Avril 2023

01/04/2023 : iNFiNiEN - Beyond the Veil

iNFiNiEN
Beyond the Veil
rock progressif / fusion – 51:55 – États-Unis ’22
La musique du quatuor de Philadelphie résulte d’une fusion de genres où, si le rock en fournit le squelette, le jazz, la soul, l’arrière-plan classique et les préliminaires exotiques (le flamenco dans le morceau titulaire) s’entremêlent en d’infinies broderies, complexes sans pour autant rebuter (l’intrication de parties écrites et de moments improvisés y est pour quelque chose), recherchées mais pas intimidantes (les rythmes ou les accords inhabituels), altières mais sans dédain – toujours, elles servent le propos. Les chansons naissent d’un travail de groupe, s’enrichissent de sonorités (violon, violoncelle, flûte), extérieures au coutumier guitare/claviers/basse/batterie emmené par la voix souple et non démonstrative de Chrissie Loftus quand elles le requièrent («Ascent» et «Gratitude»), vives comme des anguilles et colorées comme des aras: c’est fourmillant, subrepticement virtuose, tonique et exaltant.
Auguste
https://infinien.bandcamp.com/album/beyond-the-veil
https://www.youtube.com/watch?v=h-t0D9_7dAY

02/04/2023 : Epica - The Alchemy Project

Epica
The Alchemy Project
metal symphonique – 42:43 – Pays-Bas ‘22
Les Bataves d’Epica viennent à peine de nous balancer leur «Live at Paradiso» (enregistré en 2006, mais publié seulement maintenant) qu’ils sortent, pour fêter leur 20 ans d’existence, ce maxi EP. Ils ont voulu se (nous) faire plaisir en invitant une foultitude de guests, tous aussi prestigieux (prestigieuses) les un(e)s que les autres. On y croise aussi bien le groupe Fleshgod Apocalypse au grand complet, sur la plage d’ouverture, «The Great Tribulation», que Phil Lanzon (Uriah Heep) et Tommy Karevik (Kamelot) sur «Wake the World». Je ne dévoile pas la liste complète de ces invités, mais sachez que, à mon sens, la plus belle réussite peut être trouvée sur «Sirens - Of Blood and Water» où les voix de Simone Simoens (bien évidemment), de Charlotte Wessels (ex-Delain) et Amalie Bruun (Myrkur) se marient pour notre plus grand bonheur. Un «must have» assurément.
Tibère
https://open.spotify.com/album/5So2cOEFCkkxZ7o5DAvpPH
https://www.youtube.com/watch?v=na7wnStvB_E

03/04/2023 : Erik Wøllo - Sojourns

Erik Wøllo
Sojourns
ambient spatial – 58:37 – Norvège ‘22
Erik fait partie de ces musiciens dont on a vu le nom aux côtés d’autres compositeurs qui explorent la même veine. Ainsi a-t-il récemment commis, en collaboration avec Ian Boddy, l’excellentissime «Revolve» où l’on trouvait des accents Jeff Beck dans son jeu de guitare. C’est dire si ces compos sont magiques! Assez prolifique à lui tout seul, cette même année il nous sort ce 36e album aux frontières du chill et de l’ambient. En cela il s’éloigne un peu du précédent «Recurrences» (2021) où l’on comptait plus d’un moment proche de la Berliner Schule. Grande sérénité ici. Scintillements cosmiques, parfois accompagnés d’un rythme de batterie syncopé («Sojourn 1») et d’un flottement astral au battement des ailes d’un ange suspendu, glissement temporel avec calme et volupté dans un océan de gemmes miroitant l’insondable («Gravity»). Chaque plage est un lieu, un séjour dans le Temps et Erik invite l’auditeur à y explorer passé, présent et avenir au moyen de ces compositions évolutives. L’ombre de Brian Eno plane sur «Arcos Iris», un rappel de ses œuvres ambient («Music for Airport», «Music for Films») avant l’arrivée d’un coulis subtil de séquenceurs feutrés qui s’imposent en milieu de partition. Les connaisseurs vont aussi déceler Steve Roach dans d’autres séquences au parfum «Emotions Revealed» par délicates touches soyeuses («Sound and Shadows»). Le plus souvent on oscillera donc entre Eno et Roach, voire un subtil mariage des deux («Sojourn 2»). Le maître-mot de cet opus reste la douce quiétude. Les amateurs de Berliner Schule vitaminée n’y trouveront pas leur compte, c’est une certitude. Mais, loin d’être lénifiants, ces «séjours» bercent l’âme du rêveur, caressent les émotions et l’on se trouvera surpris de voir déjà arriver la dernière envolée astrale.
Clavius Reticulus
https://projektrecords.bandcamp.com/album/sojourns
https://www.youtube.com/watch?v=cRMH2vkkjEc

04/04/2023 : Maraton - Unseen Color

Maraton
Unseen Color
pop-rock crossover alternatif – 45:14 – Norvège ‘22
Maraton fondé en 2010, rapidement sur scène ouvrant pour Muse, a-ha et Circus Maximus; un premier album et une tournée avec Leprous les propulsent sur un courant singulier entre pop, rock énergique et alternatif électrique. De l’innovation, de la diversité, de la création, du rythme, de l’énergie, une voix.
«In Syzygy» sur une base pop-rock alternative! Une guitare spleen post-rock et la voix magnifique de Fredrik qui transcende le titre, l’air brassant les genres jusqu’au final house. «Contranym» encore plus rythmé, un peu de soft-prog, de néo new-wave, de djent désaffecté, limite dansant. «Non-Euclidean Heart» air des Simple Minds, Killing Joke, Duran Duran; de l’alternative rock plus que du crossover, un break ambiant, latent, des chœurs; le riff rappelle quand même ceux de Leprous en plus soft. «Blind Sight» avec le djent édulcoré funky entraînant. «Perdurant Lives» pop rock dansant, bourré d’entrain sur un riff synthé graisseux, monolithique, hypnotique, fusion Depeche Mode leprousienne.
«Boltzmann Brain» Fredrik mis en avant avec ses falsettos et un titre sautillant et un solo de Simen. «Odradek» base transe, riff guitare claire, le break arrive, mini montrant la connotation prog qui se veut aventureuse sur une basse et un chœur à la 10cc. «Imitation Flesh» titre plus long… et le plus chanté, il n’y a pas de digression orchestrale, juste un final associatif brouillon. «A Body of Your Own» intro floydienne, courte, voix ouatée, éthérée; ballade rêverie déchirante, orchestration classique mais belle composition vibrante sur du Leprous, final sur un Mercury d’opérette. «Unseen Color» bigarré à la sauce Muse, batterie solennelle au départ; évolution progressive dantesque tout en sensualité.
Maraton brise la barrière progressive, je le chronique c’est pour dire, en proposant des titres mélodiques et énergiques dans lesquels le temps s’arrête; chacun ne dépasse pas les 5 minutes mais les basses, la voix et les synthés-guitares s’associent à merveille avec de bons breaks-rebondissants colorés comme chaque titre, parlant de l’Inconnu; un rock en clair-obscur entre beauté sidérale et amalgame, du rock moderne qui me rappelle Leprous et les fabuleux Meer, bref bijou captivant quand même. Les 2 derniers titres sont fabuleux.
Brutus
https://maratonofnorway.bandcamp.com/album/unseen-color

https://www.youtube.com/watch?v=7EGGjGjsFlE&list=PLgRhW3bw33n27rDqK-VrOZWK40wEzpwBu

05/04/2023 : Czyszy - UwU Slaughter

Czyszy
UwU Slaughter
rock progressif – 40:56 – Pologne ‘22
Czyscy (Marek Krol) est un producteur de musique de Pologne. Il a commencé son aventure musicale en 2009. Outre le rock progressif, il couvre des genres tels que le chiptune, le rock, le métal, le hip-hop, l'indie, le pop punk et le groove.
En 2019, il sort son premier album de rock progressif complet, «Epic May», un disque au son rétro, et propose des textures sonores qui rendent hommage au prog old school, avec beaucoup d'orgue (Mellotron) et des guitares.
Musicien prolifique puisque, en 2021, sortent 4 autres albums… Et déjà voici qu’un nouvel album, «UwU Slaughter», est sorti en janvier 2022.
Il contient 3 longs morceaux, dont une suite épique de plus de 26 minutes.
Entrelacement entre guitare et claviers, des changements de tempo continus, un son aux empreintes 70's marquées, revisité dans une tonalité moderne et personnelle. En effet, l'artiste ajoute sa touche personnelle, montrant une bonne technique à tous les instruments. Bien que la batterie soit programmée, cela n'enlève rien à la qualité de l’œuvre, où les claviers et la guitare dominent la scène avec des textures bien développées.
Un très bon album, qui amène les sons rétro du symphonic prog dans un contexte moderne, montrant la grande technique de l'artiste dans le jeu de différents instruments. De bonnes idées, bien composées et interprétées, qui composent un son (heureusement) principalement instrumental.
Certains auditeurs pourraient déplorer l'utilisation d'une batterie programmée, mais pour ma part, je vois un autre aspect rédhibitoire, à savoir des capacités vocales qui nuisent à l'ensemble. Notre musicien doit trouver de toute urgence une voix qui rendra son travail exceptionnel. La notation aurait pu être supérieure si la prestation n'était qu'instrumentale.
Publius Gallia
https://czyszy.bandcamp.com/album/uwu-slaughter
https://www.youtube.com/watch?v=GMJsSLYSqB8

06/04/2023 : BankSwallow - Fake World

BankSwallow
Fake World
cross psychédélique – 54:40 – Canada ‘22
Le casque sur les oreilles, j'entamais ma 1re écoute, avec l'intention d'aller chercher, en même temps, quelques infos sur le groupe...
Mais je n'ai rien pu faire d'autre qu'écouter «V Days». Il convient toujours de soigner la 1re piste, la mission est accomplie! Meilleure intro de l'année (on est fin février lorsque j'écris). Mes mots seront de toute façon en deçà du plaisir ressenti, mais je tente. Tout début symphonique, Mellotron lent, ample. Puis accords rageurs sur un Mello nappe. Enfin, un thème lumineux au synthé nous élève vers les cieux. À l'arrivée de la voix posée, un tempo lent se met en place. Des explosions de lave succèdent au calme, dans une sorte de crescendo euphorisant. Énorme.
On n'est pas quitte pour autant: «End of Days» s'ouvre avec du sitar en accords, puis en solo façon west-coast psyché, amplifié par un doux chant un peu éthéré. Le morceau plus rêveur me permet de découvrir les coupables de tout ceci: Jody Brumell (batterie), Michael Flynn (guitare, voix), Geoff Martel (sitar, piano), Alan Walks (guitare, basse, Mellotron, voix).
Les interventions de sitar et le chaud solo de guitare à droite (Alan) et son pendant acéré de gauche (Michael) sont de profonds ravissements. Plus psyché encore, «Spamming the Universe», avec ses notes en échos, offre un rien de musique minimaliste mâtinée de funk! Entre autres... Dans un morceau où de courtes phrases musicales s'entrechoquent en un déluge de notes réverbérées. Les 13 min sentent bon l'impro cent fois revisitée où chacun prend la part que les 3 autres tendent. Les pistes suivantes de 11 min («The Trap, pt 2») et 15 min («Truth») font perdurer cette ambiance dynamisante d'où je ressors les interventions discrètes et pertinentes de sitar. Ils doivent être excellents aussi sur scène!
3e publication en 3 ans, j'attends avec impatience de leurs nouvelles!
Faites-vous plaisir et répandez le bien en achetant sur leur Bandcamp (lien plus bas); tous les bénéfices iront aux réfugiés via l'UNHCR [United Nations High Commission on Refugees, ndlr].
Cicero 3.14
https://bankswallow.bandcamp.com/album/fake-world
https://www.youtube.com/watch?v=CwrLA_u2qkc

07/04/2023 : Caravela Escarlate - III

Caravela Escarlate
III
symphonique vintage ’70 / Canterbury – 46:15 – Brésil ‘23
Trio de Cariocas formé en 2011, Caravela Escarlate nous plonge avec talent dans un prog vintage symphonique où ma seule réticence reste la voix. Le chant en portugais est pourtant pertinent, son phrasé au rythme inédit y est même très intéressant, mais les effets systématiques appliqués n'apportent rien. Je ne reviendrai plus sur ce seul point noir, d'autant que l'on oublie bien vite cela, tant leur musique est réjouissante, et parfois totalement instrumentale.
D'un tel trio – David Paiva (voix, guitare, basse), Elcio Càfaro (batterie) et Ronaldo Rodrigues aux claviers – on pourrait espérer un ELP, ou le craindre, pour ses excès.
Dans leur 2e album en 2017, très bon aussi, la couleur générale vintage était «camelidée». Dans ce 3e album, il y a toujours du Canterbury («Castelos do Céu»), mais plus Soft Machine et Caravan; l'orgue saturé surfe sur un rythme endiablé où s'envolent parfois piano, Moog. Très prog vintage du Vieux Continent bien que le rythme du chant soit totalement inédit, très brésilien, quasi bossa, et donne à l'ensemble un intérêt soutenu bien au-delà de l'apothéose finale conclue par un Mellotron.
Mais c'est bien vers ELP que l'on peut trouver l'autre pilier de cet album, comme sur «Sonhos Medievais» (7:57). Rien de médiéval ici, mais plutôt une bluette un peu fade avant que le B3 et le Moog typés Emerson n’enflamment les débats. La basse ciselée fait merveille sous la «flûte» pour un final tout en douceur. Parmi les 7 titres, je souligne encore «Cruz da Ordem», epic de 10 min, le B3 en force avec une mélodie déroulée à 100 à l'heure; un break de Moog nous souhaite la bienvenue pour un mini trip psyché éthéré. Un appel dissonant ramène la mélodie initiale avec un moog puis un B3 totalement Emerson. «Filtro dos Sonhos» (7:11) est un feu d'artifice final où la proximité avec ELP finit de s'exprimer, mais toujours avec finesse.
Pour cet album, orné d'une belle pochette de William Turner, je conclus façon bataille navale: si vous aimez le B3 vous serez touché!
Coulé?
Cicero 3.14
https://caravelaescarlate.bandcamp.com/
https://www.youtube.com/watch?v=b0skX_29QuI

08/04/2023 : Lazuli - Onze

Lazuli
Onze
progressif poétique – 54:18 – France '23
Quel bonheur de pouvoir écouter un nouvel album de Lazuli! N’hésitez surtout pas à lire l’interview qu’ils nous ont accordée à cette occasion, vous y apprendrez plein de choses intéressantes. Mais venons-en à l’album qui nous occupe, si vous le voulez bien. À travers les onze titres qui constituent sa substantifique moelle, l’album nous dévoile les doutes qui ont pu assaillir son concepteur pour accoucher de textes toujours aussi forts sur des mélodies qui, comme toujours, coulent de source et enchantent nos oreilles attentives. Alors, «Parlons du temps/ De celui qu’il fait / De celui qui passe» et surtout, écoutez «Les mots désuets». Ne résistez pas à l’appel du «Grand vide», vous passeriez à côté d’un grand disque…
Tibère
https://open.spotify.com/album/3FhHW2mItoYyJIjZWnnWug
https://www.youtube.com/channel/UCWrGO6YXuF-zVSIpRaDQE5A

09/04/2023 : Czyszy - Scent Emmental

Czyszy
Scent Emmental
rock progressif – 41:18 – Pologne ‘22
Je ne vous présente pas Czyscy (Marek Krol), un producteur de musique polonais dont j’ai chroniqué le sixième album «UwU Slaughter» il y a quelques jours…
Quatre albums en 2021, deux albums en 2022, dont celui-ci, et trois de ces six qui font allusion aux souris ou au fromage! Je ne serais pas étonné que Marek Krol cherche à brouiller les pistes, casser les images, donner dans le second degré et surtout s’amuser comme un fou. Essayez de voir à quoi il ressemble et on en reparle!
Aujourd’hui, il est question donc d’un septième album, «Scent Emmental», dont je ne saurais qu’écrire qui n’ait déjà été écrit au sujet du précédent.
Néanmoins, ça vaut le coup de me répéter. Cet album, comme le précédent donc, est magnifique et présente toutes les qualités du prog symphonique de la meilleure production qui soit. Profusion de claviers et de guitares dans un style rétro qui n’est pas sans rappeler les productions des années glorieuses du rock progressif. Je marquerais, et ça me désole, toujours une (grande) réserve au sujet de la voix.
Pour l’anecdote, cette dernière, mais le style musical également, a contribué à me faire penser à un groupe belge des années septante avec lequel j’avais échangé en 2016 à l’occasion d’un hommage radiophonique… Il s’agit de «Dragon», groupe contemporain de «Lagger Blues Machine»! Les anciens, je le vois, esquissent un sourire…
Notez que Czyszy donne beaucoup moins dans l’expérimental que les deux groupes susnommés…
Sinon, pour revenir au disque, encore une fois ce sont trois titres (seulement) dont vous devrez vous contenter et qui vous feront paraître trop courtes les 41 minutes d’écoute. Peut-être y trouverez-vous une bonne raison pour aller voir du côté des albums sortis en 2021.
Une chose que je n’avais pas précisée durant la chronique précédente, c’est que Marek dessine aussi ses pochettes de disques.
Publius Gallia
https://czyszy.bandcamp.com/album/scent-emmental
https://www.youtube.com/watch?v=meESmDGVqDE

10/04/2023 : Galahad - The Last Great Adventure

Galahad
The Last Great Adventure
fusion / rock progressif vintage – 64:08 – Angleterre ‘22
Onzième album pour Galahad (à ne pas confondre avec les Suisses de Galaad) et c’est toujours aussi bon! En fait, l’écriture de certaines chansons avaient déjà commencé avant la sortie du précédent, Seas of Change (2018), et le Covid n’a évidemment pas arrangé le travail. Le noyau dur du groupe (Stu Nicholson au chant, Dean Baker aux claviers et Spencer Luckman à la batterie) est rejoint par Mark Spencer à la basse, tandis que la place de guitariste est confirmée pour Lee Abraham. «Blood, Skin and Bone» voit arriver de vagues influences orientales largement bienvenues. Le lent et hypnotique «Enclosure 1764» permet d’apporter un élan différent, presque classique dans la musique du groupe. Et la plage titulaire n’est évidemment pas en reste. Je vous souhaite une bonne écoute…
Tibère

https://galahad1.bandcamp.com/album/the-last-great-adventurer

https://www.youtube.com/watch?v=btY1oYB4wR8

11/04/2023 : anasazi - cause & consequences

anasazi
cause & consequences
metal progressif – 62:57 – France ‘23
Anasazi («anciens ennemis» en navajo): groupe formé en 2003 par Mathieu Madani au soir du visionnage d’un épisode des X-Files du même titre; gravant leur production avec un son s’orientant sur du metal prog à la sauce Dream Theater aux titres concepts. Un son nerveux, inventif, alternatif où le prog vient en second lieu rafraîchir les titres enlevés pour ce 6e opus.
«Trapped»: entame nerveuse, riff stoner, rock lourd sans concession; la voix éraillée de Mathieu accentue les circonvolutions progressistes qu’ils distillaient; une fusion entre Alice In Chains et Tokyo Blade. «324» avec ses riffs métal, voix limite narrative, amenant sur un rivage sombre où le solo de Bruno peut ensorceler; final phrasé des RATM. «Death Was (Her) Name»: son métal 90 grunge et Bon Jovi, celui des 80 durant les déclinaisons post-punk new wave; sombre, expérimental, dark metal prog de fait; Tristan à la guitare sème de gros riffs et un solo nerveux, arabisant et engagé. «Exit Life»: air ambiant, voix nasillarde en porte-voix, riff saccadé; son électro avec un orgue chaud pour le crescendo. Un dernier solo mélodique comme JPL peut les sortir entre rock et prog.
«Disheartening»: étrange, mystérieux, phrasé, notes mélancoliques renvoyant à Anathema; le synthé donne un peu de chaleur intensifié par la batterie tenue par Anthony; montée, voix off à la Amarok, brut et épuré. «Into the Void» où l’on retrouve la structure des groupes hard des 80 lors de leurs breaks-soli. «Space Beetween»: soft pop-bluesy-floydien qui donne vite le ton; solo aéré d’où il ne reste que la voix griffée de Mathieu pour nous raccrocher. «The Mourning»: intro maidenne et air RATM; melting-pot jusqu’au break hypnotique amenant un divin arpège guitare; puis riff hardos 80 tenant en haleine, autre break intimiste sur l’ambiance du Floyd d’Animals; titre qui tient surtout par cette débauche de notes de guitare.
Anasazi sort cet album torturé, aux riffs acérés, à l’ambiance sombre, entre spleen et côté dépressif; complexe et travaillé, semant des pistes sur les groupes repères; beaucoup de guitares tourmentées pour donner un aperçu singulier de l’esprit métal prog, étonnant.
Brutus
https://anasazi.bandcamp.com/album/cause-consequences
https://youtu.be/VlZuhSG-T78

12/04/2023 : Masal - Ahora

Masal
Ahora
rock progressif – 59:35 – France '22
Masal est la créature musicale inventée par Jean-Paul Prat. «Ahora» est la dernière œuvre en date du multi-instrumentiste grenoblois. J.-P. Prat est apparu en 1982 avec un premier opus dénommé «Masal» et ce n’est pas avant 2009 qu’il ne revint sous le nom cette fois de Masal. Enfin, un coup c’est Masal, un coup c’est Prat. En 1982, Masal a impressionné l’auditoire prog’ français avec ce chef-d’œuvre méconnu; depuis, ce n’est plus tout à fait du même acabit. Prat est fortement inspiré de Magma et ça s’entend dans ses constructions musicales saccadées, un peu du Magma aigre-doux, dirais-je. Pas mal de cuivres sur ce dernier album où interviennent pas moins de onze musiciens. C’est de haute volée, cuivré donc, coulant dans une certaine veine du jazz-rock français, celle des Magma bien sûr mais aussi Spheroe, Vortex ou Eider Stellaire. Un jazz-rock européen, sans funk ou si peu, où les cuivres (saxophones alto et soprano, clarinette et basson) s’emploient à définir la ligne directrice en lieu et place des guitare et basse. Le piano tenu par J.-P. Prat tisse entre ses lignes des toiles tristes du plus bel effet. Ce type de musique nécessite une approche particulière, je pense parfois que seul un musicien peut mieux apprécier les pleins et déliés de ce qui n’est pas facile à écouter au premier abord. Mais on n’est pas non plus dans du RIO ou de l’avant-prog’, c’est d’un pur enfant des années 70 que J.-P. Prat a accouché en 2022. Ce mélange de jazz et de rock progressif qui eut tant de succès au cours des seventies s’adresse à un public averti, conquis d’avance, qui ergotera sur certains accords ou tournures bien choisies. En particulier, les deux longues pièces que sont «Sept perles de mer», pas loin du quart d’heure et «Aquilon» (12:15) vous feront passer un bien beau moment de plénitude. C’est un opus très réussi après «Viens des quatre vents» sorti huit ans auparavant que propose(nt) Masal et Jean-Paul Prat, grand voyageur musicien dans l’âme et apôtre d’un jazz-rock hyper-léché bien dans l’esprit des 70’s, ce qui lui assurera un auditoire convaincu et subjugué par tant de créativité assumée depuis un demi-siècle!
Commode
https://masal.bandcamp.com/album/ahora
https://www.youtube.com/watch?v=9Ot1ZqG1iqE

13/04/2023 : Elias - Atlas

Elias
Atlas
jazz heavy rock – 51:43 – Australie – 2022
Projet solo du guitariste Carl Belle de Melbourne en Australie. Après deux albums de «paysage sonore», il a sorti son premier album (rock) «1977» en septembre 2020. Il a fallu 17 ans pour le terminer car Carl avait abandonné la composition pendant 10 ans… ne supportant plus après quelques années d’utilisation les plantages de Pro Tools. D'autres bouleversements majeurs se produisant dans sa vie à l'époque, l'enregistrement, voire la musique en général, passa au second plan.
Il est officiellement sorti de sa retraite de guitare pour endosser le rôle de «Steve Lukather» dans un groupe de reprises de Toto. C'est à ce moment-là qu’il a décidé d'essayer de terminer l'album qu’il avait commencé il y a de nombreuses années. Sur sa lancée, Carl sort «Atlas», deux ans plus tard.
Son trajet de vie implique la musique classique et le rock progressif, alors il est revenu à ses racines et a commencé à écrire de la musique instrumentale qu’il appelait à l'époque «rock de la bande originale» dixit «le genre de musique qui pourrait jouer pendant le générique d'un film».
La musique est prog instrumentale avec des influences metal et jazz-rock. Pour la jouer, Carl Elias Belle est rejoint par une foule d'invités (11 musiciens), dont les artistes de renommée internationale Dewa Budjana et Derek Sherinian.
Si le titre se rapporte au Titan de la mythologie grecque condamné à soutenir les cieux pour l'éternité, c’est ici du cerveau dont il est question. Système le plus complexe que l'humanité ait jamais rencontré dans tout l'univers. Son fonctionnement interne est encore inconnu. Ainsi, lorsqu'il se retourne contre nous, le cerveau peut être un adversaire redoutable.
Les événements des dernières années ont aggravé les difficultés de ceux d'entre nous qui souffrent d'anxiété et de dépression. Cet album explore ces sujets et sert de catharsis pour faire face aux machinations d'un cerveau sous tension.
Publius Gallia
https://eliasmusic.bandcamp.com/album/atlas
https://www.youtube.com/watch?v=BsTetzlSegg

14/04/2023 : Jordsjø - Jord Sessions

Jordsjø
Jord Sessions
rock progressif instrumental et pastoral – 39:41 – Norvège – 2022
Vous savez tout le bien que l’on pense ici des productions du groupe Jordsjø (voir chroniques http://www.progcensor.eu/juillet-2019.html#DrzXTc40 et http://www.progcensor.eu/2021-juin.html#3rXaED9u).
Les deux compères officiant au sein de ce projet, le multi-instrumentiste Håkon Oftung (Tusmørke) et le batteur Kristian Frøland, reviennent sur leur premier album «Jord» (sorti en 2016) afin de le ressortir agrémenté d’une meilleure production. Puisse un énorme public profiter de cette version entièrement remaniée et lui donner toutes ses chances.
Un titre comme «Abstraksjoner» mérite, à lui seul, l’achat de cette superbe plaque et que dire de la flûte sur «Se Valinors Lamper»? Rien, simplement profiter de ces instants de plénitude (de zénitude, serais-je tenté d’écrire). Alors, faites donc comme moi…
Tibère
https://jordsjo.bandcamp.com/album/jord-sessions
https://www.youtube.com/watch?v=CaCMaAz-pxY

15/04/2023 : Getšemane - Viimaa

Getšemane
Viimaa
rock progressif / hard rock – 42:23 – Finlande – 2022
Imparfaite, mais diablement spontanée (et spontanément endiablée), la musique de Getšemane, projet monté en 2009 à Ylöjärvi (dans le sud de la Finlande) pour écrire et jouer la musique des spectacles pyrotechniques du théâtre Flamma Fire, jongleries et feu et de lumière entre cirque et théâtre, s’ancre dans le progressif old school, qu’elle ornemente de polyrythmies et d’excentricités psychédéliques heavy teintées de jazz (le saxophone de Sami Sippola). Après un début éponyme en 2015, «Viimaa» propose une jolie collection de morceaux, introduite par une courte exposition bruitiste aux cuivres («Taustamusiikkia Matelijoille»), contrastée par un piano électrique flageolant et enchaînée à «Varma kuolema», au milieu duquel intervient la voix, à la raucité renforcée par le guttural de la langue. Il y a des envolées à la Deep Purple, de lourdes vibrations catatoniques, des riffs de guitare (et aussi des solos) de hard rock ’70, des envolées vocales a capella («Raskaan sarjan viheltäjä») des poussées de souffleurs non asthmatiques – et toujours une propulsion systémique assurée par la basse (Jonne Savela) – le tout servi par de câlines accalmies. «Lemminkäisen temppeli», suite en deux parties d’un petit quart d’heure, se permet, avec bonheur, quelques extravagances sonores pour clôturer un album appréciable et nourrissant.
Auguste
https://getsemane.bandcamp.com/album/viimaa
https://www.youtube.com/watch?v=g7K6Yo9GxLg

16/04/2023 : Davide Ronfetto - Enlightening Nights, Darkening Days

Davide Ronfetto
Enlightening Nights, Darkening Days
pop rock / rock progressif italien – 53:08 – Italie – 2022
L'album est présenté comme le premier de Davide Ronfetto, mais l'on peut trouver sur Bandcamp un autre 1er album plus métalloïde. L'homme, outre une carrière de musicien de studio, avait déjà œuvré dans le groupe metal prog Rustfield.
Mais on est très loin ici de cet univers. Davide reste un guitariste véloce et parfois metal, il en fait la démonstration dans le noir patchwork «The witch».
Cependant, cet album est beaucoup plus consensuel et mélodieux. Pour ce faire, quelques pointures dont Colin Edwin (Porcupine Tree, Ork, TwinScape), Haether Finley (Ayreon) ou Elisa Montaldo (Il Tiempo delle Clessidre) viennent ancrer cet album dans un pop rock RPI même si le chant est en anglais. L'album possède toutes les qualités de ce néo-RPI entre pop et prog.
Dès «Night city lights», qu'à la deuxième écoute on pense avoir toujours connu, mais dont la qualité ne se dément pas ensuite, on est emmené dans une pièce inventive et rythmée, faite de synthés, de chœurs, de riffs. C'est que l'on appelle soigner son intro!
«Absent» poursuit merveilleusement avec un climat plus nébuleux. «Under the rain»: guitare grunge et chœurs apaisés fournissent une jolie opposition policée qu'un superbe solo vient enluminer. «4 notes of shame»: intro pattern de piano vs guitares saturées puis une belle mélodie à la guitare vient dérouler ses volutes. Des poussées metal donnent un peps inattendu et les 10 min passent en un souffle... epic.
Cette version de «Love Moan» est à déconseiller aux diabétiques, mais j'ai bien aimé ces 7 min mélancoliques, dont le chant travaillé rappelle un peu David Sylvian, mais en moins dramatiquement froid, tandis que la musique est plus solaire. Version bien plus aboutie que celle de Rustfield.
«The thin man», dont le choral a une sonorité proche de «Colors» d'Airbag, est une belle chanson ponctuée d'un long solo assez gilmourien pour parfaire le clin d’œil.
Cet album s'écoute très très facilement, le travail sur les voix y est remarquable et le compositeur sait y faire, profitez!
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/album/7mlQCA6x4ShuYxP4946ke4

https://www.youtube.com/watch?v=Lxc0Vnw2Pv8&list=OLAK5uy_kBYLOcz-nmJWp8jiaLaBGx2KlF4eUyPN0&index=2

17/04/2023 : O.R.k - Screamnasium

O.R.k.
Screamnasium
rock alternatif – 41:33 – Angleterre – 2022
Comme pour beaucoup d’autres, je suppose, une des surprises du retour de Porcupine Tree était l’absence de Colin Edwin derrière la 4 cordes. Je vous renvoie à ma chronique de l’album du porc-épic pour en relire les raisons.
Cela ne veut toutefois pas dire qu'Edwin était resté inactif. En effet, depuis 2015, il a porté sur les fonts baptismaux le groupe O.R.k. avec Lorenzo Esposito Fornasari, Carmelo Pipitone et, excusez du peu, Pat Masteltoto aux drums. Voici donc leur quatrième album après «Inflamed Rimes» en 2015, «Soul of an Octopus» en 2017 et «Ramagehead» en 2019. Je précise de suite que c’est le premier album d’eux que j’écoute; c’est donc sans a priori. Je rappelle enfin que cela sort sur le label Kscope dont on connaît la rigueur artistique.
Autant être clair, les fans de prog (ainsi que ceux de Porcupine Tree) vont être surpris. En effet, ici, presque rien ne rappelle notre genre favori. Dès le premier morceau, on est frappé par des constructions de morceaux relativement simples mais dont la texture sonore repose sur des guitares tantôt claires, tantôt saturées appuyées par des rythmiques solides. Le chant très distinctif et expressif de Lorenzo Esposito Fornasari est aussi une vraie marque de fabrique. La voix est puissante et assurée; il y a une vraie intention qui se ressent. Tout cela n’est pas feint.
On pense plus ici à une version un peu plus complexe de Pearl Jam, Soundgarden ou Alice in Chains; attention, ne nous méprenons pas, ce n’est pas du grunge. Les mélodies sont souvent très soignées, les lignes de chant nous emmènent souvent, appuyées par des chœurs du plus bel effet. Certains morceaux ont des mélodies qui tombent de suite dans l’oreille à l’instar de «Don’t Call Me A Joke». La dernière partie de l’album est vraiment à savourer: l’ambiance de «Deadly Bite» tire un peu plus sur le prog, «Something Broke» offre des rythmes plus complexes, «Lonely Crowd» monte en puissance (non sans rappeler un peu Porcupine Tree) et «Someone Waits» conclut l’album en beauté avec ses cordes.
En conclusion, un album déroutant pour les fans de prog mais qui vaut assurément le détour si vous aimez vous faire bousculer.
Amelius
https://kscopemusic.bandcamp.com/album/screamnasium
https://open.spotify.com/album/2h2fadv597ZAOrikICBvXJ
https://www.youtube.com/watch?v=ce4GznIA4LM

18/04/2023 : Guranfoe - Gumbo Gumbo

Guranfoe
Gumbo Gumbo
fusion / progressif vintage – 38:47 – Angleterre – 2022
C’est le 17/03/2020 que notre Centurion chroniquait «Sum of Erda», premier album du groupe Guranfoe. Le constat qu’il dressait à cette occasion s’applique à merveille à propos de cette deuxième réalisation: musique essentiellement instrumentale et vintage, tellement bien réalisée que l’écoute de ces cinq titres suffit pour la «voir» littéralement dans sa tête (à chacun son imagination, évidemment). Ce ne sont pas des titres comme «Et Alias» ou «Indigo Moon» qui me démentiront, bien au contraire. Guranfoe ne fait pas dans le copier/coller des grands anciens: ils sont bien trop malins pour cela. Le vintage, ce n’est (heureusement) pas toujours établir une liste de noms de référence à arborer sur son CV et c’est tant mieux. Nous tenons donc là un futur grand nom de la musique que nous adorons. Partez donc gagnants en clamant bien haut où vous les avez découverts!
Tibère
https://guranfoe.bandcamp.com/album/gumbo-gumbo
https://www.youtube.com/watch?v=hoXK4qE8B7s

19/04/2023 : Ned Greenough - Parting Divide

Ned Greenough
Parting Divide
rock progressif / country – 50:09 – États-Unis – 2023
Ned Greenough est un claviériste et chanteur new-yorkais qui sort son 2e album bourré de sonorités diverses, timpani, Mellotron, kazoo, trompette et flûtes diverses. Des chansons sur les sorciers et les rivières qui tuent les gens, tout un programme pour se transporter dans le monde de Lewis Carroll; des airs bourrés de clichés du prog d’antan et du rock contemporain pour un creuset musical sur le piano de base.
«The Plinth»: entrée piano classique amenant «Old Autumn Hill» et son intro qui rappelle les Beach Boys, la voix plus chaude, un peu de chœurs célestes pour une montée sans embûches jusqu’au break torride dans la lignée d’un Meat Loaf, d’un Genesis pour le solo synthé final. «Bird Flu»: le piano intronisant une pièce avec relents des Meat Loaf; l’ajout de cuivres mariachis fait plonger sur les idées folles d’un Xtc. L’air est ouaté, il donne envie de se plonger dans un fauteuil, c’est frais. «Love of the Ordinary»: air sombre avec le piano pour la ballade où l’instrument est roi; c’est fluide. «Another Mile» suit sur un tempo plus soutenu, ballade au refrain accrocheur et au solo piano endiablé, jazz-rock puis solo heavy en final au tonus recherché.
«The Pedestal» arrive: 23 minutes décomposées en six parties pour un voyage bucolique tendance anglicane rien que pour le clavier génésisien tout en puissance; c’est doux, limpide, le piano devient l’ossature maîtresse. Un patchwork du monde musical progressif entrecoupé de mélodies sirupeuses et de breaks puissants; les titres s’enchaînent et vont dans des espaces mid-tempo de base avec des finales où le côté technique est mis en avant; ça sent la comptine génésisienne comme sur «IV», l’hommage à Meat Loaf sur beaucoup de titres; le «VI» sur un clin d’œil à notre père progueux!
Ned Greenough sort un album singulier, à part, faisant la part belle au piano puis aux différents claviers; des airs mélodiques variés, des intonations musicales enjouées; simple mais beau.
Brutus
https://nedgreenough.bandcamp.com/album/parting-divide
https://youtu.be/-MYKt05AAkM

20/04/2023 : La STPO (La Société des Timides à la Parade des Oiseaux) - Romanciel

La STPO (La Société des Timides à la Parade des Oiseaux)
Romanciel
rock progressif – 52:25 – France – 2022
Dans la grande tradition française du rock in opposition, la STPO se pose là! Non, ce n’est pas un énième syndicat luttant contre la retraite à 64 ans (en France) mais une formation de près de quarante ans d’existence répondant au doux nom, ma foi très poétique, de Société des Timides à la Parade des Oiseaux. Mais comme beaucoup de ces formations émargeant à la lisière d’un progressif convenu, la STPO use d’un langage musical très élargi, devant tout autant au King Crimson le plus ardu qu’à une certaine avant-garde du XXe siècle issue du mouvement dada. Les Rennais brisent les codes sans surprise, en amalgamant et touillant tous les styles qui leur viennent en tête, une solide formation musicale en sus. Expérimentations en tous genres, phagocytage des autres (genres), la STPO est un style à lui seul, réflexion qu’on peut se faire à l’usage d’autres groupes d’avant-prog’ dont les qualités premières sont d’essayer plein de choses tous azimuts. Le «vrai» rock progressif est là, c’est tout… Écouter ce disque, c’est prendre le risque de ne pas en trouver la sortie, la richesse sonore est telle qu’on veut y revenir pour en goûter la substantifique moelle ou, devrais-je dire, les moelles car la musique de STPO possède plusieurs colonnes vertébrales. Ce ne sont même plus des breaks qui interviennent mais carrément des canyons d’un instant à l’autre de l’album, égarant l’auditeur plus d’une fois, sans aucun fil conducteur apparent. Quand on s’immerge dans ce «Romanciel», on doit enfiler le scaphandre des grandes profondeurs et ne pas flipper, jamais… Se laisser emporter sans résistance est la meilleure chose à faire et quand on accroche à certains thèmes éphémères, on regrette qu’ils n’aient pas été plus développés. Bref, vous l’aurez compris, ce nouvel opus est exténuant, d’une opulence musicale affolante et d’une ingéniosité sans cesse renouvelée. Pour les réfractaires au genre (quel genre?), l’aspirine sera de rigueur mais pour ceux qui aiment naviguer sur les océans déchaînés de la félicité musicale, la découverte sera, au choix, terrifiante ou somptueuse. Même les Zappaïstes, les Kobaiens ou les soulignés au Marcoeur, en resteront pantois!
Commode
https://lastpo.bandcamp.com/album/romanciel

21/04/2023 : Josh Read - God Fodder

Josh Read
God Fodder
rock progressif – 60:10 – Angleterre – 2022
Josh Read est un (jeune) parfait inconnu des disquaires comme de la toile. Rien, pas de traces sur le Net, que des liens vers quelques plateformes de chargement.
Et pour cause… Comme pour toute sa musique, elle a été écrite et enregistrée dans sa chambre, bricolée avec tous les instruments et ressources dont il dispose.
«God Fodder» est sa première véritable tentative d'album de rock progressif, après des années d'écriture de trucs adjacents au genre.
J'ai compté que c'était son huitième effort depuis mai 2018, qui comprend des albums d'accompagnement de faces B. C'est son cinquième «vrai» album.
Il se plaît à le décrire comme «le plus grand disque de prog que quelqu'un puisse faire depuis sa chambre». Il y a des cordes, des mellotrons, des pianos et des kalimbas aux côtés de notre palette rock’n’roll habituelle.
En ce qui concerne le sujet des chansons, elles sont toutes (un peu) sombres, traitant de la mort sous toutes ses formes. Il a perdu beaucoup de gens au fil des ans et il voulait faire quelque chose d’élégiaque.
C’est beaucoup plus sensible dans les deux suites de l’album: «Suite For The Living» (18:04) et «Suite For The Dead» (16:47).
C'est surtout instrumental et stylistiquement il emprunte à la vieille garde de King Crimson, Frank Zappa, Henry Cow, Comus, etc. Mais il est tout aussi inspiré par des groupes contemporains, comme Black Midi, Cameron Vale, The Pineapple Thief, Jomo Tuun, etc.
Josh se précipite aussi sur tous les grands albums de rock progressif qui se font aujourd'hui pour tenter de dépasser leurs aînés. Qu'ils soient d'une sérénité à couper le souffle comme «Gumbo Gumbo» de Guranfoe, ou d'un chaos total comme «Tzomborgha» de Ruins.
Écrire que «God Fodder» est un album pas facile d’accès est un euphémisme et le décrire serait réducteur. C’est un artiste qui, à ce jour, semble ressentir surtout le besoin d’exprimer ce qu’il a dans la tête et il nous retourne la nôtre!
Deux autres albums sont sortis depuis celui-ci: «His Leftovers (God Fodder B-Sides)», en septembre 2022, et «Trepanning», en décembre de la même année.
Publius Gallia
https://joshread.bandcamp.com/album/god-fodder
https://www.youtube.com/watch?v=3pxw3g0q-aM

22/04/2023 : Harun Demiraslan - In Motion

Harun Demiraslan
In Motion
metal instrumental varié – 32:13 – France – 2022
Harun Demiraslan est le guitariste fondateur de Trepalium et Step In Fluid; il participe à United Guitars, tourne avec Gojira, au Hellfest; son répertoire s’élargit au métal, fusion, prog, jazz, funk et folk, que les fans de LTE aimeront; son 7e album, 1er en solo. Morgan de Klone, Geoffrey d’Eths et Gérald de Step In Fluid l’aident.
«Brothers»: référence à Trepalium, le riff biscornu, metal, envoûtant avec des nappes de claviers prog ; l’instru dynamique qui déroule, un peu de la folie de Satriani. «Born Again»: frappé moderne, spatial, jazzy-heavy rock au fil de l’air; c’est varié, ça part sur du Vai avec sa débauche de sons; titre frais. «Her»: inventif, tourbillonnant à la rythmique des Porcupine Tree pour le frappé batterie et new-wave dansante; titre symbolisant la rencontre d’avec sa blonde, enivrant; joute clavier-guitare technique avec l’aide de Richard et un final tout en douceur; «I bisimilah Lily»: ambiance world Peter Gabriel, musique de film jusqu’au départ phrasé où je retrouve l’atmosphère des Minimum Vital; vocal en bambara pour info; la guitare sur du Zappa, oui le maître avec distorsion, overloop et électro-prog. Harun y donne de sa voix avec son épouse Ingrid. Titre sur la naissance où l’enfant peut apparaître au milieu de dunes.
«Vertigo»: vertige de la découverte de la paternité! Frais et aérien avec Harun montrant le talent de ses 10-12 doigts sur un solo endiablé et mouvementé, comme le départ d’un nouveau monde. «Under The Sun» plonge dans un village africain, digression musicale sur la vie de famille; la rythmique avec Gérald aux synthés puis le saxo de Matthieu sur un air jazz-prog; lorsque la fusion rassemble les contrées et donne une touche de fraîcheur. «Surtention Godin»: King Crimson seconde période; à nouveau le synthé et la frappe sèche et pesante pour lutter contre la pandémie et la punition de rester cloîtré; la guitare de Christophe arrache sur Zappa, qui gicle et éclabousse; une fusion nouvelle entre metal, distorsion et électro. «Nomad»: touche orientale d’où suinte une folie burlesque et un sax des Balkans pour un crescendo jouissif; ça part de tous côtés, ça navigue tel un ballon percé et le bidule de Matthieu n’arrange rien à l’affaire éclaboussant l’ambiance de mille notes.
Harun Demiraslan a créé un joyau brut, un diamant instrumental qui s’égrène trop rapidement, lançant des rythmes effervescents dithyrambiques; fusion de genres du jazz au funk, de l’oriental au metal, association de notes colorées, ambiance électrique invitant au voyage pour partir en transe et ne plus redescendre.
Brutus
https://open.spotify.com/album/4e8qtpusXdDdfFYIjHEyqk
www.youtube.com/@HarunDemiraslanOfficial

22/04/2023 : Inui - Murmuration

Inui
Murmuration (Extended)
vocal, minimal, expérimental – 20:10 – France – 2023
Je vous ai parlé d’Inui il y a quelque temps, à l’occasion de la publication de ses premiers morceaux, aujourd’hui complétés par trois nouvelles compositions, jusqu’à un vrai EP au titre, «Murmuration», faussement discret en ce qu’il évoque la source alors que la musique du quatuor convoque plus souvent le torrent de montagne: nourries aux mêmes mamelles, tribalo-jazzo-répétitivo-synthétiques, elles poussent un pas plus loin l’écriture joyeuse («Aria»), sautillante («Primitives»), aux bulles explosant à la surface (l’ample «Sirènes»), de deux voix (Clémence Lagier et Valeria Vitrano) qui se jouent des parois comme des balles magiques, d’une tripoteuse de synthé basse (Maya Cross) à la simplicité déroutante et des deux paires de membres d’un batteur (Dimitri Kogane), sec comme un être métronomique – un paradoxe en action pour un groupe qui défie la structuration du temps. Tonitruant.
Auguste
https://www.youtube.com/watch?v=GFduB7rGPDY

23/04/2023 : Wedingoth - Five Stars Above

Wedingoth
Five Stars Above
heavy progressif – 59:02 – France – 2023
Ces Lyonnais existent depuis quelques années maintenant. À l’époque (en 2011), j’ai vu Wedingoth à la Chimère à Lille (il était possible, en ces temps-là, de voir et écouter dans la belle capitale des Flandres un tas de concerts rock et métal) et j’avais fait l’acquisition du CD «Candlelight» et j’avoue n’avoir pas vraiment suivi sa carrière. En tous les cas, le groupe sort cette année son quatrième méfait pour notre plus grand plaisir. La chanteuse actuelle, Céline Nephthys, n’a rien à envier aux précédentes. Il est agréable de constater que le groupe n’a pas cédé à la mode des chanteuses à métal! Une longue intro instrumentale ouvre les hostilités avant que la voix de Céline ne vienne nous bercer les oreilles avec son chant puissant et nuancé («Dear Universe»). Rassurez-vous, la plage suivante, «Masterpiece of File», déboule sur une rythmique typiquement métal, soulignant le chant toujours inventif de Céline. L’instrumentation évolue également au cours de ce titre pour flirter allégrement avec le progressif et des guitares (presque) planantes. Je ne vais pas vous détailler tous les titres présents sur cette plaque, mais je m’en voudrais de passer sous silence la longue plage (plus de quinze minutes) «My Own Sacrifice» qui nous permet de profiter de toute l’étendue des talents de cette fière équipe qui voyage aisément entre les styles, le tout avec une basse slapée qui se révèle un pur enchantement. Avec «Love», quittons le groupe sur la pointe des pieds pour ce titre vraiment délicat. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que j’ai redécouvert ce groupe et je vous enjoins d’en faire autant.
Tibère
https://wedingoth.bandcamp.com/album/five-stars-above
https://www.youtube.com/user/Wedingoth

24/04/2023 : Dave Brons - Return to Arda

Dave Brons
Return to Arda
progressif celtique symphonique – 64:38 – Royaume-Uni – 2022
Voici le 3e album de Dave Brons. Principalement guitariste, très virtuose, son jeu pourrait facilement tourner à la démonstration, mais la qualité de la composition prédomine toujours. Et c'est heureux!
Il avait participé à la tournée du Celestial Fire de Dave Bainbridge, ce dernier tient ici les claviers et le mixage. Un autre membre de Celestial Fire, Frank van Essen, joue des violons et a fait l'orchestration.
Si vous souhaitez vous envoler vers des terres entourées d'eaux et de vents vivifiants sans quitter votre salon de musique, cet album en cinémascope est fait pour vous!
Il sent l'iode et la terre humide. Et c'est superbe ! Très symphonique et celtique à la fois. Magnificient et intimiste. On y vole quelque part entre Mike Oldfield ou Alan Parsons et le folk celtique. Fusion parfaitement réussie. L'album est divisé en trois ambiances: mer, terre et ciel. C'est une vision du monde de Dave Brons et, comme la pochette le montre, son retour à la terre (Arda en celte) après ces périodes difficiles.
Dès le convainquant «Song of the Sea», l'ambiance est posée, la voix cristalline (de Sally Minear ou celle de Catherine Ashcroft?) ainsi que la guitare incisive de Dave se déploient sur la terre du milieu (Tolkien est souvent une de ses inspirations!). Cependant, durant tout l'album, principalement instrumental, très peu de chant, des vocalises parfois, et beaucoup de sons très gaéliques, cornemuses typiques, flûtes courtes irlandaises. Laissez-vous capturer (voir lien), et respirez l'Eire à pleins poumons!
Cicero 3.14
https://davebrons.bandcamp.com/album/return-to-arda
https://www.youtube.com/watch?v=DzDnMAMsBRs

25/04/2023 : Kameel - Trugschluss

Kameel
Trugschluss
fusion – 49:23 – Belgique / Pays-Bas – 2023
Avec Kameel, trio initié par le batteur néerlandais Geert Roelofs (il vient du monde jazz, mais joue pour de nombreux artistes de variétés, de Johnny Hallyday à Céline Dion), où officient les deux Belges (de Geel), Hans Mullens à la basse et Patrick Steenaerts à la guitare, et qui présente son deuxième album, on glisse dans un monde aux multiples ingrédients – les instruments additionnels sont légion et les genres se mêlent, du progressif au cinématique, en passant par des sonorités jazz et de (vagues) relents avant-gardistes –, au point que cette fusion, tel un potage trop gourmand sur la diversité de ses composants (excès d’ambition? péché d’indécision?), finit par peser sur l’estomac: il y a pourtant de l’attaque (des atmosphères sombres, menaçantes; un mixage remuant), de la surprise (des revirements compositionnels inattendus – auxquels se réfère le titre «Trugschluss») et une dextérité de jeu dans cette dizaine de morceaux instrumentaux, qui, peut-être parce que le procédé affleure à la surface et finit par troubler le courant, peinent, malgré une frappante photo de pochette, à (me) convaincre.
Auguste
https://kameelband.bandcamp.com/album/trugschluss
https://www.youtube.com/watch?v=BdSSGP0BFPg

26/04/2023 : Grandma's Ashes - This Too Shall Pass

Grandma's Ashes
This Too Shall Pass
stoner progressif – 59:02 – France – 2023
Si, si, le stoner progressif existe, je l’ai rencontré! Grandma’s Ashes est un power trio féminin fondé en 2017 à Paris. Il est composé d’Eva Hägen (basse, chant), Myriam El Moumni (guitare) et Edith Séguier (batterie). Elles revendiquent des influences multiples (Yes, Queens of the Stone Age, Type O Negative, Muse ou King Gizzard). Les thèmes abordés sur cette plaque sont quelque peu introspectifs, jugez plutôt: la mort, le deuil, la rupture, mais aussi l’amour et l’amitié. Les voix s’entremêlent de la plus belle des manières, sans pour autant cacher les réelles qualités musicales du trio, car ce sont d’excellentes musiciennes. D’emblée, on est surpris par le court «Intro - À mon seul Désir)» où nos trois filles mêlent leurs voix pour ce titre a capella dans une ambiance médiévale (il est chanté en anglais, contre toute attente). «Aside» nous montre toute l’étendue de leur talent. Plus loin, «Cruel Nature» nous plonge au départ dans une ambiance presque bucolique qui vire à de très belles notes flirtant avec le progressif. «Caffeine», avec son atmosphère lourde, est cependant contrebalancé par un chant cristallin. Tous les contrastes de cette belle plaque, vous les trouverez dans le dernier titre, «Lost At Sea», le plus long. Faites-vous votre propre idée via les liens ci-après, vous serez comme moi, j’en suis convaincu, totalement sous le charme.
Tibère

https://grandmas-ashes.bandcamp.com/album/this-too-shall-pass

https://www.youtube.com/watch?v=2-iD02ma4MM

27/04/2023 : Edenya - Another Place

Edenya
Another Place
rock progressif – 51:50 – France – 2023
Edenya avait déjà su conquérir un public restreint mais conscient de la beauté de son projet en 2020 avec leur premier opus «Silence». Destiné aux amateurs d’un rock progressif aérien et quasi céleste, «Another Place» est son digne successeur. Composé d’un duo, Clélia Lenoble au chant et Marco aux guitares et claviers divers et variés, Edenya dont le patronyme sonne comme un groupe de metal symphonique à chanteuse, reste pourtant fort éloigné du style. Accompagnés de Juliette Caradec au violon, Julien Perdereau à la basse et la batterie (!) et de la choriste Sophie Clavier, ce groupe de Montgeron dans l’Essonne a su amalgamer une douce mixture de rock progressif, d’ambient et parfois d’une sorte de néofolk atmosphérique précieux. Il faut dire que la voix pure et limpide de Clélia apporte une richesse d’écoute non négligeable sur des tapis de claviers luxueux et ardents à la fois. Tout au long du disque, il n’y a que chaleur et volupté, charmant alliage qui peut aller sur un vaste spectre, de Fleetwood Mac à Mostly Autumn, la musique qui peut se faire pop au bon sens du terme, alliée à un chant féminin entraînant, place Edenya dans cette large catégorie de groupes qui deviennent encore plus séduisants quand il sont emmenés par deux voix féminines, Clélia et Sophie harmonisant vocalement à l’unisson pour nous emporter dans des univers harmonieux, oui, la Femme est l’avenir du rock progressif! On peut évoquer aussi l’esprit de Mike Oldfield époque «Moonlight Shadow/To France» toujours grâce à la voix de Clélia (qui me semble doublée sur certaines pistes) mais aussi certains accords de Marco. Un morceau retient en particulier l’attention et c’est le plus long: «Inside your Walls» et ses plus de neuf minutes qui virent vers un rock puissant et rugissant, déclenché par une basse vrombissante puis une guitare hyper active; tout cela sonne comme au milieu des seventies, en plein cœur du morceau, avant de retrouver l’organe enjôleur de Clélia Lenoble qui prend les accents d’une certaine Sonja Kristina (Curved Air)! Le titre le plus prog’ de l’album au sens admis par tout un chacun avec ses multiples changements de directions qui excitent l’attention la plus vivace. Ah oui, à retenir aussi l’audace de «The Shelter» qui dévore tout avec l’appétit d’un ogre auquel le reste de la rondelle ne nous avait pas préparés! Mais à quoi bon vous décrire chaque titre? Aucun n’est mauvais et chacun vous prend par la main (ou l’oreille) vers des paysages enchantés qui fleurent bon une nostalgie réconfortante, voire enthousiasmante. Tout y est doux, relaxant et réconfortant à la fois, harpe et violon venant consolider cette impression d’échapper au mauvais temps qui passe, un disque qui fait oublier les choses de la vie comme un livre de contes qui recèle des histoires merveilleuses. Un grand merci au duo Clélia/Marco qui a pris le bon chemin et devrait toquer aux tympans des mélomanes les plus avertis.
Commode
https://edenya.bandcamp.com/
https://youtu.be/5invf1Xb-cU

28/04/2023 : Compassionizer - Narrow Is the Road

Compassionizer
Narrow Is the Road
rock in opposition / avant-progressif – 60:13 – Russie – 2022
Compassionizer débute suite à Roz Vitalis en 2020. Ivan Rozmainsky dudit groupe est aidé par Leonid et Serghei pour composer une trame musicale lorgnant vers Univers Zero, Henri Cow. Je note aussi Le Orme, Gentle Giant, King Crimson; des mélodies étranges désaccordées diffusant une atmosphère musicale incontrôlée, pris par le tumulte de leur 3e album de musique de chambre singulière.
«Only One Road for the Wayward»: pièce intimiste; air glauque, atmosphère jazzy en milieu suivie de bruitages de synthés et d’instruments à vent, folk sur un Sigur Ros acoustique. «The Invasion of a Crying Shame»: duo de clarinettes pour un voyage médiéval; la pochette de Morte Macabre sur la fin du monde pestilentielle, déprimant. «Black Sky White» soulage avec un violon grinçant aidé par la clarinette, harpe, guitare acoustique; les troubadours se sont échappés de la pochette du premier Dead Can Dance; on est sur le folklore asiatique, andalou des montagnes arides et celui des Pyrénées. «I Need You to Help» pour la paix; flûte accueillante, saxo chaleureux, quelques cloches, titre frais jovial. «Narrow Is the Road» continue avec les mêmes instruments auxquels il faut s’habituer; son qui te fait voir une mouche agressive voler.
«In Things Too High for Me»: sonnerie, marimba, flûte diffluente, synthé monolithique envahissant; les instruments trouvent leur place comme sur un terrain de jeu. Son déroutant où rubab, doira, tbilat viennent faire le bœuf avec les clarinettes; folk des Balkans en arrière-fond. «Looking from the Dome»: superbe intro trop rapide car après des violons ciselés viennent aider la guitare électrique à vous transporter dans un état fougueux de désinvolture. «Kramatorsk»: si vous passez les 3:20, c’est bon; plus dur que du zeuhl, trompette, clarinette tourbillonnante et percussion qui donnent un rythme; en plein western burlesque, dans «Delicatessen» avec la scie musicale; c’est cacophonique avec un travail intense de recherche crimsonienne. 10 minutes c’est sidérant, plus fort que sur «Starless»; le final est reposant. «Road» te remet en paix, soulage ton esprit, avec une flûte solennelle.
Compassionizer au son avant-gardiste livre une musique de chambre complexe sur des structures abrasives, éreintantes, d’où sortent finalement des bribes de folk et d’atmosphère aléatoire; un prog de chambre traitant de l'importance de choisir la bonne route et des conséquences et contraintes qui y sont associées. Compassionizer a créé un album envoûtant pour ceux qui osent encore prendre le temps d’écouter autrement.
Brutus
https://compassionizer.bandcamp.com/album/narrow-is-the-road
https://youtu.be/5646iID1E9I

29/04/2023 : Atsuko Chiba - Water, It Feels Like It’s Growing

Atsuko Chiba
Water, It Feels Like It’s Growing
rock psychédélique expérimental – 54:18 – Canada – 2023
J’ignorais jusqu’à l’existence du groupe Atsuko Chiba, originaire de Montréal. Que voici une injustice réparée! Expérimental, assurément cette plaque en révèle toute la saveur. On retrouve, dans leur musique, des accents psychédéliques et même post-rock. Dès la plage d’introduction, «Sunbath», nous sommes embarqués au sein d’un mélange subtil de cordes de guitare typiques du post-rock, habilement enrobé de chants lointains et vagues. Ambiance complètement différente pour le titre suivant, «So Much For», puisque nous y sommes accueillis par un drumming inventif et des voix plus affirmées. Plus loin, «Seeds» plante ses graines (désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher) sur une lente mélopée. Attention toutefois aux dernières secondes du morceau, vous pourriez être entraînés, malgré vous, dans un film horrifique. La plage titulaire vous permettra de quitter cet album sur une impression plus «zen» et cela fait beaucoup de bien!
Ne passez pas à côté de ce disque, vous rateriez quelque chose d’intéressant.
Tibère

https://atsukochiba.bandcamp.com/album/water-it-feels-like-its-growing

https://www.youtube.com/channel/UCrbQifzXvsTmjpTk20u7Fvg

30/04/2023 : The Rosen Corporation - Haiku

The Rosen Corporation
Haiku
ambient / soundscape / Berlin School – 59:10 – Allemagne – 2023
Un haïku est un très court poème classique japonais qui célèbre l’évanescence des choses et les sensations qu’elle suscite. Cet album s’inspire de cinq haïkus et se veut l’interprétation musicale des mots qui les composent. L’univers mélodique de Peter Baldwin est très riche en paysages sonores et explore tantôt l’ambient spatial que l’on pourrait rapprocher de la galaxie Steve Roach («Atmospheric Conditions» e.a.) tantôt des textures cousines de la Berliner Schule tout en gardant très souvent une ligne vangélienne dans son ampleur symphonique. Peter est passé maître dans l’improvisation musicale et particulièrement en live. Les cinq partitions sont ici le fruit de ces impros enregistrées en une seule prise. La «fleur de prunier» qui ouvre la porte de la sérénité est toute de douceur et de quiétude vêtue. Il flotte comme un parfum léger porté par le vent des notes texturées par un son flûté caressant. C’est comme une perle de rosée qui glisse le long du fil de la toile d’araignée où vibre un rayon de soleil. Un mouvement répétitif associé à des nappes aériennes et la magie opère. «Mountain Forest» conjugue un rythme un peu tribal à un phrasé teinté de mélancolie onirique. Flottement sur les ailes du rêve. On peut presque toucher le papillon du poème suivant qui décolle en douceur pour s’acheminer vers des rythmes plus scandés. Presque le miroir de la Berliner Schule, je dis bien «presque». Il y a toujours cette pincée vibrante de notes vangéliennes, signature de Peter. «Decayed Temple» se pare de mystère. À nouveau très aérien, très doux, très serein et nappé de chœurs célestes où s’immiscent cette fois des séquenceurs accompagnés d’un rythme de basse bien marqué et d’envolées synthétiques dignes de la BOF de «Blade Runner» (Vangelis ou même Zimmer pour la version «2049»). Définitivement mon haïku préféré. «Swarms of Flies», très inquiétant, démarre dans la lignée de cette même texture vangélienne résolument «soundscape». Marée synthétique aux échos angoissants. Des rythmes tribaux reviennent en force. Un final puissant, hypnotique et assez terrifiant! «Haiku»: une autre perle de The Rosen Corporation. Indispensable!
Clavius Reticulus
https://the-rosen-corporation.bandcamp.com/album/haiku
https://www.youtube.com/watch?v=64aZS715QLU