Mars 2024

01/03/2024 : LogoS - Bokeh

LogoS
Bokeh
rock progressif italien – 89:34 – Italie 2023
«Bokeh» signifie flou; cette compilation est comme une vieille photographie; une intention sincère d'immortaliser un passé authentique, même s'il était imparfait. C'est en ces termes que LogoS présente ce remix/remaster de leurs 2 premiers albums initialement publiés en 1999 («Logos») et 2001 («Asrava»). Le groupe avait 3 ans, leur projet musical n'était, alors, pas encore très net, mais la piste initiale «Il grande fiume», epic de 18 minutes en impose immédiatement. Comme l'ensemble de l'album, elle fut enregistrée en live, avec simplement des overdubs pour les voix et certains soli. Le résultat est vraiment bon, la valeur n'attend pas le nombre des années, le groupe ne s'était illustré auparavant que comme cover band de le Orme et BMS. La voix haut perchée de Luca Zerman (voix et claviers) qui rappelle inévitablement celle d'Aldo Tagliapetra de le Orme apporte une couleur familière, mais les compositions ne sont en rien faites «à la manière de».
L'album initial, passé l'epic, montre de jolies choses, même si cela peu paraître léger, parfois dans les transitions ou dans le traitement d'un thème. Il reste plus monolithique, le 2e ouvrant un éventail plus large, parfois plus heavy, quitte à manquer, un peu, de cohérence.
Mais l'ensemble est très touchant de sincérité, et ajoute avec une belle qualité sonore un bel écrin à la discographie de LogoS qui avait marqué les esprits en 2020 avec son superbe 4e album «Sakado e le Mille gru di carta».
Actuellement, LogoS est toujours composé des piliers que sont Luca Zerman, Fabio Gaspari (basse, guitares et voix) et Alessandro Perbellini (batterie) présent depuis le début. Seul Claudio Antolini (claviers) n'est arrivé qu'en 2004 pour compléter ce groupe dont je vous conseille chacun des albums que vous pourrez facilement découvrir avec le lien pour leur site Bandcamp ci-dessous.
Profitez!
Cicero 3.14
https://logosprog.bandcamp.com/album/bokeh
https://www.youtube.com/watch?v=dbHpeAIPJcE

02/03/2024 : Billie Bottle's Temple of Shibboleth - The Mending Tour

Billie Bottle's Temple of Shibboleth
The Mending Tour
canterbury – 72:17 – Royaume-Uni 2023
Avec un découpage centré sur les activités traditionnelles de la ménagère des années 1960 (agenouillée à l’église, les mains dans la lessive, guidant le fer à repasser, passant le fil dans le chas pour raccommoder ou mouillant le sachet d’infusion – à chaque jour sa tâche et au dimanche le repos; une façon nécessaire pour Billie Bottle de structurer un temps de confinement), le premier disque de son Temple of Shibboleth, paru en mars 2023, trouve ici sa version live, enregistrée au Wiltshire Music Centre de Bradford on Avon, salle réputée pour bénéficier de la meilleure acoustique en dehors de Londres: le groupe, fait de Billie Bottle (voix et claviers – ah oui, et aussi: savon), Viv Goodwin-Darke (flûte, voix – ah oui, et aussi: fer à repasser), Roz Harding (saxophone alto, voix, flûte à bec ténor, carillons éoliens – ah oui, et aussi: bouilloire), Anna Batson (basson, voix – ah oui, et aussi: aspirateur) et Emma Holbrook (batterie, cymbales, samples, pandeiro – ah oui, et aussi: marteau), délivre une musique aux accents progressifs résolument teintés de jazz (et de folk), dans la tradition, modernisée et accessible, de l’École de Canterbury – Richard Sinclair tient la basse sur la version studio de «Ironing Days» (Billie Bottle a joué un temps avec le cousin Dave Sinclair, lui aussi ex-Caravan). Pas mal.
Auguste
https://billiebottle.bandcamp.com/album/the-mending-tour
https://www.youtube.com/watch?v=N_IK4KuTmXA

03/03/2024 : Half a Band - Deep in the night

Half a Band
Deep in the night
pop rock – 57:32 – France 2023
Pour ceux qui, comme moi, ne le savent pas, apprenez que Half a Band est le projet solo du multi-instrumentiste auvergnat Olivier Bonneau, également claviériste du groupe Grandval. C’est d’ailleurs après la sortie de la fin de la trilogie des éléments de Granval qu’Olivier Bonneau s’est attelé à cet album.
Half a Band, c’est dix ans d’existence et ce vingtième album qui nous offre sept nouveaux titres.
Le précédent album avait déjà été chroniqué dans nos pages par le collègue Commode qui notait que la voix n’était pas toujours bien assurée; mais c’est un tout petit inconvénient au vu de la musique qui serpente langoureusement dans les replis de l’inconscient, avec cet incontournable effet Pink Floyd des débuts. Ce constat est toujours d’actualité, même si la voix me paraît ici un peu plus posée.
Les titres de ce dernier album explorent les sons des albums pop-prog des années 80 comme Tears for Fears, Talk Talk, Genesis, Peter Gabriel. Vous y trouverez également des morceaux plus mélancoliques plus proches de la dream pop et du post-rock.
L’ensemble est plus qu’agréable avec ce qu’il faut de nappes de claviers, de riffs de guitare et de punch de batterie alternant les temps calmes et ceux plus tempétueux.
Les lois du classement de fichiers étant ce qu’elles sont (alphabétiques), c’est la chanson titre que j’ai écoutée en premier lieu quand j’ai commencé à chroniquer l’album (puis j’ai tout remis en ordre). Le choc éprouvé à l’écoute de ce morceau l’a inscrite comme ma préférée, même si chacune des autres vaut le détour. Je positionnerai en seconde position celle qui suit «Deep In The Night», à savoir «Out On The Moors».
Publius Gallia
https://vallislupi.bandcamp.com/album/deep-in-the-night
https://www.youtube.com/watch?v=s1pvxs1WMts

04/03/2024 : Sendelica - Man, Myth & Magic

Sendelica
Man, Myth & Magic
rock psychédélique – 77:49 – Pays de Galles 2023
Avec quatre longs développements, un par face d’un double Long Playing, Sendelica, quatuor basé à l’ouest du Pays de Galles (Peter Bingham aux guitares, Colin Consterdine à la batterie et à l’électronique, Lee Relfe au saxophone et Glenda Pescado à la basse), poursuit sa quête entamée en 2021 avec «And Man Created God» (la relation de l’homme avec la religion) et, l’année d’après, avec «One Man's Man» (les origines de l’homme, sa destinée): «Man, Myth & Magic» explore les frontières entre magie et science, entre mythe et réalité (vaste et éternel chantier). Le quatuor, ici aidé des Moog, claviers et autres synthétiseurs de Mika Laakso, imagine une musique, instrumentale, aux confins du rock psychédélique, du space rock et de l’ambient – Bingham tâte aussi de la guitare Mellotron et enrichit la palette du groupe de quelques field recordings. Trippant.
Auguste
https://sendelica.bandcamp.com/album/man-myth-magic
https://www.youtube.com/watch?v=aGvH6KuAY78

05/03/2024 : Astral Magic - Sacred Mysteries

Astral Magic
Sacred Mysteries
space rock / psychédélique / cosmic ambient – 41:22 – Finlande 2023
Santtu Laakso, le bassiste finlandais et synthétiste mooguétiste du groupe Dark Sun, formé en 1991, a déjà plus de 30 albums à son actif. Il opère dans ces genres variés mais cousins que sont le space rock, le psychédélique et le cosmic ambient en passant par le krautrock. Quand on sait qu’il a lancé son projet Astral Magic durant la période covidienne, on se dit qu’il ne doit pas dormir beaucoup. Ceci pour rappel, vu que j’ai déjà chroniqué plusieurs de ses albums sur cette page. Le premier nom qui vient en référence à sa musique est bien sûr encore Hawkwind dont on retrouvera ici d’inévitables textures. Le tempo de certains rythmes ainsi que la voix scandée évoqueront parfois Kraftwerk de l’époque «Autobahn» sans la froideur mécanoïde du groupe de Düsseldorf. «The Other World» rejoint la mouvance «ambient cosmique» avec une touche orientalisante par les balbutiements du Moog et des notes qui s’évaporent au-dessus des mers de Chine. «Blow Your Mind» s’éloigne de tous ces styles et renoue avec une ambiance plus pop rock. Idem pour «Watchers» avec des sonorités Kraftwerk encore par une mélodie qui fait ici aussi légère référence à «Autobahn» («Kometenmelodie»). «Transmission Omicron» est l’intermède bruitages cosmiques, une parenthèse soundscape où l’artiste parcourt le clavier comme pour un échauffement. Amusant. «Phases» est le plus hawkwindien des titres de cet album. Tout y est: le jeu de guitare, le saxo, le rythme de la batterie. Excellent trip space-rock servi par un solo de guitare que ne dédaigneront pas les étoiles. On reste dans les teintes du faucon ensuite pour une ballade stellaire sans prétention. Les crépitements du synthé en toile de fond assaisonnent la sympathique partition de guitare qui clôture l’opus. Un bon album très accessible mais qui laisse un peu l’amateur plus pointu sur sa faim.
Clavius Reticulus
https://astralmagic.bandcamp.com/album/sacred-mysteries
https://www.youtube.com/watch?v=K1w150Vi1gA

06/03/2024 : Lifesigns - Live in the Netherlands

Lifesigns
Live in the Netherlands
rock progressif – 98:38 – Angleterre 2023
Après avoir sorti trois albums studio, Lifesigns publie déjà son deuxième album live. Personnellement, je dois avouer que cette habitude d’alterner un album studio et un album live a un peu tendance à m’agacer. Bien évidemment, je comprends parfaitement l’importance pour des groupes de conserver l’attention médiatique et le following de leurs fans. Il n’empêche que, ces sorties sollicitant le portefeuille des fans, il est nécessaire d’offrir quelque chose de réellement différent.
Lifesigns fait assurément partie du gratin des groupes actuels. Leurs trois albums studio regorgeaient de compositions chatoyantes et d’arrangements soignés le tout servi par une production hors du commun. L’épreuve du live représente donc un risque car la barre est mise très haut.
Dans le cas présent, l’objectif n’est à mon humble avis que partiellement atteint. En effet, ces versions live de morceaux surtout issus de «Altitude» et de «Cardington» apportent peu d’éléments neufs par rapport aux originaux. À mon sens, la principale raison vient de la complexité des arrangements qui imposent au groupe de jouer avec des synchros pour pouvoir reproduire les multiples parties de claviers. Cela donne donc forcément des structures de morceaux hyper-cadrées et qui laissent peu de place à l’improvisation ou même simplement à des déviations par rapport aux originaux.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit; cela reste de la haute volée. La cohésion du groupe est réelle: l’intégration de Dave Bainbridge aux guitares et de Zoltan Csörsz à la batterie est parfaite et le travail de Jon Poole à la basse reste excellent. De plus, le groupe n’a pas été avare puisque cet album capté à la Boerderij de Zoetermeer fait 1 heure et 38 minutes. Sur la quantité, le fan en a donc pour son argent. Pour la qualité, le fan ne sera pas déçu; les puristes se diront qu’un peu plus de folie n’aurait pas fait de tort.
Cela reste néanmoins un travail remarquable, idéal pour découvrir ce groupe si on ne le connaît pas. Mais si on veut vraiment apprécier toutes les qualités de Lifesigns, je ne peux que recommander de se replonger dans leurs trois albums studio.
Amelius
https://www.youtube.com/watch?v=gD6_OZme1TM

07/03/2024 : Kafod - Ciclos

Kafod
Ciclos
rock mélodique – 47:00 – Chili 2023
Projet de folk rock formé, en 2008, dans la ville de Quilpué (périphérie de Valparaiso au Chili) et dirigé par le guitariste, bassiste, chanteur et compositeur Carlos Cruz avec Paula Demarco Vergara, claviériste et illustratrice de la pochette.
Ce couple musical Cruz-Demarco l’est également «à la ville» et leur jeune fils, Juan Salvador Cruz Demarco, qui a commencé la batterie à l'âge de cinq ans en 2014, apparaît «officiellement» dans l'album «Ciclos».
La famille vient de sortir fin 2023 son 3e album.
Les dix titres rock avec des influences progressives sont inspirés par les épopées fantastiques, la poésie existentielle, la critique sociale et surtout les thèmes écologiques.
La musique est efficace au niveau rythmique, ça sonne bien rock, et les développements aux claviers, ainsi que les soli de guitare, apportent tout ce qu’il faut de nuance progressive pour satisfaire les mélomanes (même non-initiés). Le seul regret réside dans la longueur des titres; seuls trois titres dépassent les cinq minutes.
Le chant en espagnol de Carlos, (qui me fait penser par certains aspects à l’Italien Angelo Branduardi), parfois soutenu par les chœurs de sa compagne, convient parfaitement à l’ambiance latino que l’on peut saisir au détour de certaines mélodies.
La famille, dans une symbiose indéniable, privilégie l'émotion à la technique pure. C’est ainsi qu’elle réussit à conduire l'auditeur dans une sorte de «voyage intérieur». La musique parsemée de fioritures discrètes paraît (faussement) simple et c'est ce qui la rend accessible et agréable.
Ajoutez à tout cela une très bonne production et vous en arrivez à la conclusion d’un album qui, sous ses aspects artisanaux, n’en est pas moins de très bonne qualité.
Publius Gallia
https://mylodonrecords.bandcamp.com/album/ciclos
https://www.youtube.com/watch?v=LpHeWOmz7rg

08/03/2024 : Ian Boddy - Images

Ian Boddy
Images
experimental / early electronic music – 58:44 – Angleterre 2023
Le label Mirage était, dans les années 80, la figure de proue de la musique électronique britannique. Le CD allait alors faire ses début dans ces années pionnières mais le label éditait sous forme de cassettes. C’est chez eux que Ian a sorti fièrement sa première œuvre. Les deux premières plages sont plutôt courtes et à des années-lumière des suivantes. Le titre éponyme de l’album est composé par Ian Boddy. Il y utilise principalement le synthé VCS3. Des textures proches de celles de Kraftwerk. «First Flight» qui suit est l’œuvre de Ivan Gardner qui utilise un patch créé par Ian et reste dans cette même sonorité enjouée et vintage. Avec «Cantata», on fait un bond dans le passé pour retrouver l’époque de «Irrlicht» de Klaus Schulze. Longues notes d’orgue résonnant dans une cathédrale céleste, véritable tourbillon d’échos. Délice mélodique même si minimaliste; on est projeté à une époque située bien avant les premiers battements séquentiels qui marqueront le style Berliner Schule par la suite. L’âge numérique des synthétiseurs n’a pas encore réellement commencé. Le matériel ici utilisé se compose du synthé VCS3, de l’AKS synth/sequencer, du string synth, de «voix manipulées» et des bandes magnétiques pour la création du delay et de l’écho. Les percussions de «Cantata» ne sont pas générées, comme on pourrait le penser, par des boîtes à rythmes mais bien par un patch de séquenceurs utilisant le bruit blanc et un modulateur à anneaux AKS. «Vica Versa» se présente presque comme une étude envoûtante de rythmes. La séquence la plus expérimentale de l’opus en tout cas. «Floating» renoue avec cette ambiance des pionniers du rêve électronique. Phrasés simples, enveloppants et d’une redoutable efficacité, construits sur une envolée et une suspension cosmiques. Le titre décrit parfaitement l’ambiance. Une caresse des sens. En arrière-plan, quelques douces séquences tamisées complètent le trip. «Across the Waters» et «Distant Horizons» sont deux morceaux créés à la même époque mais qui ne faisaient pas partie du premier jet. Ils sont le fruit d’une exploration inventive de sonorités subspatiales. Ian joue avec les Revox et la manipulation des bandes magnétiques comme un enchanteur des sphères. D’une grande inventivité, il parvient à «cosmoposer» des univers sonores qui interpellent et charment les sens tout en conservant un schéma plus orienté expérimental que mélodique. «Distant Horizons» rappelle le morceau qui clôture l’album «Obscured by Clouds» de Pink Floyd (la BO du film «La Vallée» de Barbet Schroeder) en ajoutant des spirales électroniques heldoniennes qui complètent un maillage sonique hallucinant où l’on retrouve aussi des moires schulziennes cousines de «Bayreuth Return» («Timewind»). Originellement tiré à 50 exemplaires, «Images» fut bien vite épuisé. Et Ian décida d’en refondre 50 de plus. Mais, grâce au numérique, vous pouvez aujourd’hui le télécharger. Surtout ne vous en privez pas! À consommer légalement et sans modération.
Clavius Reticulus
https://ianboddy.bandcamp.com/album/images

09/03/2024 : Lyrian - Seven Puzzles

Lyrian
Seven Puzzles
rock progressif vintage – 66:35 – Angleterre 2023
Dès les premières notes de «The Seven Dwarves on Death Row», qui ouvre ce quatrième disque de Lyrian (un nom dérivé de «lyra», la lyre latine, un instrument en étroite connexion avec la poésie lyrique), on plonge dans le monde – pourtant englouti – du concept album (enfin, il s’agit ici moins de raconter une histoire suivie que de décliner un procédé), saturé de Mellotron, de guitares et d’orgues (et de pas mal de synthétiseurs), en plus d’un timbre de voix sorti d’un passé dont pas mal rêvassent encore avec nostalgie. Car il y a pas mal de cela (de la nostalgie) dans la musique du quatuor (les co-compositeurs John Blake et Paul W. Nash, Alison Felstead et Edgar Wilde) mis sur pied en 2006 et féru d’histoires complexes, de questionnements plus ou moins mystiques aux réponses parcellaires disséminées dans des chansons aux arrangement emberlificotés, naissant subrepticement dans une paire d’esprits pas tout à fait ajustés: ne faut-il pas être un peu déviés pour s’atteler à quatre albums en même temps, une collection d’énigmes («Seven Puzzles» a finalement gagné la course), un nouveau concept autour de la grammaire et du langage d’habitants lunaires, un projet de tribute et de parodie et un hommage à Johannes Gutenberg, basé sur le «Festgesang» (le titre complet est kilométrique mais on s’y réfère souvent en parlant de la «Cantate de Gutenberg»), écrit par son compatriote Felix Mendelssohn début 1840 pour la célébration à Leipzig du 400e anniversaire de l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles. Ambitieux.
Auguste
https://lyrian.bandcamp.com/album/seven-puzzles
https://www.youtube.com/watch?v=Vtx9K8j7IRc&list=OLAK5uy_kcfnnVRryZ0neQx7InuSqtEgQD6jxaqtI

10/03/2024 : Tempus Sidereum - Tempus Sidereum I

Tempus Sidereum
Tempus Sidereum I
rock progressif symphonique / néo-progressif – 52:16 – États-Unis 2023
Tempus Sidereum est le nouveau projet solo de Ken Jaquess, multi-instrumentiste et compositeur qui était déjà, dans les années 2000, à la création du groupe néo-prog K2 avec Allan Holdsworth et Ryo Okumoto (ex-Spock's Beard), ce dernier que l'on retrouve ici aux claviers. Jimmy Keegan (ex-Spock's Beard et actuel Pattern Seeking Animals) à la batterie et Johnny Bruhns (ex-Circa) à la guitare complète le lineup de base. Écoutons.
«Dust & Shadow» d'une facture assez classique est grandiose; du prog symphonique grand teint: guitare aérienne, grandes orgues, une basse qui égraine chaque note; seul bémol: le chant de Tiada Rock quand il se fait râpeux.
«Rise Pt. 1»: tambour tribal et chœurs médiévaux ouvrent cette 2e piste plus intrigante et originale. Ces 16 minutes voient passer plusieurs teintes, c'est plutôt génésien pour des voix doublées, la batterie inventive et le clavier (époque Lamb/Trick), mais parfois on croirait que Rick Wakeman couple son Moog avec la Gibson de Howe. À d'autres instants, le clavier pulse syncopé comme celui d'Eddy Jobson pour UK. Ce morceau est éblouissant de lyrisme et de technicité. Imaginez Yes et Genesis qui auraient réussi à composer et jouer ensemble! Le chant assuré par Matt Dorsey (ex-Sound of Contact) y est parfait.
Avec «Umbra», retour à plus classique, même si la mélodie chantée par Courtney Ireland persiste, ce n'est pas du même niveau en dépit d'un beau solo de synthé. Cependant cette «respiration» est bienvenue car, dès «Currents», les choses sérieuses reprennent: chœurs polyphoniques pour une intro majestueuse qui fournit le refrain de cette ballade au tempo lent; plus loin, un grand orgue rejoint par une guitare poursuit le thème jusqu'à épuisement.
«Double Down», sous-titré «For Allan», ravira les fans de UK; la présence d'Alex Machacek, qui fut l'ultime guitariste de UK, domine. Bel hommage à Allan Holdsworth!
Fin en apothéose avec «Midnight Sun», cover d'Asia, étiré à près de 10 minutes, chorus sur chorus, morceau qui serait aussi une excellente conclusion de concert tant la musique persiste longtemps après que la piste s’est achevée.
Malgré des vocaux que je n'ai pas toujours appréciés autant que la musique proposée, j'espère pouvoir déguster un «Tempus Sidereum II» avec, je l'espère fortement, un «Rise Pt. 2»!
Cicero 3.14
https://tempussidereum.bandcamp.com/album/tempus-sidereum-i

11/03/2024 : Earthside - Let The Truth Speak

Earthside
Let The Truth Speak
metal progressif – 77:31 – États-Unis 2023
Earthside créé en 2015; un collectif rock cinématographique, heavy, du metal atmosphérique à relent djent, post et orchestral, une foison de styles influencés par les musiques du monde, des groupes réminiscents variés tels Opeth, Leprous, The Ocean, Haken, Katatonia et Tesseract. Un groupe metal prog moderne avec des chanteurs invités.
«But What If We're Wrong?» intro orchestrale avec vibraphone, des percus sèches, distinctes du groupe Sandbox Percussion créant un climat fort et sombre aidé de riffs guitare; du son cinématographique je comprends; épique, aérien, l’ostinato rappelle les airs de Philip Glass, immense; à mi-parcours latence à la Anathema avant de partir sur une montée contemplative, jouissive, orgasmique. «We Who Lament» avec Keturah aux vocaux poignants, air surfant sur un Leprous, nerveux, fluide; air innocent, divagation, égarement sur la question de vivre sereinement dans un monde schizoïde; un crescendo surfant sur du djent ralenti à la Karnivool avec le final time/gone onirique avec cette basse pantagruélique. «Tyranny» air plus massif avec le riff, voix death de Pritam qui égrène sur un rock moderne puis une ballade métallique, hypnotique et enivrante; break atmosphérique rappelant Katatonia, Tesseract, dans un esprit post-rock ambient aux incursions sauvages, aux riffs dévastateurs. «Pattern of Rebirth» avec Aj Channer pour le titre djent, riff lourd; refrain nerveux, hip-hop, relent rapé, explosion musicale, fusion nu metal, décontenançant. «Watching the Earth Sink» Oceansize n’est pas loin; acoustique guitare aérien, Ben qui s’affaire à sa batterie, montée post près d’une crise d’épilepsie, d’une bouffée délirante; crescendo à la Ocean, fusion rock metal atmo pour l’oxymore livrant une douce brutalité musicale au final assoiffant.
«The Lesser Evil», déroutant, rencontre d’un Earth, Wind & Fire, d’un Prince avec ce côté soul-jazzy et la violence d’un Periphery, d’un Panzerballett; Larry chante accompagné de Sam saxo tenor pour une ballade crossover inimaginable entre explosion et mélange fruité. «Denial's Aria» avec Keturah au chant et des harpes de Duo Scorpio, magiques, relaxantes; son sur la BOF de «Silent Hill» empreinte de nostalgie; une ballade mélancolique, une eau musicale, limpide. «Vespers» interlude atmosphérique, onirique, angélique; voix nipponnes chuchotées, Earthside va vraiment loin. «Let the Truth Speak» à la suite avec Daniel des Tesseract sur un chant lyrique, le son change, une envolée de violons, des riffs acérés, le djent fleuri est là; morceau explosif avec une basse prenante, la voix criée, un break avec Gennady psalmodiant frénétiquement sur des chœurs et des cordes avant le final en apothéose. «All We Knew and Ever Loved» instrumental pour clore avec Baard (Kolstad) de Leprous aux fûts; un orgue, un roulement de tambour, la guitare d’Anathema, «Interstellar» ou «Sunshine» en fond, tout ça est là; un orchestre pour amplifier l’aspect grandiloquent, cet air ostinato latent, l’orgue sur «Le bal des Laze», les souvenirs affluent; la montée d’adrénaline musicale se fait jour avec ce combat de batteurs, l’orgue devenant fou, majestueux, nous emportant au-delà des étoiles, nous compressant dans notre fauteuil.
En cette fin d’année, Earthside a sorti un OMNI qu’il ne faut surtout pas oublier; du rock cinématique, un voyage musical spatial, un émerveillement d’ambiance, une cascade de sons souveraine qui magnifie le metal prog et lui donne ses lettres de noblesse; une folie douce musicale qui dénote dans un monde larvé, rempli de misère et de désespoir, un souffle divin pour se soigner.
Brutus
https://earthside.bandcamp.com/album/let-the-truth-speak
https://youtu.be/rxBiV3OaEjA

12/03/2024 : Acqua Fragile - Moving Fragments

Acqua Fragile
Moving Fragments
rock progressif italien / crossover – 41:15 – Italie 2023
Acqua Fragile, né et disparu après 2 LP dans les années 70, revint, un peu, au milieu des années 2000. Puis s'est reformé et a sorti un album («A New Chant») en 2017 autour de ses 3 piliers, Franz Dondi (basse), Piero Canavera (batterie et voix) et bien sûr Bernardo Lanzetti (composition, clavier, guitare et voix).
Dans ce 4e LP, AF s'est renforcé de Stefano Pantaleoni (claviers), Claudio Tuma (guitare) et Rossella Volta (voix). Notons aussi la participation pour ce disque, entre autres, de David Jackson (vents) et Gigi Cavalli Cocchi (Submarine Silence) à la batterie et au dessin de la belle pochette qui regroupe les thèmes des 9 morceaux, un peu comme ce que fit Paul Whitehead sur les 1ers Genesis.
Dès l'intro de «Her shadlows torture» fait de nappes de synthé, on sent qu'il va se passer quelque chose. Dès l'arrivée de la voix (synthétisée Glovox) de Bernardo, la magie opère. Nous sommes cueillis par une belle mélodie lente, les gimmicks de voix répondent à la guitare solo ou aux synthés. Du pur RPI... en anglais. 😉
Autre ambiance sur le très rock «White Horse On Dope», redoutable d'efficacité, dont le refrain persiste. La piste titre qui démarre plus art-rock étend encore la palette du LP, car la partie de tension créée se résout un instant, en... reggae. Et AF ne lâche rien avec le superbe et inquiétant «Malo Bravo», thème clavier égrainé, accordéon orientalisant, synthé Kashmiri et LA voix de Bernardo qui prend aux tripes. Superbe!
«IA - Intelligenza Artificiale» retrouve la voix naturelle de Bernardo (et son tremolo) équilibrée par celle, cristalline, de Rossella. Ballade sur Rhodes réverbéré qui offre un répit de douceur. «Black Drone» retrouve un son plus rock avec le sax tendu de Jackson, décidément toujours remarquable dans ses nombreuses participations transalpine. «DD Danz», composé par Stefano Pantaleoni: ouverture de cigales et orgue pour ce complexe instrumental dont la richesse aurait pu mériter plus de développement. «Il Suono Della Voce» est un RPI typique, léger, entraînant, quasi pop, Lanzetti scandant sur des accords de guitare rock, puis le refrain que l'on a envie d'immédiatement reprendre en chœur!
Un joli kaléidoscope auditif, foncez!
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/moving-fragments
https://www.youtube.com/watch?v=19Fkkt0H-c8

13/03/2024 : Overworld Dreams - Geograph

Overworld Dreams
Geograph
néo-progressif – 49:25 – États-Unis 2024
Overworld Dreams (groupe créé en 2018), ce sont 5 musiciens inspirés par le rock progressif et le côté jazzy. Ils sortent ce 3e opus après trois albums de reprises sur Genesis principalement, un signe; une épitaphe pour le fondateur Randy décédé en fin d’année. Des influences sur Yes, de la guitare en plus des claviers à la Wakeman, un rock progressif complexe comme au temps d’antan avec des envolées mélodiques et lyriques et des traits symphoniques.
«Geography» mise en bouche, Matt aux vocaux, un peu haché, manquant de peps, un riff c’est la bonne idée, l’air est saccadé; des breaks, des tiroirs il y en aura huit en fait, pour une déclinaison en douceur un peu poussive; Elizabeth aide c’est beau mais rien de nouveau à l’horizon non plus; le break piano aux 8 minutes, sur un arpège cristallin puis la guitare de Steve Howe pour un moment latent intéressant, entre solennel et contemplatif et la partie la plus progressive; déjà la moitié et Matt revient, tiens on se dirait sur un Barclay James Harvest, la basse sur un King Crimson du «Discipline»; Yes est bien en ligne de mire au moins ils se démarquent de Genesis; les tempos modulent l’air entre guitare mélodique fluide et claviers veloutés, partant sur des dérives plus torturées, ce qui agrémente positivement la seconde partie; 19 minutes et enfin l’explosion tant attendue, bon ça retombe et l’air devient bucolique, sur du Genesis je me disais aussi; arpège guitare sud-américain qui égaye: résumons un morceau emphatique, doux, rêveur avec un goût de déjà entendu malheureusement et manquant d’énergie, trop mélodique.
«Forces of Nature» avec 3 tiroirs; intro piano solennelle avec voix, chœurs, 5 minutes ça monte d’un cran avec des arrangements sur les claviers entrecoupés de la voix douce d’Elizabeth pour un rock dynamique; break folk-symphonique avec un riff heavy, ce qui manquait au premier titre; 8 minutes et le second tiroir bien distinct survient, enjoué, plus dynamite ce qui fait du bien avec un très beau crescendo symphonique; 14 minutes et un break synthé à la Tangerine Dream, pompeux, solennel, aérien; arrivée d’Elizabeth pour le vocal enfantin et une sonorité sur Genesis avec une belle flûte; vers les 20 minutes un duo voix se fait jour, émouvant, en stéréo, accompagné d’un trop rare solo guitare vite engouffré dans un final claviers pour un paysage bucolique, dantesque, grandiloquent; bonne surprise.
Overworld Dreams montre une grande richesse musicale; beaucoup de claviers, de sons, d’airs mélodiques et manque ce petit plus pour en faire un super album; beau mais usité en cette décade 2020, manquant d’énergie pour nous emporter très haut; oui critiquer c’est aussi l’écrire; à rester sur du mélodique au bout d’un moment le risque de trouver las s’en ressent; un bel hommage cependant à Randy.
Brutus
https://overworlddreams.bandcamp.com/album/geography
https://youtu.be/RaUlwGmOHJk

14/03/2024 : Zahn - Adria

Zahn
Adria
krautrock – 80:21 – Allemagne 2023
«Adria», qui se veut la bande originale d’un road movie anti-utopique des années 1980, rassemble onze compositions aux titres aussi courts qu’elles prennent leur temps, aux inspirations plus anciennes que le film auxquelles elles se réfèrent (le krautrock naît à la fin des années 1960 en Allemagne), mélangées avec des touches de jazz et d’électronique, parfois de noise: à son ellipse de départ, «Schmuck» substitue une boucle de guitare hypnotique; «Zebra» convoque Neu! à un tribunal du sinistre; «Zehn» ne l’est pas et effraie par sa batterie motorique; «Amaranth» déchire l’air aussi lourdement que John Massis et son double s’attaquant avec les dents à des rideaux de velours poussiéreux; «Kotomoto» fait cohabiter les sonorités bienheureuses de l’orgue (on s’attend à ce que démarre «Get Ready» de Rare Earth) et celles, dévoreuses, de la basse; «Idylle» y ferait presque croire, ambient et doux et presque cosmique, avant d’évoquer les musiques des westerns spaghettis de Sergio Leone – au saxophone près. Édifiant voyage proposé par Chris Breuer, Felix Gebhard et Nic Stockmann, de Berlin.
Auguste
https://zahn3.bandcamp.com/album/adria
https://www.youtube.com/watch?v=wZw9--sGmdA

15/03/2024 : Roz Vitalis - Quia nesciunt quid faciunt

Roz Vitalis
Quia nesciunt quid faciunt
rock progressif – 53:48 – Russie 2023
Le quintet de Saint-Pétersbourg, dont le leader est Ivan Rozmansky, vient de sortir son 11e album «Quia nesciunt quid faciunt» (du latin «[parce qu']ils ne savent pas ce qu'ils font»).
Cet album a commencé à être travaillé en 2019 et ce n'est qu'en fin 2023 qu’il est finalement sorti. La musique de Roz Vitalis est intéressante et multiforme. Le recours à des instruments trop rarement utilisés dans le monde du rock progressif (clavecin, cuivres, bois, ukulélé, métallophone…) enrichit le propos purement instrumental de nos musiciens.
Les constructions mélodiques sont complexes et protéiformes et affichent des références tous horizons, de la musique classique au contemporain en passant par des allusions aux années 80/90 ou au ragtime du début du siècle dernier…
Il y a plusieurs moments dans l’album où vous pourriez penser que chaque membre va dans une direction différente, ce qui nous donne une ambiance «free» mais je me plais à penser que c’est une réelle volonté et une preuve de leur complicité.
Néanmoins, c’est ce qui rend obligatoire une écoute attentive et qui pourrait paraître même difficile à quelques-uns, si on y ajoute ce qui me semble être une (trop?) grande diversité de genres musicaux et/ou de transitions qui nuit quelque peu à la cohérence de l’ensemble.
Quoi qu’il en soit, il vous faudra «remettre le couvert» pour apprécier totalement le plat et, pour citer Rabelais («Gargantua»), «par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l'os et sucer la substantifique moelle, avec l'espoir que cette lecture nous rende avisés et vertueux».
Si, comme moi, vous ne connaissiez pas, précipitez-vous!
Publius Gallia
https://rozvitalis.bandcamp.com/album/quia-nesciunt-quid-faciunt
https://www.youtube.com/watch?v=-6V4advgvFc

16/03/2024 : cHoclat FRoG - On Detour to Shortcut

cHoclat FRoG
On Detour to Shortcut
rock in opposition – 52:33 – Allemagne 2023
Ça démarre sur les chapeaux de roues avec «Spaceloop», saturation sonore et rapidité du coyote dans un dessin animé de Tex Avery; «Bomb Alert» maintient le tempo et la réplétion des harmoniques: le ton est donné pour ce deuxième album de cHoclat FRoG, que deux ans séparent de «Snapshot», balancé entre instrumentaux et morceaux parsemés d’interventions vocales (parfois modérément éructées ou nasales, parfois désincarnées comme dans «Pulp Stalking»), dans un genre rock in opposition qui rappelle par certains accents les Américains de Sleepytime Gorilla Museum – mais est capable de passages atmosphériques à la guitare, comme dans «This is my wife», d’un riff de basse tyrannique comme dans «Pollock» (une idée de Christof Engel). Le groupe est un duo, de studio et familial – Tim Ludwig joue de la basse, de la guitare, s’occupe de la programmation et des chœurs; Rainer Ludwig chante, percute et bat ses tambours, joue des claviers, de la guitare, des effets et programme lui aussi – un duo qui co-compose et enregistre à la maison – avec l’aide de l’un ou l’autre invité. Le disque se termine sur «Reboot», calme et énigmatique (avec des relents à la Terry Riley, époque «Poppy Nogood…»), respiration finale et récompense pour une écoute exigeante.
Auguste
https://choclatfrog.bandcamp.com/album/on-detour-to-shortcut

17/03/2024 : Night Wilds - All That Should Have Been

Night Wilds
All That Should Have Been
rock psychanalytique – 66:24 – États-Unis 2024
Groupe de Seattle, composé de Seth Micarelli. Il y a quinze ans, la première chanson a commencé à prendre forme et les autres ont suivi au gré du cheminement psychologique introspectif de notre musicien... De l’obscurité vers la lumière.
«All That Should Have Been» est conçu comme un opéra rock épique, se déroulant dans un cirque dans lequel un jeune garçon est forcé de se produire.
Avec un style unique, chacun des dix-sept titres donne dans le rock progressif, le post-punk, la comédie musicale de «The Phantom Of The Opera», «L'Opéra de quat'sous», un soupçon de Tenacious D (le groupe de rock satirique avec Jack Black) et la hargne qu’on peut retrouver dans «The Wall» du Floyd.
Vous passerez d’une chanson folk mélancolique et éthérée («New Jerusalem») qui se transforme en une épopée dynamique de rock progressif, remplie d’un chœur de choristes célestes et de cordes majestueuses, à une ballade rock symphonique («City Of Strangers»), à une chanson pop-rock émouvante («Long Way From Graceland»). Bruce Springsteen accompagne la presque totalité de l’album tant la voix de Seth Micarelli s’en approche par le timbre, la sensibilité mais aussi la façon de travailler l’articulation…
Certains artistes ont su transcender leurs douleurs en acte créatif et artistique qui, s’il n’est pas partageable dans son intimité, permet à l’auditeur de ressentir l’indicible derrière chaque titre. Seth Micarelli est de ceux-là!
Le voyage vous emmènera dans un monde de folie qui, s’il est théâtral et exubérant, n’en est pas moins sombrement cathartique. Ainsi Micarelli ne se soucie pas du succès ou non de son album, ce dernier étant avant tout une tentative (réussie? lui seul peut le dire…) de donner un sens au vide qui le remplissait.
Si vous ne deviez en écouter qu’une seule, ce serait la symphonique «Lost Light»…
Publius Gallia
https://open.spotify.com/playlist/244JsRwbccwFVIST5bdl1I
https://www.youtube.com/watch?v=eIXplX4bOs4

18/03/2024 : This Everless Autumn - Last Summer's Day

This Everless Autumn
Last Summer's Day
post-rock / rock psychédélique doux – 37:17 – Italie 2023
Voici le premier album de ce groupe romain créé en 2015, et même s'ils préfèrent garder un certain mystère, ils m'ont livré quelques infos supplémentaires: le quatuor multigénérationnel est composé de Renato Volpe et Roberto Basili aux guitares, d'Edoardo Rubino à la basse et Sandro Volpe à la batterie. Dans l'album, je crois avoir entendu un peu de synthé aussi, mais je suis bien placé pour savoir qu'avec une guitare on peut faire illusion même sans utiliser le Midi!
Cet album totalement instrumental, à l'exception de la voix d'Agnese Buscema posée sur «Methempsychosis», déroule sur un rythme lent 5 pistes empreintes de langueur. C'est un festival de guitares superposées, dédoublées parfois par l'écho. Les thèmes s'enchevêtrent et se renvoient des motifs, l'ensemble faisant émerger une douce mélancolie. L'album est d'une grande cohérence, ce qui est encore plus étonnant pour un premier album, montre que le projet a été profondément travaillé.
Mais rien ici n'est laborieux, rien que du plaisir: le côté psyché reste contenu et ne part par en délires sans fins inefficaces, le côté post-rock est moins noir et désespérant qu'ailleurs. Le tout fait une œuvre initiale très solide qui en appelle d'autres et qui prouve une fois de plus la vitalité du prog italien.
Plongez-vous dans cet automne sans fin, plongez dans sa mélancolie.
Cicero 3.14
https://thiseverlessautumn.bandcamp.com/album/last-summers-day-2
https://www.youtube.com/watch?v=ZX7VowJguFE

19/03/2024 : Erik Wøllo - Cloud of Strings [2e avis]

Erik Wøllo
Cloud of Strings [2e avis]
ambient new age / guitare mélodique – 54:50 – Norvège 2023
Erik laisse ses synthétiseurs reposer pour revenir à ses premières amours: la guitare, la plupart du temps acoustique. Les douze morceaux quiets de cet album nous promènent dans des paysages aux couleurs de paradis perdu où l’on retrouve des vapeurs mélodiques enchanteresses voisines tantôt de celles de Steve Hackett («Ruralis »), d’Anthony Phillips (la plage éponyme e.a., vrai palais des miroirs, magie de cristal), de Brian Eno (la plage d’ouverture «Rainshine», «Memory Ocean» et «Snowfall») ou même de celles de Pink Floyd au toucher de guitare vêtu d’une extrême douceur pour la circonstance. Sublime beauté mélodique dans l’émouvant «From Ground to Sky» où cascadent en perles irisées les accords de la guitare acoustique sur des effets reverb et d’écho qu’emporte un souffle angélique intemporel. «Motion Picture» se meut sur un rythme léger et répétitif qui couvre l’âme d’une douce quiétude prolongée dans la plage suivante («Ecotopia»). Erik avait déjà consacré deux beaux albums à la six cordes qu’il maîtrise magistralement, évoquant parfois des notes que Jeff Beck façonnait lui aussi et notamment dans l’excellent «It’s a Miracle» sur l’album «Amused to Death» de Roger Waters. «Guitar Nova» (1998) et «Blue Sky, Red Guitars » (2004), titres de ces deux précédents opus donc, sont sans doute plus exclusivement encore dédiés à la guitare acoustique sans matériel additionnel ou si peu. Dans le présent opus, Erik y adjoint d’autres cordes, l’une ou l’autre nuances electro, l’EBow [marque déposée pour «Electronic Bow», archet électronique, ndlr], le slide et quelques percussions (hand drums, shakers et triangle). Vous serez aussi immergés dans quelque strate synthétique proche de la Berliner Schule: instants magiques distillés dans ce merveilleux «Memory Ocean», onirique à souhait, dont le rythme proche du séquentiel est interprété par les instruments à cordes où se marient d’autres notes aériennes de guitare. C’est comme un courant ascensionnel qui élève l’auditeur vers de scintillantes et luminescentes étoiles. Trop court morceau de bonheur condensé. «Interlude Duet» évoquera à coup sûr Anthony Phillips dans ses œuvres acoustiques. L’esprit de l’ex-Genesis plane à plus d’un moment dans le parcours de cet album. On perçoit presque les flocons qui tourbillonnent dans le très beau «Snowfall». Recette qui tue: sur la toile de ces peintures mélodiques s’étire une trame faite de longues notes suspendues en apesanteur, tandis qu’y dansent d’autres notes cristallines scintillantes comme des particules photoniques coulées en arcs-en-ciel.
Clavius Reticulus
https://projektrecords.bandcamp.com/album/cloud-of-strings
https://www.youtube.com/watch?v=MQj8lsn5m6A

20/03/2024 : Arena - Lifian Tour MMXXII

Arena
Lifian Tour MMXXII
rock néo-progressif – 115:26 – Angleterre 2024
Vous ne pouvez pas faire sans connaître Arena! Groupe de néo-progressif anglais qui est un des fers de lance du genre. Ils nous proposent un live qui fait voyager aux quatre coins de leur carrière. Depuis peu, ils ont accueilli en leur sein un nouveau chanteur qui n‘est autre que Damian Wilson! Chanteur bien connu dans le milieu du metal progressif. Parallèlement à sa carrière solo, il a fait partie de Treshold, Ayreon, Adam Wakeman band et bien d’autres projets et invitations. Je dois avouer que j‘étais curieux d’entendre le résultat de ce mariage. À ce sujet, je trouve qu’indéniablement Arena a gagné largement en qualité de chant… mais il y a un petit côté magique en moins. Même si Damian Wilson fait passer également énormément d’émotions dans son chant, le côté trop parfait tranche avec les autres timbres de voix précédents. Le reste du groupe est toujours composé des membres historiques: John Mitchell (Kino, Frost*, It Bites) aux guitares, Clive Nolan (Pendragon, Shadowland…) aux claviers et Mick Pointer (Marillion) à la batterie. Le groupe est en grande forme! Sur les titres actuels comme «Time Capsule», mais aussi sur les titres phares comme «The Butterfly Men», «The Visitor» ou «Enemy Without». Le son de ce live est particulièrement bon et vous fera voyager dans l‘univers d’Arena comme il se doit. Si vous ne connaissez pas Arena, foncez écouter cet album qui vous fera un bon résumé de leur carrière et vous donnera envie de les voir en live lors de la prochaine tournée… Je vous le conseille! Bonne écoute et passez un bon moment avec ce monstre sacré du néo-prog.
Vespasien
https://open.spotify.com/intl-fr/artist/5n72qzNEfzCXvNDxKComR7
https://www.youtube.com/watch?v=v94yuSeQDkM

20/03/2024 : Light Damage - XX

Light Damage
XX
néo-progressif – 28:41 – International 2024
Light Damage est le groupe formé en 2005, jouant des reprises puis des compositions personnelles aux sonorités progressistes; du son des Marillion, Sylvan’s en avant avec un son propre: du néo-prog mélodique à consonance heavy soft; ce groupe s’est créé lors d’un long voyage musical initiatique. Le projet, sortir 3 EP à la suite, se fait jour en 2023 avec une trame futuriste et des ambiances variées de pur sang rock prog.
«Gears Aligned» intro latente, spleen aérien, pad batterie et synthé bass; Nicho, c’est Nicholas-John Dewez, qui pose sa voix suave, expressive; l’air est varié, demandant des écoutes attentives. Break synthé 80-70 sur un Deep Purple en feu; à noter la voix de Kelly Sundown ayant joué avec Adagio lorgnant sur celle de Churchill souvent repris dans les compositions progressives; Nicho laisse partir sa voix sur un oh-ohhh aérien, frissonnant; le break avec Frédérik qui joue de ses 12 doigts faisant vibrer sa basse comme sur le «A Crack in the Ice» d’Arena. Le solo de Stephane lance une longue trame musicale faisant errer l’auditeur dans le monde prog moderne; le temps s’arrête; l’air saoûle nos capacités auditives avant que le vocal phrasé de Nicho redonne au titre un sens mélodique, une bonne baffe. «Luna» avec l’intro NASA, simple, efficace; Nicho envoûtant, faisant divaguer sa voix pendant que Stéphane sort un arpège spleen chaleureux, oui possible; le break basse prégnante et clavier coloré me rappelle Arena, belle comparaison pour un morceau rapide. «Neon Dream» débarque, nappes de synthés envahissants sur un riff prog métal d’inspiration 80-90; le synthé à la Threshold bien gras pour tournoyer, la guitare spleen durant les couplets, ce petit plus que j’adore chez Light Damage. La montée douce, efficace, l’orchestration enfle et Nicho insufle l’énergie prog moderne, celle où claviers et guitares font l‘osmose. «Neon Dream (Radio Edit)» à noter sur les sites web la version du temps où les groupes prog tentaient de passer en radio en… moins de temps, nostalgie du temps passé; c’est toujours Nicho qui chante, aidé dessus par Maggy Luyten; le son plus direct, un coup d’ultra bass rock et le solo qui se termine; où est la suite?
Light Damage sort donc cet EP, premier d’une trilogie, avant de proposer un CD d’ici deux ans; l’auditeur se sentira concerné en suivant l’évolution d’une histoire du XIXe au futur, présentement le XXe. La crise sanitaire leur a permis de se ressourcer et de donner un premier jet très intéressant avec du new prog fusionnant sons anciens des 80-90 et les amalgamant dans un esprit progressif moderne.
Brutus
https://lightdamage.bandcamp.com/album/xx-ep
https://youtu.be/aRbZCz_G8BE

21/03/2024 : Ultra Zook - Auvergnication

Ultra Zook
Auvergnication
rock in opposition / math rock – 38:23 – France 2023
C’est un deuxième album en 13 ans de pérégrination pour Ultra Zook, trio de Clermont-Ferrand dénué de guitare – il y a un clavier, une basse et une batterie et les trois chantent – qui aligne neuf chansons aux textes perdus loin au-delà du second degré (croyants et philosophes, s’abstenir) et aux mélodies aguichantes comme des collégiennes maquillées pour un bal de lycéennes – le simplisme immédiat de la chose le dispute aux compositions du Sttellla (le groupe belge d’"antimusique totale") des débuts avec le matos électronique acheté après le succès (relatif) d’«Aglaé». Bien évidemment, «Auvergnication» est un titre choisi en écho au «Californication» des Red Hot Chili Peppers (la chanson du milieu du disque s’appelle «Rêve avec les Red Hots» et Johnny Halliday y dit "merci beaucoup", mais ça ne compte pas pour la SACEM) et on ne doute pas, qu’à l’instar de Jack Dupon, cette musique énergétique se déploie d’autant mieux qu’on l’écoute proche des pieds des musiciens (et de la scène).
Auguste
https://ultrazook.bandcamp.com/album/auvergnication
https://www.youtube.com/channel/UCXtzN_x-AnytYrevt1jSH6Q

22/03/2024 : The Trip - Now the time has come

The Trip
Now the time has come
heavy rock progressif italien – 47:55 – Italie 2023
The Trip s'est reformé en 2015 à l'initiative de Pino Sinnone, 50 ans après sa création (avec un certain Ritchie Blackmore)! Pino est entouré maintenant d'Andrea Ranfagni (voix), d'Andrea d'Avino (claviers, voix), de Tony Alemanno (basse, voix) et du multi-instrumentiste Carmine Capasso dont nous avions chroniqué l'excellent premier album «Assenzà di gravità». Hors de ce line up, stable depuis 2019, Max Botto est crédité de la composition de 4 des 8 pistes, et fournit la superbe piste introductive «Joe's Spirit» dans un style Jon Lord plays Bach. Cet hommage à Joe Vescovi, décédé en 2014, qui officiait aux claviers dès 1966, ouvre parfaitement un disque pêchu et délicat à la fois, voire même un instant sirupeux! Mais les mélodies sont magnifiques et je ne vais pas bouder mon plaisir d'écouter «Two Friends», slow avec solo de guitare qui explore la frontière que le RPI partage avec la variété de qualité. C'est bon le sucre, mais il y a de quoi éviter l'addiction car l'album tire bien plus son caractère de Deep Purple ou de Uriah Heep, y ajoutant un solide fond classique. Bach est bien présent! Il y a des moments de grâce: ainsi l'unisson entre la guitare et la voix dans «Four Lives» me met les poils à chaque écoute.
Le foisonnant «Momento Prog» justifie son nom, superposant les couches et les rythmes avant le solo ascensionnel final. Un autre des points d'orgue de cet album.
Mélodieux et plein de la belle énergie dont fait toujours preuve derrière ses fûts l'inoxydable (plus de 80 ans!) et sympathique Pino, qui nous livre avec son groupe un bien beau 6e album. Seule mise en garde: si vous commencez son écoute, vous ne le lâcherez qu'après le 2nd «Il Mio Capitano» qui le conclut avec un brin de nostalgie.
Allez, il est temps de faire le voyage...
Cicero 3.14
https://maracashrecords.bandcamp.com/album/now-the-time-has-come
https://www.youtube.com/watch?v=vbK53e1uZA4

23/03/2024 : PoiL Ueda - Yoshitsune

PoiL Ueda
Yoshitsune
rock in opposition – 39:56 – France 2023
Je vous ai dit du bien il y a quelque temps à propos du premier projet présenté par PoiL Ueda, cette délicate association entre le groupe français PoiL (l’avant-gardiste peu enclin à la concession) et la chanteuse-conteuse japonaise Junko Ueda (férue de satsuma-biwa, sorte de luth traditionnel); et je vais vous en dire encore à propos de «Yoshitsune», deuxième album du quatuor-plus-une, paru chez Dur et Doux – qui, en quelque sorte, n’aura jamais aussi bien porté son nom qu’ici, tant le contraste est intégré, entre les sonorités farouches, parfois irascibles, rythmiques (la basse acoustique de Benoit Lecomte, la batterie de Guilhem Meier) ou mélodiques (la guitare de Boris Cassone, le clavier d’Antoine Arnera), et la voix d’outre-terre, emplie de moiteur, d’Ueda. J’ignore quelle histoire elle nous raconte (ma compréhension du japonais est parcellaire), mais son chant suffit à la sentir, cette histoire (le pitch, quand même : Yoshitsune est le héros de la chronique médiévale poétique opposant le clan Heike, finalement vaincu, au clan Genji, qui règne alors pendant près de 150 ans sur Kamakura; mais, soupçonné de duplicité, Yoshitsune est contraint à l’exil), déployée au travers de huit compositions aux sonorités aussi traditionnelles («Ataka») que modernistes ( «Omine-san») – le plus souvent, une rencontre des deux mondes, comme dans «Kokô». Un album hors des clous, et c’est précisément pour ça qu’on l’aime.
Auguste
https://poil.bandcamp.com/album/yoshitsune
https://youtu.be/uYajm2_npu0

24/03/2024 : Hemina - Romancing the Ether

Hemina
Romancing the Ether
metal progressif – 63:41 – Australie 2023
Hemina fondé en 2008 prodigue un rock progressif à tendance metal; virtuosité, typicité et un entourage de valeur pour l’essai de transcender le rock progressif d’avec le metal; une statue musicale remplie d’harmonies complexes, de voix fortes et variées, de rythmes effrénés, alternatifs et métalliques, un groove syncopé accompagné de synthés fruités; l’histoire de l’adolescent continue avec ses doutes sur la famille, la vie et ses errances; une musique du monde inventive; bref 5e album, «Romancing the Ether».
«Part I. Intention» avec intro cordes et piano, ouverture éthérée mélancolique berçant nos oreilles avant «Part II. Strike Four» au solo tonitruant avec une basse métallique lourde; metal prog expressif couplet piano ballade a capella, néo-prog au départ, voix sur un titre des Queen; lente mélodie avec des incursions psyché metal venant des guitares incisives djent; le break néo-jazzy sur des chœurs criés et une déclinaison instrumentale variée, swing et psyché d’un coup, enivrante rappelant Dream Theater; final arpège piano en déclive. «Part III. Embraced by Clouds» ambiance new age, guitare à la Howe cristalline; Douglas et Jessica en duo sur un air mélo-symphonique amplifié par Nathan à la batterie; clavier au break néo-prog cotonneux avant la montée growl-djent marquée de l’empreinte opéthienne; break encore sur une chorale à la Queen; suite piano pour un moment orchestral lorgnant sur Boston agrémenté d’un solo guitare fluide et aérien; final chœurs et guitares djent singulier pour un new-prog moderne.
«Part IV. Dissolution» amène une ambiance orientale psyché-divine; la basse devient electro avec un hang et la house pour partir en transe; entre du Hawkwind et de l’EDM au bip impressionnant; un riff heavy raccroche au son du départ en continuant d’assener ces sons bannis de tout progueux! Erreur ou coup de génie, fabuleux en l’état avant le final chorale gospel. «Part V. Revelations» propose une déclinaison mélodique, guimauve, rythmée par des soli et riff lourds; ces harmonies vocales bercent l’oreille tandis que la basse martèle l’espace; un metal prog moderne, syncopé, prévisible mais diablement efficace. «Part VI. Integration» vient conclure sur un chant esseulé et une nappe clavier sombre, pour revenir au monde actuel.
Hemina fait penser au maître Dream Theater, à ses voisins Voyager; des notes baroques comme sur Queen ou Devin Townsend, un son néo-metal prog qui repousse les frontières du prog pour planer sur différents climats musicaux; 3 versions II, III et V disponibles pour mieux décomposer cette pièce (mais est-ce le but?); rentrer et se laisser submerger par ce metal romantique, varié, évolutif, invitant à rêver sans concession; une pièce épique fusionnante, suintante de sonorités diverses qui transcende le genre, qui accroche émotionnellement parlant; un new-prog metal qui devait être chroniqué car passé malheureusement sous les radars de l’année et qui aurait pu faire un top; une étincelle metal prog.
Brutus
https://hemina.bandcamp.com/album/romancing-the-ether
https://www.youtube.com/watch?v=c5Hsi931eiM

25/03/2024 : Vince Clarke - Songs of Silence

Vince Clarke
Songs of Silence
electronica / ambient spatial – 42:45 – États-Unis 2023
Nous sommes ici à des lieues, que dis-je à des parsecs, de Depeche Mode, de Yazoo ou encore de The Assembly. Fasciné par le synthétiseur à l’écoute de OMD (Orchestral Manœuvres in the Dark) en 1980, Vince trouve l’engin intéressant et facile à utiliser (c’est lui qui le dit). À l’usage, il privilégie l’analogique par rapport au numérique mais c’est principalement encore à la guitare qu’il compose. Co-fondateur de Depeche Mode en 1981, il est l’auteur de nombreuses compos du groupe et notamment du tube new wave «Just Can’t Get Enough». Son passage dans la formation est néanmoins de courte durée et il en sera de même pour sa collaboration avec Alison Moyet dans Yazoo, juste le temps de sortir deux albums. Il travaillera en outre avec The Human League, Sparks, Jean-Michel Jarre et Paul Hartnoll de Orbital. Ce qui frappe dans ce premier album solo c’est la diversité des genres dans une parfaite homogénéité. Fort heureusement, en ce qui me concerne en tout cas, on n’y retrouve pas de la sous-techno comme sur l’abominable «Ssss» (coécrit en 2012 avec Martin Gore qui a assuré la continuité de DM après son départ). «Cathedral» flirte avec l’ambient spatial et le soundscape. Envoûtant dès les premières notes, il nous emmène dans les chatoyantes immensités cosmiques où scintillent les lumières du subespace. Le connaisseur y trouvera quelques textures Brian Eno. Longues nappes synthétiques aux échos stellaires d’une singularité cosmique. «White Rabbit» ajoute des séquenceurs minimalistes qui créent une atmosphère sombre et tant soit peu inquiétante. Quelques notes de guitare puis une batterie vient imprimer un rythme soutenu pour nous sortir du trou noir. «Passage» évoque à coup sûr Vangelis avec un vocal féminin angélique et des spirales synthétiques qui nous plongent dans des nébuleuses moirées. Merveilleuse envolée onirique que l’on aurait aimé plus longue. Qu’à cela ne tienne, «Imminent» prolonge la veine. Pour peu, on se croirait dans la bande originale d’un film dont le compositeur grec serait l’auteur. Parfums d’éternité. «Red Planet» s’ouvre sur des accents plus dramatiques. Le titre évoque toujours clairement Vangelis et je pense notamment à la BO de «The Bounty». Partition de violon pour la plage suivante drapée d’une longue portée synthétique. Un côté Philip Glass ou Max Richter. Envoûtant une fois de plus. «Mitosis» est teinté Pink Floyd («Wish You Were Here» dans son intro et un coulis de synthé cousin de «On the Run» de «The Dark Side of the Moon»). La plage suivante réitère cette mouvance spatiale en y greffant une vieille chanson traditionnelle du XIXe siècle («Blackleg Miner»). Surprenant. «Scarper» sort du même moule que le précédent «Mitosis», mais se conjugue avec des séquenceurs tamisés et une batterie mâtinée techno en touches subtiles. Juste hypnotique. «Last Transmission», résolument transsidéral. Longue moire synthétique vêtue de bruitages événementiels et de notes ponctuées en échos. À nouveau, on évoquera Pink Floyd dans WYWH, pour les intros surtout. Album immersif qui ne pourra que charmer tout amateur du style cosmic ambient.
Clavius Reticulus
https://vinceclarke.bandcamp.com/album/songs-of-silence
https://www.youtube.com/watch?v=WwF4tO8DDt0

26/03/2024 : Carpet - Collision

Carpet
Collision
pop psychédélique – 46:26 – Allemagne 2024
Projet solo de Maximilian Stephan créé en 2009, qui s’est enrichi de l’arrivée de deux, puis trois et quatre musiciens, au fur et à mesure des albums, pour en arriver à un line up de six artistes pour ce quatrième album.
Après «Elysian Pleasures» en 2013, «Secret Box» en 2017 et «About Rooms and Elephants» en 2018, c’est donc un sextet teuton, de la région de Munich, qui se présente comme un groupe avec des influences progressives, psychédéliques, stoner et jazz.
Carpet tourne principalement au Royaume-Uni et chez lui… Certains l’ont peut-être entendu lors du festival Prog-résiste, il y a tout juste dix ans, et durant lequel il avait présenté son premier album.
En ce qui me concerne, le groupe m’est complètement inconnu; je me suis donc attelé à exhumer leur discographie… Tout au moins superficiellement, le psychédélique n’étant pas ma tasse de thé.
J’ai la sensation que Carpet a débuté en essayant de sonner comme Jaga Jazzist, puis a évolué une première fois pour faire du Motorpsycho. Le son semble s’être alourdi avec ce dernier disque qui tend vers du Hawkwind, même si l’ensemble des références musicales évoquées plus haut est toujours bien présent.
À ce titre, notez que la voix du chanteur évoque celle de celui de Tame Impala, Kevin Parker.
Avec «Collision», Carpet a enregistré un album fort et puissant. Certaines chansons et parties ont été créées en un jet, avec un sentiment d’urgence, avec les tripes, et débordent d'énergie. D'autres ont été élaborées plus minutieusement, avec des motifs et une rythmique complexe qui s'appuient sur des éléments de musique minimale.
C'est certainement ce mélange d'attitude heavy rock avec une composition sophistiquée et des arrangements finement équilibrés qui, d'une certaine manière, marquent l'ADN du groupe.
Publius Gallia
https://carpet.bandcamp.com/album/collision
https://www.youtube.com/watch?v=_D_E3N4MY2A

27/03/2024 : Pattern-Seeking Animals - Spooky Action At A Distance

Pattern-Seeking Animals
Spooky Action At A Distance
crossover / néo-progressif – 93:16 – États-Unis 2023
J'avais gardé en tête que le but proclamé de PSA était de faire de la musique progressive complexe mais facilement accessible et mélodique. Le groupe est formé d'anciens ou d'actuels Spock's Beard: John Boegehold (claviers), Ted Leonard (chant, guitare), Dave Meros (basse, voix) et Jimmy Keegan (batterie, voix); ils m'avaient déjà donné beaucoup de plaisir avec leur précédente production, chroniquée en 2022 ici. Avec ce 4e opus en 5 ans, ils étendent encore leur spectre. Et de quelle manière!...?
La piste introductive, «The Man Made Of Stone», avec sa caisse claire martiale, ouvre un défilé d'instruments immédiatement prenants, et le chant ne fait que capter un peu plus notre attention, créant une tension que synthés et guitares sublimeront, avant qu'un violoncelle ne ramène une voix plus légère mais pas moins enchanteresse. C'est une succession de courtes phrases musicales jouées par de nombreux instruments entourés d'étincelles sonores qui tous ensemble créent un paysage sonore fouillé. Wahou!
Vient ensuite le 1er des deux singles, pistes plus courtes encore plus immédiates, mais pas moins ciselées. À la première écoute du disque, cela ne m'était pas apparu, tant le plaisir reçu était grand, mais, lors des écoutes suivantes, tout devint plus clair. J'ai souvent parlé du RPI qui flirte parfois avec la variété de qualité et enfante de superbes pièces; Pattern-Seeking Animals flirte avec l'AOR! Or je n'aime pas plus l'AOR que je n'aime la variété, mais ces 11 compositions de PSA sont superbes, et les 3 lives au ProgStock 2022, en bonus, chacun extrait des 3 premiers albums, confirment en 90 minutes la qualité de ce «jeune» groupe de musiciens expérimentés. La mise en son est parfaite, aussi!
Juste pour finir de vous en convaincre, jetez-vous sur «He Once Was», un epic de 12 minutes dont l'intro gentillette ne laisse en rien présager des ambiances intriquées qui vont suivre, sa suite anthémique, son sitar, ses... J'arrête là, mes mots seront de toute façon inutiles pour décrire l'indicible!
Cicero 3.14
https://insideoutmusic.bandcamp.com/album/spooky-action-at-a-distance-deluxe-edition-24-bit-hd-audio
https://www.youtube.com/watch?v=zVmYMWs_xIM&list=OLAK5uy_k5StjceuxaRB7RImbA9Awy7NtrzNlILHI

28/03/2024 : Thierry Zaboitzeff - Le Passage

Thierry Zaboitzeff
Le Passage
rock in opposition – 33:12 – France 2024
Ce n’est pas une première dans son œuvre, qu’il accumule patiemment depuis des décennies, en recherche constante, yeux ouverts et oreilles déployées, mais chaque fois, la surprise est là, tant Thierry Zaboitzeff est à la fois plongé dans le temps d’aujourd’hui (le temps, c’est le moment, là où nous sommes, en 2024, sur cette ligne inexorable, mais aussi ce temps qu’il fait, aux enjeux si majeurs que la disparition se montre, menaçante – un comble, non?) et nourri des temps d’hier, ceux au long desquels il a créé et accumulé les sons, joué avec les timbres, hérissé les associations, sonnantes ou non, subtiles ou radicales, d’une crépusculaire beauté. «Le Passage» parle de la Terre, ce petit endroit sphérique qui nous abrite et se fâche (tant nous avons joué aux apprentis sorciers), nous secoue (mais pas assez puisque Trump-l’idiot va être réélu), nous pousse à la créativité ultime (la solastalgie – qui désespère les jeunes adultes au point de refuser d’enfanter – accouchera-t-elle de la sagesse?): dans «La Forêt», l’épique de ce nouvel album, la tronçonneuse vainc et l’arbre se déchire avant de s’abattre au sol – mais le piano dessine une mélodie d’espoir?; la trompette de Jean-Pierre Soarez (une autre preuve de vie d’Art Zoyd) trépide dans «Poster Boy», partition réarrangée de la musique de «Fang den Haider», filmé par la belge Nathalie Borgers qui cherche, sur les terres de Carinthie, les raisons de l’épitaphe louangeuse de l’extrémiste corrompu Jörg Haider (il n'y a pas qu’en Amérique…), et lumière d’une aube à repeindre?; «À la poursuite du Zoyd (extended)» entretient le présage, musique sombre et démente; le morceau titulaire, peut-être, réaménage une notion d’espoir?
Auguste
https://thierryzaboitzeff.bandcamp.com/
https://www.youtube.com/c/thierryzaboitzeff

29/03/2024 : Kristoffer Gildenlöw - Empty

Kristoffer Gildenlöw
Empty
rock progressif – 60:15 – Suède 2024
Kristoffer Gildenlöw nous propose en ce début d’année 2024 son cinquième album solo nommé «Empty». Kristoffer Gildenlöw, en deux mots, est le frère de Daniel Gildenlöw avec qui il intègre Pain of Salvation comme bassiste; il participera à d’autres groupes comme Dial ou encore Kayak. Pour «Empty», c’est un voyage musical qui a commencé son enregistrement aux côtés de l'album «Homebound» en 2019. Une sortie simultanée était prévue en 2020, mais le début du la pandémie a perturbé ses plans. Cependant, au milieu d'une pause inattendue, «Let Me Be A Ghost» a émergé et le public à eu droit à quelques très bons concerts en 2021. En 2022, l’album dormant, «Empty», a été relancé, permettant ainsi son évolution avec l'ajout de nouveaux titres. «Empty» invite les auditeurs à voyager dans diverses situations, environnements, états d'esprit et émotions, ce qui les encourage dans la réflexion et la connexion. L'album effectue un zoom avant et arrière en toute transparence, explorant les subtilités de l'être humain. L’expérience de la vie, les passions et les défauts individuels sont analysés et étudiés sur un spectre le plus large possible de la race humaine. L'album incite à se demander si notre existence, telle qu'observée par «le créateur», pourrait être considérée comme une erreur colossale, suscitant la question: «est-il temps de se lancer dans un nouveau départ?» Vous trouverez également aujourd’hui,sur cette page de Prog censor, une interview que nous a accordée Kristoffer où il décrira davantage le thème de cet opus. Avec «Empty», Kristoffer nous propose un rock plus rythmé que dans ses albums précédents avec de nombreux solos de guitare rappelant le maitre David Gilmour. Notamment sur ce merveilleux titre «End of The Road» qui démarre sur un rythme lent pour évoluer vers un final totalement magique émouvant et sensible. «He’s Not Me» en est un autre modèle du genre… Du Pink Floyd 100 %. J’aime aussi «Down We Go», un titre totalement sobre et épuré mais dont les quelques notes et la voix de Kristoffer en font un titre à fleur de peau. Le point d’orgue est, comme souvent, le dernier titre éponyme de l’album. Ce titre est le plus travaillé, recherché, construit de tout l’album. Dois-je vous préciser que le son de cet opus est parfait et la pochette de celui-ci est totalement magique? Un très bon album que je vous invite à découvrir au plus vite.
Vespasien
https://kristoffergildenlow.bandcamp.com/album/empty
https://open.spotify.com/intl-fr/track/48GumOVfUR4F7fYon7lPtD.
https://www.youtube.com/watch?v=UmObSO5XKEE

30/03/2024 : Pathos Trio - Polarity

Pathos Trio
Polarity
contemporain / électronique / crossover – 44:13 – États-Unis 2023
Deux percussionnistes (Marcelina Suchocka et Felix Reyes) et un pianiste (Will Healy) forment le Pathos Trio, basé à Brooklyn (New York), qui, dans ce deuxième disque, joue la carte de la collaboration (les six morceaux proposés sont des commandes passées auprès de six compositeurs: Ian Chang, Phong Tran, Andrew M. Rodriguez, Vicente Hansen Atria, Paul Mortilla et Clara Warnaar), pour aller un pas plus loin dans cette envie de nourrir une approche de la musique contemporaine (le classique d’aujourd’hui) d’éléments (électroniques, sombres, lourds et denses) puisés dans les tréfonds des musiques actuelles (le rock, progressif, alternatif ou metal, la synthwave…) qui ne mobilisent pas les conservatoires. Chaque compositeur apporte son univers au trio, avec un point commun dans la façon dont celui-ci s’approprie chaque œuvre: l’inclusion d’éléments électroniques, préenregistrés ou live en combinaison avec les sons acoustiques – j’ai un faible pour «Monolitos», la partition de Vicente Hansen Atria, dont les échantillonnages de guitare électrique déchirent l’air gonflé de piano et de batterie (préparés) et, dans une humeur très différente, pour le chuintant «Mega Cicada» de Ian Chang, qui pulse en une hésitation chaotique de premier communiant.
Auguste
https://pathostrio.bandcamp.com/album/polarity
https://youtu.be/AK_VA6MRrGw

31/03/2024 : Lind - A 3rd Ear Conversation - The Justification of Reality Part ll

Lind
A 3rd Ear Conversation - The Justification of Reality Part ll
rock progressif éclectique jazzy – 77:33 – Allemagne 2023
Lind, batteur des Ancestry Program, propose une fusion jazz-prog-metal, dans la lignée d’un Panzerballett; rencontre de jazz avec l’avant-garde rock, un rock prog complexe qui ne s’apprivoise pas du premier coup; des passages bigarrés, éclatés et travaillés d’où l’harmonie semble absente; des «guests» de qualité pour sortir son 4e opus.
«Wounded Knees» synthé electro, voix en réverbération, lancinante, rythme syncopé; air heavy, jazzy, la base est mélodique, nerveuse; voix sur Devin Townsend; envoûtant et décalé, une dérive fusionnelle complexe. «Lost Words» surprenant entre passages rythmés jazzy et sonorités atmosphériques planantes; on y retrouve un frappé djent associé à celui de Robert Fripp, désopilant comme le saxo de Marek dessus. «This Dream» prolonge le son crimsonien d’un côté avec la sonorité jazzy de l’autre; la voix lointaine nasillarde; une fusion Townsend-Zappa. «A Third Ear Conversation» continue sur des claviers gras; le frappé est sa marque de fabrique emmenant l’air hypnotique; son polyvalent dérangeant d’un hybride des Flower Kings. «Redesign» morceau épique de Lind jouant la batterie, basse, guitare et le clavier; un désordre fusionnel jazz-prog structuré sur un crescendo au dernier tiers bien soutenu et une basse hypnotique; du prog dur des King Crimson trempant dans du jazz.
«Another Try» possède la particularité d’avoir Marco des Sylvan, ses montées uniques et des escapades instrumentales sur un air aux Massive Attack singulier; des claviers multi-tiroirs ensorcelés. «One Million Ways» base dynamique, batterie en lame de fond raccrochant les sonorités électro; la répétition se fait jour. «Comfort Zone» au riff gras dépoussiérant les oreilles; la voix toujours envahissante; la guitare donne de l’air devant un mur infranchissable; un final dark-wave nippon soulageant. «Move On Gently» et Caro oui une voix féminine; on souffle un peu, l’ambiance jazzy électrique rappelle AQ&F, base zeuhl déjantée. «Trapped in Haze» dernier morceau où l’on commence à fermer ses oreilles; ce n’est pas fini, un relent growl avec un solo de Kalle; le synthé envoûtant amène cet espace métallique qui manquait un peu et lui donne de la profondeur.
Lind pose un univers singulier aussi étrange que la «chose» sur la pochette; une structure musicale sensible, complexe; un dialogue musical entre Lind et ses invités. Du rock varié pour partir loin dans des espaces musicaux bariolés, du tribal, du rock baignant dans des bribes dégoulinantes jazzy; une expérimentation sauvage, un son calme et chaleureux, des moments soutenus et des dissonances crues. Pour fans des Thinking Plague et du maître Zappa.
Brutus
https://lind21.bandcamp.com/album/a-3rd-ear-conversation
https://youtu.be/MRUidHqBg0U