provoquer des associations. Mais où sont les influences turques? Pas de musique de danse du ventre? Pas de flûte de charmeur de serpent? Non, (heureusement) rien de tout cela. Les influences orientales se cachent plutôt de manière subliminale, dans la mélancolie et dans la forme tortueuse des mélodies. Les rythmes complexes et l'utilisation de la syncope sont également typiques du Moyen-Orient. Et, last but not least, bien sûr, les deux chansons chantées en turc. Le style Camel est assaisonné d'influences orientales, ce qui donne un résultat relativement unique. Malheureusement, ce groupe était actif au mauvais moment (fin des années 70/début des années 80) donc ils ont eu une vie très courte avec deux albums tout aussi courts. C’est pourquoi cette réédition tombe à point nommé pour participer à une reconnaissance qui ne sera tardive que pour ceux qui ne connaissent pas cette formation; les autres s’en régalent depuis bien longtemps! De même façon qu’Atoll, Carpe Diem, Shylock ou Pulsar, Asia Minor reste un incontournable du progressif français des années 70.
Commode
https://asiaminor-ams.bandcamp.com/album/crossing-the-line
https://www.youtube.com/watch?v=_nbB6tAUj-c