Juin 2023

01/06/2023 : Anima Morte - Serpents in the Fields of Sleep

Anima Morte
Serpents in the Fields of Sleep
rock progressif – 41:34 – Suède – 2022
Fondé à Stockholm en 2004, groupe de Fredrik Klingwall (claviers), créé dans le but de réinventer les musiques des gialli (ceux de Dario Argento). Avec Stefan Granberg (basse, bouzouki, guitare, claviers), Teddy Moeller (batterie) et Daniel Cannerfelt (guitare). Ils ont sorti «Face of the Darkness» (2007), «The Nightmare Becomes Reality» (2011) et «Upon Darkened Stains» (2014).
Dans «Leaving Redemption Behind», l‘effroi règne en maître dès les premières secondes et les visages de David Warbeck et Catriona MacColl (dans «L‘Au-delà» de Lucio Fulci) apparaissent. Musique puissante et sombre. Un apaisement relatif est bien vite balayé par la guitare. C‘est déjà une expérience réussie pour cette production inquiétante et élégiaque.
Une ambiance pas si éloignée des Américains de Zombi pour «Pathogenesis» (hélas disparus des radars). Eux aussi, des amoureux de giallo. Référence pour moi à la BO de Zombie de George A. Romero. D‘aucuns voient les zombies sortir de terre et se battre contre la police au début du film en écoutant ce morceau. Crescendo similaire. Formidables sonorités de claviers.
Avec «Seeds of Trepidation», album magnifique qui évoque le caractère à la fois vénéneux et mélancolique d‘Anekdoten. Je ne suis pas déçu de cette découverte. Sans doute un des meilleurs crus 2022. Goblin s’impose encore dans ce tableau musical flippant et généreux.
Pour « A Perfect Void», beaucoup d‘émotions dans ce titre, un traitement post-rock d‘une rare beauté. Mélancolique également et un vrai ravissement.
«Blood of the Iconoclast»: une fois encore très révélateur de la multiplicité des climats. Un bon jazz rock et toujours pas de lassitude. C‘est un disque qui inspire parfois la peur mais qui ne manque jamais de parler au cœur et à l’esprit.
«Colors of incrimination»: ce sont des virtuoses de plus et à l‘instar de Calibro 35 (là c‘est le poliziesco); ils ont eu raison de construire leur univers sur leur cinéphilie. Jazz-rock une fois encore au cordeau. Acéré et sans temps mort.
«Serpents in the Fields of Sleep»: jamais le rythme ne s‘égare, en termes d‘expérience, j‘en suis à un niveau pareil à mes séances vintage à Paris. Toujours cet émerveillement (comme pour les classiques de Sergio Leone) devant ces sonorités angoissantes qui me rappellent le plaisir d‘avoir vu Claudio Simonetti's Goblin au Roadburn.
«The Underworld Beckons» est une exploration raffinée et effrayante préparatoire à la conclusion apportée par «Night of the Final Act». Après ce voyage terrifiant vient le moment de reprendre ses esprits. Parfois méditative, souvent explosive et hypnotique, cette dernière piste ne nous laisse pas non plus beaucoup de repos. Morte Macabre vient évidemment à l’esprit. Félicitations du jury.
Fatalis Imperator

https://animamorte.bandcamp.com/album/serpents-in-the-fields-of-sleep

https://www.youtube.com/watch?v=XWVmFQXYuIo

02/06/2023 : Bertrand Loreau - Full Moon in Fall

Bertrand Loreau
Full Moon in Fall
Berliner Schule – 73:00 – France – 2023
Bertrand est un musicien aux multiples facettes. D’une sensibilité à fleur de peau, il partage avec nous ses émotions par des compositions mélodiques où le piano égraine des notes mélancoliques et je pense, entre autres, à ces sublimes albums que sont «Finally» ou «Let the Light Surround You», qui rappelle à plus d’un moment la bande originale de ce merveilleux film «Somewhere in Time» de Jeannot Szwarc, ou encore le récent «Ombres et Lumières», étroitement lié aux tragédies de la vie, comme la disparition de sa maman. L’ombre incarne le genre qui nous concerne ici: la Berliner Schule, la lumière se voulant l’autre facette du compositeur, celle de ses œuvres mélodiques. On pourrait se contenter de dire que son parcours électronique reflète l’œuvre des maîtres allemands comme Edgar Froese ou Klaus Schulze mais ce serait alors réduire fortement la profondeur émotionnelle de ses compositions. Certes, ce «Full Moon in Fall» évoque parfois les constructions de la tangerine par ses intros colorées de bruitages analogiques suivies de séquenceurs cousins de ceux de «Rubycon» («An Evening of a Gloomy Day») ou encore de «Tangram» («Rising From The Drops Of The Rain») mais il s’éloigne ensuite de cette relative froideur teutonne par de sublimes couleurs méloniriques (excusez ce néologisme mais il traduit en un mot les paysages sonores parents de ceux du grand Klaus). «I Hear a Deep Sorrow» atteint un sommet d’ultime émotion en nous immergeant dans l’univers de «Timewind» («Wahnfried 1883») sans faire appel aux séquenceurs mais en déployant doucement un drapé d’infini cosmique. Et pour terminer en beauté, Bertrand rend encore hommage à Schulze en composant ce «I Feel the Floating Heritage» et ce deux ans avant le départ du maître allemand pour les étoiles. Un éclat sidéral d’une aube lunaire que les fans reconnaîtront à coup sûr. Magique.
Clavius Reticulus

https://asso-pwm.fr/shop/bertrand-loreau/fiche-full-moon-in-fall

https://www.youtube.com/watch?v=w6TrAgrA-BI

03/06/2023 : Tempus Cucumis - The Story of C and the Lowering Skies

Tempus Cucumis
The Story of C and the Lowering Skies
rock progressif / crossover – 54:57 – Belgique – 2022
Le duo qui fait Tempus Cucumis – Jeroen De Brauwer (composition, guitares et voix) et Lukas Huisman (claviers et samples) –, de formation avant tout classique, débute, pour le fun, en 2017: six ans et six albums plus tard, chacun conçu comme un exercice de vacances (un morceau par semaine – parfois un de plus pour Noël –, chaque été ciblé dans un style différent), 2023 marque le retour au progressif, largement impacté par d’autres sources d’inspiration (la tendance songwriting évocatrice d’Arno, le vintage Fender Rhodes), qui puise et mélange avec un systématisme résolu, techniquement bien fait, structuré et réparti, mais dont la chiasmatypie se confond avec la recette pour le cuisinier, le patron du modèle pour la couturière, le plan pour l’architecte, la procédure pour le fonctionnaire – on finit par hésiter, tourner la tête, à gauche, à droite, la lever au ciel et la baisser vers la cave et se demander, sans que ce ne soit rédhibitoire, où donc est l’âme, ou plutôt comment la saisir…
Auguste

https://tempuscucumis.bandcamp.com/album/the-story-of-c-and-the-lowering-skies

https://www.youtube.com/watch?v=LzWYQO8oZLI

04/06/2023 : Grice - Polarchoral

Grice
Polarchoral
pop progressif – 74:24 – Royaume-Uni – 2022
À peine ce disque lancé, me voici happé par la complexe simplicité, le sens aigu de la mélodie et de l’arrangement, la maîtrise du silence, qui soulignent une beauté singulière. L’envie d’expérimenter parcimonieusement, l’amour du beau son... Cent compliments se bousculent pour caractériser cet orfèvre décidément surprenant!
Virée au temps jadis:
On sous-estime parfois de prime abord l’ouvrage de qualité, surprises que sont nos oreilles face à l’inattendu. Ainsi, Monsieur Grice fit-il l’objet de mes balbutiantes chroniques dans votre – maintenant – page préférée.
«One Thousand Birds», galette dont je vous entretenais en 2019, est revenu depuis, régulièrement, continuellement, inlassablement puis avec grand plaisir, remplir le tiroir de mon lecteur. Plus spécialement pour ce magnifique «Comfort Zone» dont je louais alors déjà les mérites. Oserai-je donc lui attribuer rétrospectivement son solde d’étoiles?
Retour vers le futur:
Fragrance Bakélite, hivernal west-coast, old school, l’exploration douce du talentueux artiste n’en suit pas moins une ligne innovante. De l’excellente pop de «Without Her» au large tableau progressif de Polarchoral, son génie discret est à l’œuvre. La trame sonore est admirablement tenue, donnant à cet album une homogénéité exemplaire. Chez lui, le coup d’éclat s’immisce mystérieusement dans le confort du «déjà entendu», le magistral s’invite à pas de velours en des rendez-vous qu’on imaginait sans surprises.
La pièce, loin de me laisser de glace, me semble pourtant moins flamboyante, comparée aux envolées du précédent opus. Mais, pour sûr, les jours nous en diront davantage. Il faudra néanmoins, à l’avenir, compter sur cet incroyable créatif qui redéfinit le genre comme un secret murmuré vient bouleverser vos certitudes.
Néron
https://grice.bandcamp.com/album/polarchoral
https://www.youtube.com/watch?v=e9hnLz67aVg

05/06/2023 : Astral Magic - The Last Survivors on Planet Earth

Astral Magic
The Last Survivors on Planet Earth
rock psychédélique / space rock – 54:46 – Finlande – 2023
Astral Magic est le projet solo psychédélique lancé en 2020 par Santtu Laakso, joueur de Moog de Dark Sun, groupe de rock spatial formé en 1991. 28 (oui 28 albums!) sortent en l’espace de 3 ans, avec l'aide de divers collaborateurs, dans un style psyché-space-kraut-cosmic expérimental avec Hawkwind en toile de fond, sur des touches heavy progressives mélodiques; la faute au covid et à l’enfermement, en fait.
«The Last Survivors on Planet Earth»: avec ambiance psyché dès le départ; ça gicle de partout, ça étincelle, ça peut même faire partir en transe.
«Monsters from the Id»: mélodique, avec batterie qui te force à bouger même si tu es sourd; psyché 70 rock-hippie.
«Dawn of a New Age»: sur un air ambiant-oriental où la voix se mélange à la slide sitar synthétique, ça y est, j’ai pris trop de champignons, mais il y a bien du Oresound Space Collective dans ce titre fou.
«Message from Within»: air chaleureux à la voix cotonneuse, du Mike Oldfield fruité, des synthés tonitruants comme au temps jadis; c’est beau mais redondant.
«The Colour of Adoration»: oriental, S-F, envoûtant, sombre, monolithique et litanie.
«Only in My Dreams»: ballade rock western hippie des 70’s, ambiance latente; la seconde partie plus symphonique amène un vrai solo guitare sur des synthés ruisselants.
«Autumnal Equinox»: bon, l’équinoxe te renvoie à Jarre mais juste quelques secondes, après c’est Oresound Space Collective, Ozric Tentacles, avec un rythme monolithique entêtant.
«Shimmer»: allez, un peu d’OMD en toile de fond, Oldfield et un air qui coule de source, le premier titre presque pop.
«The Inner Light»: pour le trip de fin avec vocal paraphrasé de Shane, le concept temps n’existe plus, le psyché tel que rêvé, Santtu l’a fait.
Astral Magic a composé cet opus de grandes mélodies envoûtantes pop-dark-wave, rock hypnotique, expérimental; un nouveau genre musical où les sons s’empilent et s’entrechoquent. Jonathan Segel des Oresound Space Collective, Alisa Coral pour ses synthés et Shane Beck pour sa poésie aident Santtu à créer une musique psychique pour «monde qui se liquéfie»; l’art de canaliser les sons d’une autre dimension.
Brutus

https://astralmagic.bandcamp.com/album/the-last-survivors-on-planet-earth

https://www.youtube.com/watch?v=oNB-mVMoIa8

06/06/2023 : JeGong - The Complex Inbetween

JeGong
The Complex Inbetween
krautrock – 45:12 – International – 2023
Deuxième album du duo américano-suisse Dahm Majuri Cipolla (le batteur de Mono) et Reto Mäder (un artisan du son qui mêle musique et bruit, analogique et numérique, électricité et électroacoustique, et puise à de multiples sources sonores), «The Complex Inbetween» s’adresse à un public fouineur, friand du krautrock allemand des origines (Neu!, Cluster), de ses accointances avec l’avant-garde stockhausienne (Holger Czukay et Irmin Schmidt, de Can, suivent son enseignement musical; ses expérimentations électroniques dans «Kontakte» influencent Kraftwerk), curieux de cette alliance moderne entre un batteur qui émerge du post-rock pour propulser un rythme motorik – au fond humain – («Come To The Center») et un sculpteur de sons qui ne craint ni l’abrasif («Clear The Way») ni l’atonal ou l’étrange («KurkOM») ni le déchirement dystopique («Night Screaming Moves») ni la mélodie intensément mélancolique («Focus Defocus»). Les semences de Jegong (c’est le titre d’un morceau de Dieter Moebius, de Cluster) se répandent lorsque les deux musiciens se croisent, en tournée chacun dans son groupe respectif (Sum Of R et Watter) et discutent musique, d’où elle vient, où elle va – établir ce pont entre racines et développement, c’est peut-être ça la spécificité de ce palpitant projet.
Auguste
https://jegong.bandcamp.com/album/the-complex-inbetween
https://www.youtube.com/watch?v=0aC206aksco

07/06/2023 : Lunar - The Illusionist

Lunar
The Illusionist
metal progressif – 58:45 – États-Unis – 2023
C'est la fête foraine à Sacramento, on a droit à un spectacle de magie (noire?), version grand-messe metal! Ici, tout était fait pour sortir un full aux as du chapeau: une histoire introspective (la quête de l'homme et son métier), une production à son aise (3 ans), des invités prestigieux (Obscura, Emperor...) et une palette de larmes et de colère (Ryan Erwin, leur guitariste, est mort). Formé il y a dix ans, Lunar a déjà mis sous presse une disco plus qu'intéressante: un EP et deux albums plantureux en influences et en breaks vertueux. En vrai, cette 4e sortie vendait déjà du rêve avant son atterrissage. Album concept, on aura aussi droit à une panoplie diversifiée, puisque flûte, piano et saxo sont à l'inventaire de ce show pas banal mélangeant voix death, ballades et violents soli de guitares. Enfin, assez spéculé, à la soupe les petits amis! Mais à la truffe, faudrait pas oublier que les magiciens ont une cape et les pompes cirées. Une écoute dans le sens ordinaire vous fera entrer, strate par strate, dans l'esprit en crise du saltimbanque! «Prestidigitation» vous accueillera façon opéra: monologue, ambition grandiloquente et presque musique classique. «The Illusionist»: on alterne rock pur et simple et voix gutturale, ça reste audible et propre. Avec «Showtime», on a sauté, cette fois, à pieds joints dans le metal, sans pourtant passer le mur de l'extrême; idem pour «Turn off The World». On ne s'en plaint pas! «Disassembled»: le rythme est ralentissant, le ton est à la torture mentale… jusqu'à tomber dans la mélancolie guitare/piano sur «For my Next Trick». La reprise presque bulldozer est assurée par «Juggling Chainsaws» et ses salves d'instruments à cordes. Et pourtant, quand vint le grand final, «Now you see me», le band performera en presque neuf minutes mi-figue mi-raisin. Tiens donc? Lunar aurait pu choisir de secouer l'audience avec une pétarade de tous les diables. Tel ne fut pas le cas! Ils ont préféré tricoter une longue tirade acoustique avec juste un zeste de venin sur la fin! Et qué? Pas assez, diraient certains? À l'heure du verdict, je n'en dirai pas tant. C'est un choix! Les partitions restent cohérentes de bout en bout. L'album est, à vrai dire, trop parfait, trop lisse, trop structuré, trop démonstratif dans la maîtrise. Il manque de flammes, de la fièvre et de la spontanéité. Rien n'est absent mais rien n'est poussé à fond. Dommage mais tout de même pas grave, on passe assurément un tout bon moment!
Kaillus Gracchus
https://lunarbandofficial.bandcamp.com/album/the-illusionist
https://www.youtube.com/watch?v=j5jjf38Idus

08/06/2023 : Jack Hertz - A Star is Born

Jack Hertz
A Star is Born
spatial / soundscape – 59:31 – États-Unis – 2023
Les étoiles et le cosmos en ont inspiré plus d’un, tant dans la musique contemporaine (Gustav Holst et Ligeti, e.a.) qu’au sein de la communauté progressive et particulièrement, bien sûr, de la musique électronique. Citons, parmi d'autres, David Bedford («Star Clusters»), Fripp et Eno («The Equatorial Stars»), Jonn Serrie («The Stargazer Journey») et Jack Hertz dont on se souviendra que la chronique de son précédent «Time Jewels» inspiré par les récentes découvertes du télescope spatial de James Webb est parue dans ces «colonnes». Le voyage continue ici au fil de compositions aux textures le plus souvent inquiétantes. Exploration para-mélodique qui plonge l’auditeur dans l’espace profond de nuances moulées dans un style ambient dit «intelligent». Si l’on peut se poser des questions sur le terme «intelligent», utilisé aujourd’hui à tort et à travers, par exemple dans «intelligence artificielle», qui n’a rien d’intelligent, une certaine forme d’ambient est bien présente, notamment dans l’évocation de la solitude glacée des anneaux de Neptune ou dans les plus inquiétants méandres d’un nœud cosmique («Cosmic Knot») qui s’accompagnent d’un rythme froid et mécanoïde. Plongeons alors dans la nébuleuse de la Tarentule (à 161 000 années-lumière d’ici) au rythme obsédant, doux et lent porté par les miroitements d’étoiles parmi les plus massives et les plus chaudes de l’univers connu. On pourrait y percevoir des voix incantatoires pour peu que l’imagination travaille sans se laisser envahir par ces sons nés d’échos lointains. Hypnothérapie sidérale et sidérante. Et pour terminer le trip, un voyage de 6 500 années-lumière vers les «Piliers de la Création» dans la nébuleuse de l’Aigle. Ce paysage sonore illustre parfaitement le côté fascinant et mystérieux de ces amas stellaires qui abritent de véritables pouponnières d’étoiles. L’auditeur est immergé dans ce psithurisme sonique qui pourrait évoquer le «Sonic Seasonning» de Wendy Carlos. On l’a compris, il ne faut pas chercher une mélodie dans cet album mais plutôt se laisser envelopper par les sons, fermer les yeux et partir pour un voyage aux confins du cosmos. Toujours distribué par AuralFilms.com, le site des musiques de films imaginaires. Mais que ferions-nous sans imagination? Je vous le demande!
Clavius Reticulus
https://jackhertz.bandcamp.com/album/a-star-is-born
https://www.youtube.com/@JackHertzVidz

09/06/2023 : Hex A.D. - Delightful Sharp Edges

Hex A.D.
Delightful Sharp Edges
heavy metal doom atmosphérique – 61:17 – Norvège – 2023
Hex A.D. sort un double album partant sur des sons rappelant Thin Lizzy, Wishbone Ash à connotations doomy, psychédéliques et progressives. Un 6e en 3 parties traitant des génocides, voyage onirique froid, univers musical où la sensibilité effleure les oreilles et donne dans l’émotion vintage des Black Sabbath, Iron Maiden, Monster Magnet, Trouble voire Queensrÿche.
«The Memory Division»: intro entre vent et craquement LP; ça monte, ça enivre puis se met en route sur un son 70; très bon, basse à la Maiden, claviers de Boston, guitares à la Wishbone Ash; le break avec l’orgue et l’arpège guitare ramènent à Genesis; il y a du Mellotron pour une belle digression; retour avec un riff dithyrambique qui fait partir encore plus loin et fin grandiloquente jusqu’aux voix walliennes de Churchill. «Murder in Slow Motion» prolonge sur une intro lizzyenne, un son Maiden, un orgue qui renvoie aux précurseurs métal prog; le break atmosphérique comme Led Zeppelin et Thin Lizzy faisaient. «…By a Thread» enchaîne, concept; titre acoustique mélodique folklorique avant l’arrivée du riff, tiens un Murky Red affriolant, complexe pour la ballade. «Når Herren Tar Deg i Nakken»: avec un train qui prend les retardataires sur un riff graisseux, sinistre, l’orgue chaud et le vocal en porte-voix, pour l’intermède.
«Radio Terror»: intro bucolique d’antan, émoi des Scorpions; une montée douce de l’orgue motorpsychoenne; break tribal avant de repartir sur un ersatz sabbathien et fin brutale. «St. Francis»: second interlude orgue divin venant de là-haut, sur Yes aussi. «Throwing Down the Gauntlet»: ambiance progressive (bon c’est l’intro) avant la vague déferlante, un relent de Deep Purple pour le clavier; c’est bien hardos teigneux, majestueux et sabbathien; le solo excellent qui se distingue et amène «The Burmese Python» comme une outro; intro à la Oceansize atmosphérique latente avant de partir sur un hard rock mesuré et son break zeppelinien au clavier du temps jadis. «Beyond the Venom Trail»: pour le dernier intermède éthéré, cristallin avant que la machine à écrire vous renvoie sur «Hell Today» pour un florilège d’airs allant de Pink Floyd à U2, puis ça part death-doom bourrin des antipodes; break final spatial sombre d’une cour de récré avant une vibration à la «E5150». «…Gone Tomorrow» comme final hard symphonique de fin du monde, chaleureux.
Hex A.D. c’est bien vintage hard rock et efficace niveau accords, riffs et atmosphères lourdes. Un son analogique chaleureux original qui nettoie mes enceintes étonnées de s’en sortir aussi bien, grattant sur le doom metal atmo psyché; risque addictif tant les références sont nombreuses, idéal pour réviser ses vieux classiques. Une baffe.
Brutus
https://hexad.bandcamp.com/album/delightful-sharp-edges
www.youtube.com/channel/UC2JTaCblJdOh8Fx2ekAMLYQ

10/06/2023 : The Slow Light - Sessions

The Slow Light
Sessions
rock progressif – 31:44 – Australie – 2023
Avec ses «Sessions», The Slow Light (le projet, solo, de Jack Bolingbroke, devenu collectif) réédite le coup de «Cinema of the Mind», enregistré live en 2020 au Ghostnote Studios, cette fois improvisées et mises en boîte au Twin Earth d’Adélaïde, la ville où vivent les cinq musiciens du groupe (guitares, synthés, claviers, basse et batterie). Avec cette formation somme toute classique, le quintet produit, pour la première moitié de l’album, une musique électro-planante qui évoque parfois, en moins répétitive, Radio Massacre International (les morceaux se déclinent simplement en «Twin Earth - parts I - VI»), la «Part IV» faisant office de transition pour offrir plus de place aux cordes électriques, peaufinant une coloration progressive, avant un interlude («Part V») qui s’efface derrière la grosse pièce («Part VI»), à l’esprit floydien et au ciselage instrumental délicat – osant dans le final, après un lent passage montagnard (ça monte, puis ça descend), une décrue nauséeuse en vitesse altérée (comme quand on appuyait du doigt – avec plus ou moins de pression – sur la bande magnétique en train de défiler).
Auguste
https://theslowlight.bandcamp.com/album/sessions
https://www.youtube.com/watch?v=WL9UOax3sOo

11/06/2023 : Zopp - Dominion

Zopp
Dominion
Canterbury et alentour – 42:01 – Angleterre – 2022
Quand j'ai vu ce 2nd album de Zopp dans la liste des albums en arrivée, je me suis porté volontaire, quitte à risquer... du plaisir.
Car la chronique du 1er (http://progcensor.eu/2020-juillet.html#Qq7cglyO), de Lucius Venturini, m'avait convaincu d'aller écouter ce groupe au nom étrange («soupe» en luxembourgeois... pour une musique qui n'est vraiment pas de la «soap»!). Formé d'un duo: Ryan Stevenson qui sait tout faire sauf les percussions et Andrea Moneta. Ils s'entourent de guests pour compléter le line up (sur le 1er, entre autres, Andy Tillison et Theo Travis, rien de moins!).
Classifié, alors, Canterbury, Zopp a étendu son espace. Dès la 1re piste, surprise: Zopp chante aussi maintenant! En fait c'est un duo – Caroline Clarke et Sally Minear (la fille d'un gentil géant), en guests, – qui vient ouvrir de nouveaux horizons, Ryan assurant la plupart du temps le chant sur les autres pistes, dans un style allant de l'épure de Robert Wyatt à la sophistication de Wobbler.
«Amor Fati», chanté donc, nous propose d'accepter notre destin (selon Nieztche)... à nos souhaits... qui sont exaucés dans cette courte (2 min) pièce introductive à laquelle s'enchaînent les 10 min de «You» où les claviers nasillards, saturés de Canterbury, s'ouvrent un peu à la limpidité d’un Wakeman. C'est chaleureux et léger, choral et inventif, les patterns des cuivres des nombreux invités répondant au B3.
«Bushnell Killer»: le sax sonne un hymne que l'on croit avoir toujours connu... dès la première écoute!! Un peu comme le «Theme One» de George Martin. Efficace.
«Uppmärksamhet»: attention, suédois torride façon Soft Machine, climatique et lent.
«Really Tunnels»: certaines attaques de clavier (B3) m'évoquent Hugh Banton (VdGG); d'autres sont purement Canterbury. Le tout pour une pièce ciselée de 4 min seulement, pourtant riche en rebondissements.
«Wetiko Approaching»: pièce gag, interlude de 2 min, où le virus de l'égoïsme (Wetiko)... n'est pas partagé. 😉
«Toxicity», epic canterburiesque de 14 min, finit de distiller l’élixir de cet album totalement INDISPENSABLE.
Cicero 3.14
https://zopp.bandcamp.com/album/dominion
https://www.youtube.com/watch?v=QvqUDj1Iy54

12/06/2023 : The Three-Body Problem - Light Gave Way

The Three-Body Problem
Light Gave Way
rock / jazz progressif – 63:15 – États-Unis – 2023
Du voyage de Richard Nixon en Chine en 1972 (un moment majeur en matière de realpolitik), John Adams fait un opéra («Nixon in China», dont le livret, écrit par Alice Goodman, se base sur les discours du président américain et de Mao Zedong); du livre de Liu Cixin, «Le Problème à trois corps» (le titre fait référence au problème de mécanique céleste consistant à déterminer les trajectoires d'un ensemble de corps s'attirant mutuellement), un roman de science-fiction très lu en Chine, le trio (originaire de Bowling Green, en Ohio) Bruce Collet (piano et chant), Jeff Hammond (batterie) et Mark LaVenia (basse) fait son nom, The Three-Body Problem, revendiquant une musique qui, à la manière de ces corps célestes en orbite les uns autour des autres, soumis à des forces complexes et aux trajectoires imprévisibles, semble chaotique, résultante d’une équation non linéaire, irrésolue: à la base de la grosse douzaine de compositions, on retrouve en fait des influences rock, jazz et classique qui nourrissent des airs bien faits, agréables et sans aspérité – une autre étape de realpolitik, dénuée de tout risque de se perdre dans le chaos (Xi Jinping peut continuer à macadamiser tranquillement sa route de la soie).
Auguste
https://the3bp.bandcamp.com/album/light-gave-way
https://www.youtube.com/watch?v=tqjnFV00IDA

13/06/2023 : La strega tra noi - Correlazioni

La strega tra noi
Correlazioni
chanson pop / rock progressif italien – 37:37 – Italie – 2022
La frontière entre le RPI et une variété de qualité est parfois mince. Alors, même si le nom de «La Strega tra Noi» répond à l'une des caractéristiques du RPI (i.e. des noms formés de plusieurs mots), la musique proposée ici est plutôt pop, la batterie simpliste de l'intro «Strega Commanda colori» nous y propulse, mais la voix âpre (quasi masculine) de la chanteuse (Simona Bagatin), qui mue en cantatrice lyrique vers la fin du morceau, laisserait entrevoir d'autres perspectives.
Les suivants, très pop, possèdent des sons de claviers phasé typés aussi, mais les nombreuses ruptures qui éloignent d'une simple variété ne suffisent pas pour franchir le pas. «Eccoci qua» sonne comme slow pop vintage avec un Hammond comme un bourdon, avant qu'un beau, et court, solo de moog ne fasse ressortir la piste. «Respira» avec son synthé habille joliment une chanson, dont on imagine bien les chœurs en concert entraînant le public. Plus chaloupée la basse de Christian Nanti sur «Favole» jette un œil afro, bien vite tempéré par une batterie trop sage.
L'ultime morceau de la galette contient la fève. «La Strega» nous présente une sorcière (strega) plus instrumentale et convaincante, où l'on ressent dans les claviers de Graziano Forni le souffle de ses inspirations (Emerson Wakeman). Dommage qu'il ne soit pas plus livré dans les 8 autres pistes; les thèmes musicaux sont, pour la plupart, de qualité. Les mélodies accrochent, mais on est loin des envolées RPI espérées.
Néanmoins, cet album très chanté plaira aux italophones et aux collectionneurs de tout ce qui flirte avec le RPI.
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/correlazioni
https://www.youtube.com/watch?v=CJbqtkkq7PA

14/06/2023 : Rick Miller - Altered States

Rick Miller
Altered States
rock progressif mélodique et symphonique – 52:02 – Canada – 2023
Rick Miller a débuté en 1983 dans le domaine de la musique électronique et a décidé de poursuivre dans le rock progressif symphonique, Pink Floyd et Genesis en ligne de mire; il revient pour son 17e album à ses amours du départ, en conciliant l’atmosphérique, l’électronique et le symphonique; des mélodies douces, captivantes, avec soubresauts virils; du crossover baigné de sons floydiens, d’Enya, Vangelis et Alan Parsons.
«Altered States»: intro Vangelis, planante, du prog pur jus; une touche floydienne puis Alan Parsons pour le clavier; langoureux comme une guimauve musicale, la 6 cordes montre la force de frappe, déroulant une ballade et un break prog synthétique comme on n’imaginait plus; un peu de flûte pour faire fondre, la baffe.
«New Moon Prelude»: interlude archaïque avec percussions tribales au steel drum et flûte des hauts plateaux pour se ressourcer avant «Wolf Moon» survenant, entre l’atmosphère nocturne et l’ambiance spatiale; voix langoureuse, longue mélopée sinueuse entrecoupée de breaks orchestraux sauvages, d’un cello sombre qui fait rêver ou cauchemarder, ah ce loup.
«Borrowed Time» suit sur une déclinaison de BOF, entre Orient et «Seigneur des Anneaux» avec elfes en avant; douceur, tranquillité du son et de la mélodie avec la flûte de Sarah et Giulia; moment latent introspectif et mélancolique introduisant une guitare radieuse.
«The Trap»: mélodie intermède qui tue avec flûte angélique en cascade, bruitages cinématiques, purement orchestral, déstabilisant de sérénité. «Old Secrets»: sombre, floydien avant-gardiste, voix ensorcelante pour une ballade onirique qui vaut plus que les derniers Gilmour.
«Half Moon»: intermède folklo-oriento-atmo grandiloquent montrant le travail de composition, à écouter au casque, magnifique. «A Dream Within A Dream» revient au titre chanté entre Moody Blues et Barclay James Harvest, avec le solo guitare qui fait monter le ressenti jusqu’à la slide mélodique finale.
«Full Moon Rising»: d’habitude le grand titre ici un effet cinématique pour clore l’album.
Rick Miller m’étonne toujours en proposant un son prévu d’avance, mais où des touches progressives se cachent toujours et laissent pantois. C’est mélodique mais super bien fait, un état de grâce symphonique bien meilleur que nombre de compositions actuelles dites mélodiques peu remplies et émotives; bref ce concept album sur la nature ambiant et atmosphérique vaut encore son pesant. Bijou.
Brutus
https://rickmiller.bandcamp.com/album/altered-states
https://youtu.be/rVueLoHKOGo

15/06/2023 : Astral Magic - We Are Stardust

Astral Magic
We Are Stardust
electronic psychedelic space rock – 60:21 – Finlande – 2023
Un space rock à la Hawkwind/Gong et Ozric Tentacles par Mika Laakso.
«We Are Stardust»: voilà un groupe taillé pour le Kozfest. Dans la droite ligne de Hawkwind en effet. Un space rock solaire et émouvant. Une voix qui rappelle le chant de Dave Brock et un état d‘esprit qui n'est pas sans évoquer «Future Games» de Randy California. Lumineux avec un guitariste très doué. Mika a plus que jamais le droit d‘exprimer sa saine obsession pour les œuvres de Captain Dave.
«The Simulacra»: que de bonnes sensations dans cet album. Je pense à «Spirit of the Age». Un trip recommandable car il me semble que Mika et ses comparses ont décidé de faire du bien à l‘auditeur. Leur joie de jouer ensemble est évidente. C‘est un album qui me touche beaucoup. Facile, réjouissant, ensoleillé et bon.
«Drop It»: une piste plus méditative, une ambiance à la «High-Rise». Je vois cet album comme une œuvre très profonde et diverse. Et l‘hommage à Hawkwind est comme toujours sincère et pertinent. La guitare n'aurait pas pu sonner plus justement. Chapeau bas!
«Virtual Fixtures»: un disque très varié avec un passage digne de «Levitation». Plein d'énergie, de rock'n'roll et d'ondes cosmiques. J'aime sincèrement la générosité de l'affaire. Un bel équilibre entre cavalcades interstellaires et introspection psychédélique.
«Bottled Up Inside»: remarquable ballade spatiale. La virtuosité est de mise. C'est formidablement planant et très beau. Et que ce moment où un festivalier à Burg Herzberg (en 2008) m'avait dit que «le space rock n'était pas de la musique» me semble bien loin. Superbe et expressif!
«Ghost in DNA»: bonus également pour un vieux grincheux élitiste comme moi (c'est encore pire devant un match de basket et vous n'avez pas envie de voir ça, lol). Il se dégage de cet album une puissance digne de la Kosmische Musik (de Code 3 à CosmicJokers en passant par Gaa). Des réminiscences d'Heldon .
«Out in the Wild»: laid-back et space, encore une bien belle composition. Il est difficile de se lever de mauvaise humeur avec une galette pareille. Le monde irait mieux si Astral Magic était au pouvoir.
«They Walk Among Us»: je ne suis pas disposé à oublier mon amour pour le rock cosmique avec des perles de ce calibre. Encore une chouette réalisation. Un voyage plein de rebondissements et de sens. C'est une très belle expérience, pour ça merci!
«Out in the Cold»: assurément le plus émouvant du lot, rien de trop. Je suis vraiment séduit par la voix et l'atmosphère de la chose. Il faut vraiment qu'Astral Magic joue au Kozfest. Ils y feront un malheur.
«Lost Planet»: bon, si quelqu’un peut m’envoyer l’adresse de la planète d’Astral Magic, je suis preneur! C'est le psychédélisme que je recherche. Aucune tromperie! Réellement fascinant et très bien joué; le festival Crescendo pourrait aussi les inviter!
«Violet Sky»: c’est très rare de tomber sur une production qui fait autant écho à soi et quand ça arrive c’est merveilleux. Bravo pour ça aussi! Un disque sans temps mort ni faiblesses. Un vrai plaisir de l'écouter et de le chroniquer. La note maximale s'impose et c'est sans appel. Désormais je me pose afin de procéder aux révisions de mon astronef avant de repartir.
Fatalis Imperator
https://astralmagic.bandcamp.com/album/we-are-stardust
https://youtu.be/9yP2opOG3LU

16/06/2023 : Various Artists (Eric Bouillette) - Songs for an angel - Tribute To Eric Bouillette - Vol I

Various Artists
Songs for an angel - Tribute To Eric Bouillette - Vol I
hommage progressif – 66:48 – France – 2023
C’est avec une réelle émotion que j’entreprends cette chronique. Je ne connaissais Eric Bouillette que depuis peu et par échanges de messages sur la toile, suite à la critique enthousiaste de son dernier disque avec Solace Supplice. Son décès subit m’a beaucoup touché et peiné car on n’a pas le droit de partir si jeune. Ce départ vers l’au-delà a provoqué ce «Tribute» avec des amis musiciens qui ont ainsi voulu honorer sa mémoire en musique. Treize morceaux dont le sublime «Dans la couche du diable» d’Eric et sa compagne, Anne-Claire Rallo, alias Solace Supplice, qui clôt ainsi le disque avec une de ses dernières chansons. Eric s’était fait connaître à travers Nine Skies, The Room, Imaginaerium avant de sortir ce projet, «Solace Supplice», qui reste pour moi un disque de chevet, maintenant empli d’un émoi supplémentaire. Pour en venir à cet hommage auquel Eric a bien involontairement participé, il rassemble donc plusieurs artistes de tous horizons et pays qui ont croisé un jour ou l’autre le chemin d’Eric. On y retrouve pêle-mêle Anne-Claire Rallo bien sûr, mais aussi Pat Sanders et son Drifting Sun, Erewän et son pianiste Alexandre Lamia, le batteur Jimmy Pallagrosi, Howard Sinclair, Nicolas de Renty, Steve Anderson et Chris Yorke, Ruby Dawn, Freddy Scott et plein d’autres encore. Du court et émouvant electro pop de Nova Cascade en intro avec «Any minute now» au fascinant «Fugue pour Notre-Dame du Saint Rosaire», orgue, soprano et ténor réunis pour une ambiance religieuse que seul un cantique antique pouvait nous procurer. De l’ambient synth pop «Pour l’éternité» du Chrysdoll Project au néo-prog «Man on a Mountain», triste à souhait, de Pat Sanders, Achraf Elasraoui, Gareth Cole et Chris York. Du trippant «Dream for the future» de BDD, new wave désenchantée, au «Our Man From France» de Steve Anderson et Chris Yorke qui s’adresse à notre cher disparu. Bien sûr aussi, «Toy Town» composé par Eric, textes d’Anne-Claire, et superbement chanté par Freddy Scott pour un néo-prog enlevé sur un filet de mélancolie fiévreuse. Je ne les cite pas tous mais chaque titre reste un enchantement mélodique de tous les instants et la conception même de ce tribute rend l’écoute encore plus émouvante. Un bien bel hommage pour un homme charmant qui aura embelli l’univers progressif français d’un collier de perles disparates par ses compétences distillées au gré de nombreux groupes et participations toujours vivement saluées. Je m’en remets à «la couche du diable», si bien écrit et joué, pour en finir où les anges viennent accompagner Eric Bouillette au paradis des musiciens talentueux…
Commode

https://ftf-music.bandcamp.com/album/tribute-to-eric-bouillette-vol-i

17/06/2023 : Inner Prospekt - Canvas Three

Inner Prospekt
Canvas Three
crossover progressif – 88:34 – Italie – 2023
Derrière Inner Prospekt il y a les compositions du seul Alessandro di Benedetti qui assure aussi la voix, la batterie et les claviers. Il complète le line-up de chacune des 7 pistes avec un seul guitariste, formant 7 duos avec Rafael Pacha (collaborateur des Samourai), Federico Tetti (Mad Crayon) et Carmine Capasso (The Trip, dont nous chroniquions l'album solo fin mars).
Prolifique, (13 albums Inner Prospekt depuis 2014!... plus Mad Crayon), Alessandro participe aussi aux albums des non moins prolifiques, Samouraï of Prog ou de «The Guildmaster» en leur offrant de superbes compositions; ainsi on a déjà pu entendre «Scratches», «La Resa dei Conti» ou «A Wordless Fable» sur des albums des Samouraï dans des versions différentes. «The Island of Despair» se retrouve ainsi sur un album de Bernard & Porsti (2/3 samouraïs), et enfin, «Young Me, Old You» chez The Guildmaster, ces «groupes» mettant en commun leurs savoir-faire dans de très nombreuses productions prog de qualité.
Pour compléter la playlist de l'album comme «Showdown» est la version anglaise de «La Resa dei Conti», «Lizard Tales» reste, à proprement parler, la seule piste originale de l'album!
Mais qu'importent les ingrédients, la seule chose qui compte, c'est le résultat et le plaisir qu'il procure. Et là, on est servi. Généreusement.
«Canvas 3» est une merveille pour qui comme moi apprécie le prog mélodique. Dès la 1re piste «Scratches» on est captivé par une verve génésienne; pour mémoire le 1er Inner Prospekt s'intitulait «Dreaming Tony Banks»! Même la voix peut faire penser à Phil Gabriel (ou Peter Collins 😉. Mais il est trop réducteur de limiter cet album à cela, d'ailleurs l'intro du splendide «Island of Despair», plutôt wakemanienne, est suivie par le souffle d'un Bernstein, pour revenir à un Genesis '80. Et les jumeaux «La Resa dei Conti» et «Showdown» s'ouvrent au grand piano, classiques, romantiques quand la flûte arrive. Mais ces epics de 20 min ne nous laisseront pas une minute de répit car des gênes RPI viennent dynamiter tout cela. Réjouissant!
Allez vite savourer cet album INDISPENSABLE!
Cicero 3.14
https://innerprospekt.bandcamp.com/album/canvas-three
https://www.youtube.com/watch?v=Uew979x4IKc

18/06/2023 : Nick nicely - Afterworld

Nick nicely
Afterworld
rock psychédélique – 35:33 – Angleterre – 2023
Nick Nicely est tombé dans la musique psychédélique, sortant un titre en 1982 et puis plus rien; des accointances musicales avec Robert Wyatt, XTC, les Beatles, voire Kraftwerk et Moroder, sur le mouvement pop hypnagogique, l’acid house. Ce 5e album est une suite de titres retrouvés entre 2004 et 2014.
«Rosemary’s Eyes»: ambiance psyché des années 70 et 90 bien vintage, titre chanté avec guitares stridentes et un synthé qui déroule avec effets acid. «Eels»: basse en avant, air sombre, avant-gardiste, monotone, puis «DCT Dreams» pour son «hit» remixé à tendance Orchestral Manoeuvres avant l’heure et surtout Kraftwerk en plus pop song. «Blood On The Beach» pour un morceau acid-new wave posé et dynamique. «Galley» à l’air dub, son saturé, mal enregistré comme si la bande coinçait, une guitare au loin comme venant du retro-futur. «Whirlpool»: western acide ou comment adapter texte et musique, oui le titre le plus normé au départ, après ça part sous un monde où il faut consommer pour y trouver une trame musicale; allez jusqu’à la fin et vous comprendrez. «Rainbow» comme ballade sombre, interlude entre deux mondes invivables. «Further Down The Beach»: sur du Gary Numan, de la house qui n’a que la composition de progressive, le reste sur un terrain désaccordé. «Shadows In The Sun»: air transe sous mauvais acide.
Nick Nicely a rassemblé ces pistes démos d’un ancien lecteur de MiniDisc qu’il aurait peut-être dû laisser là; oniriques, désorientées, labyrinthiques, pour bad trip; expérimental pour accros.
Brutus
https://nicknicely1.bandcamp.com/track/rosemarys-eyes-demo
https://youtu.be/_-suhQ9L67k

19/06/2023 : Pourpre - Pourpre

Pourpre
Pourpre
progressif vintage – 32:30 – Canada – 2023
Comme vous pouvez le constater, Pourpre nous arrive tout droit de Montréal. Il a été formé en 2019 par Louis Lafontaine (guitare et chant), Catherine Laurin (violon et chant), David Lemyre (guitare), Raphaël G. Longval (basse) et Patrick Bureau (batterie). Inspirée du rock progressif des années 70, leur musique se compose de bon vieux rock vintage, de lyrisme raffiné, de curieuses excentricités et d'une pointe de virtuosité. Le chant de Catherine est absolument divin, mais ses amis ne déméritent en rien et font preuve d’un lyrisme musical hors du commun et le léger accent canadien apporte un certain cachet à leur musique. Je vous avouerai avoir un faible pour le côté planant de «Médecin légiste» (alors que cette profession ne m’attire en rien). Une bonne découverte…
Tibère
https://pourpre1.bandcamp.com/album/pourpre

20/06/2023 : Paskinel - Maraude automnale

Paskinel
Maraude automnale
pur rock progressif – 51:25 – France – 2023
Paskinel est une (ré)création d’Alco Frisbass car, même si son géniteur Patrick «Paskinel» Dufour s’en défend, il a réuni autour de lui et de huit compositions Frédéric «Tourneriff» Chaput et, juste pour le premier morceau, Fabrice Chouette, soit les quatre quarts du gâteau Alco Frisbass, réduit sur la durée de l’opus aux deux tiers. Ces questions de répartition géométrique mises à part, il n’est pas rare qu’un musicien veuille exprimer son art de façon solitaire et, pour s’aider dans son entreprise, fasse appel à ceux qu’il connaît le mieux, donc ses petits camarades de sillons et l’on passe de solitaire à solidaires! Après trois rondelles saluées par la critique, et cette fois ce n’est pas une simple accroche, les renommés «Alco Frisbass» (2015), «Le Bâteleur» (2018) et le mirifique «Le mystère du Gué Pucelle» (2021) ont assis la réputation d’un trio épanoui entre progressif pétulant et Canterbury jovial. C’est donc avec un grand plaisir que l’on découvre ce Paskinel, émanation d’Alco Frisbass, là aussi œuvre purement instrumentale fourmillant de détails musicaux des plus croquants. Il faut dire qu’avec le concours d’un orgue, d’une flûte traversière, d’un basson, d’un saxophone et d’un violon, l’auditeur se sent tout de suite en territoire rassurant. Sans oublier la participation d’un certain Thierry Payssan à la masterisation. Un nom sécurisant pour tout mélomane progressiste et aussi une certaine preuve de qualité quelque part, si j’osais un minimum vital en somme... Déjà ce titre «Maraude Automnale» fleure bon la poésie et la sensibilité linguistique, qui me plaît tant, et l’apparente facilité avec laquelle les thèmes se développent, flattant l’oreille de tout mélomane averti. Un progressif mâtiné de jazz-rock européen soit sans funk et puisant dans les tréfonds insondables d’une progressive de renom; je songe sans hésitation aux premières pirouettes musicales d’un Ange, d’un Atoll mais aussi celles plus «scientifiques» d’un Zao ou d’un Spheroe, tout ceci pour rester en France. Dufour et ses potes sont réellement de grands musiciens et Paskinel, le créateur de ces maraudes progressives, un talentueux compositeur qui nous fait revivre en plus de cinquante minutes les riches heures d’un prog’ conquérant et surtout inventif, stimulant le cerveau, sans oublier une épatante tonicité dans ses accords. Il a butiné et glané de-ci de-là des souvenirs fugaces de ce qu’on aime tant; ses chapardages à l’aune des plus grands sont ici magnifiés par une précision d’horloger dans la construction des morceaux. Je n’hésiterai donc pas un instant à classifier ce disque «solo» de petit chef-d’œuvre de rock progressif, ni plus, ni moins, car on y retrouve toute l’essence de ce qui nous fait carburer sans pétarader sur l’autoroute de la félicité musicale. Eh oui, encore un meilleur disque de l’année… en juin déjà!
Commode
https://vallislupi.bandcamp.com/album/maraude-automnale
https://youtu.be/-b6YmSGH3ks

21/06/2023 : Premiata Forneria Marconi - The Event – Live in Lugano

Premiata Forneria Marconi (PFM)
The Event – Live in Lugano
rock progressif italien – 79:37 – Italie – 2023
Aujourd'hui 21 juin, Fête de la Musique, comme un concert de PFM!
Cela fait 48 ans que cela dure, depuis que j'ai entendu leur 1er live: «Cook» en 1974. Il fut capté pour ne pas perdre la location d'un studio mobile délaissé par ELP!!! «Cook» est dans mon top 5 live. Pur live, sans aucune retouche! Énorme.
Après 5000 concerts, tous différents (ou 6000? ils ne les comptent plus!), PFM est toujours là. Certes des grincheux diront que le groupe a changé, mais du Liszt reste du Liszt, et les frères de rythme Franz... Di Cioccio (pas Liszt) et Patrick Djivas sont toujours là. La musique de PFM aussi, et bien là!
Entourés de Lucio «Violino» Fabbri depuis '80, du maestro Alessandro Mynus Scaglione entré en PFM en 2012 à 26 ans et de 2 guests: Luca Zabbini avait contribué au dernier LP «Pecore Elettriche» (2022). Il assure depuis voix et claviers sur scène (et reste leader de Barock Project!). Plus étonnante la participation de Matteo Mancuso, prodige de 22 ans, qui parvient à remplacer Marco Sfogli, empêché. PFM a l'avantage d'être un monument; les 2 guests qui participent à ce concert ont été biberonnés par leurs parents avec du PFM. L'intégration est rapide!
Très instrumental, ce live est une captation au son parfait du concert du 27/8/2022 à Lugano, pendant la tournée de «Pecore Elettriche», qui fournit les 3 premiers titres qui s'enchaînent joyeux et festifs. Le violon de Lucio et la guitare de Matteo se répondent en chorus aux rugissements du Hammond de Luca et aux envolées de Moog d'Aless, le tout soutenu par une basse virevoltante. Car PFM c'est deux claviers, un violon, une guitare et une basse au service de mélodies entre jazz, emphase prog et légèreté propre au RPI!
Sous peine de frustrer le public, PFM paye aussi le tribut à son prestigieux passé: viennent ensuite «Impressionni di Settembre» à l'intro renouvelée, «Il Banchetto», «La Carrozza di Hans» et «Photos of Ghost», tous extraits des albums de 72-73. Plus rares dans les setlists «Quartiere 8» et «Cyber Alpha» de 1981 et 2006. Les 6 derniers morceaux, aux formes changeantes, clôturent souvent les concerts dans un enchaînement/déchaînement euphorisant. Cela débute avec «La Danza dei Cavalieri» (Prokofiev/PFM in Classic 2013), puis «Mr. 9 till 5», «Violin Jam», «Overture William Tell» (Rossini), pour nous achever sur le festif «Celebration», è festa en VO:
«Comme toujours, c'est la fête
D'un oiseau léger qui s'en va.»
ALLEZ LES VOIR et/ou PROFITEZ de ce disque, c'est la fête!
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/album/08WECxW5Pz0dIcEabHkIzU

https://www.youtube.com/watch?v=Z6HS38_GiLU&list=PLiuMbYk-mXQtaCpQ8TA9nlxufLmCCT3rk&index=4

22/06/2023 : Mushroom Giant - In a Forest

Mushroom Giant
In a Forest
rock psychédélique / post-rock – 41:33 – Australie – 2023
Mushroom Giant a 20 ans d’âge, il sort son 4e album transcendant son spectre psyché-rock, post-rock stoner. Il compose des titres où différents flux musicaux alternent et se suivent, entre ombre et lumière, avec crescendo et cinématique efficaces; sur les traces de Russian Circles, God Is An Astronaut, Mono, Pelican ou les plus récents Sleepmakeswaves.
«Owls»: ouverture sur des arpèges distordus et une batterie lourde, un son empruntant au stoner; un son composé dans les plaines arides australiennes, brut, heavy, progressif, incisif; la 2e trame avec basse assourdissante sur du cinématique post-rock ambiant austère.
«Vestige»: arpège doux et mystérieux amenant une atmosphère latente convenue où la guitare dicte sa voix; rock psychédélique, délicat et rythmé avant le solo final endiablé et un bruitage de jungle.
«Earthrise» suit, air tout en montée, passant d’un stoner mélancolique rempli de beauté à des lumières cinématiques vrombissantes, réverbérant une clarté ensoleillée par la lune, son rappelant les Monkey3 pour l’efficacité, sublimement austère.
«Aire River Rapids» change pour un air dynamique, rock sournois avec batterie donnant le tempo et guitares majestueuses, emphatiques.
«Mountain Ash» poursuit plus aigu, énergique; mélange percussif avec riffs endiablés enivrants; un conglomérat de Black Sabbath, de Vai et de Blackmore pour un bœuf musical survitaminé lourd.
«And the Earthly Remains» enchaîne sur une suite nauséabonde déstructurée amenant un solo bluesy-spatial avec scie musicale rouillée avant le solo rugissant final et «The Green Expanse» enchaîne encore par une intro atmosphérique avec bulles d’acides ou de champignons du cosmos; un son ambiant dilaté, floydien avec roulement de tambours et guitares aériennes; sur un post-rock à réminiscence progressive offrant un final époustouflant.
Mushroom Giant a sorti un album classique de post-rock orchestral; conceptuel retraçant des peintures d’images musicales abstraites entre beauté et danger; cinématique avec ruptures et changements de tempo pour de longues errances dans les plaines australiennes; raffinement des rythmes et de l’énergie proposée pour une ballade hypnotique, psychédélique et lancinante; plus que du son, un espace musical envoûtant teinté d’onirisme.
Brutus
https://mushroomgiant.bandcamp.com/album/in-a-forest-album
https://youtu.be/iOgotcCgqPA

23/06/2023 : Lumsk - Fremmede Toner

Lumsk
Fremmede Toner
Folk metal progressif – 59:12 – Norvège – 2023
Cela fait 16 ans que l’on n'avait plus de nouvelles de Lumsk, mais voici donc, après cette longue absence, que le groupe nous revient avec son quatrième album. Notons d’entrée de jeu que nos compères ajoutent à leur langue natale des titres en anglais et d’autres en allemand et que cela leur convient très bien. Les textes sont fournis par les plus grands de la littérature et de la poésie internationales. Notons également l’apparition d’une nouvelle chanteuse, Mari Klingen. C’est la troisième à occuper ce poste depuis leur création en 1999. Par rapport à leurs débuts, les aspects progressifs sont nettement plus nombreux et ne peuvent que nous charmer, même si, personnellement, j’appréciais beaucoup les parties metal et doom qu’ils insufflaient dans leur musique. Sept personnes ne sont pas de trop pour donner vie à leurs chansons et l’instrumentation est extrêmement riche. Ne boudez donc pas votre plaisir et penchez-vous donc sur ce groupe qui en vaut la peine.
Tibère
https://lumsk.bandcamp.com/album/fremmede-toner
https://www.youtube.com/watch?v=GED1Gseafxc

24/06/2023 : Sequentia Legenda - Alcyone

Sequentia Legenda
Alcyone
Berlin School – 71:15 – France – 2023
Tandis que les Aviens exploraient la constellation de Cassiopée («Avian 3 - Cassiopeia»), fin de l’an terrestre dernier, le vaisseau Sequentia Legenda, piloté par l’Amiral Laurent Schieber, partait pour une flamboyante pouponnière d’étoiles, celle des Pléiades qui, vue de loin et à l’œil nu, serait comme une Grande Ourse en plus compacte et en plus dense. En fait, sa splendeur prend naissance dans l’éclatante lumière de ses sept soleils dont Alcyone est le point nodal. Et, vous ne le saviez sans doute pas, notre étoile fait partie du système complexe de cette constellation. Alcyone est également pourvue d’anneaux, comme Saturne ou Neptune, mais les siens s’étirent sur des années-lumière et sont faits d’énergie photonique. Je ne vais pas entrer dans les détails astrophysiques et/ou ésotériques (que Laurent m’a richement développés), ce n’est pas l’objet de la chronique mais sachez que de grands changements vont s’opérer quand ces anneaux en extension atteindront notre planète. Quand? On ne peut le dire précisément mais nul doute que la vie et la matière en seront totalement transformées. Et c’est ce que la musique de Laurent illustre avec maestria au fil de ces quatre plages dont les trois premières avoisinent les vingt à vingt-cinq minutes. Sa musique sentiente traduit l’immensité cosmique par ses sonorités déhiscentes unies mais distinctes. D’entrée on identifie l’univers parallèle à celui du Maître Schulze. Séquenceurs enjoués, pétillants, très imprégnés de l’album «Mirage» qui fut pour Laurent LA révélation! C’est ensuite comme si le vaisseau, après une accélération fulgurante, coupait le moteur à distorsion pour se laisser glisser doucement sur les vapeurs inertielles de la danse des photons. Purs instants d’éternité paradoxale, l’auditeur se fond dans la Conscience Universelle sous la caresse des vents stellaires. Transcendé plus encore par les sonorités de «The Ring of Golden Light» qui, prolongées par le flux séquentiel mesmérisant de «Bon Voyage», nous aspirent dans le vortex transdimentionnel d’un «Velvet Voyage» schulzien. Lors, la Lumière d’Or nous enveloppe au final et nous invite à sublimer la matière par une abiogenèse qui force l’élévation akashique, la transfiguration des chakras, l’Éveil total du Kundalini. Désincarnation et intrication quantique de l’âme et de l’essence cosmique originelle, renaissance sidérale, là où le dithyrambe devient faible pour qualifier l’insondable profondeur de la musique de Laurent. C’est la révélation de l’intangible, de la non-matérialité et de l’inexprimé. Cet album est un Manifeste, un Livre de Vie car, comme le dit Laurent, l’Amour nourrit l’Amour («Love feeds Love») qui est la Force Créatrice première de l’Univers et le chemin vers l’Ultime Immortalité. Plus qu’indispensable! Plus que 5/5.
Clavius Reticulus
https://sequentia-legenda.bandcamp.com/album/alcyone?from=hp
https://www.youtube.com/watch?v=L18MwVbBNb4

25/06/2023 : Brieg Guerveno - Live aux Trans Musicales

Brieg Guerveno
Live aux Trans Musicales
progressif celtique – 45:16 – France – 2022
S’il est un artiste breton des moins connus du grand public, c’est bien Brieg Guerveno, auteur/compositeur/interprète de Saint-Brieuc et pourtant… Au sein du microcosme progressif, l’homme s’est taillé une petite réputation qu’il doit à ses influences aussi disparates qu’éclectiques. Pour ratisser large, Guerveno va du folk celtique issu des seventies aux derniers rebondissements de la scène doom metal atmosphérique. Le spectre est large et inclut en son sein Jethro Tull, Alan Stivell (bien entendu), Porcupine Tree, Katatonia, Opeth, Pink Floyd ou King Crimson. Mais on ne peut résumer la musique de Guerveno aussi facilement. Les grandes lignes d’inspiration sont établies, mais ce qu’il en ressort c’est d’abord que tout est chanté en langue bretonne et qu’ensuite ce paquet d’influences fournit une originalité particulière au folk prog metal rock (!) de cet artiste ancré dans son terroir qu’il magnifie au gré de ces cinq opus distribués depuis 2011. Ce live aux Transmusicales de Rennes enregistré en 2022 est son premier en public et rassemble toutes les époques de l’artiste. J’ai écrit que Guerveno est moins connu du grand public, pourtant il a été encensé par divers critiques de publications pour le moins reconnues (Télérama, Rolling Stone, Hard Force), reçu des prix dans des festivals celtiques, a joué aux Vieilles Charrues, au Festival Interceltique de Lorient, aux Trans de Rennes donc, à Londres, au Japon… Il est passé en direct sur Europe 1, sur Culturebox… En 2016, il partage la scène avec Klone qui le lui rend ensuite sur plusieurs concerts acoustiques! Bref, un inconnu connu, ça dépend toujours où on se place. Retrouvez donc ici, si vous ne la connaissiez pas encore, la magie d’un rock breton où toutes les influences ont leur place et brassent en leur sein un progressif assez unique en son genre. C’est souvent comme ça quand les musiques s’entrechoquent et, surtout, ce chant en breton qui sublime les sensations ressenties, car ce n’est pas tous les jours qu’on entend cette langue. La culture musicale bretonne a engendré de nombreux artistes, chanteurs et groupes depuis l’avènement d’Alan Stivell il y a plus de cinquante ans, mais cette scène très diversifiée a encore de beaux jours devant elle avec des musiciens de cette trempe. Essayez Brieg Guerveno devant son public, vous m’en direz des nouvelles!
Commode

https://briegguerveno.bandcamp.com/album/live-aux-trans-musicales

https://www.youtube.com/watch?v=vpswvWMDMqc

26/06/2023 : L'ivrenoir - L’Eigengrau / L’Eigenlicht

L'ivrenoir
L’Eigengrau / L’Eigenlicht
expérimental – 18:37/22:28 – France – 2020/2023
Ce trio lillois existe depuis quelques années maintenant. En réalité, l’EP «Chap. 9 : L’Eigengrau» était sorti en mars 2020 et voici que paraît, en janvier 2023, le «Chap. 10 : L’Eigenlicht». Ne reculant devant aucun sacrifice, nous vous offrons la chronique de ces deux productions en tous points remarquables. Précisons d’emblée que le projet s’intéresse également aux arts plastiques et/ou photographiques. Ils nous livrent donc une électro-folk sombre et rugueuse (c’est eux qui le disent) devant autant à Deus qu’à Nick Cave. Une œuvre baroque qui devrait plaire aux plus curieux et aventureux d’entre vous. En ce qui me concerne, j’ai véritablement été fasciné de bout en bout.
Tibère
https://livrenoir.bandcamp.com/
https://www.youtube.com/watch?v=jc4nCwzmYqs

27/06/2023 : Moundrag - Hic Sunt Moundrages

Moundrag
Hic Sunt Moundrages
Deep Purple not dead – 45:20 – France – 2022
Moundrag est un duo de frères bretons. Complétement imbibés du heavy psyché des early seventies, les deux Rennais évoluent pourtant sans guitares, eh bien, il faut le dire, cela ne se ressent pas du tout. Les claviers font le boulot et on est tout de suite plongés dans le grand bain bouillonnant infligé par les premiers Deep Purple, Uriah Heep et autre Atomic Rooster, soit les apôtres d’un heavy rock bien énervé. Moundrag a retenu que le Hammond est finalement l’instrument roi de ce style éructant. Ceux qui ne s’attendent pas à une telle claque vont rester le fondement enfoncé dans le cuir moelleux de leur fauteuil ou alors s’arracher vers le plafond et «guincher» comme des oufs comme en 71/72! Ainsi que l’explique Colin Goallen, le batteur, les auditeurs pensent qu’il y a un paquet d’instruments et pourtant ni guitare ni basse, ce qui est un comble alors qu’on est persuadé d’entendre un combo d’au moins cinq gars arcboutés sur leurs instruments! C’est Camille Goallen, le frérot, qui s’occupe de faire rugir le Hammond comme un beau diable et si on ne le savait pas à l’avance, on jurerait une de ces galettes (bretonnes?) qui foisonnaient à l’aube des seventies. À vrai dire, ils jouent sur la distorsion avec un maximum d’effets de pédales et d’amplis. Un vrai choc renforcé par le fait de savoir qu’à deux, on peut faire autant de ravages auditifs qu’un Deep Purple au sommet de sa forme! Et puis voir et surtout entendre deux petits jeunes reproduire et vénérer de si glorieux ancêtres fait vraiment du bien aux vieilles oreilles que la plupart d’entre nous gardent chloroformées par de si nombreuses écoutes. Les frères Goallen se révèlent de grands fans de l’organiste Vincent Crane d’Atomic Rooster et çà s’entend. C’est un oncle irlandais qui leur a appris l’existence de Deep Purple alors qu’ils étaient encore enfants. Particulièrement impressionné par les vingt minutes de «Space Truckin'» sur «Made in Japan», Moundrag a enfanté son propre «camion de l’espace» avec «La Poule», une tuerie organisée de 20:44 pour être précis, une merveille renforcée par les chants conjoints des deux frères, pas mal d’échos pour faire sens à l’époque aussi. Mais si seulement… Les deux Rennais avouent encore une admiration conjointe pour Yes et E.L.P. et leur amour des longues pièces vient aussi de là. Vous ressortirez ragaillardis par l’écoute exténuante mais jamais fastidieuse de cette rondelle parue en 2022 et non, non, pas en 1972, cinquante ans plus tard, la renaissance vient de Bretagne et assomme une concurrence inexistante à ce niveau de virtuosité diabolique. Les vieux fans du genre vont s’en faire dessus!
Commode
https://moundrag.bandcamp.com/album/hic-sunt-moundrages-3
https://www.youtube.com/watch?v=emFtrBSwsqc

28/06/2023 : Seven Impale - Summit

Seven Impale
Summit
jazz / rock progressif – 43:55 – Norvège – 2023
Six jeunes Norvégiens ayant une formation en jazz et en musique classique créent «Seven Impale» à Bergen, en Norvège, en 2010.
Treize ans plus tard, durant lesquels certains ont terminé leur études, d’autres ont fait des enfants et/ou ont rejoint d’autres formations (Enslaved), voici «Summit», leur 3e album.
Le groupe qui joue un rock progressif, avec des sonorités par moments très jazzy et par moments très thrash metal, nous propose ici 4 longs titres (de 9:25 à 13:21) qui laisseront réjouis les fans de Jaga Jazzist, King Crimson, Van der Graaf Generator, Meshuggah et quelques autres encore.
En effet, si ce nouvel album perpétue le style bien défini (éclectique, excentrique, saxophonique et électrique de heavy-jazz-rock), sur les deux premiers albums, de Seven Impale, mêlant jazz (voire free jazz) et rock progressif, les connaisseurs pourront constater des influences plus lourdes, sur ces quatre titres, dues sans aucun doute à «la patte» de Iver Sandøy, batteur de Enslaved, qui a produit, mixé et masterisé l’album.
La maturité, en plus de la dextérité, dans laquelle nous retrouvons chacun des musiciens, donnent à la musique l'espace et le temps nécessaires pour développer ses thématiques.
Les ambiances se succèdent et secouent/retournent l’auditeur, tel un linge dans une machine à tambour passant par toutes les étapes du nettoyage jusqu’à l’essorage. De successives écoutes seront nécessaires pour que cet album exprime toute sa dimension et devienne, peut-être, un des meilleurs de l’année dans ce style.
Si vous ne deviez écouter qu’un seul titre, ce serait «Hydra». Un peu hard rock, un peu spatial, il est aussi le plus accessible, pour autant que ce qualificatif puisse être attribué à un titre de cet album.
Publius Gallia
https://sevenimpale.bandcamp.com/album/summit
https://www.youtube.com/watch?v=TiIQWXRQuL8

28/06/2023 : Barış Dai (Baris Dai) - Ambient Conditions, Pt. 2

Barış Dai (Baris Dai)
Ambient Conditions, Pt. 2
metal progressif symphonique – 13:13 – Turquie / Pays-Bas – 2022
Cet EP, «Ambiant Conditions, Pt. 2», est la suite de la «Pt. 1» sortie en mars 21. Ce sont toujours des instrumentaux orientés guitares de 3 à 5 min. Cette 2de partie est moins ambient, la 1re ne l'était déjà pas beaucoup! C'est du metal prog flamboyant; ce style, lorsqu'il ne s'accompagne pas de vociférations, peut être très agréable. Et, ici, c'est purement instrumental.
La concision des pistes laisse un peu sur sa faim tant la composition est enlevée; on se plairait à les voir s'étirer un peu plus, pour peu que cela reste au même niveau. Certes, le schéma est souvent: mélodie douce / riffs saturés / solo endiablé, mais c'est très bien fait, très bien produit.
Boris est né en Turquie où il a participé au groupe de metal (chantant) Razor Inc. Il vit maintenant aux Pays-Bas. Mais aucun caractère ottoman (ou batave) dans ces compos, ce n'est pas de la world!
À découvrir!
Cicero 3.14
https://barisdai.bandcamp.com/album/ambient-conditions-pt-2
https://www.youtube.com/barisdai

29/06/2023 : Blue Dawn - Reflections from an Unseen World

Blue Dawn
Reflections from an Unseen World
heavy doom progressif – 46:44 – Italie – 2023
Si, comme moi, vous êtes fans de groupes comme Antonius Rex, Blue Dawn est fait pour vous. Mais d’autres références sautent aux yeux également; on peut citer Black Sabbath ou même King Crimson. S’il est indéniable que les musiciens font le job, la chanteuse, Monica Santo, avec son chant qui peut se faire caressant, n’est pas en reste pour autant. Ceci constitue leur quatrième album et pourtant je n’en connaissais pas l’existence, alors que cela en vaut largement la peine. Un titre comme «Damage Done» est une vraie pépite dans le genre, comme «From Hell» d’ailleurs, où le chant de Monica semble tout droit sorti de l’enfer. Rassurez-vous, «Who Are You?» n’a strictement aucun rapport avec le groupe! «Shades» a des aspects plus rock et même quasi heavy, malgré une mélodie quasi pop. N’hésitez donc pas et faites-vous plaisir, vous ne le regretterez pas.
Tibère

https://bluedawn09.bandcamp.com/album/reflections-from-an-unseen-world

https://www.youtube.com/watch?v=B2-Fh6uwoTs

30/06/2023 : Frédéric L'Epée - 12 Pieces for Solo Electric Guitar

Frédéric L'Epée
12 Pieces for Solo Electric Guitar
musique savante crossover – 54:12 – France – 2023
Remplissant les différents cartouches de cette chronique, avec le nom de l'artiste, le titre de l'album, au moment d'inscrire la nationalité, j'ai failli écrire France et Allemagne, d'abord parce que c'est à Berlin que Frédéric vit depuis plusieurs années, mais aussi et surtout parce que son 25e opus est semblable à ce que fit Bach avec ses toccate pour orgue, ses suites pour violoncelle et ses partite de violons. Ici, c'est l'Instrument du rock qui est exposé, en solo, presque à nu; seuls, échos et réverbération sont ajoutés pour simuler un espace de restitution plus vaste, comme l'église où est né Shylock [voir: http://www.progcensor.eu/les-interviews-rapidus.html...].
J'aime beaucoup Bach et ses œuvres pour instrument solo. Et, derechef, j'affirme aimer tout autant ces 13 pistes. Composées entre 1996 (lors de sa convalescence, suite à un accident de voiture) et 2021, Frédéric y démontre toute sa maîtrise de l'instrument qui n'est plus entre ses mains uniquement un appendice phallique produisant seulement saturations, distorsions et effets. La guitare révèle toutes ses nuances, au plectre (ou médiator), jouant sur la balance des micros, ces études présentent un large panel de techniques: saut de cordes, intervalles ou accordages spécifiques (le «new standard tuning» popularisé par Robert Fripp). C'est de la musique savante, écrite, et vous pouvez même avoir les partitions pour étudier à votre tour!
Mais, me diriez-vous si vous pouviez m'interpeller au milieu de cette chronique, l'émotion dans tout cela?
Elle est partout. Telles, dans «Etude N°1 for electric guitar», les délicates pluies drues et rafraîchissantes qui peu à peu diminuent et s'éloignent.
Profonde. «Grave» expose le son d'orgue à la guitare qu'il avait découvert adolescent sur «Earthbound» (King Crimson) ample et triste. Inquiétude et quiétude («A Short Story about Gravity»). «Twist and Turn»: déchirant, crimsonnien fin 74.
Érigeant des passerelles entre les musiques savantes et le rock, Frédéric, tel un nouveau Kappel Meister, démontre la beauté de l'exigence.
INDISPENSABLE.
Cicero 3.14

https://laspada.bandcamp.com/album/12-pieces-for-solo-electric-guitar

https://www.youtube.com/watch?v=CjTuSWK6xCQ