Juillet 2023

01/07/2023 : Neil Howell - The Wasteland

Neil Howell
The Wasteland
pop-rock country, death metal éclectique et progressif – 60:53 – États-Unis – 2023
Neil Howell, rocker sortant de nulle part qui publie son 8e album depuis 2020, le 11e en tout; un son couvrant le rock-stades des 80, le prog 70, le death metal et le folk; musique d’art pour puristes, son futuriste, creuset musical à part pour fans d’Opeth, Devin Townsend entre autres.
«Welcome to the Desert»: rock grunge, hard country sur fond de vent, distorsion musicale intensive. «The Cruellest Month»: intro minimaliste, mélancolique sur un Nick Cave avec violon sombre; riff et batterie puis break pour te tirer l’oreille comme au sortir d’un col; un metal rock moderne agrémenté de growl opéthien final. «Handful of Dust»: arpège glacé monolithique, percus jazzy à la Leonard Cohen, à écouter seul au bord d’un lac comme un titre de Jeff Buckley. «Clairvoyant»: intro progressive ouf, non ça part d’un coup sur du hard heavy death ou speed; pauvres progueux qui vont écouter; ah jazzy à la Zappa puis Opeth, Mr. Bungle vitaminé, le riff bien violent. «Winter Dawn»: pour la ballade chaleureuse, latente, d’où l’on attend une envolée heavy à la Devin qui ne viendra pas. «Nothing» me renvoie aux White Stripes, à Nirvana pour l’accroche violente de l’air rock épuré, consensuel au départ; étonnant.
«Hurry Up»: entame à la Alice In Chains en plus d’un riff Megadeth, solo des 80 vif et usité, désopilant où la voix est presque oubliée. «Unreal City»: rock mélodique censé calmer les étriers et autres enclumes puis «Entering the Whirlpool» ambiance progressive ouf, musique de chambre, riff des Metallica secouez-vous! Un instrumental caché progressiste immense qui sème le doute favorablement. «With Like Patience»: retour au country désespérément beau, solitaire, tourmenté. «Falling Towers» rechange de braquet avec un growl digne d’Opeth sur un volcan en ébullition; riff aride venant d’outre-tombe, sur la voix mâle d’Epica très expressive; la folie de Devin Townsend n’est pas loin. «Upon the Shore»: plus doux, aérien, ballade romantique-dépressive, vocal d’Angela son épouse, arpège guitare éthéré et «The Fisher King» final troublant, mélange de tous les genres amplifiant la progression avec un riff vitaminé; metal rock alternatif diffus.
Neil Howell a donc sorti un best of sur un album, mélangeant du vent musical de sonorités extrêmes, folk, metal, alternatif et rock; passages d’acoustique au riff metal puis mélodie à la brutalité death; des textes inspirés d’Eliot traitant l’isolement, l’impuissance pour une fin meilleure; mélodies envoûtantes bourrées d’émotion sur l’esprit rock. Singulier, inclassable.
Brutus

02/07/2023 : eMolecule - The Architect

eMolecule
The Architect
rock progressif – 69:50 – Angleterre – 2023
Il est étonnant de constater qu’un album sorti il y a à présent dix ans continue de provoquer quelques ressacs… C’est effectivement en 2013 que sortait l’excellent album «Dimensionaut» du groupe Sound of Contact, porté sur les fonts baptismaux par Simon Collins (oui, le fils de), Dave Kerzner, Matt Dorsey et Kelly Nordstrom.
L’aventure n’a hélas pas duré. Kerzner est parti de son côté et a recyclé une partie du matériel du second album de SOC qui n’a jamais vu le jour dans son nouveau projet In Continuum (avec Dorsey et dont j’ai chroniqué les deux albums sur cette même page), a poursuivi aussi des sorties solo et n’a pas fait que des choix heureux (citons ici le pénible Arc of Life avec des membres du Yes actuel). De son côté, Simon Collins semble avoir eu plus de mal à émerger puisqu’il n’a sorti qu’un seul album sous son nom («Becoming Human») en 2020.
Le voici donc qu’il retrouve Kelly Nordstrom pour porter ce nouveau projet baptisé eMolecule et c’est une vraie réussite. Dès son entame, le ton est donné. Nous sommes accueillis par des sonorités quasi électro sur lesquelles la guitare perle et puis, bardaf... batterie et guitares se déchaînent et nous en mettent une bonne en travers de la tronche pour ensuite s’enchaîner avec des arpèges de guitare sur lesquelles se pose la voix de Collins. Le morceau se développe avec un rythme lourd agrémenté de sonorités venant de nulle part. Bref une excellente entrée en matière.
Dès le deuxième morceau («The Architect»), une des influences du duo pointe le bout de son nez: Porcupine Tree. Visiblement, nos deux compères ont bien écouté la manière de faire de la bande à Steven Wilson, mais n’y voyez aucun plagiat. Le groupe a une personnalité bien à lui. «Prison Planet» commence sur un tempo plus planant avant de nous balancer un refrain qui se retient immédiatement. «Mastermind» développe une ambiance oppressante pendant quatre minutes avant un break qui pourrait presque faire penser à Jethro Tull. «Dosed» commence plus comme un morceau rock classique mais sur des mesures asymétriques dans une ambiance que n’aurait pas reniée Soundgarden.
«The Turn» offre un moment d’apaisement avant de monter en puissance pour sa partie finale. «Awaken» est le seul vrai morceau calme et permet à Collins de montrer qu’il est un excellent chanteur en plus d’être un très bon batteur. «Beyond Belief» est le morceau qui se rapproche le plus de PT avec un autre refrain mémorisable. «The Universal» commence presque comme un morceau électro avant de déployer sa puissance. «My You» aurait pu être un excellent single avec une mélodie accrocheuse sans être mièvre et l’album se conclut en beauté sur «Moment of Truth» qui commence comme une ballade avant de démarrer et d’offrir un final presque dark metal.
Un dernier mot sur la production: elle est évidemment impeccable et met parfaitement en valeur cet album à la fois complexe et accessible.
À découvrir sans réserves donc!
Amelius

https://open.spotify.com/intl-fr/album/24d1yCavE4QLfsSpWxDxLS

https://www.youtube.com/watch?v=ijqMn79EGws

03/07/2023 : Jethro Tull - RökFlöte

Jethro Tull
RökFlöte
rock / folk progressif – 48:16 – Angleterre – 2023
Dès l'intro, on est intrigué et captivé par cette respiration étrange et la voix féminine qui déclame un poème en islandais du XIIIe s., mais très vite la flûte du maître et une guitare lourde nous confirment que nous sommes bien en présence de la 24e graine semée en studio par l'agronome du XVIIIe s., inventeur du semoir: Jethro Tull!
Ou plutôt du fondateur du groupe plus que cinquantenaire et compositeur unique de cet album: Ian Anderson. Il creuse ici les origines religieuses préchrétiennes de ses racines nordiques pour nous livrer cet album qu’il présente ainsi: «Il y a 12 chansons ici basées sur les personnages et les rôles de certains dieux principaux de l'ancien paganisme nordique. Chaque chanson a été écrite sous la forme d'un poème lyrique avec les 6 premières strophes de l'octamètre trochaïque ou bien sûr, 12 strophes du tétramètre iambique pour décrire les attributions, les identités et les personnalités des différents dieux.» (!). Bien sûr, pour coller au rythme, les textes ont parfois été un peu modifiés dans leur métrique. Mais Ian n'est pas un homme du passé; dans «Hammer on Hammer», le Vlad qui rate l'occasion de rebâtir une meilleure patrie et fait claquer les sabres et trembler les pipelines est, tristement, d'actualité!
Est-ce en forgeant que l'on devient forgeron? Non, car en mouchant on ne devient pas moucheron! Toujours est-il qu'entre le 22e album et le 23e s'étaient écoulés 19 ans. L'album du retour «The Zealot Gene» était loin d'être banal, mais «RökFlöte», un an plus tard, marque un vrai retour du Tull.
L'album est une évidence, léger, rock, folk mais toujours... divinement inventif, par Völva (magicienne viking)! La guitare nerveuse de Joe Parrish (28 ans!) n'est pas pour rien dans ce renouveau et les claviers de John O'Hara complètent le trio mélodique qui excelle notamment dans «The Navigators», un titre d'une efficacité extrême sans sacrifice à la complexité propre à notre genre de prédilection! La section rythmique Scott Hammond et David Goodier (batterie et basse) soutiennent l'ensemble avec verve.
Faites-vous plaisir, plongez-vous dans le mythologique «Tull»: il vous donnera la banane et la pêche. Je vous fais confiance pour les 3 légumes manquants!
Cicero 3.14

https://open.spotify.com/intl-fr/album/14xjFzjMpH8FIW3546WWdv

https://www.youtube.com/watch?v=HUTtSU_6y1c

04/07/2023 : Katharos - Yovistripi

Katharos
Yovistripi
folk hard progressif – 58:36 – France – 2023
Voici venu le temps du troisième album pour Katharos, après le «Chapitre I» en 2017, puis le «II» en 2020, voici… non pas le chapitre III mais «Yovistripi», troisième opus au titre énigmatique, surtout quand on connaît l’appétence de la formation pour un rock iconoclaste, soutenant aussi bien un prog’ folk bien dans l’esprit français qu’une passion pour un rock gaudriolesque là bien aussi, dans une certaine tradition gauloise. Ce mélange intrigant à la base et aussi une passion bienvenue pour notre Ange national donnent un mélange explosif qu’on retrouve ici plus assumé et mieux torché, l’expérience sans aucun doute... Katharos se serait-il assagi pour le plus grand plaisir des oreilles fragiles? À propos d’Ange (clin d’œil), une nouvelle reprise figure en tant que bonus sur le CD, «Le bal des Laze» de Polnareff. Déjà sur le «Chapitre I», Katharos avait osé trottiner «Sur la trace des Fées» avec un certain bonheur. On y retrouve nos bardes habituels sous leurs noms d’emprunt dignes de la défunte scène alternative: Bardàfûts (batterie, chant, chœur, clavier, guitare rythmique), La Machine (basse), Pierrot (chant, chœur, clavier, harmonica), Roudios (chant, chœur, guitare solo et rythmique) et Van Song (chant, chœur, guitare rythmique et solo). Bref, tout le monde chante dans un bel esprit grivois à la fois tendre, malicieux et paillard. Après tout, ne se définissent-ils pas eux-mêmes comme jouant un «rock médiéval et festif… mais pas que!»? Katharos est le digne descendant des Ange, Mona Lisa, Naos, Versailles, comme je l’ai déjà écrit pour «La Quête (Chapitre II)», mais avec en plus une envie de faire la fête bien dans l’esprit des gens du Sud-Ouest, Castelnau-de-Médoc pour être plus précis! L’intro pastorale et acoustique de «Gringalet» vous mettra dans le bain de suite mais Katharos insiste sur des racines que j’entends celtiques avec ce son de flûte (?) sûrement joué au clavier. Les titres parlent d’eux-mêmes: «Cathares !», «La ballade d’un baladin», «Frères de la Côte», «Les Korrigans», «La belle Ysabeau», «Le Guilledou» et j’en passe, semblent sortir d’un album prog’ français des années 70. Et ce balancement entre prog’ et rock alternatif encore à l’œuvre avec un hard rock bien assumé et plus prononcé que sur les deux disques précédents. Ah, «La belle Ysabeau», petit joyau à la façon de Lutin Bleu (ceux qui connaissent le morceau «Martine» me comprendront). Katharos semble pencher vers le côté lumineux de la Force prog’, sans oublier quelques outrances bienvenues vers un hard rock point trop hargneux. Le chant clair est bien dans l’esprit du genre et là, aucune surprise à attendre, on reste dans le créneau habituel. Quand Louise Attaque rencontre Ange, c’est un peu l’esprit dans lequel Katharos erre avec un panache incontestable et surtout, une fraîcheur bienvenue malgré des inspirations passéistes. «Nous sommes les frères de la côte de maille»… voilà à quoi s’attendre avec cette galette qui fleure bon le folklore, harmonica en prime pour le titre le plus énergique de l’opus, un régal. Quand au fameux «Bal des Laze», on est bien loin de la version angélique et symphonique, ici tout en retenue angoissée, Katharos régale par ce merveilleux morceau qui se prête à toutes les interprétations avec le même bonheur. Un intermède instrumental en plein milieu rehausse même l’intérêt pour ce titre. Allez sur le site de Katharos et regardez les photos des membres du groupe sur scène, vêtus de bures monastiques; oui là aussi, en concert, ça doit être quelque chose!
Commode

https://open.spotify.com/intl-fr/album/5zaiZxPOFt4VYuPA1BkIle

https://www.youtube.com/watch?v=2gbfqPuWc68

05/07/2023 : Peter Lawson - 10 Of Swords

Peter Lawson
10 Of Swords
space rock – 36:55 – Angleterre – 2023
Peter Lawson, est de Manchester, ville anglaise qui a donné naissance à bon nombre d'incroyables icônes de l'art et de la culture. Il a été membre de divers groupes dans le passé, soit en tant que guitariste, chanteur ou les deux, mais ne poursuit actuellement que des projets «solo» (Peter Lawson, Venus Loon). C’est le cas ici avec son album «10 Of Swords» dans lequel il revendique tous les instruments, voix, enregistrement, production, pochettes, etc.
Album, le cinquième sous son nom je crois, plutôt ramassé, composé de 7 titres pour un peu plus de 33 minutes de musique.
La musique de Peter est intentionnellement éclectique et donc difficilement définissable. Cela tombe plutôt bien puisqu’il ne veut pas être étiqueté avec un genre particulier. Il affectionne particulièrement les Cardiacs (souvent qualifiés de «pronk», contraction de progressif et punk), le krautrock et le rock «stoner». Nous pouvons ajouter des groupes tels que Can, Amon Düll II, Pixies, Pink Floyd, XTC…
Malgré son refus d’étiquetage, nous pouvons dire que sa musique comporte des éléments de psychédélisme, de folk, d'avant-gardisme et de rock, et que son jeu de guitare laisse transparaître des influences musicales comme celles du guitariste Robin Guthrie de Cocteau Twins ou de Steven Wilson de Porcupine Tree.
Le voyage proposé par Peter se fait sous acide, sans avoir recours à quelque substance que ce soit. Nous plongeons dans le tarot où «le dix d'épée» représente le sentiment de désespoir et la destruction dans le piège causé par les émotions et l'angoisse mentale. Heureusement, la carte suggère aussi que nous ne devons pas désespérer dans ces moments difficiles, pour éviter de ruiner les futures perspectives de réussite. Au vu de ces explications, si vous ne deviez écouter qu’un titre, ce serait le dernier «Don’t Apologise, Don’t Explain», celui qui laisse entrevoir l’espoir, la lumière et ainsi, (peut-être) rassurés, vous pourrez prendre le risque de l’écouter en entier!
Publius Gallia

https://thealdorabritainrecords.bandcamp.com/album/10-of-swords

https://www.youtube.com/watch?v=yxJwTLFykVI

06/07/2023 : Aisles - Beyond Drama

Aisles
Beyond Drama
rock progressif / fusion – 55:49 – Chili – 2023
Venez faire un petit tour du côté de Santiago du Chili! Pour quoi faire? Eh bien pour ses collines, son néo-classicisme, ses poivres rouges chauds mais surtout pour ses artistes. Qui? Hernandez, Ramirez, Plaza, pourquoi pas une autre fois? Aujourd'hui, ce sera Aisles, une formation rock progressif fusionnante fondée en 2001 par les frères Vergara. Encensée par la critique durant ses 22 ans de carrière, l'équipe a accroché 4 albums sur le col de sa cheminée. Entre-temps, secoué par ses périples entre les vallées, son line up s'est redéfini plusieurs fois. Un des frères Vergara a d'ailleurs quitté l'aventure. Il y a trois ans, la bande a vu arriver un nouveau frontman: Israël Gil! Une sorte de félin magnétiseur qui arbore la crinière de Michael Hutchence… ou la moitié. Enfin, pas que et surtout, il fait le job avec malice sans hypothéquer ses poumons. Sur le fil, en quelque sorte! Chargé de son poulain, le groupe ralluma sa chaudière et misa sur la sortie de son 5e album, intitulé théâtralement «Beyond Drama». Soit une tragédie jouée en 9 actions, avec son lot de rebondissements. Sans plus attendre, levons le rideau! Après un tour de chauffe, «Megalomania» nous éclate, en pleine figure, ses rythmes tribaux depuis le fin fond du cosmos! «Disobedience» et son entrée tout en basse finira par enrager la section des guitares de la meilleure des façon; «The Plague» est plus troublante, on croirait entendre du Simply Red sur les chuchotis… mais Israël n'a pas besoin de modèle pour garder les tempos dans la paume de sa main, même sur une longueur de rock planant en 11 minutes et 6 secondes chrono. Comme quoi, pas de confusion possible avec une autre chevelure. «Surrender», c'est la force lyrique du piano, certes, solidement décuplée à l'arrière. Quand survient l'atterrissage sur «Needsun», on adhère... Le grand final «Game Over» nous renvoie des signes Amstrad ou Nintendo, avant de lâcher son jus en plein sur les synthétiseurs qui s'affoleront illico! Quel orchestre les amis! Chaque instrument prend sa place avec la précision d'un horloger suisse. C'est de la fine mécanique! Conséquences? Malgré ses effets nerveux, «Beyond Drama» évolue sur un tapis de velours, peu importe par où on veut le prendre. En définitive, la tension générale flirte plus avec la mélancolie retenue qu'avec l'agressivité décomplexée. Pas trop mal comme constat d'univers! J'en veux bien et vous en voudrez très certainement aussi!!!
Kaillus Gracchus
https://aisles.bandcamp.com/album/beyond-drama
https://www.youtube.com/watch?v=DyV7BOxWJBY

07/07/2023 : Vonn Zandus - Unimortal

Vonn Zandus
Unimortal
space rock – 38:47 – Angleterre – 2023
Personnellement, je qualifierai la musique de Vonn Zandus de space rock à tendance psyché. En tous les cas, ces musiciens nous présentent un premier album de synthétiseurs et de percussions dans un style progressif riche et orchestral. D’emblée, le titre «Unimortal», divisé en deux parties, nous entraîne bien au-dessus des nuages. Comme promis, les percussions diverses ne sont pas en reste. Je détecte des aspects très répétitifs dans leurs différentes compositions. La plage finale, «Too Beyond», nous apporte un peu de diversité. Dans «Unimortal» subsiste néanmoins une ambiance agréable qui coule de source et vous permet de voyager en attendant les vacances d’été.
Tibère
https://vonnzandus.bandcamp.com/album/unimortal

08/07/2023 : Rémi Orts Project - Cinematic III (Eclipse)

Rémi Orts Project
Cinematic III (Eclipse)
cinématique / symphonique – 42:09 – France – 2023
Après avoir exploré la Rome impériale en navigant sur les flots grandioses cousins de Hans Zimmer et de Carl Orff, Rémi fait cette fois décoller son astronef. En grand fan de science-fiction, il a coloré les plages de cet album en se rejouant intérieurement des sélections précises de films qu’il a vus en salle obscure. De «Avatar» à «Interstellar», en passant par le chef-d’œuvre de Kubrick, «2001 l’Odyssée de l’Espace» (1968), et par le plus récent bijou, «Arrival» («Premier Contact») de Denis Villeneuve (2016), il avait là tout un univers pour alimenter son insondable créativité. Quand on écoute pareil album, d’une bluffante richesse symphonique, on se demande comment on peut obtenir un tel résultat à partir de logiciels et d’instruments électroniques. Rémi a ici volontairement mélangé les arrangements classiques aux nappes de synthés analogiques dont les sons proviennent d’une technique de «layering», c’est-à-dire de l’ajout par couches successives de sonorités provenant de banques de sons pour synthétiseurs virtuels. Le but est de «gonfler» le son. Il utilise la même technique pour les chœurs (splendides!) dont les émulations sont de plus en plus réalistes. Et le résultat ne fait pas que gonfler le son, croyez-moi. Il suffit d’écouter une plage comme «2060» pour se rendre compte de l’extraordinaire puissance émotionnelle de cette musique aux scintillantes facettes «classiques». Frissons épidermiques garantis à l’écoute de ce majestueux «Antartica»: quatre minutes de félicité cosmique. Un mariage astral entre les «violons», les «chœurs» mixtes et les claviers dont ce toucher de piano qui va de la douce caresse aux envolées magiques dont Rémi a le secret. Un merveilleux voyage symphonique jusqu’au bout du rêve.
Clavius Reticulus
Web: https://www.remiorts.com

09/07/2023 : Home Brewed Universe - Worldview

Home Brewed Universe
Worldview
rock progressif / électronique / instrumental – 42:28 – Inde – 2023
Home Brewed Universe c’est le projet d’Arka Sengupta intégrant des airs traditionnels sur des compositions rock; une dizaine d’albums depuis 2018 dont l’un de reprises de groupes allant des Porcupine Tree à Mogwai, Radiohead, Muse, Tool, Rush, Red Hot ou Soungarden pour montrer le ratissage; de l’instrumental space rock, post-rock, rock metal électrique ambient indien. Des titres traduits pour expliquer un tantinet son message singulier.
«La propagande est une expérience douce-amère»: entame rock avec des lignées électroniques éthérées monolithiques, un riff nerveux et des touches arabisantes, indiennes, sur «Amicalement vôtre». «Un jour, l'IA influencera les sensibilités humaines»: air avec guitare pop-rock des 60’s, violon aérien et enjoué; riff hard venant gommer l’air du départ; estampillé fusion world rock. «Les gadgets marketing dominent le monde»: avec un cello sombre en intro amenant l’air où le piano rencontre un sitar et font le gig oriental; break planant et retour à ce son singulier mélangeant instrument rock et traditionnel. «Nous voulons toujours contrôler, n'est-ce pas?»: intro planante d’un Tangerine Dream vite effacée par ce riff souvent repris, l’ambiance stoner orientale est de mise, break grec. «Peu importe que vous soyez de gauche ou de droite»: piano en bois à 3 touches sur une nappe synthé et une rythmique rock dans laquelle je ressens encore les vibrations d’«Amicalement Vôtre» de Barry, un tuba, un instrument typé, bref dépaysant et hypnotique. «Intégrer l'humanité… Détruire la crise…»: superbe intro arpège piano, paf Mogwai en pleine face, je comprends un peu plus, puis fusion traditionnelle avec riff heavy rock singulier mantranique. «Les humains ne comprennent jamais la valeur du bonheur»: électronique sur un Tangerine Dream récent vitaminé puis déclinaison acoustique guitare. «Penser au bien commun»: toujours sur la base rock heavy ambiante et culturelle.
Goude, Broguiere, les bandes de film d’espionnage, une fusion rock ambiante dynamitée, singulière, qu’Arka se prend plaisir à jouer; vous l’aurez compris, la musique exprime ce qui ne peut être mis en mots et ce qui ne peut rester silencieux, telle est sa vue d’un réel univers brassé à la maison.
Brutus
https://homebreweduniverse.bandcamp.com/album/worldview
https://youtu.be/XngNxCDcuCY

10/07/2023 : Great Wide Nothing - Hymns for Hungry Spirits, Vol. II

Great Wide Nothing
Hymns for Hungry Spirits, Vol. II
néo-progressif – 41:41 – États-Unis – 2023
Great Wide Nothing fondé en 2017 sur un revival prog rock des 70-80, sur King Crimson, Uriah Heep, Rush, ELP et les Cars et Cure. Leur second écouté et déçu de fait; un 3e dans la lignée? qu’on me force plus ou moins à écouter, c’est parti.
«Eye to a Burning House»: rock heavy boggie assez usité, Rush en toile de fond; du son des groupes actuels qui n'ont cessé de piocher dans le prog d'hier, la voix typée empêche de penser à Frost* ou consorts; c'est presque AOR, fusionnant. «The Portal and the Precipice»: rappel des Jethro Tull pour la voix et cela influe sur mon rendu; ça part sur du ELP, j'y entends quelques notes des Cars assez subtiles; l'orgue de Dylan et la basse sont omniprésentes pour le titre le plus court. «Viper»: longue intro piano tardant à décoller; c'est bon mais consensuel; vocal qui part sur un son criard des King Crimson, désopilant et déconcertant; le break bien placé pose la question de la ressemblance, s'il y avait ce solo dans le dernier Jethro Tull ça serait divin, pour ceux qui suivent ces dinos; un relent de Rush aussi. «Inheritor» pour le dernier Queen-Cars-Cure; oui vous ne saviez pas qu'ils avaient composé ensemble? Un titre estampillé 80’s avec le synthé gras derrière; solo à la Robert confondant; bon les Riverside ont bien gratté dans le répertoire divin de cette époque que l'on a critiqué (pas moi hein!) alors on peut faire de même; le solo final mi-post, mi-planant; singulier, innovant. «To Find the Light, Part Two»: pour la baffe effective de l'année; un titre long et rempli, jouissif avec intro comme il faut, du prog-symphonique enjoué, une partie refrain très agréable au vocal soft, des soli imposants en plein milieu avec basse, synthé et guitare; un break orchestral (ah ce roulement de tambours de Jeff qui n'en finit pas) osant faire du prog comme les MMEB avec dérives instrumentales; un final qui monte et la fin symphonique apaisante qui rappelle qu'il y de la progression là-dedans; pièce majeure.
Un album partagé entre ambiance 70 et 80 pour des titres qui dénotent les uns des autres et un superbe long titre, de quoi déconcerter. Pour amateurs de bonne musique qui veulent autre chose que le consensuel. Un album qui prouve que le prog peut se bonifier.
Brutus
https://greatwidenothing.bandcamp.com/album/hymns-for-hungry-spirits-vol-ii
https://youtu.be/-wDzlntb0Mg

11/07/2023 : Compassionizer - As Smoke Is Driven Away

Compassionizer
As Smoke Is Driven Away
rock de chambre – 20:39 – Russie – 2023
Pièce suite qui compte à elle seule pour un EP, «As Smoke Is Driven Away» – c’est une première expérience d’une grande forme pour Compassionizer, même si «An Ambassador in Bonds», sur l’album éponyme de 2021, se décline en quatre parties – parle du bien et du mal (avec un avantage, fragile, pour le bien – le trio, aujourd’hui quatuor, se donne pour mission de contribuer à l’empathie et à la compassion entre humains), dans ce riche langage musical que le quatuor affectionne: des claviers atmosphériques, des percussions inhabituelles (les rythmes le sont tout autant) et les timbres chauds et boisés des clarinettes (Leonid Perevalov et Andrey Stefinoff), qui portent les mélodies et conduisent ceux qui les écoutent au travers de leurs développements parfois surprenants, toujours captivants. Délicieux.
Auguste
https://compassionizer.bandcamp.com/album/as-smoke-is-driven-away-ep
https://www.youtube.com/watch?v=PNKIIvthbjQ

12/07/2023 : Ruby Dawn - Beyond Tomorrow

Ruby Dawn
Beyond Tomorrow
rock progressif atmosphérique – 72:13 – Angleterre – 2023
Ruby Dawn, né en 2019; son premier album au son hypnotique, atmosphérique, à la lisière entre Pink Floyd et Porcupine Tree et un soupçon des Massive Attack, pour un son groove ambiant puissant; la voix de Carola se situe entre Stevie Nicks et Patti Smith; un son moderne régressant quelque temps et traitant de questions humaines et environnementales.
«Save The Day»: entame didgeridoo, un son-ersatz du Alex Forster féminin avec Carola à la voix sensuelle et émotive; un long solo de David qui met le feu, piano pastoral; un cri de liberté musicale envoûtant. «Star On You»: duo basse-guitare «Seventh Son» d’Iron Maiden en plus cool, country-bluesy-folk song; Adam tape métronomiquement pour la montée post-progressiste et un solo digne du grand Pink Floyd, bien foutu. «Breakdown»: intro lente, dépressive et à la guitare cristalline; un relent de la grande Patti Smith pour un crescendo qui va mettre David en vedette, très bon ce guitariste. «Mirror Of Your Life»: sur un fac-similé et un air de désespoir de la société actuelle, avec montée et ode-hymne à la vie; vibrations bouleversantes rock à la Alex Forster. «Dances On Mars»: rock dynamique, une montée psychédélique avec un clavier minimaliste prenant et le son qui grossit en stoner frais; guitare qui tournoie, vocal moins rocailleux qui te met en transe. «Stonewall»: air des Simple Minds au début pour le synthé majestueux; la basse tribale sur les travaux de l’archange, la guitare sur le Jeff Buckley, minimaliste, bluesy qui appelle à la contemplation; montée onirique habituelle; le solo gilmourien de Richie Sambora pour un final de feu.
«Man Where's Your Heart»: mélodique et mélancolique, ballade au spleen chaud, synthé sur un air plus actuel; Stevie ou Janis, régression au solo sulfurant. «Save Me» au groove synthé moderne, éclairé avec un refrain nerveux graisseux, l’explosion cessant pour le phrasé de Carola demandant grâce. «Heaven's Angels»: air post au départ, une lente montée, la signature du groupe; le drum aérien et l’éternel solo pour un titre contemplatif, émouvant et la trace vocale à Hogarth. «Into The Sun»: intro du désert, «In the Evening» et «Kashmir» des Led Zeppelin, arabisante et cinématique; vocal expressif, rauque, guitare fondante, stoner ouaté à la Monkey3, à la Black Country Communion, break piano aéré; du post slow à la Gilmour et un groove bass hypnotique; un titre à écouter en boucle facile et envoûtant. «Other Side» aux notes d’U2, oui il y a toujours un air qui ressemble à un autre, bluesy-country-biblique; air en boucle qui te pose pour l’air pop en montée étincelante; David y va de son solo proposant l’hymne à passer en fin de concert. «Dust And Fire»: allez Patti ou sa fille réincarnée, pour l’air, le phrasé, la voix limite écorchée et un mix de U2 et d’Alex précité, son émouvant où la mélodie passe avant la technique.
Ruby Dawn propose un son immersif, du rock lancinant, bluesy, post, évolutif basé sur le crescendo et plongeant dans un univers onirique; Carola est le petit plus qui donne une connotation bluesy-spleen langoureuse; un groupe qui signe un album jouissif majeur avec un futur guitar hero, la baffe du mois.
Brutus
https://rubydawnband.bandcamp.com/album/beyond-tomorrow
https://youtu.be/Fm684LeeYXg

13/07/2023 : Lars Fredrik Frøislie - Fire Fortellinger

Lars Fredrik Frøislie
Fire Fortellinger
vintage symphonique – 46:55 – Norvège – 2023
Le nom du compositeur vous est peut-être inconnu, mais si je précise qu'il s'agit du clavier de Wobbler, vous situerez le personnage. Il avoue que s'il n'y avait eu la pandémie, tout ou partie de l'album aurait été joué par Wobbler. Au lieu de cela, LF a tout concocté et réalisé chez lui. Outre ses Moog, Hammond, Arp Pro, Mellotron... (tout du bio, pas de Midi, d'Auto-Tune...), il fait la batterie et chante! En norvégien, c'est bien naturel, pour lui, mais la musique est tellement bonne que je m'interroge à étudier la langue d'Ibsen!
4 histoires comme l'annonce le titre de l'album. 2 epics de plus de 16 min, ayant pour thèmes la mythologie (les méfaits du roi Rakne) ou la nature (la vie dans les montagnes norvégiennes en hiver), encadrent 2 pièces de 6 min qui évoquent un lieu apaisant où l'on se prend à rechercher ses racines et l'impossible retour des passagers d'une charrette qui se renversa pendant une éclipse solaire. Voyez sur YouTube ses vidéos de présentation!
La pochette évoque ces 4 histoires. LF possède bien des talents! Même celui de déléguer la basse à Nikolai Hængsle qui possède un son de Rickenbacker (entre autres Fender JB, PB et même Telecaster Bass) absolument énorme, non sans rappeler Chris Squire.
Les 4 pistes sont parfaites pour qui aime (comme lui) Yes, Gentle Giant et... Woobler. Et, à mon avis, ce 1er album solo est meilleur que le dernier Woobler «Dwellers of the Deep». Les instruments se multiplient à foison, mettant en valeur des trames mélodiques qui s’enchevêtrent pour tisser un album d'une richesse absolue. Indispensable.
Le seul point noir, c'est que cette chronique finie, je vais devoir quitter cet excellent album de chevet pour me consacrer à l'écoute de celui qui fera ma prochaine chronique, mais j'y reviendrai très vite. Merci Lars Fredrik!
Cicero 3.14
https://larsfredrikfroislie.bandcamp.com/album/fire-fortellinger
https://www.youtube.com/watch?v=7w-f-7Iq91U

14/07/2023 : Mono - Heaven Vol. 1

Mono
Heaven Vol. 1
post-rock – 20:15 – Japon – 2023
Le Japon n'est jamais très loin. Mono est arrivé, encore une fois, après 12 longs et 4 courts depuis le big-bug de l'an 2000, alternant guitares, pianos et instruments à cordes. Précisément, fin du mois de mars 2023, notre Tokyo-quatuor nous est tombé sur la tête avec 3 nouveaux sons. Avec Takaakira et Hideki aux guitares et Tamaki et Dahm à la section rythmique, notre cohorte instrumentale a proliféré en parfaite introspection comme elle en a l'usage. Depuis une pochette de gribouillis expressionnistes – ou rien à voir d'ailleurs (j'y connais rien en peinture) –, leurs émotions se sont entremêlées aux nôtres, jusqu'à la communion synergique. Dès la première lâchée, «Lucia», c'est un tsunami qu'on va se prendre en pleine face, d'abord, par petits rouleaux, on a la mèche qui frétille, à mi-manche, c'est la déferlante tous azimuts, on encaisse les tambourinades de Dahm Majuri Cipolla qui marche en solo jusqu'à l'obsession: magistral! Quoi d'autre après tout ça? Un «Smile», tout timide, certes, mais rondement mené, petites touches par petites touches. Quant à «Silent Embrace», c'est du même acabit, tout de piano vécu, ce sont deux ou trois notes, pas plus, qui traversent notre âme. En fin de parcours, que ressentons-nous? Un doux spleen, comme reçu par injection! Objectif artistique atteint? Sans nul doute! Dès lors, si le ciel peut attendre, nous aussi on peut le faire, «Volume 1» était une petite dose, on verra quelle palette de sentiments nous réserve «Volume 2»…
Kaillus Gracchus
Bandcamp: https://monoofjapan.bandcamp.com/album/heaven-vol-1
YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=aTREknSe9Ds

15/07/2023 : Sproingg - Hirnkäs

Sproingg
Hirnkäs
rock progressif déjanté – 64:11 – Allemagne – 2023
Une curiosité, c’est ce que nous fait découvrir le groupe allemand Sproingg avec cette nouvelle galette. Ils se sont trouvé des accointances en 2017 et en sont, actuellement, à leur troisième offrande. L’ossature du projet est constituée de trois personnes auxquelles se joignent divers invités, au gré des besoins. Voici comment ils qualifient leur musique: minimalisme progressif, obsessionnel, excessif; chaos prog stoner/rock expérimental polyrythmique; jazz et rock dramatique aux influences classiques; et surtout: musique que votre mère ne vous permettrait pas d’écouter. Effectivement, cela part dans tous les sens. J’en veux pour preuve «Abababa», «Antetonkel» ou encore «High up on Mushroom Hill», minimaliste en diable! Un disque à aborder sans œillères d’aucune sorte afin qu’il puisse vous parler en toute quiétude.
Tibère
https://sproingg.bandcamp.com/album/hirnk-se
https://www.youtube.com/channel/UCYQ_gW0J3q4oox_KrRZaqqg

16/07/2023 : Aragon - The Rocking Horse Saga

Aragon
The Rocking Horse Saga
rock progressif – 20:01/15:20/11:06 – Australie – 2022
Le premier acte date en fait de 1993, originellement paru sur l’album «Rocking Horse and Other Short Stories». Cette première partie est donc rééditée en 2018 avec la sortie de l’acte 2. On retrouve les ambiances des compositions de l’album phare «Mouse» dont je ne me lasse pas: un conceptuel dans la veine de «The Lamb lies down on Broadway» que l’on ne présente plus aux progsters que vous êtes. Certains accents de la voix de Les Dougan se rapprochent du ton parfois mordant de Fish sur les premiers albums de Marillion. Les changements de tempo, de rythme et les envolées héroïques ne sont pas non plus sans évoquer les trames mélodiques de cette même époque de Marillion. Batterie vitaminée et mariage claviers guitares coalescents forcent une inévitable extase chez le mélomane. Le deuxième acte sort donc cette même année 2018 et débute sur des notes de boîte à musique en symbiose avec l’univers magique des contes pour enfants. Comme si chaque balancement du cheval à bascule ouvrait une nouvelle porte vers un passé à jamais enfui, allumant le candélabre des rêves de l’enfance, gardien de la seule réalité qui compte dans un monde matérialiste à outrance. La musique se fait douce comme une berceuse, caressante comme un tulle d’été aux fragrances de Passé. Puis l’énergie refait surface par une combinaison à nouveau envoûtante de rythmes syncopés et de riffs de guitare assassins. La voix de Les complète l’association de ses accents rauques et mordants. À plus d’un instant j’ai repensé à Fish dans son «Raingods with Zippo». Et, sans transition, la douceur revient au bout de dix minutes, comme pour réconforter l’enfant agité par un rêve inquiétant. Partition de clavier aérien, rythme lent, plume mélodique glissant dans le vent dimensionnel léger du souvenir d’un paradis perdu. Magie. Le solo de guitare de John Poloyannis nous achève dans un long frisson d’indicible bonheur. L’acte trois est le plus court et le dernier en date. Sous-titré «The Calm before the Storm», il est serti d’une belle illustration inspirée héroïc fantasy. Tissé sur le même ouvrage en alternance de douceur et de riffs tueurs servis par la six cordes de John secondée par les notes virevoltantes du clavier de Tom Behring. Énergie typiquement émersonienne de courte attaque cependant se muant à nouveau, modo amabile, en arpèges de guitare. Flotte alors une brise légère où se fondent des chœurs angéliques et le cheval arrête paisiblement son balancement avec un soupçon de mélancolie. Auront-ils l’idée d’en faire un album ou se prépare-t-il un quatrième chapitre? L’avenir nous le dira.
Clavius Reticulus
https://aragon3.bandcamp.com/track/the-calm-before-the-storm
https://www.youtube.com/watch?v=g0786SG5z8A

17/07/2023 : La Théorie des Cordes - 4U-9525

La Théorie des Cordes
4U-9525
jazz rock / fusion – 65:33 – France – 2023
La Théorie Des Cordes c’est le groupe de jazz rock français avec Mathieu Torres M’Z à la barre; ce 2e album met en scène le journal de bord du pilote suicidaire Andreas Lubitz, du vol 4U-9525 des Germanwings, qui s’est donc écrasé avec 149 personnes; bon, que vous soyez bokononistes ou pas, les titres sont censés vous amener à la station finale sans trop de risques; du rock, du prog, du jazz, du RIO, du Canterbury, du hard, de l’avant-garde, de l’ambient, de la folie gentiment musicale.
«YYC - Blanc de Calgary»: pour une déclinaison piano langoureux avec l’ajout de la guitare qui monte dans un crescendo frénétique. «HKG - Cancer d’été»: basse à la Serra «Subway» en mise en bouche; la batterie jazzy annonce la couleur pour une digression mélancolique envoûtante; la guitare free-jazz-rock pointe sur du Al Di Meola endiablé, époustouflant. «LAX - La mort du bouddhiste»: avec la basse prépondérante qui vrombit des enceintes, un signe des derniers instants de lucidité du pilote? Un moment d’introspection ou de dérive irrémédiable. «ALP - Le colosse d’Anatolie»: jazz-rock, consonance orientale, montée heavy avec cette guitare ensorcelante mettant en transe; un titre plus agressif surfant sur Zappa; la dernière minute… folie furieuse hard interpellant.
«CDG - Besoin de vitesse»: encore cette trame jazz-rock déroutante du fait d’une montée associant une variation; moment où les notes s'enchevêtrent. «??? - Les lois de l’attraction» où le doute n’est plus permis; la déclinaison sombre rappelle «Sorcerer» des Tangerine Dream, un peu de psyché à la Pink Floyd et nous voilà dans la trajectoire finale; les passagers étaient-ils au courant à ce moment-là? Demandez aux notes musicales, l’angoisse est perceptible. «DBA - Les grands hôtels»: que l’on kiffe ou pas ce genre musical, ça devient scabreux au vu de l’intensité prodiguée; l’avion plonge, les commandes sont bloquées, les passagers s’affolent, bougent dans l’avion mais ne peuvent lui faire reprendre une courbe normale; le jazz associé à la folie d’un homme qui voulait devenir célèbre de façon éphémère… guitare rageuse, le piqué; 8 minutes à ne pas écouter si vous avez perdu un ami dans ce vol, sinon c’est virevoltant et maladivement jouissif. «BCN - Terminale envolée»: pour la chute finale ou l’espérance impossible de le voir remonter? Comment des notes peuvent s’accommoder entre elles et montrer cela? C’est ce que Mathieu a fait. «DHS - Il ne restera rien» ou le choc, les fumées, l’explosion, la fin sans détour.
La Théorie Des Cordes: Stéphanie, Hugo et Heiva accompagnant Mathieu pour un voyage particulier nous guidant sur une base jazz rock fusion pour faire vite; une alternance de moments soft avec des envolées agressives, déstructurées; en dehors de cet épisode traumatisant, pourquoi ne pas se poser, écouter et imaginer que l’on est tous actuellement dans un immense avion incontrôlable et savourer les derniers instants de notre vie musicale?
Brutus
https://matzizrecords.bandcamp.com/album/4u-9525
https://youtu.be/X5GvUGywpjk

18/07/2023 : Andy Pickford - Departure

Andy Pickford
Departure
Chill-out / electronica – 78:15 – Royaume-Uni – 2023
Fidèle à sa ligne mélodique reconnaissable entre toutes, Andy distille ici un savant dosage de partitions atmosphériques oniriphores («Cautious Steps») et d‘envols rythmés couplés aux ambiances sonores proches de ses anciennes compositions («Pareidolia» e.a.) et parfois plus anciennes encore («Vanguard») sans toutefois renouer avec l’univers particulier de cette incontournable perle qu’est «Lughnasad» (je sais, je reviens toujours avec cet album, mais il reste pour moi son chef-d’œuvre). Je laisse à Andy le soin de vous livrer ses notes personnelles, plage par plage, nappées de touches humoristiques dont il a le secret: vous les trouverez sur sa page Bandcamp. Qui plus est: elles en disent long sur son cheminement créatif. Au fil des tempos caressants («Low Sun») tressés dans des arrangements aux riches textures, on se sent vite transporté par ces mélodies, d’apparence toujours très simple, qui se laissent écouter comme l’on capte le murmure d’une brise légère et printanière dans le vert tendre des arbres. Une musique sans prétention mais forte en émotions tisse une toile de notes enrobant l’auditeur dans un cocon de palpables fragrances oniriques où les sens fusionnés renaissent en coalescence sublimée. Soudainement alors l’esprit se libère du sombre matérialisme quotidien, se gardant de l’effacer mais le métamorphosant en une indicible force tranquille. Tout se mue subtilement en paysages édéniques qui défilent sur l’écran intérieur de l’âme transfigurée. Et l’on ne peut que décoller à l’écoute de partitions enchanteresses telles que «Water Meadow» ou «Dreamscape». Ce nouvel album est comme un roman dont les quatorze chapitres flirtent avec l’apesanteur et plongent le mélomane au cœur de peintures harmoniques subspatiales dont les multiples facettes en perpétuelle anamorphose prolongent un voyage intemporel interne («Unrequited») nimbé d’un soupçon de mélancolie. Comme chaque fois, Andy a eu la bonne idée d’ajouter la totalité des compositions en une pièce continue pour profiter sans modération de ce lumineux et scintillant bijou de l’e-music.
Clavius Reticulus
Bandcamp: https://andypickford1.bandcamp.com/album/departure
YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=wWxjdI48_nE&list=OLAK5uy_kHMvSW7ZmboRYtMrw9zyOmdasBVznPZgk&index=3

19/07/2023 : Ghostmeat - Witch’s Familiar

Ghostmeat
Witch’s Familiar
rock psychédélique – 33:39 – Canada – 2023
À une courte respiration atmosphérique et végétale («Death Song from the Poplars» parle du «chant funèbre des peupliers») succède le cri de coyote de «Kisse Manitou Wayo», qui replonge dans l’épaisseur huileuse (fluide et poisseuse en même temps) avec laquelle l’album débute (le premier de Ghostmeat, qui rassemble cinq musiciens de Vancouver, deux guitares/chant, deux synthés, une batterie, une basse – c’est le batteur, David Rogers (il y a un paquet de Rogers dans l’assemblée), qui tient le deuxième synthétiseur). C’est lourd et dense mais lent, imprégné de souvenirs floydiens (ceux des débuts, chercheurs, psychédéliques, cheveux longs à l’affût de la brise), fait d’une fibre solide, tissée par des artisans taiseux, sûrs de leurs gestes, posés, âpres, qui prennent le temps d’installer une chanson, d’en développer le propos, de l’amener sans hâte jusqu’à sa promesse, avec des mots, des notes simples, sans éloquence inutile.
Auguste
https://ghostmeatmusic.bandcamp.com/album/witchs-familiar
https://www.youtube.com/watch?v=ChWscAPkyb8

20/07/2023 : 5th Season - 5th Season

5th Season
5th Season
crossover – 53:16 – Finlande – 2023
Certains disent qu'il n'y a plus de saisons. Mais des «5th Season» il y en a! Beaucoup! Un groupe de metal italien, un groupe US avec l'énorme Steve Unruh (un de plus?) et le groupe finlandais d'aujourd'hui, et peut-être d'autres; mais revenons à nos... rennes.
Surtout que cela en vaut la peine (ruez-vous sur le lien Bandcamp plus bas). Cela démarre avec une inspiration Oldfield dans l'accroche d'une guitare un peu celte, qui mue par la suite, plus contemporaine, solifiant de manière plus rock, pour un epic instrumental dont la rythmique lancinante évoque parfois, quant à elle, celle de Soft Machine. Cela donne une pièce riche à souhait. Bel apéritif!
Le second morceau tire plus vers Fleetwood Mac pour cette chaude décontraction, car cet album est bourré de feel good music, de rythmes chaloupés, bref c'est un régal de chaque instant, superbement mis en valeur par une réalisation sonore aérée.
5th Season, c’est un quatuor rock classique: Tapio Ylinen (voix, guitares), Mikko Löytty (voix, basse), Arto Piispanen (claviers) et Jani Auvinen (batterie) et, pour ce pour ce 1er album, des guests avec Jukka Gustavson (Wigwam) derrière un Hammond et une choriste du Floyd, Durga McBroom, ce qui n'est pas étonnant pour ces amateurs du Floyd et de Wigwam. D'ailleurs, au creux du LP, on trouve (en 2 parties) «On The Dark Side Of The Moon», où ils ont le bon goût de ne faire aucun emprunt au Floyd, créant deux morceaux parfaitement originaux. Sur le premier, Tapio effectue un superbe solo de guitare talkbox (proche du vocodeur). Je n'ai jamais été convaincu par ce dispositif, popularisé par Peter Frampton («Show Me The Way»). Mais là c'est fantastique!
La piste finale pourrait être un hommage à Gary Brooker tant l'argument initial fait penser à «Salty Dog», puis évolue en une pièce douce et nostalgique.
N'hésitez pas à profiter de cette «5th Season»; quant à moi je souhaite vite une suite!
Cicero 3.14
https://5thseasonband.bandcamp.com/album/5th-season
https://www.youtube.com/watch?v=QKC7y3-6kAw

21/07/2023 : Amplifier - Hologram

Amplifier
Hologram
space rock – 36:17 – Angleterre – 2023
Formé en fin de siècle, Amplifier nous vient d'un terreau fertile à la légende: cette bonne vieille ville de Manchester qui donna la vie à des cadors tels que The Smith, The Stone Roses ou encore Oasis. En indé ou en Major, la place était assez chaude pour propulser notre groupe du jour vers son destin doré. La chevauchée vers la gloire sera pourtant de triste mémoire, tant la bande, somme toute méritante, restera, après 7 albums et 8 EP, aussi sous-estimée que cet infatigable Columbo en début d'enquête… Quelle injustice! À quoi cela tient-il? À ce sujet d'ailleurs, que nous raconte leur dernière tentative? De la formation originelle, il nous reste Sel Balamir qui s'attribue la part léonine, sur le chant, la basse et la guitare, alors qu'il reste associé avec l'inventif et technicien Matt Brodin. Avec une pochette à la «Tron», le museau d'Amplifier annonçait des pistes revivals. Rien à voir! Tout à entendre? Les sons sont abonnés à notre époque. Après une morceau d'intro classique sur guitare rocailleuse, on y est, «Sweet Perfume» impose son caractère: par-delà la cravate, on assiste à une space ballade en définitive, on devine d'ici la navette perdre le contrôle après un crash comme il faut vers la stratosphère. Poursuivie sur le titre éponyme, elle nous fait planer à plein tube, comme sur de la ouate... continuons ainsi! Quand vient «Tundra», on aime les choses simples. Matt Brodin nous assène des petites baffes par-dessus une guitare sacro-sainte-minimaliste, un tantinet strange, de même pour «Let Me Drive». Good job les gars! À la lisière, on donne la main à l'ogre, «Gargantuan (part one)» est un condensé touffu des diverses parties de l'album, en beaucoup mieux; ça grimpe, ça grimpe, jusqu'à la coupure… Pourtant à l'analyse, recul compris, les vapeurs qu'on se prend sur le disque ne sont pas toujours aussi chaudes. L'opus «Hologram» est une traversée extasiante en plusieurs pics, un peu trop convenue cependant. Si l'expérience dégage du plaisir, il ne nous fera pas dépasser la lune. Alors? On ne serait pas contre tendre l'oreille à l'épilogue? Faut voir?
Kaillus Gracchus
https://amplifier.bandcamp.com/album/hologram-2023
https://www.youtube.com/watch?v=Kd2JQL4B2N8

22/07/2023 : Monah - Utopija

Monah
Utopija
crossover – 33:45 – Serbie – 2023
Formé en 2020, Monah est un groupe serbe composé de six membres (un chanteur, deux guitaristes, un bassiste, un claviériste et un batteur). Qualifier leur musique me semble particulièrement difficile car certains passages pourraient tomber dans la catégorie du folk progressif, d’autres dans du prog de chambre et d’autres même dans du progressif atmosphérique, sans pour autant oublier des interventions plus musclées (dans «Iza ogledala», par exemple). Je vous ferai grâce des titres des compositions car mon serbe est pauvre, même si mon tailleur est riche… Une bien belle œuvre qui a su me séduire comme elle le fera avec vous, j’en suis quasi certain.
Tibère
https://monahbend.bandcamp.com/album/utopija
https://www.youtube.com/channel/UCwtIaAZrMnNJa4neoBafTdA

23/07/2023 : Fall of Episteme - The Utopia Suite

Fall of Episteme
The Utopia Suite
rock progressif symphonique vintage – 23:30 – Danemark – 2023
Fall of Episteme sort son 2e album, un EP deux titres sur un son vintage 70; groupe danois qui part sur des sonorités tulliennes, cinématiques bande film espionnage anglicanes; du prog métal mélodique attrayant.
«The Utopia Suite»: intro planante, spatiale, riff à la Jethro Tull pour mettre en ambiance, et 10 minutes d’orchestration partant sur des explorations multi-groupes avec des sons rock agrémentés d’instruments symphoniques comme la flûte, le violon ou le cello, créant un creuset musical varié... intéressant et assez inédit; les synthés forment l’ossature centrale et les soli remplissent le temps musical avec des airs virevoltants, comme cet arpège guitare à 7 minutes, venant se glisser sur le synthé gras, du Uriah Heep par instants; le chant garde la trame mélodique avant que le final instrumental reparte dans des contrées vintage proto hard rock progressif et symphonique; à vos souhaits mais bien foutu quand même avec le plus pour le cello, la trompette et les envolées de chœurs.
«Living in Utopia» reprend l’air du premier titre sans l’intro, qui était justement le plus; un morceau pour combler le temps, mieux vaut remettre le titre 1.
Fall of Episteme lance un EP sublime qui ne demande qu’une suite; un titre vintage mais actuel, avec des réminiscences tellement variées que j’ai du mal pour une fois à en trouver en nombre; jouissif, inventif, symphonique, prog dans l’âme et invitant à rêver au doux temps d’antan avant qu’on pense aux tiroirs.
Brutus
https://fallofepisteme.bandcamp.com/track/the-utopia-suite
https://youtu.be/Iuz1m0uOTKU

24/07/2023 : Rabaska - Rabaska

Rabaska
Rabaska
folk progressif – 57:56 – Canada – 2023
Bien sûr la tentation de lier l’un à l’autre est commode, désinvolte presque, alors que Rabaska développe sa propre personnalité, avec ses propres préoccupations, à son époque éloignée de près d’un demi-siècle (deux générations complètes) de Beau Dommage, grand frère obligé dès qu’on chante et joue entre folk, rock et progressif – territoire que, précisément, explore le collectif de six musiciens aux noms tellement de là-bas (comme l’est celui du groupe, canadianisme pour ce grand canot d’écorce algonquien par lequel s’est implantée la civilisation française en Amérique du Nord). Un territoire («Le Nord»), une nostalgie («Hirondelle»), des arrangements tout en finesse, une voix (Éléonore Le Grand) qui monte vers les nuages («La rivière») – quatre des six musiciens chantent sur cet album (un «sociofinancement» pour ce premier un «long jeu», comme on dit à Montréal), sans compter la chorale des intrépides dans «Ouvre ta lumière» –, une mélodie souvent nichée à l’arrière-plan («Convaincre son âme»), des guitares (Maxime Charest-Duchesne et Antoine Boudreau) qui agacent la corde émotionnelle et un piano qui touche («Les lamentations»): on est pris à la gorge dès l’intro («Introduction»). Un délice.
Auguste
https://rabaska.bandcamp.com/album/rabaska-2
https://www.youtube.com/watch?v=1nGMc3bawNQ&feature=youtu.be

25/07/2023 : Iterum Nata - Trench of Loneliness

Iterum Nata
Trench of Loneliness
rock psychédélique / progressif / folk ésotérique – 37:29 – Finlande – 2023
Iterum Nata, né à nouveau, un projet dark-folk-rock psychédélique de 2017 du multi-instrumentiste finlandais Jesse Heikkinen qui jouait dans Hexvessel. Son 4e album donne une vision païenne du monde ésotérique dans lequel nous vivons; sombre, mélodique et emphatique; un peu de Tenhi, de King Crimson, de Strawbs, de Kristoffer Gildenlöw pour un voyage méditatif intimiste.
«My Name Is Sorrow» annonce la couleur musicale; ténébreuse, majestueuse, un air de Ghost au départ, du «Bal des Laze»; une mélodie intimiste avec guitare acoustique et synthé au loin rappelant Solefald ou Solstafir. «One with the Sun»: plus folklorique avec un clavier chaleureux, hypnotique. «Forgotten Friends» en fac-similé, sombre, entraînant; noirceur éclairée et solo désespéré. «Bones in the Forest» me rappelle un titre des King Crimson par l’orgue vintage; air délicat de la guitare acoustique, folk qui propage un sentiment de solitude morbide. «The Feather» amène ce plus progressif avec un instrumental digne d’une BOF genre «Final Fantasy» ou «Silent Hill», glacial, onirique; piano cristallin puis synthé majestueux à la barrière post rock et un solo guitare lugubre.
«The Mountain»: pop rock à la Sniff ’n’The Tears et aux punky-rock gothiques des New Model Army; la batterie tribale et la voix lointaine sur un air folk avéré et le solo guitare. «Losing Connection»: plus symphonique, dark spatial de fin du monde; le hit de l’album; Ayreon pour le synthé vibrant et le texte qui s’écoule religieusement. «I Only Sing with the Dead»: comptine à la Leonard Cohen c’est dit; bon pour chanter avec la mort qui d’autre? Son country noir de la guitare et air angoissant avec ce synthé vivace; solo par un zombie extra-terrestre. «I'd Rather Be a Fool Than a King» sur une comptine de bar scandinave; sur un Pogues fatigué se remémorant sa vie passée. «Comedy of Humanity» me renvoie à «The Phantom of the Paradise» avec des chœurs vivifiants; air solennel qui dénote de l’album, un message pour garder espoir?
Iterum Nata a concocté un album mélangeant nostalgie folk d’antan et son cinématique post-rock d’aujourd’hui, un délicieux paradigme rempli de monotonie et d’éclaircissement fugace; pour se soigner de la société actuelle rien de mieux que se confronter à la dure réalité musicale sombre et inventive, ésotérique ou pas.
Brutus
https://iterumnata.bandcamp.com/album/trench-of-loneliness
https://youtu.be/U4jawbqYREY

26/07/2023 : Il Cerchio D'Oro - Pangea E Le Tre Lune

Il Cerchio D'Oro
Pangea E Le Tre Lune
rock progressif italien – 47:58 – Italie – 2023
C'est un groupe historique du RPI, formé en 1974, qui se sépare en 1980 et, HEUREUSEMENT, renaît en 2005 grâce à la publication d'un 1er disque, avec le même trio de base, la rythmique et les voix de Giuseppe et Gino Terribile (basse, batterie) et Franco Picolini aux claviers. Depuis 2017, Piuccio Pradal (voix et guitare) et Massimo Spica (guitare, voix) complètent la formation qui avait produit en 2017 un très apprécié 4e album, «Il Fuoco sotto la Cenere».
Ce concept album qui traite de la Pangée s'ouvre par la création de notre planète: «une boule de feu qu'un dieu pour le plaisir, par colère ou par ennui, a jeté dans l'éternité», chante «Pangea», presque 9 min d'une parfaite illustration de ce que peut être le RPI à son plus haut niveau: un peu de texte (italien), des mélodies allègres, multicouches, solides, servies par des instrumentistes talentueux, des rebondissements. On a hâte de connaître l'évolution de notre terre. «Dialogo» voit officier le violon de Don Lax (Quella Vecchia Locanda) en regard de la guitare et pour un solo final très inspiré.
«Le Tre Lune» fait la part belle à l'harmonie des voix dans ce groupe où presque tout le monde chante; une guitare et un rythme langoureux font la première partie des quasi 9 min, la seconde où l'orgue et la guitare nous promènent à travers le cosmos est plus nerveuse, la dernière partie revenant sur les voix chorussées et des touches délicates de cymbales, de basse, et d'arpèges électriques: un ravissement!
«Dal Nulla Così»: claviers electro et virevoltants, guitare et basse nerveuse, batterie syncopée font l'intro, suivis d'arpèges de la guitare puis d'un riff qui font s'élever l'ensemble vers plus de sérénité où guitare et Moog solifient avec emphase.
«E La Vita Iniziò»: le Moog propose un thème très cinématographique, les voix s'harmonisent pendant que la vie apparaît et que le guitariste invité, Ricky Belloni (New Trolls), solifie.
Un bond dans le temps, voici l'actualité de notre terre: «Crisi» clôt le disque en un clin d'œil avec une courte citation de «Smoke on the Water», utilisant les moyens du hard rock façon '70 (Hammond et guitare).
Ce 5e album prouve, si besoin en était, qu'Il Cerchio D'Oro est l'un des groupes majeurs du RPI.
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/intl-fr/album/1jNMSAjh1KI73nC2Updz0p
https://www.youtube.com/watch?v=PP9o3DdyY4s

27/07/2023 : Aragon - The Angels Tear

Aragon
The Angels Tear
rock progressif – 43:15 – Australie – 2022
Si vous aviez l’intention d’acheter l’album sur Discogs, sachez que Aragon est pour eux un groupe néerlandais, que le disque ne fait qu’un peu plus de trente minutes et que cette réédition numérique n’y est pas disponible. En matière de manque d’informations correctes, on ne peut pas mieux faire et ce n’est d’ailleurs pas la première fois! Corrigeons donc le tir: il ne s’agit pas d’un EP et la plage éponyme fait bien 12:57 et non 2:36. Le groupe n’a pas non plus changé de nationalité entre-temps. Sorti initialement en 2004, quelque neuf ans après l’excellent «Mouse» (réédité dans sa mouture intégrale en 1999 sous forme de double album incluant les six titres de «The Meeting», acte 5 du concept), «The Angels Tear» ressort donc uniquement sous format numérique. Même si le band semble aimer les anges, cette larme angélique n’a pas grand-chose à voir mélodiquement avec le «Mr. Angel» de 1997 qui était plus proche de la pop que du prog tout en étant malgré tout un album conceptuel inspiré de la peinture «Time and Space» de Lorraine Izon. Le présent album renoue avec les textures prog de leur chef-d’œuvre «Mouse», particulièrement «The Room of Brilliant Light» serti d’un toucher de six cordes qui tue. Jusqu’à ce jour d’une qualité inégalée, probablement la souris le restera-t-elle parce qu’il semblerait que le groupe soit plus ou moins bloqué sur l’horizon événementiel de la créativité. En effet, Aragon n’a sorti récemment qu’un EP dont je parlerai ce bientôt, un troisième volet de la saga «Rocking Horse» qui a nom «The Calm before the Storm» (juillet 2022). Côté albums, ils ont donc opté pour des rééditions, comme pas mal de leurs coreligionnaires (rééditions, remix, version 24 bit, etc.). J’ai épinglé ici deux grandes plages séraphiques: la première s’intitule «In the Name of God». Son ambiance étrange et mystérieuse allie des voix d’outre-ciel et une partition de guitare de pure énergie céleste accompagnée d’une vibrante ligne de basse où se greffe le chant toujours captivant de Les Dougan. La seconde est l’éponyme «The Angels Tear» aux multiples facettes mélodiques qui rappelleront une fois de plus la souris en se drapant d’une partition vitaminée qui se conclut par une envolée de notes envoûtantes où s’éteint le battement de cœur d’une âme en partance pour l’Éternité. «Voyeur» décline une partition de guitare assassine sur un rythme martelé soutenu par une trame de basse stupéfiante. La voix de Les Dougan accroche toujours avec une rare efficacité, au propre comme au figuré, alternant douceur et texture parfois proche du cri. Intro en mode irlandais pour «The Silent Field» qui clôture cet opus en toute beauté, sublimé encore par la guitare épique de John Poloyannis.
Clavius Reticulus
https://aragon3.bandcamp.com/album/the-angels-tear
https://www.youtube.com/watch?v=c4s2_l0nKNc

28/07/2023 : Leonard Kopilas - Spellbinder

Leonard Kopilas
Spellbinder
metal progressif – 46:09 – Australie – 2023
À partir de 2021, Léonard devint si au point qu'il sortit 4 albums en 2 ans: «Keys To The City», «The Depths of Creation», «States of Grace» et «Spellbinder». Kopilas est une pieuvre de studio. Produites en indépendant, ses instrumentations il les assume de la guitare au synthé, tout en moulinant sur ses tambours. Ce mec est un concert monté sur deux mains/deux pieds. Pour «Spellbinder», comme annoncé sur pochette, à la manière d'un equalizer, on peut s'attendre à recevoir des vibrations à travers toute la colonne vertébrale… Que ce soit au piano sur «Expanded Present», «A Spider's Kiss» ou «Fluid Lines», ou au synthétiseur sur «Counterparty Risk» ou «To Cath a Dream», la marche est, à tous les coups, originale et captivante. Guitariste au principal, Leonard(o) a su soigner ses à-côtés avec toute la finesse qu'il a choisi de ne pas mettre dans les riffs bourrins qu'il assène à sa guitare ou à sa basse, d'ailleurs… Un contraste de bon aloi qui fait bon thème tout du long. Sur le titre éponyme, il prendra la décision d'en faire des caisses jusqu'à faire saigner ses phalanges, comme pour libérer nos têtes de toutes les hypocrisies qui traversent le monde. À l'arrivée, le nez obstrué par un liquide rougeâtre, notre cerveau a été remis à zéro bien comme il faut; la «reset» contre le stress sans doute. Ma préférence ira pourtant vers d'autres contrées, et le titre «First World». Pour ce set, le mélange des instrus nous mixture un pluri-riff d'une tonicité sans partage. Au sortir de ce monde, je pourrais être le premier à enfiler mes baskets pour y retourner!!! Quelle pêche mes aïeux! Et d'autant plus parce que l'album est construit sur des formats courts. Ce sont des giclées d'adrénaline que l'on peut prendre en capsule, un peu comme des condensés de sensations. Aujourd'hui, j'ai avalé toute la boîte et je me sens bien. Finalement, Leonardo doit être le seul des tortues Ninja à avoir réussi à se recycler avec succès!
Kaillus Gracchus
https://leonardkopilas.bandcamp.com/album/spellbinder
https://www.youtube.com/watch?v=e3RKw3-x1RY

29/07/2023 : Omni - Crónicas del viento

Omni
Crónicas del viento
folk progressif symphonique – 107:35 – Espagne – 2023
Omni date des 80, groupe orchestral symphonique à la Camel voire Genesis intégrant folklore espagnol ethnique d’où Oldfield se dégage; des claviers et guitares qui s’emmêlent, un double album composé en 2009 qui arrive.
CD1:
«Intro (Levante en calma)»: vent éolien et déambulation sur terre; la guitare guidant camélienne, invitation au voyage symphonique bluesy. «Crónicas del Viento»: sur un relent floydien, du Manfred Mann avec sax, atmo calme au départ puis guitare virevoltante. «La Espiral» chanté… il faut s’y préparer, avec flûte grasse et batterie hymne militaire, un groove mélodie sympho et une fusion des genres jazzy. «Los Recuerdos del Unicornio»: base rock chantée à nouveau mais voix fugace; guitare folk et/ou country; le solo camélien fondant avec du Mick Rogers. «Sa Foradad»: suite avec solo guitare envoûtant. «Dos Orillas» fond oldfieldien; certains me disent: mais arrête de dire «ça ressemble à»... c’est ainsi; bucolique, un folklore pastoral avec du Al di Meola, Tangerine Dream des 80 et une fusion mélodique orientale par instants. «El Árbol y la Lluvia» où le clavier se veut cinématique sur une BOF de jeux vidéo, frais et entraînant. «Danza de los Vientos» flottant sur un nuage spleen, le vocal réveille agressif selon moi avant un retour jazzy-prog-bluesy.
CD2:
«Imad el Marino»: andalou cinématique arabisant, du sang d’Oldfield mais pas que bien entendu; ce clavier est juste divin. «Cruz del Picacho» continue sur l’air rythmé, des percussions sèches aériennes, une lente déclinaison pro-symphonique orchestrale. «Primera Luz del Amanecer»: la harpe met aux aguets; intimiste, onirique, recherche de sons et de voyages new age arabisés; la seconde partie se lance sur une déclinaison rêve mandarin où la guitare se veut hargneuse, avenante. «Terral»: plus symphonique et mélodique, comme une envolée de notes amenant à la contemplation subsaharienne, celle qui envoûte, pas celle qui exaspère. «Tormenta de Arena» ou l’interlude percussionniste entre Macias et Ruiz pour se réveiller de cette plongée onirique. «Tras el Puente» comme final explosif, plus floydien pour les touches de synthé, virevoltant, des traces d’Olfield et Banks s’en dégagent, mais c’est bien Omni aux manettes.
Omni a sorti un album qui aurait fait fureur il y a un certain temps; c’est très beau, bien emmené, bien structuré, mais là où le bât blesse c’est que cela renvoie irrémédiablement à du son ancien; pour amateurs de rock prog qui veulent toujours croire à cette époque révolue, de la technique, du groove, de la fluidité; de la longueur, de la redite, belle mais... longue; pour qui aime prendre le temps, c’est pour vous, rêver, imaginer sur vos souvenirs caméliens et pendragoniens; un melting-pot brassant du symphonique délicat.
Brutus
https://5lunasproducciones.bandcamp.com/album/cr-nicas-del-viento
https://youtu.be/3AeVQNz1MF8

30/07/2023 : Motor!k - 4

Motor!k
4
krautrock – 38:21 – Belgique – 2023
Le nom du trio belge (Joeri Dobbeleir à la guitare et aux synthés, Dirk Ivens à la guitare et aux effets et Dries D‘Hollander à la batterie) est explicite (jusqu’au point d’exclamation qui rappelle les grandes heures de Neu!) et les trois parties de l’instrumental «Terra Illustris» qui nourrissent ce quatrième album (au titre… sobre; un disque chaque année depuis 2019, sauf en temps de peste ou de choléra) arborent avec justesse les ingrédients du genre: une frappe inaltérable (force et régularité sont les deux mamelles…), une basse narcotique, des boucles répétitives à la guitare, une musique musclée qui se déploie comme une jam… structurée. «Terra Obscura», qui fait office de face B, c’est un peu comme une fin de soirée chez Basic Fit (le summum de la formule capitalistique du sport en salle) après la pause protéinée: d’abord plus sombre à la reprise («Terra Obscura part 2»), avant une phase excitative (le moment cross-fit..) et le retour au yaourt maigre («Terra Obscura part 3») – mais consistant.
Auguste
https://motork.bandcamp.com/album/4
https://www.youtube.com/watch?v=hdHw9vRCs0s

31/07/2023 : Seven Reizh - La Barque Ailée et l'Albatros ...quand s'envolent les mots…

Seven Reizh
La Barque Ailée et l'Albatros ...quand s'envolent les mots…
rock progressif / world ethnique et celtique – 88:30 – France – 2023
Seven Reizh vient ici conclure son parcours avec ce 5e double album sur des recréations de titres précédents; une aventure commencée il y a 25 ans, livrant une musique émotionnellement forte, un «instruvocal» de poésies s’intégrant harmonieusement et dépouillé de voix, plus mélodiques; un world-prog celtique où les sons d’ailleurs se font jour en toute délicatesse. «Quand les mots s’envolent, les instruments enseignent un langage plus universel», dixit.
«Antre» breton pour l’intro alpha, sur un arpège guitare mélancolique éthéré, sombre. «Cheñch»: sur une déclinaison onirique au spleen non dénué d’espoir; espace musical oriental lointain; harpe, violon donnant toute sa puissance, Huong apportant des tessitures nippones étonnantes à la Oldfield; le sax final associé aux chœurs électriques. «Kraozon»: texte turc sur l’histoire de la presqu’île avec flûte celtique; des voix se mélangent invitant à partir vers l’Irlande, l’Empire ottoman mystérieux; planant, world. «Odisea»: moment asiatique avec vocal bercé de spleen, ponctué par la rage contrôlée d’une guitare flamenco; du Kitaro en ligne de mire. «The Middle Path»: approche bouddhiste vite brisée par une déferlante où le violon apporte puissance et onirisme; un chemin de méditation avec trompette, flûte et accordéon pour une montée heavy à mi-parcours; l’arpège piano langoureux et la clarinette ensorcelante sonnent comme sur Iona. «Brems»: frein en norvégien bien sûr… en cherchant avec des gouttes de nyckelharpa profondes et mystérieuses; une harpe à la Vollenweider; l’intégration vocale n’a plus rien à voir avec celle stridente sur «L’Albatros», un plus évident.
«Herzel»: harpe berçant l’air aérien, tribal; arpège cristallin de guitares andalouses et des chœurs au loin pour une joute éphémère aux thèmes musicaux world contemplation et sa fin onirique. «Vents contraires»: pad monolithique amenant la flûte lancinante sur un air asiatique et la voix sub-saharienne-nipponne, étonnant comme le solo guitare nerveux. «Neşeli», joyeux en turc, pour une déclinaison métronomique où les instruments magnifient l’apport vocal aérien, mystique et apaisant. «Breathe»: air rythmé en crescendo, tel un hymne entre sagesse et brutalité retenue, tel un souffle chaud du désert. «L'ombre De Fēng»: air nippon dû essentiellement à la flûte bambou et cette harpe qui renvoie au grand Kitajima; le tambour apaisant, ressourçant; long morceau qui passe rapidement avant le final flamboyant au saxo. «Klozañ»: harpe celte et voix céleste qui peut faire penser à Loreena McKennitt dans ses dérives particulières pour clore l’album.
Seven Reizh a sorti un condensé de musiques du monde celte à oriental, sans textes pour ne pas irriter et donner un sens mélodique plus prononcé. Claude Mignon, car c’est lui le créateur, a trituré 12 titres de ses 2 anciens albums pour en faire un melting-pot où l’instrumentation traditionnelle apporte force et solennité; un son d’ici et là-bas pur, calme, éthéré, aux ambiances folkloriques mélangées, qui montre qu’un rassemblement musical peut être viable et avantageux, pied de nez au monde dans lequel nous vivons. Les voix en chœurs et l’instrument (la nyckelharpa) ouvrent les chakras musicaux comme une vague sans fin.
Brutus
https://seven-reizh.bandcamp.com/album/la-barque-ail-e-et-lalbatros-quand-senvolent-les-mots
https://youtu.be/nLM71AZYUkA