Février 2024

01/02/2024 : Steve Roach - Sanctuary of Desire

Steve Roach
Sanctuary of Desire
soundscape / ambient spatial – 151:24 – États-Unis 2023
Un fait est certain: mon petit chien Benji adore ce double album. L’empereur de la musique spatiale ambient (ou inversement) nous offre une fois de plus de (trop?) longues plages sur lesquelles rêvasser en se laissant caresser par le flux et le reflux de vagues soniques qui viennent mourir sur les rivages de nos synapses. Une première partition affiche plus de 30 minutes en guise de mise en bouche. Steve nous a habitués depuis des décennies à ces compositions enveloppantes aux sonorités spatiales pulsatiles dont il a le secret. Ces derniers temps, cependant, il avait agrémenté ses créations de rythmes séquentiels dignes de la Berliner Schule même si à des lieues des compositions schulziennes ou froesiennes. Il nous faudra ici attendre le titre éponyme pour en bénéficier au bout de quatre minutes. «The Elegance of Motion» continue dans la même veine avec des réminiscences de son merveilleux «Emotions revealed», grand album roachien s’il en est. Pétillements d’arpégiateur en cascades, léger écho qui donne du volume et de la texture à un psiturisme mélodique vaporeux. La magie opère rapidement pour mener l’auditeur par la main dans un palais de miroirs multidimensionnels. Les sonorités deviennent très vite hypnotiques. Nouveau voyage de près d’une demi-heure. Splendeur d’une Cathédrale d’Émeraude. Mais raccourcir le voyage d’une dizaine de minutes aurait sans doute été salutaire. Las, Steve, une fois lancé, on ne peut plus l’arrêter. «Integration Being» qui suit a l’exacte consistance d’un morceau bien tempéré. En moins de dix minutes, le trip est parfait avec ses textures mixtes à la fois éthérées et rythmées en douceur. «Currents of Desire» repart dans les étoiles et l’album se conclut par un soundscape stellaire où s’égrènent des notes de piano sur des drapés synthétiques d’outre-espace («Before… After»). Au final, ce double album y aurait gagné en élaguant les trop longues plages et sans doute en le réduisant à une seule rondelle, même si rien n’est mauvais. C’est juste trop long. Mais on ne peut pas dicter sa conduite à un artiste, on émet juste un avis. Je ne peux mieux allégoriquement comparer les constructions de Steve Roach au ressac de la mer. Et si l’ambient vous rebute, ceci n’est définitivement pas pour vous.
Clavius Reticulus
https://steveroach.bandcamp.com/album/sanctuary-of-desire
https://www.youtube.com/watch?v=BmxAra7oegw

02/02/2024 : Ozric Tentacles - Lotus Unfolding

Ozric Tentacles
Lotus Unfolding
space rock – 47:05 – Angleterre 2023
Est-il encore utile de présenter Ozric Tentacles? Juste rappeler que le groupe s’est formé en Angleterre en 1983 et sort, en 2023, son 22e album studio (il faut ajouter à cela au moins sept live). Vous me demanderez: «mais que vaut "Lotus Unfolding"?» Hé bien, il est très bien et, sans surprise, reflète bien l’univers du groupe. À part «Deep Blue Shade» et «Burundi Spaceport», tous les titres dépassent, comme il se doit, les huit minutes et nous emmènent loin de la terre, dans un cosmos tranquille où la musique est reine. Les fans retrouveront, dès l’entrée avec «Storm in a Teacup» tous les ingrédients nécessaires à leur plaisir personnel. La plage titulaire calme un tantinet le jeu tandis que, plus loin, la longue «Crumplepenny» se permet même des guitares hispanisantes, ce qui n’est pas pour vous déplaire. N’hésitez donc pas à écouter cette plaque afin de vous en faire votre propre idée.
Tibère
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/lotus-unfolding
https://www.youtube.com/watch?v=1pfser5uX_w

03/02/2024 : Temic - Terror Management Theory

Temic
Terror Management Theory
metal progressif – 58:54 – International 2023
Temic nouveau venu sur la scène musique avec Eric Gillette et Diego Tejeida qui s’étaient promis de jouer ensemble dès 2017; la pandémie leur aura permis de créer ce son unique bien aidé par la voix si particulière de Fredrik; quand des musiciens de Devin Townsend, Shattered Fortress, Neal Morse, Shining et Maraton fusionnent c’est pour sonner metal prog moderne.
«TMT» intro piano planante puis une basse héroïque vibrante chauffe les oreilles, ambiance cinématique amenant un metal prog frénétique avec «Through The Sands Of Time»; Fredrik calme l’ardeur sur une ambiance post-rock synthétique; metal-prog d’aujourd’hui entre djent calibré et dark énergique Soen ou Katatonia; dérive progressiste aérienne avant le solo fourni d’Eric. «Falling Away» enchaîne air Maraton/Leprous, bluffant, mélodique, entraînant avec sa déclinaison groove robotique; je pense à l’énergie d’un Andromeda, Evergrey boosté par les breaks progressistes des synthés qui balaient la notion prog basique. «Count Your Losses» oh la baffe, le son, le riff, l’énergie dégagée; prenez Dream Theater, Haken et Leprous et touillez, vous avez Temic; un son synthétique qui ne demande qu’à être écouté en stade au vu de l’énergie déployée; mini solo batterie qui fait monter l’ambiance avant un passage post ambiant métronomique, glacial au riff complexe, enchaînant sur «Skeletons» à l’intro cristalline comme le faisaient si bien les groupes hard-FM; gros son pour poser le vocal prenant, j’adore Maraton, le riff basse pose l’air avant que Simen donne encore plus d’ampleur; break de folie sur un Zappa et toujours des notes, aucun moment de repos; la fusion parfaite entre le avant et le maintenant pour créer le son de demain, tiens un groove sorti des Infectious Grooves; la fin plus consensuelle pour se poser enfin un peu, mais cet air SymphonyX, à Kamelot, ah Temic.
«Acts Of Violence» pour une ballade synthétique glacée, douce avant la coupure sur un break tonitruant et la guitare qui parle plus qu’elle ne chante, immense ce solo; retour avec une montée mélodique et le solo divin. «Friendly Fire» pour l’instrumental qui fait mal; juste le plaisir avec tout ce qu’il faut, nerveux, varié et aérien et le sempiternel solo accompagnant le synthé gras. «Paradigm» belle entrée, voix solennelle qui revient sur un air haché, saccadé, tonitruant; on retrouve le metal prog des Linkin Park mais c’est surtout la voix mélodique qui porte ce morceau; le son djent devient harmonieux, la déclinaison progressiste se fait par un break ambiant; final cinématique amenant un coucou électrique avec «Once More» pour de l’alternatif rock, un rythme un peu plus bas et vous avez un a-ha bien pêchu devant vous; bon le break avec double pédale et riff growly change la donne; cinématique space de fin avant le «Mothallah» oriental, kashmirien pour un long crescendo aphrodisiaque et grandiloquent; le lien d’avec Leprous et la nervosité d’Haken d’où cette fusion des genres délicate; la montée se termine sur un piano en bois à 3 touches suivi d’une chorale divine en apothéose.
Temic sort donc l’album parfait en cette fin d’année; oui il ne fallait pas faire son top trop tôt; un méga-son pour un groupe majeur dès leur première production, du metal prog contemporain qui repousse encore plus le prog vintage mourant; un son complexe envoûtant, énergique et jouissif; un opus parfait qui transcende le genre.
Brutus
https://temic.bandcamp.com/album/terror-management-theory
https://youtu.be/DzMcZm2x8uI

04/02/2024 : Legacy Pilots - Song Book

Legacy Pilots
Song Book
pop rock progressif – 51:38 – Allemagne 2023
Les 11 titres de cet album forment une compilation permettant d’embrasser le monde de Frank Us et couvrent les albums «Con Brio» de 2018 (Handle with Care), «Aviation» de 2020 (Dreamers – Innocent – Wide Wide World – To the stars), «The Penrose Triangle» de 2021 (Better Days – Ghost of the ocean) et «Helix» sorti en mars de cette année (True Spirit – The Even Chance – A Little Differently – Colors & Light).
Parmi les artistes ayant participé, nous pouvons remarquer les fidèles compagnons de route: John Mitchell, Steve Rothery, Marco Minneman… De quoi stimuler notre curiosité vu le curriculum de ces musiciens et je ne vous parle pas des collaborations passées avec des pointures comme Neal Morse, Todd Sucherman, Pete Trewavas ou Jordan Rudess!
«Song Book» est donc, comme son nom l’indique, un «recueil de chansons» mais, comme ceux archi relus que nous pouvions avoir pour les feux de camp, sans grande surprise, dont l’utilité principale pourrait être de servir de porte d’entrée pour découvrir la musique de «Legacy Pilots», sans avoir à acheter les quatre albums précédents.
Nous nous retrouvons dans un univers connu avec des voix et des instrumentistes réputés pour leur dextérité et leur professionnalisme. Tout est propre, presque trop propre, chacun faisant ce qu’il fait de mieux et de manière parfaite.
J’aurais aimé une prise de risque avec la proposition, par exemple, de versions plus développées ou d’enregistrements live, ou la découverte de nouveaux soli, etc., qui m’aurait amené à écouter plusieurs fois l’ensemble, mais le sentiment de «déjà entendu» est trop prégnant et invite à ranger assez rapidement l’objet dans la discothèque…
Publius Gallia
https://legacypilots.bandcamp.com/album/song-book
https://www.youtube.com/watch?v=AlvCQTINdWQ

05/02/2024 : Head with Wings - Without Intervention

Head with Wings
Without Intervention
pop progressive – 35:43 – États-Unis 2023
Ces musiciens issus du Connecticut nous proposent cette musique malgré tout énergique. Mais présentons donc ses membres: Brandon Cousino (guitare), Sayre Whitford (guitare), Joshua Corum (chant), Mikz Short (batterie) et Joe Elliott (basse). D’entrée de jeu, le groupe nous offre en pâture son énergie avec le titre «The Dream Broker». De courts interludes («Remnant» et «26 Bell Chimes») nous permettent de respirer un peu. «Comfort in Illusion» présente une facette plus aérée et inventive du groupe. La plage «Absolute Zero» nous permet de quitter cette plaque agréablement. Pas vraiment du progressif à mon sens, mais faites-vous votre propre opinion en cliquant sur les liens ci-après…
Tibère
https://headwithwings.bandcamp.com/album/without-intervention
https://www.youtube.com/watch?v=sK7G7oIFAxo

06/02/2024 : Mangeur de Rêves - Vivre et Mourir

Mangeur de Rêves
Vivre et Mourir
rock progressif – 46:51 – Canada 2023
Quand on évoque le rock progressif québécois, on pense irrémédiablement à Beau Dommage – une référence somme toute élégante et vertueuse – et Mangeur de Rêves prend à son aïeul le goût des harmonies vocales (lui-même rendait compte à Crosby, Stills, Nash & Young) et d’une orientation électrique-mais-pas-trop qui laisse la place à l’acoustique, du piano ou de la guitare – sans compter les trois voix à l’œuvre dans des arrangements, vocaux et instrumentaux, ciselés (les 5 musiciens composent collectivement). Alex Cégé (voix et guitare; textes), Jean-Philippe Major (basse, guitare, voix et harmonies vocales), Jici LG (guitare, basse, harmonies vocales), Raphaël Liberge-Simard (batterie, percussions) et Florent Schmitt (piano, synthétiseurs) présentent, dans ce deuxième album, une dizaine de morceaux soigneusement construits, lovés dans une esthétique progressive affirmée, à la mélodie – pourtant non chantée – aussi poignante que «Le bal des Laze» («Mara»), aux ornements référencés (la boîte à musique à la fin de «Les fantômes», l’horloge parlante du début de «15 000 nuits») ou au souffle épique comme dans le morceau titulaire qui, avec ses plus de douze minutes, est la pièce de résistance d’un album ancré dans la tradition par des musiciens qui aiment peaufiner leur écriture.
Auguste
https://mangeurdereves.bandcamp.com/album/vivre-et-mourir
https://www.youtube.com/watch?v=VPb7RlrRW7E

07/02/2024 : Benge - The View From Vega

Benge
The View From Vega
électronique expérimentale mélodique – 37:08 – Angleterre 2023
Non, ce n’est pas la température corporelle de notre compositeur originaire du royaume d’Arthur en Cornouailles. C’est le timing d’un album plutôt court, à peine supérieur à la durée d’un EP. Les six volets qui le composent sont de même individuellement relativement courts mais riches en émotions condensées. Ben Edwards (de son vrai nom) sort son premier opus en 1995 et crée son propre label: Expanding records. «The View from Vega» est son premier album solo sous le label de Ian Boddy (DiN). Cette création est inspirée de la space music des seventies et de celle du début des années 80. Ben a aussi cette particularité à nulle autre pareille d’utiliser un seul type de synthés par album. Pour l’heure, il s’agit ici d’une sélection de synthés vintage additionnés de séquenceurs et d’unités FX, tant analogiques que numériques. J’ai nuancé le style dans l’entête parce que le terme «expérimental» évoque le plus souvent une suite de sons peu digestes pour l’amateur de mélodies construites. Si icelles sont ici bien présentes, on s’orientera malgré tout assez souvent vers le style «soundscape» (paysage sonore, en français). La première plage fera penser au Steve Hillage new age et donc atypique de «Rainbow Dome Musick». Oubliez la guitare et pensez plutôt aux claviers atmosphériques dont la sonorité est ici très voisine de celles que l’on trouve dans l’album cité. La deuxième plage rejoint les phrasés de Pinhas pour ce que je qualifierais d’un style «Heldon soft». Mouvement répétitif légèrement berlinschoolien glissant rapidement vers des textures plus mélodiques. Envolée spatiale au parfum d’infini pour un retour au son Hillage en troisième partie auquel se greffent des arpèges de piano couplés aux séquenceurs marquant un rythme discret. Un piano que l’on retrouve en quatrième partie en leitmotiv mélancolique. Le cinquième volet se fait plus vitaminé au son de séquenceurs dynamiques sans se déparer d’un lumineux souffle cosmique. Le tout se termine par des drapés planants déclinés en cascade et associés à un mouvement répétitif au tempo tant rapide que léger. Un bel album qui invite au voyage dans la constellation de la Lyre où brille cette étoile nommée Vega.
Clavius Reticulus
https://dinrecords.bandcamp.com/album/the-view-from-vega-din82
https://www.youtube.com/watch?v=R_yo3BbfWtA

08/02/2024 : Home Brewed Universe - The Loneliness Economy

Home Brewed Universe
The Loneliness Economy
rock progressif / ambient -–34:51 – Inde 2023
Pour les musiciens et aspirants musiciens, on vit finalement une époque formidable. Avant (au siècle dernier), enregistrer un album nécessitait de se saigner aux quatre veines afin de pouvoir s’offrir des heures de studio. Il fallait d’ailleurs d’abord trouver un studio avec un ingé-son compétent et qui n’allait pas vous emmener sur une voie sans issue. Cela pouvait donc coûter très cher; je m’en souviens très bien pour en avoir fait l’expérience lors de l’enregistrement du premier album de Ken’s Novel.
À présent, la technologie a permis de démocratiser la musique, que ce soit à travers des logiciels de studio accessibles (Protools et Cubase en tête) ainsi que des canaux de diffusion qui n’existaient pas avant, tels que Soundcloud ou Bandcamp. La conséquence est que, d’une part, le nombre de sorties explose et que, d'autre part, tout le monde peut prétendre à composer et diffuser sa musique.
C’est exactement le cas de figure qui nous occupe avec Home Brewed Universe, le projet du multi-intrumentiste indien Arka Sengupta. Et le garçon est prolifique; son profil Bandcamp propose 11 albums de compositions originales et deux albums de covers en tous genres (Muse, Porcupine Tree, Rush, etc.) et tout cela en moins de cinq ans.
Cet album propose 8 morceaux relativement courts qui se basent sur des ambiances et des tempos lents et lancinants. L’ambiance est assez sombre et colle assez bien avec le graphisme de la pochette. Personnellement, je dois avouer être resté assez perplexe; je trouve que les morceaux gagneraient à être plus travaillés. Le choix de certains sons est également surprenant et ne met, à mon sens, pas assez la musique en valeur. Enfin, tous les morceaux sont quasi sur le même tempo ce qui, à la longue, crée un certain sentiment de lassitude.
En conclusion, l’accès à des outils accessibles n’est donc pas une garantie d’inspiration et rien ne remplace ce qu’un musicien a dans la tête et les doigts.
Comme toujours, à chacun de se faire son opinion. En ce qui me concerne, je passe…
Amelius
https://homebreweduniverse.bandcamp.com/album/the-loneliness-economy
https://www.youtube.com/watch?v=wSltxqVrOck

09/02/2024 : Sleeping Pandora - Solar Island

Sleeping Pandora
Solar Island
rock psychédélique / space progressif – 79:52 – Allemagne 2023
Sleeping Pandora est le nom musical depuis 2017 de Mathias Rosmann ayant joué dans Cosmic Fall; du space rock, de la musique colorée pour s’évader, méditer, brouillard musical pour lutter contre la morosité; ambiance électronique rythmée et synthétisée pour son 11e album.
«Mole» entrée avec réverbération mélodique, guitare fluide, sur Ozric Tentacles de loin; de près une lente déclinaison spatiale avec guitare et synthés vibrants. «Missed Opportunity» air rappelant par instants les recherches progressives d’Anders Buaas en plus soft, bref une progression mélodique qui s’écoute sans retenue, sans vagues. «Hypnotic Chaotic» plus hypnotique que les autres, entraînant vers les plaines sacrées musicales d’où l’on ne revient pas; toujours cet air atypique qui surfe sur une vague remplie de notes; la seconde moitié reprend l’effet syncopé, éternellement vibrant pour plonger dans un espace sans dimensions.
«Stumbleland» morceau réverbérant et planant; des notes samplées et un arpège guitare incrusté dessus qui n’en finit pas; un voyage musical censé amener à la détente, au sommeil ou aux deux; le son semble s’arrêter et repartir, vous voyez les vagues qui font le même travail; ambiance soul avec un groove hypnotique, une basse ensorcelante et la batterie métronomique accaparant les enclumes. «Limitless» revient au psyche-song dont sont précurseurs Ozric Tentacles et Quantum Fantay; une guitare slide sudiste qui brille sur un long mantra spatial, la base rappelant les sonorités des Tangerine Dream, bref planant de chez planant. «Signal» très différent puisque l’habitude des oreilles trouve un mini changement important; similaire puisque l’atmosphère est toujours colorée, les sons qui en résultent invitent toujours à partir; Mathias utilise encore sa guitare pour un dernier voyage dans les limbes musicaux, sans substances hallucinogènes, celles-ci étant remplacées par les siennes.
Sleeping Pandora continue son petit chemin d’envoyer l’auditeur dans l’espace; en cas de manque du dernier wagon, vous avez le choix de prendre un mantra et de divaguer dessus, de planer dans l’énigmatique atmosphère qui est la sienne; musique psyché pour contemplation, apaisante, relaxante. What else?
Brutus
https://sleepingpandora.bandcamp.com/album/solar-island
https://youtu.be/TH7GQOCZVtQ

10/02/2024 : Peter Gabriel - i/o

Peter Gabriel
i/o
rock progressif – 137:21 – Angleterre 2023
Gabriel a un rapport au monde qui n'a pas de commune mesure chez vous et moi. Mi-70, PG est le co-géniteur d'une des plus importantes formations prog, mais le costume est rapidement devenu trop étriqué pour son porteur/tailleur. À force, il est descendu de la venue du succès en même temps qu'arrivaient les moutons sur les allées des stadiums. Renard insaisissable, il ne convoitait pas les millions de pounds comme ses pop-comparses. Mais, surtout, sa vision ne connaissait pas le partage. Tout naturellement, c'est en solo que son génie se révéla dans tous ses états, en accouchant un son unique, influencé par la musique du monde et par l'âme multifacettes de Peter. Après 4 albums successifs, non titrés, les bases de son identité avaient été brevetés, pour ceux qui ne les avaient pas saisies, il réenregistra les deux dernières phases dans la langue de Goethe. Quand vint le marteau piqueur en 1986, PG va tout emporter sur son passage, y compris les charts. Après ce (premier) sommet, ses productions vont de plus en plus faire le grand écart. Au début des nineties, il chauffe, jusqu'à faire cramer, les gorges des journalistes, en dévoilant qu'il a mis en attente dans ses armoires de studios, les bobines de près de 150 nouvelles chansons… Tout ça mon dieu! L'excitation fit son office! Frustrés par le (trop) long délai de peaufinage, certains parmi les plus aigris finirent par persifler que Gab n’a plus rien sorti depuis 2002 («Up»). Primo, c'est oublier l'an 2010 et son disque de reprises, qui n'en sont pas, «Scratch my Back» (sans batterie, ni guitare) et c'est passer sous silence ses tournées mondiales gravées sur DVD qui sont des œuvres musico-théâtrales à part entière. Secundo, dénoncer l’arlésienne n'a aucun sens avec Gabriel. Je vous en fais la démonstration en 3 caractères: «i/o», en 12 pleines lunes et en autant de clairs-obscurs. Sérieux! Qui peut se vanter de monter une tournée sur douze chansons (presque) inconnues sponsorisées par une poignée de classiques? Avec en prime une audience triomphale? Sans détour: c'est bien lui! «i/o» baigne dans la pure tradition: un son moderne tout en restant familier, un album hyper travaillé sans être surproduit. Tout est à l’avenant: 1/«Panopticom» chauffe la voix poivrée de Peter; 2/«The Court» fait écho à «Us» ou à «Up»; 5/«Four Kinds of Horses» est une vie de poésie de 6 minutes 47 secondes; 7/«So Much» et ses notes au piano dégage la fausse sobriété dont Peter a le secret; 9/«Love Can Heal» dévoile la subtilité d'une femme comme son auteur sait les choisir; 10/«This is Home» a parfaitement ressenti la sécurité du foyer dans ses gammes; 11/«And Still» consiste en l'apogée: une richesse de simplicité avec entracte au violon. Soit côté bright, soit côté dark (offrant sa lecture trouble), il y a largement de quoi décortiquer la moelle secrète du 4e art. Pour Gabriel, le pic est atteint après 17 albums (excepté les live et best of) comprenant originaux, concepts et BO. Le mot de la «faim»? Pourvu qu'il vive 150 ans! Il nous doit tant d'autres réussites à un rythme effréné!!!
Kaillus Gracchus
https://petergabriel.bandcamp.com/album/i-o
https://www.youtube.com/watch?v=lnhuBHD-Oqo&list=PLxA687tYuMWjcCiWNPw3YA_gcSrYnAE9Q

11/02/2024 : Northodoxian - Northodoxian

Northodoxian
Northodoxian
rock progressif liturgique – 42:02 – Estonie 2023
En 2007, Lauri Laubre a visité le monastère de la Sainte-Trinité de Dukonsky et a reçu un «choc culturel» dont il n’a réalisé l’importance que des années plus tard.
Cette expérience l’a poussé à écouter des dizaines d'enregistrements, de liturgies orthodoxes, de pièces chorales, et plus encore. Il s’est mis à imaginer tout cela sous une forme qui ferait résonner la musique sacrée dans sa culture musicale. L'idée était d'incorporer les liturgies vocales et de les tisser dans un nouveau voyage créatif original qui fusionnerait le son stupéfiant et grandiose de la musique chorale orthodoxe avec le tempo, les riffs et la liberté interprétative, pour peu qu’on en prenne le risque, du rock progressif.
Ainsi est né le projet baptisé «Northdoxian», un album conceptuel de six titres fusionnant l'ambiance nordique de son pays avec les chants fournis par le recteur du monastère Sainte-Trinité Dukonsky de l'Église orthodoxe ukrainienne.
Après quelque dix années de travail, notre musicien propose donc une fusion méticuleuse de musique chorale liturgique, de sections complexes de guitares (six et quatre cordes), de batterie et d'éléments de rock progressif.
Le mélange est curieux et vraiment vivifiant. Il est difficile de trouver des genres plus différents, plus opposés. C'est une forme de musique métisse. Cela fonctionne très bien et on se laisse prendre par les couleurs surprenantes de l’enchevêtrement des styles.
La réussite est aussi spectaculaire que celle de l’album «Lambarena - Bach to Africa» qui fusionnait la musique de Bach et des musiques traditionnelles du Gabon. Ce même Bach qu’on peut sentir dans les deux premiers titres alors que le chant liturgique semble inspiré directement du growl.
Ne transmettez pas trop vite votre top 10 de l’année 2023, ce disque pourrait très bien y figurer!
Publius Gallia
https://northodoxian.bandcamp.com/album/northodoxian-2
https://www.youtube.com/watch?v=wn4CP-QL9gw

12/02/2024 : Pallas - The Messenger

Pallas
The Messenger
néo-progressif – 50:29 – Royaume-Uni 2023
Si on avait eu à parier il y a deux ans encore qu’un des groupes précurseurs du néo-prog du début des années 80 (avec, entre autres, les non moins célèbres Marillion, IQ, Twelfth Night…) allait sortir un nouvel album fin 2023, il y aurait eu certainement peu de gagnants!! Et pourtant l’album est là, et il faut toujours croire en la bonne étoile!!!
Et d’autant plus un nouvel album, mais en plus, comme cerise sur le gâteau, le retour au chant d’Alan Reed, le formidable frontman écossais, chanteur historique de Pallas et présent au sein du groupe pendant près de 25 ans, entre 1984 et 2009. Et quel fabuleux retour!
Dès la 1re écoute de «The Messenger», il n’est pas difficile de confirmer que le groupe peut être fier de ce qu’il a composé, écrit et produit.
La Sentinelle s’est mutée en Messager. La teneur générale de «The Messenger» se veut sombre comme pour mettre en alerte l’auditeur de ce que l’Homme est en train de faire de la Terre sur laquelle il vit. Pas de Sentinelle ici pour nous sauver. Cette fois, la solution vit en nous tous: nous sommes nos propres messagers d’espoir («The Messenger»). C’est sur ces notes d’espoir que se clôture l’album quasi conceptuel à mon sens, avec un final rempli de chœurs et lumineux de beauté.
Musicalement, le retour de Pallas est une grande réussite: la voix d’Alan Reed est toujours aussi expressive et même volontairement plus grave pour appuyer le message que le groupe veut faire passer, la guitare lumineuse de Niall Mathewson fait toujours mouche au bon moment, l’excellent jeu de basse toujours aussi précis et percutant de Graeme Murray, les claviers élaborés et variés de Ronnie Brown, sans oublier les textes qui collent parfaitement à l’ambiance musicale. Graeme Murray et Ronnie Brown participent aussi de belle manière vocalement sur cet opus, parfois même au 1er plan ou partagée avec Alan Reed, comme sur «Fever Pitch» et «The Nine».
Mentions spéciales pour les titres «Heavy Air» et «The Messenger», dignes des grandes heures de Pallas et même du néo-prog en général.
Si la volonté première de Pallas en 2023 est de faire passer un message par ce nouvel album, la chose est claire et réussie, en plus d’une musique de haute qualité. Un magnifique album de rock progressif qui assurément ne prendra pas la poussière si vous l’avez entre les mains. Merci Messieurs!
Caligula
https://pallasofficial.bandcamp.com/album/the-messenger
https://youtu.be/pJRuIJ1JVdg

13/02/2024 : Marco Ragni - Hallucinatory Embryo | Into the Heart of the Sun

Marco Ragni
Hallucinatory Embryo | Into the Heart of the Sun
rock psychédélique – 71:00 | 42:01 – Italie 2023
Je dois avouer que dans ma base de données de plus de 1600 musiciens italiens «prog et alentour», je n'avais jamais rencontré Marco Ragni. Et ce, malgré ses collaborations avec Bjørn Riss (Airbag), Marius Halleland (Wobbler), Fernando Perdomo (Kertzner) ou Luca Zabbini (PFM, Barock project). Rien que sa carrière solo, commencée en 2010, compte 13 albums studio dont les 2 derniers publiés en 2023 font l'objet de cette chronique!
Né en 69, dès l'âge de 6 ans il souhaite un orgue Farfisa pour assouvir sa passion de la musique, en pleine apogée prog! Mais ces 2 disques puisent plus dans une musique américaine qu'il a perçue in utero – non rien à voir avec Nirvana – totalement psyché tendance américaine; d'ailleurs sa voix sonne parfois comme celle du Jim Morrison habité, mais sobre. Cependant on est assez loin des Doors, le clavier étant ici anecdotique, car l'instrument central est une guitare mutante, nerveuse, granuleuse, saturée, puissante, arpégiée parfois. Le résultat produit me rappelle, avec humidité, un concert de Motorpsycho sous la pluie tiède du 2Days Prog + 1 Festival.
Un déferlement d’énergie entrecoupé de moments plus légers, mais peu d'envolées mélodiques; on est plutôt du côté power trio!
Le sitar parfois s'invite aussi, ouvrant des perspectives sonores trop vite refermées à mon goût, à d'autres instants l’ambiance se fait Pink Floyd avant leur passage du côté sombre de la lune.
Le titre epic «Into the Heart of the Sun», qui revient en édition spéciale, propose une demi-heure d'évasion psyché pour une parfaite initiation, et si cela vous plaît, faites tourner... l'info autour de vous!
Cicero 3.14
https://marcoragni.bandcamp.com/album/into-the-heart-of-the-sun-special-edition 

https://marcoragni.bandcamp.com/album/hallucinatory-embryo-extended-edition
https://www.youtube.com/watch?v=fq3SmvIN4Vs

14/02/2024 : Rubber Tea - From A Fading World

Rubber Tea
From A Fading World
art rock / jazz progressif – 43:10 – Allemagne 2023
Avec une élégance à la fois complexe et satinée, le quintet allemand Rubber Tea (basse, batterie, guitare, claviers, saxophone et flûte, voix), formé en 2017 à Brême, présente son deuxième album (après «Infusion», paru il y a trois ans): l’histoire d'Emily, poursuivie par un monstre, qui, dans son petit avion, tente d’avertir le monde du danger qui le guette, récit décliné au long de onze pièces adroitement écrites, qui font parfois penser à Curved Air (le chant de Vanessa Gross, mais aussi le violon/synthé, dans «Go»), aux rythmes syncopés (les accents jazz-rock prononcés), aux solos de synthé (Lennart Hinz) épiques («Desert Man»), parsemées de frêles interventions des vents (Vanessa Gross, encore elle). Les musiciens sont jeunes et aguerris, capables d’une interprétation aux détails alambiqués, mais la composition, soignée et égale, comme un athlète après l’effort au déodorant trop puissant, manque de relief.
Auguste
https://rubbertea.bandcamp.com/album/from-a-fading-world
https://www.youtube.com/watch?v=F9vR33ZERNM

15/02/2024 : Ken Martin - Cydonia

Ken Martin

Cydonia
soundscape / spatial / Berliner Schule – 71:53 – Espagne 2023
Espagne, mais notre compositeur est né à Londres. Plus de 260 albums à son actif! Plus prolifique c’est difficile à trouver. Il faut dire qu’il compose depuis 1971. Je ne les ai pas tous passés en revue mais il est fidèle à un style où prédomine la Berliner Schule. Aux commandes de ses Yamaha MODX, MOX18, Modal Argon et autres Korg KingKORG, il part ici à la rencontre des sites martiens et sa musique s’inspire du film «Mission to Mars» de Brian De Palma (2000). «Cydonia» est le nom de deux sites de la planète rouge dont l’un, «Cydonia Mensae», est célèbre par son fameux visage photographié de l’espace par l’orbiteur Viking 1 en 1976 et d’une manière plus précise en 2001 par Mars Global Surveyor. De quoi faire fantasmer les amateurs de petits hommes verts. En fait, un jeu d’ombres dans les collines érodées du site donne cette apparence vu de l’espace. Côté musical, c’est aussi le titre d’un album de The Orb et le nom d’un groupe italien de power metal. Il n’est pas question ici de metal, bien sûr. Et le style de Ken s’éloigne de quelques années-lumière de celui de The Orb. On trouvera plutôt des accents Tangerine Dream ou Edgar Froese dans ces quatre titres de plus ou moins vingt minutes chacun. Les bruitages empruntent à «Aqua» de Froese et la sonorité des séquenceurs rappelle plutôt «Phaedra». Ajoutez-y des cascades de notes de piano sautillant sur l’arpégiateur et l’amateur du TD vintage va se pâmer de plaisir. Les intros de style soundscape évoquent à coup sûr les paysages désolés de la planète rouge et la musique de Ken s’y prête à merveille. Paysages désertiques, sable ocre, soleil lointain, solitude… mais rien de sombre dans ces notes nées de séquenceurs plutôt enjoués qui finiront par nous hypnotiser en provocant une transe spatiale. «In the Face» génère un tempo plus mécanique et d’entrée linéaire; en mutation progressive, il va se vêtir d’envolées spatiales aux couleurs inquiétantes. Voix de présences martiennes transdimensionnelles qui se mêlent aux vents mystérieux des sables du dieu de la guerre. Un album et une musique qui évoquent bien les mystères persistants de la planète rouge qui en a inspiré plus d’un dans des registres bien différents.
Clavius Reticulus
https://cyclicaldreams.bandcamp.com/album/cydonia-cyd-0095
https://www.youtube.com/watch?v=sgEEsB24hTM

16/02/2024 : The Sound of Things Falling - Sceneries II

The Sound of Things Falling
Sceneries II
rock progressif – 37:44 – Chine 2023
Xiyu Yang, surnommé «Humbug», est né en Chine. Arrivé pour ses études à State College en Pennsylvanie, il fonde son groupe The Sound Of Things Falling en mars 1994.
Parallèlement, notre musicien participe à Fomalhaut, un groupe de metal progressif formé à Pékin en 2006. Les membres sont dispersés dans le monde entier et créent de la musique ensemble à distance.
Actuellement, il vivrait entre Londres et Pékin (?) où il a finalisé son deuxième album («Sceneries II»). Le premier, «Sceneries», EP de 4 titres, est sorti en 2017.
La majeure partie de l'album «Sceneries II» a été écrite et enregistrée pendant ses années d'études supérieures et avant de quitter les États-Unis.
Puis un certain temps s’est écoulé avant que Xiyu Yang ne se remette à l’ouvrage, en raison de changements drastiques qui se sont produits dans sa vie personnelle et professionnelle.
Les sept titres, strictement instrumentaux, sont aussi concis que leurs intitulés; claviers et guitares acoustiques y côtoient leurs homologues électriques avec bonheur. Ainsi, douceur et technicité alternent avec riffs rageurs et puissance.
Vous pourrez entendre des consonances de «Porcupine Tree» dont il a réalisé, par ailleurs, un cover en 2018 («Stop Swimming»). Les plus avertis retrouveront également des relents de Riverside. Il n’y a pas de réelles surprises, les enchaînements sont le plus souvent classiques et en font une écoute plaisante mais qui ne sera pas bousculée. Nous sommes en terre connue sur un chemin tranquille.
L’expérience de mixage et de mastering de Xiyu Yang est bien mise à profit et l’écoute de l’album trouvera là, dans cette clarté, cette netteté et cette précision, une satisfaction totale.
Publius Gallia
https://tsotf.bandcamp.com/album/sceneries-ii
https://www.youtube.com/watch?v=EX6uF7t7WoE

17/02/2024 : Solar Tide - A Small Piece Of Time

Solar Tide
A Small Piece Of Time
rock progressif symphonique – 45:49 – Brésil 2023
Solar Tide sorti de nulle part, d’Andy fan de rock prog des dinosaures tels que Pink Floyd, King Crimson, Camel et Genesis; Andy sort ce premier opus sur un modèle vintage souvenir.
«A Small Piece Of Time, Pt. 1» intro planante, psychédélique, un son monolithique glacé amenant l’air floydien au loin; des sons synthétiques électroniques se croisent avec une guitare luxuriante; instrument traditionnel grec au loin, tout est dans la sensibilité avant la venue d’une voix langoureuse, mystérieuse; retour du solo guitare aérien suintant de feeling. «Stormseeker» enchaîne, pad métallique psychédélique, vrombissant; vieux son avec l’orgue et un interlude de fait introduisant «Tales From Far Beyond» avec le son des 60, guitare haute, cristalline, limite hard bluesy, période psyché; break orgue divin avec un final lorgnant sur un «Atom Heart Mother», déroutant. «Reflections» pour la ballade mélancolique avec piano et chant aérien, chaud d’Andy, titre solennel sans particularité excepté un autre solo guitare qui arrache l’air ambiant. «Last Night of the Full Moon» dénote en proposant un rock convenu 70, entre psyché et rock heavy, donnant la part belle à la voix chantée; un ersatz des groupes proto hard prog qui tient la route. «A Small Piece Of Time, Pt. 2» reprend le côté orchestral avec une lente déclinaison camélienne, titre aérien pour voyager loin, très loin de la terre embrumée, pour plonger dans des atmosphères diffuses suintant d’émotion et de spleen; un dernier solo et un outro rapide à l’orgue, remballez les affaires c’est fini.
Solar Tide sort ce concept album parlant du temps et des liens qui nous unissent, sur la perte, la solitude, l’espoir. Une pensée musicale remplie de réminiscences prononcées, plus près du similaire que de la créativité, lançant des airs souvenirs bien ficelés pour un voyage apaisant.
Brutus
https://solartide1.bandcamp.com/album/a-small-piece-of-time
https://youtu.be/qse2zrn0VrY

18/02/2024 : Big Big Train - Ingenious Devices

Big Big Train
Ingenious Devices
rock symphonique vintage – 59:05 – Royaume-Uni 2023
Un disque qui célèbre, en studio, le passé du groupe et présente, en live, son futur. Car, à l'exception du court intermède «The Book of Ingenious Devices», tous les morceaux studio sont connus et chantés par le très regretté David Longdon. Le morceau de clôture est la seconde apparition en live d'Alberto Bravin qui a la lourde tâche de le remplacer. Et évacuons tout de suite ce point, il n'est pas Longdon, pas plus qu'il n'était Mussida auquel il succéda pour chanter dans la PFM. Ceci posé, c'est un super chanteur et nul doute qu'il saura apporter sa pierre au formidable groupe qu'est BBT, preuve cet «Atlantic Cables» qui clôture l'album.
Car BBT est formidable et même plus pour tous ceux, dont je suis, qui aiment le prog original typé vintage.
Les pistes studio sont des epics de 12 à plus de 15 minutes, comme sur les versions d'origine. Mais, mis à part la voix de David, tout à été refait, avec une section de 17 instruments à cordes. La piste initiale a complètement été réenregistrée par le groupe de 2019 et voit s'ajouter un solo de guitare que Dave Gregory ne faisait qu'en live, «Brooklands», lié par l'intermède susnommé, a vu sa partie rythmique batterie et basse refaite par les deux piliers du groupe que sont Nick D'Virgilio et Gregory Spawton. Rikard Sjöblom aux claviers (Beardfish), Andy Poole (guitare), Danny Manners (claviers), Rachel Hall (cordes) complètent ce line up de rêve.
Le tout pour un album jouissif à la bonne humeur communicative, feelgood music: des claviers enivrants, une basse articulée, une batterie inventive, des guitares lumineuses. On évolue, sans que cela ressemble à autre chose que du BBT, entre Yes et Genesis, rock lyrique symphonique vintage.
Si ce n'est déjà fait, embarquez à bord de ce Big Big Train et devenez un «passenger» (le nom de la sympathique communauté de fans).
Et s'ils passent pas loin, ou si vous souhaitez assister au dernier (?) festival Night of the Prog, foncez les écouter; vous trouverez certainement un train pour vous y amener!
Cicero 3.14
https://bigbigtrain.bandcamp.com/album/ingenious-devices
https://www.youtube.com/watch?v=gM4rmPS_2vI

19/02/2024 : Steve Hackett - Foxtrot at Fifty + Hackett Highlights: Live in Brighton

Steve Hackett
Foxtrot at Fifty + Hackett Highlights: Live in Brighton
rock progressif – 133:04 – Angleterre 2023
Guitariste de Genesis de 1971 à 1977, Steve Hackett nous livre ce «Foxtrot» version 2022 (2 CD et un Blu-ray), à l’occasion du 50e anniversaire de la sortie de l’album.
Le line up est identique à celui de «Genesis Revisited Live: Seconds Out & More», paru il y a un an: Roger King (claviers), Jonas Reingold (basse), Nad Sylvan (chant), Craig Blundell (batterie), Rob Townsend (saxophone, percussions, claviers, chant) et Amanda Lehmann (guitare, chant). Une excellente équipe qui accompagne Steve Hackett depuis pas mal de temps et qui a fait ses preuves, c’est le moins qu’on puisse dire, pour nous restituer au mieux, scrupuleusement, le son des albums originaux. La qualité d’ensemble est remarquable. On a droit à un solo de batterie, entre «Firth of Fifth» et «Los Endos», et à un solo de basse («Basic Instincts»). Le Blu-ray est aux normes actuelles (son 5.1 DTS-HD parfait et excellente image). On se plaît à (re)découvrir ce véritable monument de la musique prog; on se souvient avec bonheur du Mellotron de Banks dans l'incontournable «Watchers Of The Skies», de la 12 cordes magique de Steve Hackett dans «Horizons», des trouvailles rythmiques de Phil Collins dans «Supper’s Ready», des divagations vocales de Peter Gabriel sur ce même titre... Il ne manque qu’une reconstitution de son jeu scénique. Mais ne rêvons pas.
L’agencement des titres est habituel dans la production des CD et Blu-ray des concerts de Steve: quelques titres personnels accompagnent (précèdent ici) les six de l’album «Foxtrot». Ce qui fait que certains morceaux (e.a. «Shadow of the Hierophant») reviennent régulièrement au fil des productions. D'autres titres, extraits d'albums déjà présents sur d'autres CD et Blu-ray, font parfois double emploi. Je me demande d’ailleurs comment sera agencé le prochain «The Lamb Lies Down On Broadway», un des derniers albums que Steve Hackett n'a pas encore revisités, qui sortira sans doute en 2025 et reprendra le tour 2024. À suivre…
Vivestido
https://open.spotify.com/intl-fr/album/1AMnaLxFSYmCP4j4G92xEF
https://www.youtube.com/watch?v=bFgdvFnAVX0

20/02/2024 : Darsombra - Dumesday Book

Darsombra
Dumesday Book
space rock psychédélique – 74:54 – États-Unis 2023
Le côté délirant présent dans les vidéos du groupe apparaît peu dans sa musique, auto-qualifiée de "trans-apocalyptic galaxy rock", de longs développements pour lesquels le duo américain Darsombra, Ann Everton aux claviers et percussions, Brian Daniloski à la guitare (tous les deux au chant), puisent dans la tradition krautrock allemande et le rock psychédélico-spatial, racontant leur point de vue sur la pandémie en dix morceaux aux titres explicites: «Shelter In Place», «Call The Doctor», «Plague Times», «Everything Is Canceled»… Le titre de ce double LP, «Dumesday Book», fait référence au «Livre du Jugement Dernier», une sorte de recensement national (son propos, indiscutable, a force de loi) compilé en 1086 pour le compte de Guillaume le Conquérant: qui conquiert bien se doit de bien administrer, et savoir qui possède quoi (en terre, en bétail…) est indispensable pour récolter l’impôt. Everton et Daniloski composent l’essentiel du disque pendant le confinement du printemps 2020, peaufinent ensuite les musiques pendant des mois, avant de les enregistrer sur leur home studio: on y trouve des progressions convaincantes («Azimuth»), mais aussi des langueurs («Nightgarden») dont les étirements le sont moins – l’impact du virus, de la longue mise en retrait à laquelle il nous a réduits, sur la créativité?
Auguste
https://darsombra.bandcamp.com/album/dumesday-book
https://www.youtube.com/watch?v=Hw8_l4QZfvI

21/02/2024 : Eric G - Metamorphosis | Waiting time

Eric G
Metamorphosis | Waiting time
Berliner Schule – 51:36 | 39:24 – Suède 2023
La totalité de la discographie de notre Suédois a été créée dans les années 80. Vingt-quatre albums plus ses participations collectives. Tous ces opus ont été «réincarnés» par l’artiste entre 2001 et 2023. Nouveau matos, nouvelles sonorités. Il s’agit donc bien de «nouveautés» et pas d’un simple «remaster» comme beaucoup ont pris l’habitude de nous servir. Ne vous présenter qu’un seul album eût été par trop limitatif et donc j’en ai épinglé deux pour habiller cette chronique. Un premier que je trouve exceptionnel («Metamorphosis» - 1984) et un second choisi pour le fait qu’il est en sus le plus «récent» («Waiting Time» - 1989). Nous nageons ici en pleine Berliner Schule et l’empreinte des Maîtres du style y est bien présente. On pensera surtout à Klaus Schulze pour «Metamorphosis» et ses séquenceurs endiablés complétés en ouverture et en fin de plage par des notes aériennes qui évoquent à coup sûr Pink Floyd in «Wish You Were Here». L’album «Waiting time» naît d’une anecdote: Eric avait un rencart avec une fille peu regardante à l’élémentaire politesse de la ponctualité. Las d’attendre, il décide de composer la première plage («Before Arrival») dans son studio. Si la fille s’est fait désirer, les Muses étaient au rendez-vous! Comme quoi, tout événement peut donner naissance à de petites perles musicales. Quand elle est partie une semaine plus tard, il a composé le second titre, «After Departure», dont les textures évoquent d’abord Tangerine Dream, couleur «Ricochet», avant de se fondre dans la galaxie KS (on pense à «Body Love»). Deux titres pour un album que l’on aurait rêvé plus développé. Une recette qui tue: rythmes séquentiels et envolées cosmiques se fondent dans un vortex peuplé de pulsars. Mini-moog, Taurus 1, Modular, Marchis Les Paul et Jupiter 8 sont quelques-uns des instruments utilisés pour ces voyages électroniques qui confirment s’il le fallait encore que l’héritage des pionniers du genre est loin d’être un fantôme du passé. Des ouvertures très planantes avec chœurs séraphiques (le superbe «Before Arrival» encore) où frémissent des moires floydiennes qui invitent des séquences rythmées cascadant sur des nappes ponctuelles de Mellotron 4000D mini. Parmi les autres albums qu’il vous faut découvrir si vous êtes fan de cette branche de l’e-music: «Mokuso» (titre éponyme sublime), «Neophyte» («Impressions» est superbe), «Three Ancestors» (où l’on retrouve des accents floydiens), «Pathos» et son lumineux «Recreant», «Nophricord» dont le «Black Star» évoque divinement le grand Klaus et le fabuleux «Mindseeker» construit sur une unique plage de 42 minutes de total bonheur où se glisse en coda un hybride Göttsching mâtiné «Bayreuth Return».
Clavius Reticulus
https://ericg1.bandcamp.com/album/metamorphosis
https://ericg1.bandcamp.com/album/waiting-time
https://www.youtube.com/watch?v=swLZYPAxtQU

22/02/2024 : Rob Gould and Friends - Nursery Cryme

Rob Gould and Friends
Nursery Cryme
rock progressif vintage – 51:39 – Angleterre 2023
Il y a d’abord un chef-d’œuvre, «Nursery Cryme», un de ceux dont on dit: «one small step for man, one giant leap for progressive rock», avec un line up mythique pour le composer et l’interpréter en 1971.
Et, quitte à me fâcher avec de nombreux fans, j’en profite pour affirmer que c’est la tranche 71/75 qui concentre tout l’intérêt artistique de ce groupe phare qu’était Genesis. Au-delà de cette époque nous fûmes orphelins.
Il y a ensuite, l’auto-instauré (et vénéré) «gardien du temple» avec ses «Genesis revisited».
Il y a aussi les diverses reprises, par-ci, par-là, dont quelques-uns nous ont fait cadeau avec plus ou moins de bonheur.
Et il y a, enfin, ces groupes capables de recréer sur scène, aux gestes et à la note près, tels concerts de légende permettant aux plus jeunes de remonter le temps et de toucher du doigt la Magie.
Et il y a le périlleux exercice qui consiste à réétudier le mythe pour tenter d’en extraire la substantifique moelle…
C’est ce à quoi c’est attaqué Rob Gould, confronté à deux risques majeurs: produire un clone blafard avec, au mieux, une meilleure production, ou commettre un crime de lèse-majesté en dénaturant l’œuvre et être voué aux gémonies.
Pour l’anecdote, sachez que Rob Gould avait déjà réenregistré «Pawn Hearts» de VdGG que je n’ai pas écouté, mais en ce qui concerne «Nursery Cryme», eh bien, il ne s’en sort pas si mal notre Rob!
Aucun inattendu dans l’ensemble, l’œuvre est respectée. Les voix font le boulot, soutenues par quelques chœurs. C’est la musique qui révèle le plus la «Gould touch» surtout durant les solos. Les renforts de guitares sont massifs, les sons de claviers vintage autant que possible et la section rythmique est impeccable.
Deux bonus sont offerts en fin de disque, «Twilight Alehouse» qui avait fait la face B de «I Know What I Like in Your Wardrobe», un single de 1973.
Mais il y a surtout «Happy the Man», une chanson intéressante des débuts de Genesis.
Publius Gallia
https://www.youtube.com/watch?v=psczaZ_v8HU

23/02/2024 : Moon Safari - Himlabacken Vol.2

Moon Safari
Himlabacken Vol.2
rock progressif symphonique – 68:49 – Suède 2023
C’est avec une ferveur non dissimulée que le sextet suédois Moon Safari nous délivre son magnifique 6e album studio en cette fin d’année 2023, plusieurs fois repoussé, après un hiatus de presque 10 ans pendant lequel le groupe a vécu comme nous tous la pandémie du Covid, la joie de la paternité pour certains membres et aussi un changement de line up et non des moindres: le remplacement du batteur originel Tobias Lundgren par Mikael Israelsson, du groupe aussi suédois Black Bonzo, et déjà présent sur le double «Live In Mexico» sorti en 2014.
Suite très attendue du 1er volume sorti en 2013, l’opus démarre en trombe par une introduction à la sonorité dynamique de synthé similaire au «Jump» de Van Halen (clavier Oberheim OB-Xa) et se poursuit tout au long de l’écoute par un mélange de références superbement interprétées et identifiables par Moon Safari: oscillant entre un style très proche des maîtres de l’AOR (Journey, Toto), Styx («Between the Devil and Me»), celui de leurs comparses d’A.C.T. (le single «Emma, Come On», «Blood Moon») et le rock voire metal symphonique proche des regrettés Américains de Shadow Gallery ou des Islandais de Todmobile, en particulier sur les 21 minutes de la pièce maîtresse et épique «Teen Angel Meets the Apocalypse»! Grandiose.
Sans oublier la magnifique ballade «A Lifetime To Learn How To Love», remplie d’émotions.
La principale marque de fabrique des Suédois est sans conteste aussi la sublime association des voix de chaque membre du groupe: écoutez «Beyond The Blue» et vous ne pourrez qu’apprécier leur travail vocal.
L’attente fut certes longue mais voilà une œuvre commune de grande qualité!
Vivement conseillé.
Caligula
https://moonsafari.bandcamp.com/album/himlabacken-vol-2-24-bit-audio
https://youtu.be/kzE4B68a1Uc

24/02/2024 : Monarch Trail - Four Sides

Monarch Trail
Four Sides
néo-progressif symphonique – 73:29 – Canada 2023
Monarch Trail découvert en 2021, je ne pouvais rater leur 4e opus; surfant sur IQ, Marillion, Camel, Yes, ELP et Genesis avec de bons soli, j’avais envie de voir de plus près ce néo-prog mélodique de Ken Baird ayant déjà nombre d’albums perso à son actif.
«The Oldest of Trees» synthé gras, le son est là; une voix chaleureuse vient se greffer, tempo lent, une basse et les claviers de Ken se mettent en branle; direction Genesis seconde mouture; des tiroirs, des escaliers de sons qui lorgnent ELP, Camel, Clepsydra, les voix des BJH; ça virevolte d’un entrain sirupeux, un son moderne comme ce break à mi-parcours vrombissant puis planant, symphonique et aérien; tiroirs avec batterie et breaks claviers du temps où l’on prenait le temps; bref pas de réelle structure progressive, une ambient-mélodique musique. «Eris» surprend par son intro venteuse atmosphérique; musique électronique, latente, aérienne, S-F, sur Tangerine Dream d’antan; 6 minutes et cette montée d’orgue d’église à te couper le souffle, une envolée de notes et ça part sur un trip très linéaire, virevoltant et symphonique!
«Twenty K» 3e et dernier long titre; titre couplet-refrain bien orchestré et consensuel avant la sempiternelle dérive progressive, le solo guitare de Kelly qui a joué sur Negus s’associant admirablement avec les claviers de Ken; un titre épopée musicale qui sent la fraîcheur bucolique et la qualité d’orchestration. «Moon to Follow» pour l’une des deux pistes courtes; très bon prog mélodique et symphonique, son rappelant les mélodies des Genesis, dérive piano de jazz de comptoir immersif puis montée piano, clavier, hop deux notes génésisiennes qui fleurent bon, je vous laisse deviner lesquelles. «Afterthought» pour l’instrumental, rêverie bucolique néo-classique grandiloquente, grande épopée lyrique transcendant le piano, finissant l’album en les mettant en avant.
Monarch Trail épaissit sa tessiture musicale depuis qu’il a monté ce groupe après une recherche personnelle, au point qu’il est souvent surnommé le Genesis canadien; pour tout fan de claviers, pour ceux qui adorent le sympho-prog et pour ceux qui aiment se détendre sur des sons gras et fournis, rappelant ceux de Steve Babb et Tony Banks; le bât blesse avec une légère sensation de redite.
Brutus
https://monarchtrail.bandcamp.com/album/four-sides
https://youtu.be/IGzBdnLKMlI

25/02/2024 : I Spy - While The War Began

I Spy
While The War Began
rock progressif épique symphonique – 79:54 – Pays-Bas 2023
J'espère avoir... piqué votre curiosité en catégorisant cet album de prog epic, car ce double LP de 4 titres en 20 parties le mérite bien. Après plus de 3 décennies de silence, I Spy revient avec 4 faces epic: «Unforgotten», «Fearless», «War» et «Odyssey».
L'ouverture «Unforgotten», absolument enchanteresse, attise la curiosité et l'envie de se plonger dans cet univers assez vintage teinté de metal et d'opéra. Vintage dans les instruments ou dans la manière de Crimson «Scars», «Cyclops», ou celle du Bowie berlinois sur «The Blue Lab», du Floyd «Dreamchild» ou «Wiper», de Genesis «While The War Began», de Jethro Tull «Circe's Meadows»...
La voix d'Aernout Steegstra, bien que sonnant parfois comme celle de Bowie ou de Ian Anderson, possède autant de personnalités que son chant théâtral le demande. Après le prog epic, j'ajoute un caméléon dans le bestiaire! Erik Westerhof (guitares), Peter Duinkerken (claviers) et Harry Poelman (basse), les 3 autres vétérans d'I Spy, accueillent Joost van Soest à la batterie. À ce quintet, un bon nombre de guests cordes, cuivres et vents parmi lesquels je souligne Eric Vloemens (trompette), présent sur 10 parties, et Paul van Batenburg pour une intervention jacksonienne sur «Superstitious».
L'ensemble de cet album est fait d'une musique où instruments et mélodies s'enchevêtrent pour le plus grand bonheur de tout fan de prog; ces gars-là ont écouté la même musique que moi, revendiquant la «prog-rock royalty» et leur créativité a fait le reste!
Prenez 9 minutes et écoutez «Unforgotten», «Terminal One» et «Cyclops», vous ne pourrez résister à tout savourer!
Cicero 3.14
https://ispy.bandcamp.com/album/while-the-war-began
https://www.youtube.com/watch?v=dU8ry_rHLUI

26/02/2024 : Bruno Karnel - Hic sunt dracones

Bruno Karnel
Hic sunt dracones
rock progressif heavy – 48:50 – France 2023
Le chant de Bruno Karnel, approximativement ajusté, dégage une fragilité, un peu à la manière du Mellotron incapable de maintenir son accordage pendant tout un concert, ou du producteur mancunien Martin Hannett s’ingéniant à dérégler (juste ce qu’il faut) le synthé de Bernard Sumner lors de l’enregistrement des albums de Joy Division: volontaires ou inopinées, maladresses pour les uns, ces accommodations révèlent l’imperfection, la nature même de l’humain – et par là même, touchent. «Hic sunt dracones» se réfère à la formule latine utilisée en cartographie médiévale pour attirer l’attention sur les limites de territoires inconnus ou dangereux (à l’instar des serpents de mer et autres créatures mythologiques dessinées dans les zones vierges d'une carte), lieux que Karnel se propose d’explorer au travers d’une bonne dizaine de chansons, pour lesquelles il invite cette fois un panel de musiciens (le Covid est fini, on peut voyager), dont la violoncelliste Polina Faustova qui circonvolutionne joliment la mélodie de «Négatif des vagues», le claviériste Alessio Medeot (par exemple sur «Mare congelatum (Der Wanderer)») ou le batteur Pavel Ljubičić (sur tous les morceaux). Chantés en français ou en anglais, les titres ont une saveur progressif heavy («Musique obsidienne»), avec quelques incidences post-rock («Kusi Kuyllur»).
Auguste
https://bitumeprods.bandcamp.com/album/hic-sunt-dracones
https://www.youtube.com/watch?v=EL_Cidlg4xk

27/02/2024 : Sylvain Carel - Secrets of the Red Sea | Atlantide

Sylvain Carel
Secrets of the Red Sea | Atlantide
cinématique / atmosphérique ethnique / vangélien – 65:27 | 58:59 – France 2022
J’ai mis ces deux albums en parallèle pour illustrer le plus complètement possible, dans cette chronique, les veines musicales explorées par notre ami Sylvain. Le plus souvent, son inspiration vient des horizons du Moyen-Orient que l’on retrouvera ici plutôt dans l’album consacré aux secrets de la Mer Rouge. Les neuf titres qui composent l’opus baignent dans ces langueurs mystiques par des accords atmosphériques où se mêlent ponctuellement des chants orientalisants. Mais pas que. J’y ai trouvé des spectres zimmériens (pas cimmériens, quoique) et même floydiens. L’ombre de Hans Zimmer est palpable par ses «chœurs» distillés en dose homéopathique sur «H. de Monfreid» mais plus encore évoquent la bande originale de «Gladiator» dans «Maharam Bilgis», oscillant entre pure ambiance atmosphérique et cinématique. Courant new age pour un subtil «Far in the Awwam Sands» où se greffent arpèges de piano et interventions vocales épisodiques. Après plus ou moins 4 minutes, on discerne comme un écho floydien façon «Wish You Were Here». Et comme si ça ne suffisait pas, côté références, ajoutons Vangelis dans le magique «Queen of Sheba» digne des 1001 nuits! Album d’un bout à l’autre très calme et enveloppant si ce n’est le final de «Looking for the Golden Throne» en mode dance qui fait un peu tache. Les colorations vangéliennes sont bien plus présentes dans l’album «Atlantide». Sans oublier les consonances arabisantes qu’il affectionne, Sylvain offre des phrasés plus électroniques avec des séquenceurs doux mais surtout des envolées synthétiques dignes du grand Vangelis. Il ne peut se détacher totalement de son amour pour les mélopées lascives du peuple du désert et on les retrouve en filigrane dans «Here was the Kingdom». «Testament» est de plain-pied dans l’univers cinématique d’Evángelos Odysséas Papathanassiou. «Last Temple Incantation» est de la même eau et flirte significativement avec la BO du film «The Bounty» de Roger Donaldson. «Sunken Secrets» est majestueux, vangélien une fois encore, presque symphonique. Chœurs séraphiques et rythmique travaillée sur un tempo oriental viennent compléter cette composition digne des dieux atlantes. «The Golden Doors» s’inspire aussi à fond du grand compositeur grec et toujours en reflet des mers sur lesquelles navigue le Bounty. Des compositions étincelantes serties de chœurs moirés. «Detected» démarre doucement, égraine des notes de harpes où viennent se greffer des rythmes plus dansants et un récitatif ponctuel. On est proche du chill-out cette fois très similaire aux compositions de Schiller qui ne dédaigne pas non plus quelques colorations mélodiques des mille et une nuits. «Sanctuary» clôture le voyage par des notes toujours proches de l’univers Papathanassiou. Majesté modérée, symphonisme discret, luminance des notes, psithurisme mélodique qui font courir ce petit frisson de félicité le long de l’échine. Deux petites perles qui ne dépareront pas votre CD-thèque (ou votre disque dur).
Clavius Reticulus
https://sylvaincarel.bandcamp.com/album/secrets-of-the-red-sea | https://sylvaincarel.bandcamp.com/album/atlantide

28/02/2024 : Apogee - Through The Gate

Apogee
Through The Gate
rock progressif – 68:31 – Allemagne 2023
Arne Schofer (multi-instrumentiste) et son partenaire Eberhard Graef (batteur) viennent de sortir leur douzième album.
La prépondérance des claviers, comme la pochette pouvait nous laisser le suspecter, invite à l’exploration d’univers progressifs classiques des années d’or (Jethro Tull, Yes, Genesis, Gentle Giant, ELP, UK, Rush), mais l’écoute dévoilera également des influences de la musique classique contemporaine, du folk rock, du heavy rock et même des influences de jazz.
La voix d'Arne renforce cette plongée dans le passé que complètent les interventions de la guitare.
Si la musique vous fait penser à «Versus X», vous êtes sur la bonne voie.
Toutes les caractéristiques de base comme la composition et les arrangements, la musicalité et la performance, le son global et le son en tant que tel, enfin, correspondent entièrement à la qualité attendue d’un album de cette catégorie musicale.
Le vaisseau (d’exploration) comprend quatre longues pistes (12 à 15 minutes) et deux pièces plus courtes (5 à 8 minutes) qui raviront les nostalgiques qui privilégient les aspects mélodiques aux démonstrations techniques.
Les paroles, en anglais, laissent apparaître des préoccupations bien ancrées dans le présent vis-à-vis de l’avenir des hommes et du monde et de nos actions et réactions pour le vouloir meilleur… Ou pas!
Un très bon album, donc, un peu hors du temps qui vous renverra dans le passé mais avec un son et une production tout à fait actuels.
Publius Gallia
https://www.youtube.com/watch?v=UNDxIB9sjsM

29/02/2024 : Cen-ProjekT - Dark Clouds

Cen-ProjekT
Dark Clouds
rock progressif symphonique – 56:26 – Allemagne 2023
Cen-ProjekT c’est Chris Engels, musicien prolifique qui sort ici son 9e album; une recherche musicale et des textes sur la nature, notre passage rapide sur Terre, un moment capté et mis en lumière, beauté.
«No passions» son archaïque, arpège hackettien, voix grasse, chaude, un son doux avec un orgue au loin et la batterie douce, le break synthé sur les grands MMEB, envolée à la Banks, immense. «Fleeting spark» même schéma, titre consensuel au départ puis dérive progressiste avec orgue saturé et guitare sur celle de Gilmour, le synthé à la Genesis 2e mouture amplifiant l’effet musical; final sur les claviers. «Hand in hand» Mellotron sur un vocal triste, tout va bien, une rythmique mélodique et cette batterie électro; le break toujours garni, synthé et basse contemplatifs. «I can fly» l'intro latente mélodique, avant le démarrage de l'orgue; couplet consensuel puis le son divin à la Banks mais c'est bien Chris aux manettes, tiens un p'tit relent Pink Floyd ça n'arrête pas; ouverture prog pas une fermeture régressive. «The Phoenix» electro, rapide, un air enjoué pour une déclinaison avec pad synthétique, les sonorités enflent, déflorent les enceintes, magnifique exercice de style.
«In their realm of silence and hue» intro avec quelques secondes renvoyant à une toccata et fugue; titre différent avec plus d'électronique et une envolée monolithique sur Rick Wright, envoûtante, englobant le son prog adorable; le concept album doit être nommé sur cet opus, un superbe mais trop court solo guitare avant un autre en lave du clavier; des réminiscences qui s'envolent et donnent envie de se replonger dedans. «From nothing to life» qui me plonge dans «Ripples» oui juste mon avis; la basse assène, les chœurs font place à cette guitare souvent mise en retrait; c'est tellement beau que le vocal dérange presque; l'air mid-tempo pour rentrer dans le prog contemplatif; solo clavier onirique qui chauffe, le meilleur titre. «The boy and his butterfly» du vent, le piano, Chris pour la ballade intimiste, dark qu'aurait pu reprendre les Mystery; break solo à méandres avec deux notes tirées d'un titre génésisien. «Dance of existence» final sur une terre nipponne, titre similaire, consensuel après ce déluge de sons progressifs après cette baffe musicale.
Cen-ProjekT vient de sortir un OMNI qui va essaimer d'autres petites perles à n’en point douter, entre réminiscences claviers jouissifs et envolées lyriques solennelles sombres pour égayer cette fin d’année.
Brutus
https://cen-projekt.bandcamp.com/album/dark-clouds
https://youtu.be/BFHn0-AluzE

29/02/2024 : Triacs - Terrastall EP

Triacs
Terrastall
rock progressif – 19:05 – États-Unis 2023
Triacs est une fraîche petite folie qui demande à se faire apprivoiser. Parce que, les petits gars, rien n'est très policé là-dedans: 1/Elliot Cross, un chanteur qui ne cherche pas les repères et qui déchiquette grave sa guitare, 2/Jack Christensen, un bassiste fredonnant qui passe douze fois à la dizaine la barre du son, 3/Eric Anderson, un batteur qui ferait bien assumer aux autres son accompagnement! L'épopée a pris forme la première fois en l'an covid 2021, sur l'EP «Foundations». C'était cohérent et non sans intérêt. On a une pensée pour le «Bleach» de Nirvana: un premier jet coup de poing. Qui plus est, le final «Hypochondria» ne manque pas de forces! Deux ans passés, ils refont l'EP avec «Terrastall». Là-dessus, leur son est plus compact que sur le précédent et nettement mieux produit. Nos trois rejetons ont ici mieux saisi la voie qu'ils voulaient emprunter. Sur ce, le titre éponyme fait une entrée bien trempée tous instruments confondus. Les voix front and back du trio se mêlent et se démêlent en parfaite harmonie. L'equalizer ne tardera pas à être prog avec ses fulgurances guitare/basse/batterie. La coupure est nette sur «Parasite». Mais c'est s'arrêter pour mieux riffer. La fanfare tardera peu à reprendre. Christensen fait des ravages avec ses doigts couverts par le ferraillage en règle de Monsieur Anderson. Sur «Iron» et «Vanity», les cisaillements des trois sont plus rapides, plus condensés. Y’a le feu! La section rythmique est portée en vedette sur tout l'enregistrement. En comptant les six cordes inévitables, c'est une affiche à trois têtes qu'on nous projette là. Au fur et à mesure, leur complicité va se «siamoiser» jusqu'à leur presque totale fusion. Entre-temps, leur produit fait zic et zac. L'affaire rebondit dans toute la pièce sans désemparer, c'est un ping pong sur quatre manches, une saccade qui pourrait durer à l'infini. C'est, comme qui dirait, toute la signature de «Terrastall». Un album équilibré dans un triangle rebondissant qui se passe des conventions artistiques. Le bout qu'on tient ici n'est toutefois pas suffisant pour jauger si on tient de belles promesses. À voir donc… si vous voulez bien!?
Kaillus Gracchus
https://flossrecords.bandcamp.com/album/terrastall
https://www.youtube.com/watch?v=HFTmZl-hSxM