Novembre 2023

01/11/2023 : Bruce Soord - Luminescence

Bruce Soord
Luminescence
rock progressif – 40:27 – Royaume-Uni 2023
BruceBruce Soord Soord, bien connu comme le leader du groupe The Pineapple Thief, nous présente son troisième album solo «Luminescence». J’ai eu la chance de discuter avec lui, notamment des différences entre un album de The Pineapple Thief et sa carrière solo (vous trouverez cette interview aujourd’hui sur notre page). Le titre d’introduction «Dear life» nous plonge immédiatement dans l’ambiance de son album. Il est basé sur des mélodies douces accompagnées par de fines parties de guitares acoustiques et de claviers . Cette douceur nous pousse naturellement à la réflexion et à en venir au thème de l’album qui est sa propre réflexion sur l'état du monde et un regard très personnel sur sa vie, cette recherche de paix intérieure mais aussi de la difficulté de vivre dans ce monde moderne. J’aime beaucoup le 3e morceau «Olomouc», il commence avec juste une voix et une guitare acoustique, mais le refrain lui apporte un petit je ne sais quoi de particulier. Ce «Luminescence» est peut-être un petit peu trop sur la même tonalité, mais comme c’est super bien créé on ne s’ennuie pas une minute. L’ensemble de l’album a un son parfait et je vous conseille l’écoute tranquille au casque et dans le noir, sans aucun intervenant; cela vous aidera à vous imprégner de l’ambiance. Passez un bon moment.
Vespasien
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/luminescence
https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mkSk7q0aMdOlMx7k2ZIO_TXEFNa0qKOW4

02/11/2023 : Old Rock City Orchestra - Ipsilon

Old Rock City Orchestra
Ipsilon
crossover – 39:15 – Italie 2023
Old Rock City Orchestra est un groupe né en 2009, et c'est réduit à un trio, Cinzia Catalucci (voix, claviers), Raffaele Spanetta (guitares, claviers, chœurs) et Michele Capriolo (batterie), qu'il propose un 4e album, dédicacé à la mémoire de Michele, décédé en 2022.
Ipsilon c'est le Y grec (tient il y a de l'écho), lettre dont les 2 branches symbolisent le choix entre le bien et le mal selon Pythagore. ORCO exploite ici ce thème, je les cite: «onze morceaux à travers lesquels émerge une conscience de la dualité qui caractérise l'être humain et, en même temps, du besoin existentiel d'un retour à l'unité».
Si j'osais une petite critique, c'est bien l'unité de cet album que je pointerais. Les morceaux d'une grande richesse sont si courts (de 2:30 à 4:30) que je n’ai pas le temps de m'installer, et pire, le suivant et le précédent peuvent être d'un style totalement différent. Perturbant, je ne suis pas trop nouvelle cuisine!
Néanmoins, de l'intro «Y», pépite instrumentale au délicat solo de guitare, à l'ultime «We'll Be One» très prog, en passant par «The Warning» dark prog et lounge jazz, «Gypsy's Prediction» où la voix de Cinzia se révèle cristalline et même katebushienne, «Take My Hand», «Stranger», «Fly Away», ou l'inquiétant «Preacher» où la voix de Cynzia oscille entre suavité et véhémence incantatoire, «Daimon» et son orgue entêtant, le très rock «The Magic Pathways», on ne s'ennuie jamais, c'est bien construit autour de mélodies imparables servies avec talent. Et quelle voix!
J'espère qu'ORCO, même réduit à un duo, puisse poursuivre sa carrière kaleïdosonique pour nous en mettre plein les oreilles!
Cicero 3.14
https://www.youtube.com/watch?v=O1_4JFbRbBQ

03/11/2023 : MaterialEyes - Inside Out

MaterialEyes
Inside Out
rock progressif '70 – 58:00 – Royaume-Uni 2023
Voici, sorti à la mi-août, le quatrième album studio de ce trio de rock progressif du Yorkshire (Angleterre) dont je n’avais jamais encore entendu la moindre note.
Le groupe, d’après la légende, s’est formé en 2016 dans une ancienne hôtellerie d'un village isolé du Yorkshire où, près de deux cents ans plus tôt, un meurtre des plus cruels a eu lieu. Depuis, tout étranger entrant dans l’auberge suscite des soupçons.
C’est ainsi que Dave Westmoreland entra dans cette même auberge près de deux siècles plus tard. La pièce devint silencieuse lorsque l'homme entra. Il commanda un verre, puis ses yeux rencontrèrent ceux de Will Lawery. Peu de temps après, Martyn Howes fut invité à les rejoindre.
Leur musique s’inscrit dans les registres d’un rock progressif classique et pastoral dans la veine de Barclay James Harvest, Jethro Tull ou de Genesis première époque.
L'album, de cinq titres, s'ouvre avec «This World». D'une durée de plus de neuf minutes, ce morceau dont les paroles décrivent la lente destruction de notre planète par l’homme s’introduit sur un rythme "à la Neil Young" pour se poursuivre dans un dialogue entre cordes acoustiques et Moog dans le style des années 70.
C’est la même recette qui sera appliquée avec beaucoup de réussite dans chacun des quatre titres suivants, avec les apparitions d’un piano, d’une guitare parfois jazzy et même d'une flûte. Les arrangements de qualité proposant des changements de rythmes et des breaks animent les chansons, permettant aux musiciens d'interpréter des morceaux longs de 5:30 à 21:20 sans jamais fatiguer ou lasser l'auditeur en raison de cette grande variété de changements dynamiques.
Bien qu'il lui manque peut-être une petite dose de folie qui rendrait l’aventure plus palpitante, «Inside Out» reste un album agréable pour une écoute décontractée… Par exemple en voiture, sur la route des vacances.
Publius Gallia
https://materialeyes.bandcamp.com/album/inside-out
https://www.youtube.com/watch?v=ZwoyOh-fLOg

04/11/2023 : Michael Brückner - The Morphic Cycle

Michael Brückner
The Morphic Cycle
spatial ambient / Berliner Schule – 143:36 – Allemagne 2023
La plupart des morceaux de cet opus décliné en deux CD pour qui achète encore le support physique ont été enregistrés durant deux sessions de streaming dans le petit studio de Michael près de Mainz en Allemagne. Pas mal d’enregistrements live, ce qui semble être une norme pour plus d’un compositeur du domaine de l’e-music et en tout cas pour nos amis teutons. Peter Baldwin, alias The Rosen Corporation, est aussi un habitué des improvisations enregistrées en une seule prise. Ici, «A Secret part 1» est captée en studio et «Istara» en live, proche de «Morphic Resonance» et enregistré pendant la préparation au concert. Les deux dernières plages, éponymes, dont la plus longue fait près de 27 minutes, sont à l’origine le fruit d’improvisations live qui n’utilisent que le Behringer Deep Mind 6 et une Pedal Bass en boucle comme «instruments». Elles seront retravaillées ensuite en studio. Pour refermer le cercle, la deuxième partie de «The Morphic Cycle» utilise certains sons extraits de la première plage. Michael n’avait pas prévu un album concept spécifique lorsqu’il jouait la plupart du temps en temps réel. Il sort de cet opus un voyage mélodique aux teintes à la fois dramatique et mélancolique, en alternance ou parfois mêlées. «A Secret part 2» et «Dystopia Ascending» sont le fruit de variations sur de plus anciens morceaux joués live. Michael utilise pas mal de synthés virtuels, comme beaucoup d’autres compositeurs d’e-music. Les plus érudits trouveront sur Bandcamp la liste impressionnante de ce matériel. Pour ce qui est des compositions, on trouve çà et là des rappels aux Maîtres (faut-il encore les citer? Klaus Schulze et Tangerine Dream mais ce dernier dans une moindre mesure). Le vaisseau décolle en douceur, se laissant flotter dans la nébuleuse roachienne qui cède bientôt la place à une énergique émergence de séquenceurs doublés par des riffs de guitare bien sentis. Moires cosmiques de synthés, batterie marquant le tempo, voix inquiétantes, chœurs séraphiques ponctuels, séquenceurs, tout cela se marie en une alchimie subtile pour donner naissance à une œuvre riche en textures et en émotions. «Claudette» fait un pas de côté dans le style global en offrant un soundscape qui évoque à coup sûr le «Sonic Seasonings» de Wendy Carlos où se greffe une superbe partition de piano. «Still Dreaming» plonge à la fois dans le portail Pinhas/Heldon et partiellement dans celui de Terry Riley. Les harmonies enchanteresses d’un «Moondawn» et d’un «Mirage» (vous savez de qui je parle) planent dans ces sonorités qui rappellent cet instrument des dieux qu’est le Farfisa Synthorchestra. Effectivement le rêve se prolonge dans l’une des meilleures plages de cet opus. Le calme et la douceur de la première partie du titre éponyme sont un véritable délice. Un phrasé répétitif simple qui se conjugue aux subtiles vapeurs stellaires entraînent l’auditeur dans une exploration mélodique atmosphérique aux mouvances océanes. Une véritable fragrance onirique prolongée dans la seconde partie résolument spatiale qui se conclut sur une note plus dramatique. Une pure merveille.
Clavius Reticulus
https://cyclicaldreams.bandcamp.com/album/the-morphic-cycle-cyd-0090
https://www.youtube.com/watch?v=sUYLSHubopc

05/11/2023 : De Last Mate - Lo Que Viene Es Lo Que Hay

De Last Mate
Lo Que Viene Es Lo Que Hay
hard rock progressif – 38:42 – Argentine 2023
Avec une détermination haute en couleurs, De Last Mate, duo de philosophes argentins, est venu nous colporter sa première mélodie (a priori). Ces joyeux duettistes se nomment Fabio Baldantoni, le guitariste-chanteur, et Claudio Fazio, le batteur aux bons effets. En studio, ont servi de compléments, avec une aisance très sudiste, Cristian Del Giorgio, le clavier bien employé, et Natalia Nekare, l'appui voix de caractère! En concret, leur coup d'essai (?), c'est l'album «Lo Que Viene Es Lo Que hay». Loufoque parfois mais jamais redondant, cet opus prodiguera fièvre et sueurs capricornesques à qui veut bien l'entendre. Dans sa boîte à musique, la formation a rangé soigneusement huit compos latinos-extravagantes et passionnantes! En voici quelques-unes, juste comme ça. «Testigos», ce sont les vocos mâle/femelle qui nous tiennent. Quand nos Latinos progueux enfourchent «Sulfuro», ils ont mis feu aux derricks de Vega Pleyade… À l'entrée, on croit reconnaitre des incantations allblacksesques, l'impact va être solide! Mais «dont cry for me Argentina»! Ce n'est que de l'orgue Hammond jouant à pic sur un riff bien chaloupé! Ça le fait buena! «Pistorius»: c'est la rengaine batterie/guitare jusqu'au finish gyrophardesque qui nous fait bouillir. «El Viaje», derrière un ambiance nasa-western, la voix de Natalia ne fait pas un pli… un bijou oriental. «Las Manos de Ella», du vrai spanish-lover pour clôturer? Pourquoi pas? Tout l'orchestre y est; plus classique certes mais bien vu. En somme, il y a toujours quelque chose. Et alors? Ola qui va là? Non, ce n'est pas l'inspecteur Gadget! Mais on le prendra comme il vient. Come as you are, et on fera très bien. «Lo Que Viene Es Lo Que Hay» est de bien bonne compagnie.
Kaillus Gracchus
https://viajeroinmovilrecords.bandcamp.com/album/de-last-mate-lo-que-viene-es-lo-que-hay-2023
https://www.youtube.com/watch?v=CpfUwyCDuAA

06/11/2023 : Agusa - Prima Materia

Agusa
Prima Materia
rock symphonique, de Canterbury et de plus loin – 42:35 – Suède 2023
J'avais beaucoup aimé leur 4e LP de 2021 (chroniqué ici); c'est donc avec un peu d'appréhension que j'aborde ce nouvel opus du quintet de Malmoë malgré que seul le batteur ait changé. Nicolas Difornis pulse maintenant derrière Mikael Ödesjö (guitare), Roman Andrén (clavier), Jenny Puertas (flûte, voice) et Simon Ström (basse).
Après une intro très «Even in the quiestest moments», «Lust och fägring» (luxure et charme) me rassure très vite; Agusa revient en Caravan de Canterbury, mais la citation de l'apprenti sorcier de Dukas ne nous trompera pas: ici ce sont des maîtres sorciers des sons et le trio de solistes clavier/guitare/flûte ouvre la porte à des développements où leurs philtres insufflent la magie du prog instrumental bien au-delà des influences citées.
«Under bar himmel» (à ciel ouvert): la flûte ouvre délicatement le morceau avec une douceur toute camélienne, mais la guitare se fait plus loin plus mordante que celle de Latimer, une pointe de Santana «Caravanserai», avant qu'un break plus lent flûte et orgue ne provoque un courant d'air entre nos oreilles séduites. La flûte y est de toute beauté et vient conclure, en reprenant le thème initial, les plus belles 10 min de prog symphonique de mon année (en cours)!
«Ur Askan»: chorus flûte/guitare/clavier en intro, puis sur un rythme chaloupé la guitare wah-wah s'orientalise, emmenant avec elle l'ensemble des instruments, percussions incluses. Jouissif, mais à force d’œuvrer dans la métaphore saharienne, entre caravane et chameaux, caravanserai, c'était le risque! Et ces nouvelles 10 min se terminent en une folle sarabande menée par un Hammond et une guitare débridés nous laissant heureux dans cette feelgood music, très loin de la langueur dont sont capables parfois ces groupes qui ne voient pas assez le soleil l'hiver.
«Så ock på Jorden»: après un démarrage vocal et guitare sèche, une rythmique binaire Clash surgit anachronique, puis orgue, flûte viennent enluminer cette simplicité apparente, pour notre plaisir.
Indispensable et faites-le savoir!
Cicero 3.14
https://agusaband.bandcamp.com/album/prima-materia
https://www.youtube.com/watch?v=vt09QfEkXgE&list=OLAK5uy_mDuPnh97UA64N4LGyytf5pvKcWegSr7jg

07/11/2023 : Astroverse Dimensions - Feeding On The Spirit

Astroverse Dimensions
Feeding On The Spirit
space metal progressif – 61:10 – Allemagne 2023
Astroverse Dimensions est un nouveau groupe allemand composé du duo Alexander Merl et Christian Schnarr. Ils nous offrent un album très original de space metal prog avec une bonne dose d’orgue et de claviers en tous genres. Une des originalités de Astroverse Dimensions est qu’il n’y a pas de guitare, juste basse-batterie pour la rythmique et le son est basé sur des synthétiseurs saturés pour le côté lourd de leurs compositions. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un instrumental mais l’unique chant est juste l’apparition de quelques échantillonnages électroniques d’une voix avec beaucoup d’effets. J’aime beaucoup le titre «The Energy Network» qui donne un effet futuriste à leur musique mais le titre principal de l’album est pour moi «The Great Attractor». Avec lui on part pour une autre dimension, on décolle littéralement, juste avec l’entrelacement des claviers et une rythmique folle de la batterie. Un côté drum and bass du plus bel effet. «Feeding On The Spirit» est un des titres un peu plus longs et le plus lourd de l’album; on croirait presque entendre une guitare à la distorsion bien lourde. «...Progress» est un titre plus classique metal prog mais naturellement en restant dans leur style aéré. Côté recherche de compositions et d’originalité vous ne serez pas déçus de ce «Feeding On The Spirit». Le son y est parfait et très professionnel. Je n’ai pas vraiment d’informations sur le créateur de la pochette mais, le petit plus, elle est vraiment magnifique. On voyage en plein «Stargate». Bref, je vous recommande l’écoute de cette originalité; ce n’est pas tous les jours que vous écouterez ce type d’album!
Vespasien
https://astroversedimensions.bandcamp.com/album/feeding-on-the-spirit
https://music.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_k0_cxNLuqVEtxA22G35S91zQTR5RulbQM

08/11/2023 : Liquid Orbit - Spontaneous Floating Rock Creations

Liquid Orbit
Spontaneous Floating Rock Creations
rock progressif / rock psychédélique – 55:52 – Allemagne 2023
A Bremen, en Allemagne, les quatre gars une fille de Liquid Orbit subissent, comme tout le monde quand la petite bête Dix-Neuf se balade sans contrainte, ce confinement qui tient enfermé et incite à rouvrir les boîtes d’archives – ici des heures d’enregistrements de jams et de sessions improvisées (texte y compris, qui privilégie alors la sonorité à la sémantique). Cet exercice obligé débouche aujourd’hui sur un troisième album à part dans la discographie du groupe, plus habitué aux compositions ciselées et aux textes écrits (un mélange contre nature de liberté musicale et d’arrangements sophistiqués) : son titre, «Spontaneous Floating Rock Creations», explicite, recouvre une demi-douzaine de morceaux jaillis spontanément, ancrés dans les sonorités du début des années 1970 (le jeu de guitare d’Andree Kubillus et les claviers d’Anders Becker surgissent comme des zombies de cette période), punchy, flottantes, affriolantes, épiques – et garanties 100% sans overdubs.
Auguste
https://liquidorbit.bandcamp.com/album/spontaneous-floating-rock-creations
https://www.youtube.com/watch?v=lVqrwEN1rAs

09/11/2023 : A.C.T - Falling

A.C.T
Falling
rock progressif – 30:08 – Suède 2023
Je l’avoue, j’ai honte… Cela fait près de 30 ans que A.C.T. est dans le milieu du prog et je suis complètement passé à côté de ce groupe. C’est donc avec un vrai bonheur que j’ai découvert ce groupe à l’occasion de leur sortie précédente en 2021. Pour me rattraper, je me suis plongé aussi dans leur album «The Last Epic» sorti en 2003 et qui les avait vraiment fait connaître un peu partout… et quelle fougue! Leur musique est difficile à décrire sans être réducteur mais on pourrait les rapprocher d’un Spock’s Beard ou d’un It Bites qui se feraient violenter par une lampée savamment dosée de prog metal; le tout est assaisonné de mélodies à tomber raide.
Depuis 2019, ils ont fait un choix curieux. Au lieu de sortir un album longue durée, ils ont fait le choix de sortir 3 EP contenant chacun un nombre limité de morceaux. Nous avons eu «Rebirth» en 2019 (avec 5 morceaux), «Heatwaves» en 2021 (avec 5 morceaux également) et ce «Falling» à présent qui contient 6 morceaux (plus une intro et une outro).
Que dire si ce n’est que, encore une fois, le groupe fait mouche avec son style unique. Dès le premier morceau «Digging A Hole», tout ce qui fait la patte du band s’y retrouve: une rythmique enlevée, des arrangements ciselés et, dès le premier refrain, une ligne mélodique qui se retient immédiatement et qui donne envie de chanter avec eux. «The Girl Without A Past» commence doucement, presque comme une gentille chanson pop, mais de suite le refrain soulève vraiment le morceau qui s’achève sur un chouette solo de synthé, le tout en moins de quatre minutes. «Breathe» commence aussi comme une comptine pour nous envoyer ensuite un pont musical et vocal d’une belle emphase, agrémenté lui aussi d’un solo de synthé. «A Race Against Time» nous emporte avec son rythme lourd sur lequel se pose une mélodie soignée. «One Last Goodbye» commence par un rythme légèrement electro et, après une minute, le morceau verse dans un refrain stellaire qui nous emporte. «The Earth Will Be Gone» conclut l’album en douceur avec un arrangement orchestral de toute beauté.
Bref, vous l’aurez compris, A.C.T. est vraiment un groupe à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas; ils sont peu nombreux les groupes pouvant proposer une musique aussi mélodique sans être mièvre.
Amelius
https://open.spotify.com/intl-fr/album/6wahw9xlzg4ajgJmmtMYMp
https://www.youtube.com/watch?v=gbRy7Io-zZk

10/11/2023 : Plus 33 - I Want

Plus 33
I Want
rock progressif – 52:10 – France 2023
Didier Grillot, leader de Plus 33, s’est d’abord fait connaître au cœur des années 2000 au sein d’Outside, certes pas le plus connu des groupes de rock progressif français. Pianiste de son état, il crée le groupe Plus 33 avec un premier opus, «Open Window», sorti en 2020, un prog’ instrumental, enthousiaste et expressif. Et voici le second album, trois ans plus tard, avec une troupe complétement modifiée aux côtés de Didier Grillot. Cinq titres pour cet album mais trois très longs comme on les aime, deux dépassant les treize minutes et un autre de presque vingt minutes. Cela sent bon l’époque bénie, n’est-ce pas? Il reste deux peccadilles de 2:49 et 3:28 pour arrondir et surtout souffler entre ces pièces opulentes. Peccadille? Que nenni! «Ouvrir la fenêtre» évoque Mona Lisa avec la narration de Yann Grillot (le frère?), incongru au sein de l’album? Non, aération bienvenue qui rehausse la qualité globale de l’album. Une vocaliste au timbre agréable, Coralie Vuillemin, et une flûtiste, Susanne Lakamp, féminisent l’ensemble composé, outre de D. Grillot, du guitariste Philippe Rau (Outside), du bassiste Stéphane Bonacci et du batteur Didier Strub, ces deux-là n’étant autres que les musiciens de Cock Robin depuis que Peter Kingsberry vit en France! Ne pas oublier le saxophoniste Nico Poulain et le tromboniste Pascal Beck… Il est irréfutable que «I Want» est d’un niveau supérieur à son prédécesseur, «Open Window». Le piano de Grillot reste l’élément central de la formation mais la guitare de Rau est joliment troussée pour un ensemble à la fois jazzy et éthéré, sans tomber dans la marmite jazz-rock que l’énoncé des instruments aurait pu laisser supposer. La musique instrumentale permet une évasion sur des paysages qu’elle fait apparaître dans votre cerveau et le talent d’écriture de Didier Grillot permet un voyage digne des grands anciens. Pourquoi y perçois-je encore quelques «atolleries» çà et là? C’est un compliment sous ma plume tant Atoll est un groupe majeur pour moi! Déjà conquis par le premier, je ne peux que constater la qualité supplémentaire, la fameuse «valeur ajoutée» qui enlumine «I Want». Cet album a été composé entre 2020 et 2021 et, comme me l’a confié D. Grillot, «centré sur le désir, qu’il soit destructeur comme chez Schopenhauer ou lumineux comme chez Spinoza». Le compositeur, outre ses talents musicaux, possède de belles lettres! Il est évident que ce deuxième disque flirte avec le mot chef-d’œuvre au fur et à mesure des écoutes et impose un immense respect pour le travail accompli. La symbiose cuivres/progressif possède dorénavant un nouveau joyau à mettre en vitrine.
À signaler que Plus 33 sera le 18 novembre chez Paulette à Toul pour la première partie d’Amorok!
Commode
https://plus33.bandcamp.com/track/these-fleeting-moments-of-eternal-harmony
https://www.youtube.com/@plus33music90

11/11/2023 : Guillaume Turcotte - Anomalies

Guillaume Turcotte
Anomalies
rock progressif – 46:13 – Canada (Québec) 2022
C’est le premier opus de Guillaume Turcotte, Québécois de Montréal qui, pour un démarrage, plonge dans la grande marmite intemporelle d’un rock progressif bien inspiré des meilleurs de son pays mais aussi du monde. Achalandé aux plus belles facéties mélodiques mais aussi folkisant par moments, orchestral à d’autres et pop bien née pour des oreilles peu habituées aux aléas de la composition prog’. Bref, Turcotte sait faire et quasiment tout seul, réalisation, arrangements, graphisme sont aussi son apanage. Son disque sent bon les années 70 tout en étant en équilibre avec une modernité bien logique, les influences parfois sont ancrées dans l’esprit des musiciens malgré eux. Elles rejaillissent au détour d’un morceau, d’une chanson et c’est à ceux qui écoutent de les retrouver. Après tout, Guillaume Turcotte lui-même dit que «nous aurons ensuite le loisir de décrire sa musique comme bon nous semblera». Il s’adresse aux auditeurs mais aussi aux critiques qui ont la chance de cumuler les deux fonctions. Huit chansons plutôt agréables dans l’ensemble avec une voix des plus sympathiques et parfois, j’ai une pointe de Beau Dommage voire d’Harmonium qui toque à l’oreille. Les passages choraux sont une vraie réussite et je trouve que les Québécois en général ont une aptitude à savoir mitonner de bons refrains tout en chatouillant l’aura progressive, évidemment et souvent plus complexe. Une forme de vulgarisation qui doit plaire à tout le monde, le secret de la réussite musicale, c’est bien ce que Turcotte a concocté avec une réussite éclatante. Je n’arrive pas à trouver de défauts majeurs à ces «Anomalies» qui racontent des bouts de vie sans unité particulière avec une nonchalance très avenante. Ça c’est le côté cour; côté jardin, soit la musique, il y a des fulgurances comme dans «Il m’arrive» et ce cocktail a le goût d’un bonheur simple; aucune «anomalie» là-dedans, si ce n’est le titre. Très belle découverte!
Commode
https://guillaumemusique.bandcamp.com/album/anomalies
https://www.youtube.com/watch?v=xkiBhL3CQhM&list=PLGJc2aecZPDEZSrzwQpQbNOU-0Wupv4hJ

12/11/2023 : Kanoi & KRPL - Geierspeis

Kanoi & KRPL - Geierspeis
Brutus

Kanoi & KRPL
Geierspeis
krautrock / rock psychédélique / stoner – 56:39 – Autriche 2023
Kanoi & KRPL: projet rock expérimental de Benjamin Kantschieder depuis 2010 œuvrant en studio, amoureux des Beatles au départ; s’associe avec KRPL pour leur 4e album, le 14e pour Benjamin sur des tonalités psychédéliques des 70.
«Gelebte Solidarität» donne le «la» de l’album, un air space-rock alambiqué, avec une structure musicale qui tourne plutôt qu’elle ne plane, mise en bouche. «Stargate or Die!» pour l’un des 3 grands morceaux, un gig, une improvisation pondérée; un son pouvant rappeler les Tangerine Dream pour la guitare, bien plus les Spacelords, Astral Magic au rock stoner ou Aton Five pour les longues errances; une clarinette au loin vient égayer l’auditeur sur la fin avant que la guitare puisse le distraire d’un solo psyché-heavy-stoner détonnant. «Ewiges Eis» pour un intermède psychédélique donnant la part belle à la basse de Stephan et laissant l’esprit vagabonder librement avant de partir pour «Der Kokosnussjongleuse» et son air encore plus planant; rentre-dedans, lourd, hypnotique, aux notes envahissantes; à noter le final entraînant et progressiste, avec cette basse pesante. «Not Enough Darkness» plus space ambiant, au craquement de LP oppressant, à la mélodie diatonique accrocheuse, un long et lent monologue s’égrenant dans l’espace, l’éther, votre cerveau.
Kanoi, personnage obscur de fiction, jette un nid musical d’où les oiseaux peuvent partir vibrer dans le cosmos; KRPL, trio puissant, mélange de stoner, psychedelic, sludge, doom, amène de longues harmoniques, des suites stratosphériques surfant sur l’alternative rock; une expérience pour fans de musique saturée et bigarrée lorgnant sur le Øresund Space Collective et le Hawkwind d’antan.
Brutus
https://krpl.bandcamp.com/album/geierspeis
www.youtube.com/watch?v=vXX653BXhWI

13/11/2023 : Roger Waters - The Dark Side Of The Moon Redux

Roger Waters
The Dark Side Of The Moon Redux
crossover / Water's music – 47:50 – Angleterre 2023
Roger Waters, débuts en 1965 avec Syd puis tout seul avec Pink Floyd et ses tourments, il donnera «The Wall» puis «The Final Cut»; le point de rupture d’où il est ressorti vaincu et aigri, lui le créateur; après quelques albums solo, il sort son 9e album, «TDSOTM» revisited, idée innocente a priori, malfaisante peut-être; c’est ce que nous allons voir.
«Speak To Me» cool le cœur, plus ambiant, sérénité, ah une voix qui casse l'ambiance, je ne m'y fais pas. «Breathe» pour la voix d'oiseau, miaulement au loin... mais c'est tout, reprise manquant de créativité, un comble. «On The Run» encore Roger avec sa voix off coupant l'original, peut-être justement son choix... le bruitage derrière fait mal d'être en... retrait, cette voix Ok pour «The Final Cut», mais bon c'est fini il faut évoluer! Castration, l'envers de l'effet musical. «Time»... effet positif, les enchaînements sont plus faciles dans ce redite, ce redux! Bon l'air au loin de «TDSOTM» sans la trame musicale; un ersatz mal reduxionné et mal repris, une complainte pour progueux dément d'Alzheimer, je cherche ce qu'il lui est passé par la tête; le cello qui vrombit mais c'est peu, l'oiseau gazouille, oui je me raccroche à la branche. «Great Gig In The Sky» pour ceux qui aiment cette voix sourde schizoïde derrière vous, là c'en est trop; le titre renvoie à un youtubeur discutant des titres en live.
«Money» que j'attendais oui ça va dépoter... ben mono de chez mono, pas le groupe qui joue sur les atmosphères, ici c'est plat de la vague; déception; ton monocorde et mono... lithique à te faire dormir près de Stonehenge. «Us And Them» je crains encore et là l'exception, un titre qui se rapproche de l'original, l'émotion, l'attente, la latence, l'orgue est bien mis en avant mais nada pour les chœurs. «Any Colour You Like» pour le retour au titre phrasé qui pollue l'origine, point. «Brain Damage» suit, air modolo ça passe avec un plus les instruments à vent. «Eclipse» maintenant pour aller jusqu'au bout; encore une fois la narration aussi grave dénotant l'air d'origine, le sang prog qui coulait se fige.
L'ambiance un tantinet grandiloquente s'étiole franchement avec cette narration qui pollue plus qu'elle n'amène d'originalité... J'attendais le cœur prog, il est trop loin, bien trop désuet. Un album censé honorer qui finalement lamente et donne envie de se replonger dans celui irremplaçable, dommage.
Brutus
https://rogerwaters.bandcamp.com/album/the-dark-side-of-the-moon-redux
https://youtu.be/G6_5CPFhLUQ

13/11/2023 : Roger Waters - The Dark Side Of The Moon Redux 2ème avis

Roger Waters
The Dark Side Of The Moon Redux
rock progressif – 47:50 – Angleterre 2023
Tout se passe comme quand Francis Ford Coppola est repassé sur son «Apocalypse Now». Les puristes étaient scandalisés, les moins extrêmes se sont juste demandé pourquoi un redux? Eh bien? Faut-il retoucher à sa création? Après tout, Dieu s'est-il donné un neuvième jour? J'ai ma petite idée là-dessus. «Big» Roger n'a jamais lâché son Pink Floyd. C'est «dans sa chair». Pourtant, il n'était pas le seul et l'unique dans l'aventure, qui elle-même n'était plus pareille après «The Final Cut». Malgré tout, dès 1984, Waters a continué à créer en studio, avec force et conviction mais surtout avec parcimonie (forcée). En 40 ans, il ne délivrera pas plus de sept pièces originales (si on compte l'opéra «Ça Ira»), au demeurant presque toujours magistrales. Entre ces sorties, il est reparti en tournée et a rejoué ses gloires floydesques intemporelles. Par ici, précisément, son public l'a suivi. L'histoire est que le commun des mélomanes lui a préféré ses «live» à ses nouvelles compositions. Sûrement que l'œuvre est trop immense pour l'homme! Au fil des ans, l'artiste s'en est fait une raison; après tout, les poètes maudits n'ont été adorés qu'après leur vivant. À quoi bon! Dans cet ordre d'idée, il a soigné les fans de «Roger Pink Floyd», lesquels se sont multipliés au fur et à mesure des spectacles sans cesse grandioses, façon petits oignons. Récemment, notre flamant rose a sorti deux remakes de ses chefs-d'œuvre. Il y a eu «The Lockdown Sessions», parce que c'est la mode. Le résultat renvoie des versions plus crues des tubes de son ancien groupe. C'est tout de même mieux qu'un best of anniversaire, genre Beatles. Après tout, Roger respecte son audience. Et enfin, voilà «Dark Side of The Moon Redux»! Verdict: un disque soigné, pas original, certes, mais qui ne manque pas d'identité. Waters a choisi de baisser d'un ton, de lire (parfois) ses textes, à la manière de Jim Morrison, accompagné par une revisite chuchotante des thèmes de l'album. Plage après plage, on a l'impression de rentrer plus profondément dans l'intimité du bonhomme, alors que l'œuvre primaire était mégalomane. Depuis le temps qu'on le connaît, il fallait bien que ça arrive un jour! Sur les dix partages musicaux, au coin du feu de la maison Waters, j'aurai eu au moins trois gros frissons: 1/«Breathe» et son orgue Hammond tout feutré, 2/«Great Gig In The Sky», tout en tension, sans la voix de Clare Torry qui fera pourtant un passage en hélico, et surtout 3/«Money» dont on croirait entendre une reprise, par un (presque) autre. C'est intelligent, c'est fin. C'est réussi. Au final de tout ça, qui veut encore la peau de Roger Waters? Pas moi, du moins, sauf un petit bémol: si le Maestro avait dans l'idée de nous reduxer «The Wall», faudrait continuer à nous considérer et trouver un autre angle de lecture que pour «TDSOTM»… Pas de panique cependant, j'ai confiance…
Kaillus Gracchus

14/11/2023 : Silent Skies - Dormant

Silent Skies
Dormant
rock atmosphérique – 61:19 – Suède 2023
Troisième album pour ce projet suédois. Il est né de la rencontre entre Tom S. Englund, front man d’Evergrey et de Redemption, avec Vikram Shankar, auteur-compositeur et pianiste de génie, assurant les claviers notamment sur les tournées de Pain of Salvation. Ils sont encore une fois accompagnés de l’excellent Raphael Weinroth-Browne, violoncelliste de Leprous, ayant aussi participé à de multiples projets. Après «Nectar» (2022) et «Satellites» (2020) voici «Dormant». On connaît le chant de Tom S. Englund mais avec Silent Skies, encore plus qu’avec Evergrey, son chant s’élève grâce à sa voix douce, grave, chaude et mélancolique. On ne retrouve pas ici de gros riffs de guitare mais plutôt l’âme sombre de nos deux amis. Comme ils le disent eux-mêmes, le thème conceptuel de Dormant est une «conversation avec la vie, sur la vie, et dans le titre "Construct", vous entendrez la première partie de cette conversation. Nous espérons que cela provoquera des conversations en vous-mêmes à votre tour». Musicalement j’y retrouve Anathema, Bjørn Riis, Airbag, The Gathering… En écoutant cet opus, on passe un bon moment en introspection sur la vie et ses méandres. L’album n’est pas que sombre, on y retrouve de grands moments de plénitude qui nous reboostent, notamment avec le titre «Churches». «Reset» est juste un titre piano-voix à fleur de peau qui nous fait encore une fois réfléchir: «Qu’allons-nous devenir alors que tout le monde veut être quelqu'un d'autre? Qu’allons-nous devenir si nous ne devenons pas nous-mêmes?». Il y a également l’amour dans tout cela avec le merveilleux «Light Up The Dark». En bonus, on découvre deux très bons covers de «Trooper» d’Iron Maiden, «Dancing in the Dark» du Boss et «Numb» de Linkin Park. Silent Skies est un super projet et ce «Dormant» est un opus sincère et délicat… où le duo laisse éclater toute sa classe au naturel. À écouter absolument…
Vespasien
https://silentskiessweden.bandcamp.com/album/dormant
https://music.youtube.com/watch?v=SwTo9BUw034

15/11/2023 : Enslave The Zombie - Can You Hear The Plood?

Enslave The Zombie
Can You Hear The Plood?
rock progressif – 44:47 – Norvège 2023
La Norvège confirme décidément son statut de terre d’accueil privilégiée pour le rock, souvent progressif, souvent de qualité: Enslave The Zombie, un bassiste un batteur deux guitaristes, aussi taiseux sur leurs biographies que prolixes dans leurs productions (un maximum de jams et d’improvisations), offre à l’écoute, sur ce énième album, 6 morceaux généralement hypnotiques, déchirés par une guitare fuzz, tournant autour d’une boucle de synthé légèrement désaxée, à mi-chemin entre les loops, aux sonorités toutefois plus purement électroniques) de Radio Massacre International (le trio britannique), un rock affirmé mené par les 6-cordes et tenu en mesures par les baguettes (elles sont censées "asservir le zombie"), et quelques fioritures plus ou moins aléatoirement habillées – «Can You Hear The Plood?» se clôture sur «Ether's Knot», morceau de bravoure de près de 20 minutes; le tout est sympathiquement fait mais sans originalité.
Auguste
https://enslavethezombie.bandcamp.com/album/can-you-hear-the-plood
https://www.youtube.com/watch?v=AKyzPwATtWc

16/11/2023 : Au Phil de Naos - Hommage à un lutin chantant

Au Phil de Naos
Hommage à un lutin chantant
rock progressif – 53:02 – France 2023
Philippe Mottée était un ami, «Phil’ Mott’» rencontré il y a bien longtemps aux débuts de Naos à Lille ne m’a jamais quitté, enfin ses chansons... Souvent «Roc et légendes» et surtout «Naïf le rêveur» m’ont accompagné dans une redécouverte du rock progressif à la française, théâtral en diable. J’ai même pensé avoir trouvé un véritable héritier de l’esprit angélique quand j’ai connu le groupe! La gentillesse et la disponibilité de Phil’ ne se sont jamais démenties au fil du temps, par coups de fil (sans jeu de mots), vidéo interposée et sms toujours bienveillants, je suivais sa progression et sa perte de cheveux (sourire), ses envies bluesy rock aussi («Un p’tit coup de Phil» en 2010). Son décès en janvier 2022 m’a profondément marqué et m’a beaucoup fait de peine. À l’annonce du projet de Jean-Michel Thomas et Eric Bonnafoux (claviers chez Naos) de réaliser un disque hommage, je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul et c’est bien logique, tant d’empathie dans un si petit bonhomme… Une large frange du rock progressif français a répondu à l’appel, des membres de Mona Lisa (Dominique le Guennec), Raison de Plus, Magnesis, Nemo/JPL, Gens de la Lune (Jean-Philippe Suzan), Controverse, Nine Skies, Drifting Sun et Naos bien sûr, sont là, entre les sillons de ce disque émouvant. Ils sont quarante en tout pour six morceaux créés sur la base de maquettes que Phil avait réalisées avec le groupe et deux autres sont des créations originales avec des textes écrits par Phil. Un autre encore a été enregistré live avec le chant de Phil isolé. Phil aurait aimé que ces titres soient la renaissance de Naos pour un éventuel troisième opus mais le sort en a décidé autrement. Quoi qu’il en soit, voici une façon émouvante de découvrir ce qu’aurait pu être quelque part un troisième Naos. Cet album est disponible depuis le printemps dernier et les bénéfices des ventes vont à la fille de Phil. Écouter «Voyage», le morceau chanté par Phil’ en fin de disque, m’a fait couler quelques larmes. Un autre qui nous manque aussi, Eric Bouillette est là; que la vie est assassine…
Commode
https://collectif-phil.bandcamp.com/album/au-phil-de-naos

17/11/2023 : The Mon - Eye

The Mon
Eye
rock psychédélique / doom atmosphérique – 40:01 – Italie 2023
Attention ovni musical, vous voilà prévenu(e)s!
Ambiance assurée, ou plutôt messe noire et invitation au recueillement dans les catacombes!
Plus sérieusement, le projet solo d’Urlo, leader de The Mon et parallèlement chanteur leader, bassiste et claviériste du groupe heavy doom metal italien The Ufomammut, ne fait pas dans le festif, bien au contraire, mais vous ne serez pas déçu(e)s quant à la qualité de ce 2e album, tout particulièrement si vous aimez ce genre musical.
D’entrée, avec le titre d’introduction «The Sun», la couleur est annoncée, ou plutôt la noirceur. Sombre musique en effet mais d’une beauté rare!
La musique proposée par The Mon n’est pas sans évoquer le mythique groupe britannique Hawkwind avec un tempo certes plus lent, voire leurs compatriotes d’Antonius Rex (Antonio Bartoccetti) sur quelques passages, et même le désormais cultissime groupe vénitien Devil Doll féru de films d’horreur avant-gardistes, avec à leur tête le mystérieux Mr. Doctor, comme très nettement sur «Confession» ou «The Manure Of Our Remains».
The Mon fait même un bel hommage sur «This Dark O Mine», à mon sens, au psychédélisme de la fin des années 60 de Pink Floyd lorsque Syd Barrett en faisait encore partie. Réécoutez en comparaison «Set The Controls For The Heart Of The Sun» ou «Astronomy Domine» des Floyd!
Je soupçonne même le groupe The Mon d'être tombé dans le chaudron de la B.O. du mythique jeu vidéo «Doom» sorti en 1993. Leurs compositions auraient pu parfaitement coller à ce jeu FPS mêlant science-fiction et horreur.
Si vous êtes à tendance dépressive, je vous conseille d’attendre d’aller mieux pour écouter «The Eye», mais surtout ne passez pas à côté de cette perle… noire.
Caligula
https://themon.bandcamp.com/album/eye
https://www.youtube.com/watch?v=6yGJ8ychpFM

18/11/2023 : Ian Boddy & Erik Wøllo - Revolve (DiN73)

Ian Boddy & Erik Wøllo
Revolve (DiN73)
Ambient spatial / Berliner Schule – 51:38 – International 2022
Immersion totale dans le merveilleux dès les premières mesures. La guitare d’Erik Wøllo nous emporte en volutes ascensionnelles. Les notes glissent sur un nuage d’Infinie Beauté. Ces sonorités rappellent à coup sûr la façon divine de jouer d’un certain Jeff Beck, immensément regretté, parti pour un monde que l’on lui souhaite meilleur. «Tellus Mater» nous ouvre les portes de ce superbe album. Les séquenceurs, doublés de notes de guitare exponentielles, se marient à des cascades harmoniques étoilées en divine adéquation et «Abeona» s’éteint comme un rêve par de scintillants arpèges, enchaînant sans silence une nouvelle partition séraphique pour le titre éponyme mâtiné de nouvelles séquences rythmiques toutes de velours vêtues. Glissement sensuel, coulis de synthés en quelques notes qui nous bercent par une mélodie angélique. Psithurisme mélodique aux parfums de tangerine, juste un soupçon. Naissance d’une sentience instrumentale cosmique. «Terra Incognito» (!) fait un passage dans la nébuleuse Fripp/Eno et «Turnabout» poursuit le voyage sans transition. Le jeu de guitare d’Erik, une fois encore, s’accouple aux nappes de synthés d’une cristalline pureté (Moog et séquenceur modulaire conjugués), telle une interminable caresse des sens. Une mélodie astrale les accompagne et le frisson met le feu à nos chakras. L’Éveil. Splendide. Fusion totale avec le Multivers. Le trip se prolonge en alternant périodes atmosphériques et mélodies rythmées doucement par des accords «reverb» soutenus par une basse discrète mais quasi omniprésente. Et à nouveau une fragrance fruitée de tangerine pour l’excellent «Apogee». «Adiona» nous dépose sur les ailes d’un archange, en douceur impalpable. Écho de quelques notes de guitares empruntées à la galaxie Eno. Ascension ultime. Cet album magique comporte huit plages originales mais pas besoin de pousser sur la touche replay pour se le rejouer (incontournable!); une neuvième plage a regroupé le tout pour vous en faire profiter d’un seul jet. Extraordinaire de bout en bout, comme d’ailleurs toute leur discographie collaborative.
Clavius Reticulus
https://din.org.uk/album/revolve-din73
https://www.youtube.com/watch?v=UHpRV7jJagE

19/11/2023 : Colin Edwin & Robert Jürjendal - The Weight of a Shadow

Colin Edwin & Robert Jürjendal
The Weight of a Shadow
ambient / krautrock – 58:21 – International 2023
Il est toujours délicat de donner son avis sur un disque de musique «autre». Colin Edwin (ex-Porcupine Tree évidemment) et Robert Jürjendal (musicien estonien) œuvrent ensemble dans ce que j'appellerai la musique contemplative. J'avais d'ailleurs chroniqué leur premier album en février 2021 sur un autre site de progressif.
Le sous-genre de la musique progressive qui se rapproche le plus de ce que nous proposent les deux compères est incontestablement le krautrock (Can, Neu et compagnie dans les années soixante-dix).
Pour vous reposer des descentes de manches de six cordes ou des claviers qui dégueulent de sons démoniaques, prenez donc une dose de cet album, il devrait vous apporter la félicité, le repos de l'âme et aussi celui de vos oreilles. À noter que les onze titres respectent un certain format puisque tous sont compris entre 3:46 (l'avant-dernier) et 5:49 (le sixième).
Les meilleurs plages, les plus abordables: «Time to find the Sun», «The Weight of a Shadow», «Soul Blizzard» et «Back to the Light».
Domitien
https://music.colinedwin.co.uk/album/the-weight-of-a-shadow
https://www.youtube.com/watch?v=QBoVom2mMOE

20/11/2023 : Libélula Pequeña - Nube de Polen

Libélula Pequeña
Nube de Polen
rock progressif / crossover – 39:05 – Costa Rica 2023
Les arts en général, la musique en particulier, s’ils ne sont pas indispensables à l’activité économique, titillent l’émotion, stimulent la réflexion, aiguisent l’imagination, propulsent dans le rêve éveillé: c’est un peu ce que suscite la découverte de cette «petite libellule [qui] ne s'arrête pas»; la Libélula Pequeña, quatuor mené par Hector Paniagua (chant et basse), prend ses quartiers au Costa Rica, pays central d’Amérique centrale, pays des singes araignées et des quetzals – que nous ne fantasmons pas comme un repaire de musiciens obnubilés par le rock progressif. Sous un format chanson, les dix morceaux proposés sur «Nube de Polen» (nuage de pollen), troisième album du groupe, emballées dans une pochette aux couleurs aussi tapageuses que les spores de pollen sont discrets, développent une palette d’agréables mélodies construites comme il convient, structurées comme des préfabriqués bien pensés, semblables à des banlieues de villes moyennes américaines: on y est bien loti, chacun chez soi selon un plan commun, pratique et fonctionnel – mais lisse comme une photo sans grain.
Auguste
https://libelulapequena.bandcamp.com/album/nube-de-polen
https://www.youtube.com/watch?v=42wKCsA7OKM

21/11/2023 : Shadow Thoughts - A Vision Obscured

Shadow Thoughts
A Vision Obscured
metal progressif – 36:55 – États-Unis 2023
«Shadow Thoughts» est une introspection orchestrale comme perchée entre les ailes d'un corbeau. Ça ambiance gothique et prog des années 70, en passant par le metal des années 2000! Voilà pour le vernis! Pour ce qui est de la carcasse, d'entrée, j'ai été quelque peu refroidi par les vocalises, aux accents presque religieux, quoique tirant (parfois) sur le narratif d'opéra. Mais n'en restons pas là… En gestation depuis 2018, bien que mis en boîte véritablement entre 2022 et ce début d'année, «A Vision Obscured» est le projet d'une alliance transplanétaire entre le «Ricain» Garric Shipp et le «Crocodile Dundee» Nick Todd, mis en valeur par une poignée d'invités bien affûtés. L'alchimie est patente et a investi un style à la limite de l'intellectuel. À vrai dire, la véritable force, le souffle divin de ce disque ombragé, c'est la complicité, tirée au cordeau, entre les claviers et la guitare. Elle vaut la black parade, à elle seule, genre thème d'excellence, de grande manifestation. En compos, c'est très éloquent. Après s'être chauffé sur 3 morceaux efficaces comme «Darkness Enraptured», la mécanique est bien huilée. Enfin, on embraye sur «Snake Fight», qui, en presque huit minutes, est un des sommets de l'album. Il démontre avec éclats et tourbillons les échanges astucieux entre les deux instruments. «Feeding Emptiness», de même amplitude, est le deuxième pic. Arrivé là, je suis même plus enclin à me laisser emporter par le chant: juste et fier. À ce niveau, les coups de cisailles métalliques font une excellente entrée et plusieurs ponts, le synthé donne un son ovniesque, la batterie saccageante et la basse demi-calfeutrée complètent la marche avec à propos. Nos musicos vont balancer surprises sur surprises. Et donc, après infiltration dans cet univers nocturne, notre funeste volatile nous aura fait traverser tout un tas de bons plans rock-pirouettes, et on a aimé ça.
Kaillus Gracchus
https://shadowthoughts.bandcamp.com/album/a-vision-obscured
https://www.youtube.com/watch?v=TWYDXRsH7Z0

22/11/2023 : Ian Boddy - Coil

Ian Boddy
Coil
Berlin school / spatial – 37:44 – Royaume-Uni 2022
Un court voyage tout en spirale analogique. Jeux d’arpégiateur générés par un vénérable Roland 100M modulaire. Ian nous offre une bonne tranche de sonorités vintage déclinées en rythmes séquentiels pour la première bobine qui a bonne mine. Immersion dans un maelstrom aux légères fragrances Jean-Michel Jarre fortement nuancées, rassurez-vous, par la trame vitaminée de Boddy. Les ondes Martenot ne sont pas loin non plus et prennent leur dimension astrale dans la suite où le calme et la douceur reviennent en frémissements d’ailes féeriques. «Messiaen M31» serait inspiré du compositeur Olivier Messiaen, selon ce qu’on peut lire dans le descriptif de Bandcamp. Si ce sont les dires de Ian, je m’incline, mais je pense plutôt au catalogue astronomique Messier dont la galaxie d’Andromède porte le numéro M31. Ce qui me paraît explicite ici. Le solo d’ondes Martenot coule comme une caresse et allume les feux de lointains quasars. De toute beauté. Une beauté dont ne se déparent pas les anneaux d’un astre moiré («Rings») tant les séquences et l’arpégiateur s’en(tre)lacent, lissés par une ligne de basse envoûtante. Cette même basse que l’on retrouve avec plus d’accrétion dans «Teutonium» pour apporter une touche de relative agressivité conjuguée à des pulsars séquentiels bien «berlinschooliens». Et le voilier stellaire s’éloigne en douceur vers d’autres constellations. Traversée paisible vers de lointaines rivières d’objets célestes. Retour d’une basse syncopée pour le surfeur d’argent («Silver Surfer») traversant l’infini sur des nappes constellées d’éclats luminescents aux reflets Synthwave dansants bercés par un duo d’ondes Martenot. C’est bien court pour un album d’une telle qualité mais riche en condensés d’émotions. À réécouter directement.
Clavius Reticulus
https://din7d.bandcamp.com/album/coil-din74
https://www.youtube.com/watch?v=MJ4BKViuBAI

23/11/2023 : Teiger - Teiger

Teiger
Teiger
rock psychédélique alternatif et expérimental – 42:26 – Royaume-Uni 2023
Premier opus au titre éponyme que nous propose ce trio londonien, en septembre 2023.
Ce groupe, composé d’une chanteuse guitariste, d’un bassiste et d’un batteur, ne cherche visiblement pas les artifices musicaux mais davantage un son brut et volontairement live (son «garage») dans l’enregistrement des titres.
Sur «Teiger», les dix titres ne dépassent guère les 5 minutes; ne vous attendez pas à de longs titres épiques ou qui se rallongent, propres au style expérimental que l’on peut entendre habituellement.
Teiger veut aller droit au but par ses premières compositions, oscillant entre des morceaux au tempo lent à dominance acoustique («The Crawl», «Vendetta»), et d’autres à tendance psychédélique et hypnotique («Slow Burning», «Hydra»).
TeiTeigerger devient plus original lorsqu’il passe à la vitesse supérieure comme sur «The Law Of Diminishing Return», ou sur «Splinter», titre très bien construit et assez proche de ce que peuvent proposer leurs comparses américains de Bent Knee.
L’album se clôture par «The Thinnest Wall» et résume assez bien le style musical de Teiger: un tempo lent sur la majeure partie du titre pour se terminer par une courte accélération.
Pour un premier essai, le trio n’a aucunement à rougir de sa création, même s’il y a des points à améliorer pour la rendre plus accrocheuse encore (varier la composition des titres en particulier).
À suivre…
Caligula
https://teiger.bandcamp.com/album/teiger
https://youtu.be/X4x6RBlNYuQ

24/11/2023 : Half a Band - At the end of the universe

Half a Band
At the end of the universe
rock progressif planant – 53:10 – France 2023
Half a Band est un projet originaire de Clermont-Ferrand, capitale de l’Auvergne et terre volcanique. On compte à ce jour pas moins de 19 créations pour ce one man band. Oui, Half a Band est un seul homme qui se cache derrière des pochettes tantôt bucoliques, tantôt industrielles. C’est un rock progressif aux tons atmosphériques chanté en anglais, de courtes (si l’on se place d’un point de vue prog’) chansons planantes comme on disait dans les early seventies. Un petit côté Steven Wilson années 2000 se fait jour au fil de l’écoute et ce n’est pas désagréable. On ne peut en vouloir au pygmalion prog’ de notre époque d’avoir engendré tant d’imitations réussies, quoique le mot imitation est un peu fort pour décrire convenablement la musique de Half a Band. Non, inspiration est plus juste, avec ce cotonneux effet shoegaze qui oblitère les efforts du Clermontois. Un parfum seventies flotte au travers de ces lignes de synthés modernes et je prendrais en exemple l’excellent «Second apocalypse» plus long titre de l’opus avec ses presque huit minutes où plusieurs noms viennent à l’esprit, le Ange moderne inspiré, celui qui permet à H. Hajdi d’éparpiller une somptueuse guitare, par exemple, mais encore un Eloy sans effets spéciaux! Oui, ce morceau est la pièce maîtresse de «At the end of the universe», un instrumental et tant mieux car je ne trouve pas la voix toujours bien assurée; mais c’est un tout petit inconvénient au vu de la musique qui serpente langoureusement dans les replis de l’inconscient, avec cet incontournable effet Pink Floyd des débuts qui ramène parfois Half a Band dans les bulles d’un psychédélisme très british («Upper spheres»). Je n’ai pas écouté les dix-huit autres productions du compositeur auvergnat mais je le ferai car elles sont toutes disponibles sur Bandcamp. À écouter de préférence allongé, au casque pour bien dérouler le monde musical de Half a Band qui évolue dans un univers éthéré, avec le meilleur confort possible. Encore un artiste qui nous fait voyager sans bouger de chez soi. Découpez vos propres images selon les pointillés de votre humeur, c’est l’enchantement de ce type de production!
Commode
https://halfaband.bandcamp.com/album/at-the-end-of-the-universe
https://www.youtube.com/watch?v=df135z-R8CA

25/11/2023 : Hemeroplan - High Tide

Hemeroplan
High Tide
metal progressif – 39:18 – France 2023
Hemeroplan est un groupe de Tours en France qui a sorti son premier album «High Tide» au début de l’année, après avoir réalisé un EP éponyme de trois titres en 2019. Si vous aimez Tool, Katatonia ou encore Karnivool, vous êtes à la bonne place. C’est un peu comme si le groupe voulait faire du post-rock en gardant une solide base métallifère classique. Le rock progressif admis comme tel a peu de place dans la musique d’Hemeroplan mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’y attarder le temps d’une courte lecture. Les atmosphères sont lourdes et déprimantes puisque le personnage principal de l’histoire évoqué dans ce disque sombre dans diverses dépendances (alcool, drogues, religion) et l’on suit son parcours du début à la fin en passant par les souffrances inhérentes à sa situation. À signaler que, les chiens ne faisant pas des chats, c’est Yann Ligner de Klone qui enregistre les voix et aide aux arrangements. Un titre extrait de «High Tide», «Towards the Abyss», ou plutôt le clip du morceau, a eu l’honneur de remporter deux prix au Mokkho International Film Festival 2022 et à l’Europe Music Awards 2022. Ceci dit, si l’on se réfère du point de vue strictement rock prog’, Hemeroplan n’a pas forcément sa place dans Prog censor et ne pourra séduire qu’un public metal. Ceci n’empêche pas un disque qualitatif dans son genre, la pesanteur pouvant évoquer un doom aéré par le travail des guitares tenues par Jany Pacaud et Pierre Chauveau qui sinuent vicieusement sur un tapis rythmique monolithique avec la basse d’Axel Fabre et la batterie de Yann Maury. Allez, pour simplifier l’accès aux néophytes, ce serait le Black Sabbath de 70/72 avec un chant assez clair pour le style mais empreint de 20 ans de nouveau metal. L’appellation de metal progressif entrevue çà et là semble trop réductrice pour qualifier la musique d’Hemeroplan mais les metalleux n’ont pas la même notion de l’adjectif progressif associé à leur musique préférée…
Commode
https://hemeroplan.bandcamp.com/album/high-tide
https://www.youtube.com/watch?v=GslYi0WCbuo

26/11/2023 : A Flying Fish - El Pez Que Voló - Act I

A Flying Fish
El Pez Que Voló - Act I
opéra rock - 42:24 – Mexique 2023
5e album depuis 2019 pour A Flying Fish qui est l'avatar d'un multi-instrumentiste de Monterey, signant ses productions d'un «R» pour Râhoola. Mystère. Aidé dans la composition par Jesus Vergara, il est entouré de sept autres chanteurs personnalisant les protagonistes de l'histoire. Artiste aux facettes multiples, il a conçu, aussi, le dessin de la pochette!
Cet opéra rock est particulièrement hétéroclite. Par certains côtés lyrique, par d'autres metal, burlesque, cartoon, timburtonesque, baroque, zappesque, rapsodie bohémienne, music-hall, Alice Cooper, fantaisie, fantastique. Il y a tant de côtés que cela tend à former un disque! 😉
Bref, avec un esprit curieux, on ne s'ennuie pas un instant; l'album est particulièrement déjanté!
Le dossier de presse annonce une approche jungienne des traditions emmêlées de l'ouest et de l'est (!), ainsi parlait Râhoola! Je préfère lire le livret, fourni, qui éclaire le propos. Même si le titre «Le poisson qui vole» n'est pas très étonnant pour un groupe qui s'appelle Flying Fish depuis 4 albums!
C'est donc l'histoire de Teezûck (chanté par Râhoola), fils d'un oiseau et d'un poisson qui reçoit, une nuit magique, une vision qui lui demande d'affronter ses peurs et son destin. Conte messianique et naïf, servi par quelques thèmes mélodiques particulièrement réussis qui se modifient tout au long de l'opéra assurant une certaine cohérence, là où l'exécution n'est que chaos! Chaos assez jouissif d'ailleurs; je ne sais pas si des prestations scéniques sont prévues, mais les masques affichés, style catcheurs mexicains, donnent envie!
Mais attention, ce n'est que le 1er acte. Teezûck reviendra-t-il nous raconter la suite de son parcours?
En tous cas, faites tout de suite un bout de chemin avec lui tant le voyage est déroutant!
Cicero 3.14
https://aflyingfish.bandcamp.com/album/el-pez-que-vol-act-i
https://www.youtube.com/aflyingfish

27/11/2023 : Erik Wøllo - Cloud of Strings

Erik Wøllo
Cloud of Strings
ambient bio guitare – 56:18 – Norvège 2023
Pendant son parcours initié dans les années 80, Eric Wøllo a participé en 1983 en tant que guitariste à la réalisation de l'unique album de Celeste, groupe jazz. Mais depuis il poursuit une carrière dans l'ambient/electro faite de nombreuses collaborations, parmi lesquelles Steve Roach, et d'albums solo, dont celui-ci, le 14e, qui marque un retour à son instrument de prédilection et à quelques cousins tels les kanteles finlandais du morceau titre.
Certaines mélodies comme «Interlude duet» trouvent leurs sources dans l'adolescence d'Erik, en 1978, lorsqu'il travaillait son instrument jusqu'à 10 heures par jour, ambitionnant une carrière de musicien classique.
Ce disque, Erik l'a voulu totalement acoustique, bio, au sens où il n'y a aucun synthé, mais dès la 1re piste, «Rainchild», on pourrait en douter, cependant; dans ses doigts l'utilisation d'un «simple» EBow [archet électronique, ndlr] ouvre bien des perspectives! Ce morceau pose immédiatement l'album. Il sera bio, mais pas simpliste pour autant!
Plus loin, «Avalon», avec ses boucles de percussions façon shakers et ses multiples couches de basses, guitare picking, etc., est surmonté par une guitare aérienne qui solifie, majestueuse. Ce morceau semble pouvoir se poursuivre indéfiniment, les infimes changement qui se produisent représentent bien ce qu'est l'ambient; je cite (de mémoire) Brian Eno: «Observez un ciel nuageux, puis fermez les yeux un instant. Quand vous les ouvrez de nouveau, le ciel semble être le même, mais si vous observez bien, il a changé.»
Presque une heure d'abandon. Ambient et bio. Boucles, re-recordings au service de mélodies minimalistes ciselées, le tout bénéficiant d'une mise en son parfaite, claire et aérée comme ses belles harmonies éthérées!
Cicero 3.14
https://spottedpeccary.com/shop/cloud-of-strings/
https://www.youtube.com/watch?v=A7uhrA_FFq0

28/11/2023 : Vrajitor's Tenebrarium - E.N.L.D.

Vrajitor's Tenebrarium
E.N.L.D.
rock progressif sombre – 40:38 – Italie 2023
Cet artiste nous présente sur cette plaque un progressif comme on le réalisait dans les seventies; on note des accointances très marquées avec des formations telles que Goblin, Jacula ou encore Devil Doll. La plage d’ouverture «Et Mors Pallida Venebit» en est par ailleurs un parfait exemple. Ne disposant ni du CD, ni de la version vinyle, il m’est impossible de préciser quelle est la signification de E.N.L.D.
Si l’un de nos lecteurs la connaît, merci de la préciser dans les commentaires. Dans «Volantes Castrum», l’utilisation d’un saxophone rend ce titre d’autant plus horrifique et anxiogène. Si, en général, les musiques sombres sont un régal pour vous, n’hésitez plus un seconde, vous trouverez ici votre bonheur.
Tibère
https://avantgardemusic.bandcamp.com/album/e-n-l-d
https://www.youtube.com/watch?v=JST7_n909Z0

29/11/2023 : Starlite & Campbell - Starlite.One

Starlite & Campbell
Starlite.One
pop / rock – 35:00 – Royaume-Uni 2023
Suzy Starlite (bassiste, guitariste et claviériste) et Simon Campbell (guitare, boîte à rythmes, claviers) se sont rencontrés en 2012 quand le second a demandé à la première de venir jouer avec lui. L’alchimie a tellement bien fonctionné que le duo a finalement convolé en justes noces en 2014. Le band est créé deux années plus tard. Le couple compose et voyage beaucoup, Île de Man, Duras (Lot-et-Garonne), Valence, Hanovre et depuis quelque temps Lisbonne.
Le 1er septembre, est sorti leur troisième album studio, «Starlite.One». Suzy et Simon chantent alternativement sur des mélodies enjouées ou plus introverties avec grand renfort de bruitage et d’électronique.
En fait les différents styles explorés dans les années précédentes, au gré de leurs pérégrinations et rencontres musicales, se retrouvent dans cet album.
De par le son, la structure des chansons et l'apparence finale, il est clair que la musique des neuf titres du Starlite Campbell Band (dont deux miniatures) est basée sur l'electro pop funk des années 80. La musique sert de support pour raconter des histoires depuis le fait de tomber amoureux de son compagnon produit par l’intelligence artificielle jusqu'à la fin de l'univers.
Vous n’êtes pas obligés d’écouter l’ensemble de l’album qui ne relève en rien du rock progressif et vous pouvez écouter directement le dernier titre «A Part Of Me Is Broken» qui m’est apparu comme une récompense après une trentaine de minutes de rock électronique assez pompeux.
Le couple se vantant d’être avant tout une formation de scène, peut-être est-il plus captivant de les voir en tournée, d’autant plus que «Starlite.One» est présenté comme un projet multimédia. Il serait «musicalement exploratoire tout en gardant vivants les récits de mélodie, d’émotion, de paysages sonores et de narration lyrique. La musique lie les arts conceptuels, appliqués et visuels qui sont représentés physiquement et numériquement.»
Publius Gallia
https://starlite-campbell.bandcamp.com/album/starlite-one
https://www.youtube.com/watch?v=SjfQB7rVCKs

30/11/2023 : Polypores - Multizonal Mindscramble

Polypores
Multizonal Mindscramble
experimental modular soundscapes – 41:24 – Angleterre 2023
Majoritairement la recherche sonore de Stephen James Buckley, alias Polypores, cadre parfaitement avec la philosophie musicale du label de Ian Boddy (DiN). Ce deuxième album sous ledit label offre un bel éventail de son exploration synthétique. Stephen n’est à l’aise que dans le chaos et l’expérimentation des multiples possibilités du synthé modulaire. Contrairement à un synthé classique, ce nid de câbles et de connexions est la parfaite représentation de la complexité et de l’inattendu. Notre compositeur/chercheur, en prestation live, improvise le plus souvent car, dit-il lui-même, il est presque impossible de rejouer une même chose. Mais je pense qu’il n’est pas le seul dans le cas si l’on en croit ce que disait in illo tempore le Maître Schulze lui-même qui pourtant œuvrait dans un tout autre domaine: ses concerts ressemblaient aux albums mais il ne jouait jamais les mêmes accords. «The Dream Incubator» débute en douceur sur des notes sidérales en pleurs syncopés ondulant sur une vague sonique qui évoque tant soit peu les ondes Martenot. «Foam» glisse sur des plans roachiens évoquant les grands espaces stellaires où scintillent des moires opalescentes monocinétiques. «Foam» coupé abruptement, «Machine Elves» prend le relais en maintenant pour un temps encore ces ondulations vibratoires puis enchaîne subtilement avec des séquentiels rapides qui à leur tour se calment très vite par des phrasés entrelacés proches d’un univers heldonien. Mais, dans sa démarche de chercheur, notre Stephen chatouille bien des constellations dont celle d’un Tim Blake («Can Non-Player Characters Experience love?») Je vous le demande! Influence qui se prolonge dans «Diverging Reality Tunnels». Pur soundscape ensuite pour un nuage qui semble pleurer des gouttes de peinture acrylique sur une toile huilée, rien ne se mélange mais tout prend forme d’arabesques aléatoires créant des mondes iridescents au gré de l’inspiration modulaire. Est-ce le musicien qui crée ou la machine? Lui-même ne peut répondre mais ces sons élèvent les sens et les fusionnent au plan astral. «Hyperdata» semble alors en être la signature au bas du tableau. Courte et frénétique, résolument de l’univers de Pinhas. La suite oscillera encore entre mouvements synthétiques syncopés en phases rapides et entrelacements vaporeux où clignotent de lointains pulsars. «Hexagram» se conçoit comme un hymne ascensionnel aux échos de mélancolie cosmique. Doux, clair et liquide comme le miroitement de la lumière à la surface d’un rubis. «Strangels» se fait le fantôme d’une étoile qui viendrait de s’éteindre. Répercussion d’échos d’un improbable multivers où se retrouveraient les résidus quantiques d’une supernova sur l’écran vert des choses qui n’existent pas tant qu’on ne les a pas observées. Explorateur du macrocosme stellaire et du microcosme sporique, Stephen James Buckley dévoile ici une riche palette qui redéfinit le genre, ni vraiment expérimental si ce n’est dans la démarche, ni purs paysages sonores puisque mélodies il y a, sous-jacentes, empruntant à ce qui existe déjà pour dévoiler ce qui ne l’est pas encore ou… est-ce l’inverse?
Clavius Reticulus
https://din7d.bandcamp.com/album/multizonal-mindscramble-din81
https://www.youtube.com/watch?v=vZFWuVqa_Qw