Janvier 2020
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- 12/01/2020 : Hommage à Neal Peart
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01/01/2020
Sonora Sunrise
The Route through the Canyon
psyché/space rock – 49’53 – Russie ‘19
Inspiré du shamanisme et des paysages de la région d’Altaï aussi appelée «le Tibet russe», le band nous distille une musique d’une efficacité redoutable dans sa relative simplicité. La plupart des morceaux ont été composés en deux jours. Les voix et les instruments additionnels sont venus compléter les partitions par après. À la frontière des genres, entre le planant et le rock, les compositions sont la plupart du temps atmosphériques, portées par une section rythmique au tempo propice à l’envoûtement et l’évasion spirituelle. Une guitare douce, nimbée d’un léger écho, glisse sur des nappes de synthés analogiques avant de monter en puissance, secondée par un chant incantatoire féminin qui ajoute à la sauce une saveur krautrock couleur Ash Ra Tempel. Les plages 2 et 6, «Welcome to the Sandland» et «Canyon», sont de véritables claques! Notez aussi la montée astrale de «Unexpected Trip», son clavier angélique qui fait à coup sûr se dresser les poils sur l’épiderme! On aurait voulu plus de développement pour ce trop court morceau de rêve. Seule, sans doute, l’avant-dernière plage («Roadside Picnic») se montre plus conventionnelle sous forme de jolie ballade où la guitare pétille en égrainant ses notes tout en douceur. Mais «Ancient Stones (Planetary Standoff)» nous relance dans les étoiles pour un dernier parcours sidéral. On est conquis même si certains trouveront la chose un peu linéaire, mais ça c’est une affaire de sensibilité personnelle.
Clavius Reticulus
3,5/5
https://sonora2.bandcamp.com/album/the-route-through-the-canyon
02/01/2020
L’Épée
Diabolique
rock psychédélique – 39’49 – France ‘19
Voici le résultat d’un conglomérat improbable: le groupe (enfin duo) perpignanais The Limiñanas associé à l’actrice Emmanuelle Seigner (deux albums solo à son actif et une participation avec Ultra Orange) et à Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre). Pour leur dernier album («Shadow People»), les Limiñanas avaient collaboré à la production avec Anton et le résultat avait enchanté les oreilles d’Emmanuelle. Venu le temps de réaliser son nouvel album, l’actrice a rencontré le groupe et vu l’excellente entente entre eux; la décision d’une collaboration fut d’une évidence absolue. Lorsqu’ils contactèrent Anton (en lui envoyant des fichiers sur lesquels préparer sa production), celui-ci avait déjà procédé à l’ajout de ses propres idées: L'Épée, le groupe, était né! «Une lune étrange» ouvre le bal de bien belle manière: nous nageons (ou plutôt nous volons) bien en eaux psychédéliques et planantes, mêlées à des ambiances sixties et garage. «Lou» est un hommage vénéneux à Lou Reed et au Velvet Underground dont ils sont tous fans. «Dreams» revient à des sonorités typiques de ces années-là (pensons aux Tontons Flingueurs!), suivi en cela par «La brigade des maléfices». Des percussions orientales soulignent délicatement «On dansait avec elle». «Ghost rider», en anglais, se fait plus nonchalant. Le côté arabisant nous accueille à la détente pour «Grande». «Springfield 61», aux arrangements délicats de cloche (comme cela se pratiquait beaucoup à l’époque) suit. Un sitar emboîte le pas pour l’aérien «Un rituel inhabituel». Mais il est temps de prendre congé en compagnie de «Last Picture Show». Un album rafraîchissant pour tout amateur de psychédélique sans prise de tête!
Tibère
4/5
Album non disponible sur bandcamp
03/01/2020
Mindspeak
Eclipse Chaser
rock progressif – 66’18 – Autriche ‘19
Voilà un groupe qui mérite d'être connu: Mindspeak, avec son deuxième album, «Eclipse Chaser», à la pochette spatiale, comme une invitation à un voyage musical... Les Autrichiens nous offrent là un rock progressif familier, foisonnant et dynamique, en puisant leur inspiration dans la musique des initiateurs du genre. ELP, Camel, Yes, IQ ou parfois Dream Theater viennent à l'esprit. Beaucoup d'autres références se ressentent et il serait long de toutes les énumérer, tant la musique semble être une synthèse du genre musical en question. Bref, ça sent bon le Prog qu'on aime et qu'on chérit. Une petite touche symphonique pleine d'emphase et un chant féminin apportent une valeur ajoutée au propos... On est plongé dès le premier titre dans quelque chose de très instrumental, touffu, ponctué par cette voix féminine assez douce. Viennent ensuite deux grands épiques. Tout d'abord «Tetachrome», du haut de ses 17 minutes, avec son intro camelienne et ses orgues à la Emerson, avant de déboucher sur un long développement musical assez entraînant et de finir sur de virtuoses solos de guitares/claviers aussi passionnants les uns que les autres; sans oublier une petite intervention inopinée de saxophone... Et enfin, le plat de résistance: la longue suite en plusieurs sessions, «The Human Element». Elle vaut le détour: un thème musical plutôt pertinent, traduit par une guitare lyrique qui fait mouche, agrémenté de claviers très inspirés au service de la richesse des ambiances. Comme dans le grandiose «Echoes of a Greater»...
En somme, un album très étoffé, complexe, à la fois mélodique et technique, teinté d'accents space rock ou symphoniques de bon aloi. Si, à la première écoute, on peut avoir l'impression de se perdre dans ce dédale d'idées et penser à tort que la voix ne colle pas toujours à la musique, la sauce finit par prendre tant le voyage est passionnant, à condition d'y prêter une oreille attentive...
À recommander.
Maximus
4/5
https://mindspeak.bandcamp.com/album/eclipse-chaser
https://youtu.be/4lHkdrk3Q-E?fbclid=IwAR2x7ab7nJ6I6ljHz_BNnZu7q37Ei5cLghh2kL2_7z2TJX7ozgNfPGn4CtE
04/01/2020
Noolysis
Corpus I (EP)
rock progressif/folk/divers – 25’59 – France ‘19
Le groupe Noolysis, formation née de la rencontre de 4 musiciens fréquentant la même école de musique, pose d’emblée son originalité... Musique improbable, faite de la rencontre du folk ancien et d’un rock métalloïde aux accents progressifs et math-rock. Un chant en grec ancien et surtout l’usage d’une harpe électrique font aussitôt songer à l’éphémère groupe français L’Effet Défée (la première formation de Maude Trutet) qui en 2011 sortait l’étonnant «Al Trop». La filiation est parfois tellement troublante que j’ai dû vérifier si ce Noolysis avait, d’une manière ou d’une autre, un lien avec la fille répondant au joli pseudo de Mood, et qui fit son petit effet (de fée) en participant à The Voice France 2016.
Que ceux qui se souviennent de L’Effet Défée écoutent «Bacchaï», le premier titre de cet EP «Corpus I», et ils comprendront. Mais outre cette parenté sans doute totalement involontaire, Noolysis apporte sa spécificité avec des concepts élaborés de mélanges de sonorités, de superpositions de climats. C’est remarquable sur les riffs de plomb torturés et «math-rockés» à travers desquels sillonnent en circonvolutions parfumées les notes de la harpe cristalline. Le chant aussi, qui sur «Deïlaïa» ou «He must pay» rappelle aux entournures le Minimum Vital des frères Payssan, sans oublier le guitariste qui sécrète quelques envolées fleuries au goût de Carlos Santana.
Un doux mélange d’harmonies évanescentes et de structures robustes qui devrait encore s’épanouir pour irriguer cette graine de folie qui pourrait germer. Prometteur!
Centurion
3/5
05/01/2020
Captain Cheesebeard
Deadwood
rock progressif/jazz – 32’37 – Belgique ’19
Johan De Coninck est l’âme damnée de Captain Cheese-Beard, celui qui s’évertue, avec ce deuxième EP (le premier, «Symphony For Auto-Horns», de 2015, est réédité à cette occasion), à faire sortir le groupe de sa période tribute band de Frank Zappa, pour le hisser, avec ces quatre compositions originales, au rang de groupe qui, certes, a parfaitement intégré les règles du modèle, en particulier cette écriture qui fusionne rock progressif et jazz, mais qui déploie ses ailes pour tracer son propre chemin. Et il n’a pas tort. Une des réussites de ce projet est d’avoir réuni autant de bons musiciens - je cite le batteur Didier DeMeestere et claviériste Pierre Chevalier (Present, Aranis…), mais il ne sont pas les seuls -, autour d’une musique exigeante, touffue et complexe - comme celle de Zappa: qui fouille. Attardez-vous sur «The Age Of Mediocracy» pour en saisir les nuances colorées. Une autre est la production de Mathias Widtskiöld, le boss du label Mottowsoundz qui sort le disque. Je confesse un (autre) faible pour la dernière chanson, «Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz» - mais je n’annoncerai jamais ce titre en radio.
Auguste
4/5
06/01/2020
Barock Project
Seven Seas
rock progressif symphonique – 64’18 – Italie ‘19
Barock Project est un groupe de prog’ italien formé à Modène en 2004. Leur son très proche de celui des années 70 a acquis une renommée internationale et cette nouvelle œuvre, «Seven Seas», sortie en septembre 2019, contient onze titres. L'album montre la maturité du groupe et les compétences de tous les musiciens, acquises après cinq disques et un live depuis «Misteriosevoci» en 2007. Mais j’aime commenter ce type d’opus titre par titre quand il s’agit d’un bon «vieux» prog’ old school.
«Seven Seas», qui donne son nom à l'album, commence par une intro au piano et une voix chaleureuse. Avec l'entrée des instruments, la piste enfle. Puissante et rythmée, à mi-parcours les claviers se montrent tandis que la guitare propose des riffs agressifs. Ça se termine par une voix féminine. «I call your name», après une intro chorale qui commence avec une guitare et une construction plus douce que la précédente, rappelle le style de Yes. Chanté dans une excellente structure, il a été sélectionné comme single. «Ashes» commence par un chant délicat et rêveur entre piano et voix avec une musique qui monte dans un crescendo laissant place à une sublime discussion musicale entre guitare et piano. Un changement soudain de tempo et synthé plus orgue exécutent des torsions vertigineuses sur la guitare. En conclusion, le calme revient avec la reprise du thème d'origine. «Cold Fog», entre piano et voix douce, ça change immédiatement de ton et la chanson prend vie. Les claviers, le piano avant tout pour un grand balayage, la voix centrée sur le son. Un détachement de guitare acoustique mais aussi du chant, doux et intense, un solo de guitare passionné et la partie finale accélère à nouveau avec un joli changement de rythme. Ce morceau sort de la plume de Peter Jones de Camel. «A mirror trick» est une ballade acoustique qui joue entre le piano, la guitare et une voix proche du folk. Même le rythme est cadencé par le boîtier, un bon passage symphonique et ragaillardi ferme la boutique. «Hamburg» commence avec le bruit de fond de la mer, une douce mélodie de guitare, au fil des minutes la chanson se construit. Les sons sont soignés à la perfection, les passages entre les symphonies plus douces et les moments les plus puissants sont exceptionnels. Ça exprime au mieux la mémoire d'un voyage avec l'ajout d'arrangements de cordes complétant un son déjà riche. «Brain Damage» a une intro acoustique, puis devient plus solide et puissant. La batterie claque et la guitare dessine des riffs pointus. Les claviers sont le nec plus ultra d'un titre qui est l'un des moments les plus marquants de toute l'œuvre. «Chemnitz Girl» est une ballade nostalgique entre un piano mélancolique et une guitare acoustique, une parenthèse chaleureuse et expressive se démarque. Un accompagnement de percussions et des arrangements de cordes complètent l'ensemble. «I should have learned to» est un morceau presque chanté, rythmé et plus direct avec des voix en arrière-plan et des claps donnant un coup de fouet au rythme. «Moving On» a une structure plus technique où la basse est mise en valeur avec des lignes élaborées et massives. La voix change et devient plus aiguë, plus agressive, complétée par des chœurs, le son de guitare me laisse pantois et le saxophone à la fin enrichit cette excellente pièce. «The Ones» est le morceau qui clôt l'album en commençant par du piano et la voix à nouveau chaleureuse, plus symphonique et harmonieuse. L'ajout de Durma Mc Broon au chant en tant qu'invitée embellit ce dernier titre. Un excellent septième album pour le groupe italien qui combine différents styles, rappelant des groupes du passé, PFM en particulier. Les morceaux sont bien structurés et joués, montrant un son mature, décisif et symphonique. Ce groupe connaît un succès bien mérité, tant en Italie qu'à l'étranger, démontrant à chaque sortie qu'il est l'un des meilleurs groupes de la scène prog’ transalpine mais aussi un des plus prolifiques. À signaler que le CD japonais contient un 12e titre « Far Away»!
Commode
4/5
Album non disponible sur bandcamp
07/01/2020
Liquido di Morte
IIII
space rock/post rock/psyché – 39’06 – Italie ‘19
Quatrième album du combo italien Liquido Di Morte, comme le titre l’indique de façon spartiate mais très graphique pour qui achète encore (comme moi) les objets physiques (quand ça en vaut la peine). Ici il faudra vous dépêcher, si ce n’est pas trop tard, car l’opus n’est tiré qu’à 200 exemplaires (disponible chez Discogs). C’est de l’excellent space rock parfumé psyché et post rock, loin tout de même de Hawkwind, plutôt dans la veine de Tea for the Wicked (j’ai déjà pris ce groupe pour référence et, si vous ne le connaissez pas, je vous le recommande chaudement en passant). Les plages se construisent entre rythmes soutenus et sonorités atmosphériques planantes, les deux alternant dans les plus longues plages. Dommage d’ailleurs que le groupe n’ait pas développé les partitions plus courtes, il y avait la place vu la «courtesse» (ou on dit «courtitude»? je ne sais plus - kidding) de l’objet (c’est presque un EP)! Il faut visiter la plage témoin «Tramonto Nucleare» (voir lien) pour se rendre compte de la puissance et de l’efficacité de ces compositions à la trame simple, où virevoltent le synthé et la rythmique qui tient en deux lents phrasés répétitifs et mesmérisants. Saupoudrez de sonorités cosmiques soutenues et dégustez sans modération. Mieux encore, le track suivant, «Rebus», illustre parfaitement ces constructions qui partent calmement et se vitaminisent progressivement dans une ambiance spatiale portée par une basse obsédante et une batterie qui marque le pas. 13 minutes de voyage construit en montée progressive (!) d’un trip sidéral pour finir en apaisement mélodique et atterrir en douceur. Géant!
Clavius Reticulus
4/5
08/01/2020
Cirrus Bay
The Art of Vanishing
old school prog – 54’44 – États-Unis ‘19
Le groupe Cirrus Bay a débuté en 2001 en tant que duo acoustique. «The Art of Vanishing», sorti en juin 2019, est leur 6e album studio depuis 2008. Actuellement, la formation se compose du fondateur Bill Gillham et de Mark Blasco, qui jouent tous les instruments et assurent les chœurs, de Tai Shan et de Sharra Acie pour la partie vocale.
Voici un album qui me rappelle l’époque où le terme «prog» lui-même était à peine usité pour désigner ce genre musical initié, entre autres, par Anthony Phillips (première mouture de Genesis) et Tony Banks, auxquels on pense immédiatement dès la première écoute.
On y trouve quelques compositions assez élaborées reposant essentiellement sur l’excellente guitare acoustique, souvent associée à un synthé au son très typé fin des sixties, au piano, ou encore à la flûte et au saxophone. Même si les voix féminines apportent parfois une fraîcheur inattendue, l’ensemble des titres manque singulièrement de relief. On attend en vain quelques vagues sur cette mer d’huile. La croisière se poursuit, longue, sans surprise. Les (rares et courts) sursauts au tempo plus enlevé («A Blossom of Hills», «Eden») ne suffiront pas pour pimenter le voyage: tout ici est doux et modéré.
Un évident parti pris qui ne m’a pas séduit outre mesure, mais qui plaira sans doute aux amateurs de prog classique. Ils apprécieront à sa juste valeur la dernière plage de l’album, sans doute parmi les plus inspirées, «The Vanishing Place», même si elle me fait penser à du progressif qui n’aurait pas beaucoup… progressé.
Nostalgie, quand tu nous tiens!
Vivestido
2,5/5
https://cirrusbay.bandcamp.com/album/the-art-of-vanishing
09/01/2020
Kenner
8Ball City
canterbury/fusion/Zappa – 33’35 – USA ‘19
Eitan Kenner est un musicien d’origine israélienne qui travaille à New York. Producteur, compositeur et claviériste, Kenner se forme au prestigieux Berklee College of Music (Boston) d’où il sort en 2012. Six ans de travail furent nécessaires pour pouvoir conclure ce premier opus, «8ball City».
Eitan aime se déclarer comme éclectique et sans aucun doute il a raison. Maintenant cela ne signifie pas que la musique que l’on peut écouter sur cet album n’a pas d’unité. Tout au contraire! L’écriture est serrée et, au fil des plages, on découvre un vrai plaisir de jouer et de composer. Autant d’idées variées, riches et subtiles se succèdent tout au long de cet album qui, pour un coup d’essai, est franchement une grande réussite.
Les influences sont variées et très bien intégrées. On se prend à naviguer entre le Canterbury (tendance National Health), le jazz fusion, et quelques moments zappiens du meilleur acabit.
Vous aurez compris que la musique est complexe, enlevée, avec des relents enjoués, de l’humour, et toujours une joie intarissable de communiquer un vrai plaisir musical. Du côté jazz fusion, on pense à Chick Corea, mais comme référence légère, plus au niveau du ton.
Enfin, un excellent premier album pour un musicien qui partage son intimité de manière généreuse et dont on aurait grand tort de se priver. Hautement recommandable pour qui aime les styles cités ici.
Lucius Venturini
4/5
10/01/2020
Chapson
Requiem pour une psychose
rock – 56’15 – France ‘18
Petite présentation d'Éric Chapuis, alias CHAPSON. Notre ami ardèchois a toujours été attiré par la musique progressive et le rock comme Pink Floyd, Yes, King Crimson, Sweet Smoke, Gong, Jeff Beck ou encore Deep Purple. Fin 70 début 80, il fonde le groupe Dame de Pique. Après une longue pause, ce n’est qu’en 95 qu’il décide de créer un nouveau groupe et de nouvelles compositions. En 2006, il rencontre Philippe Niel (clavier de FFF, Rita Mitsouko); ils produisent ensemble l’album «Pierre à Venin», à la suite de quoi va naître la formation actuelle du groupe Chapson et la sortie de l’album «Lapus Venenum» en 2007. Depuis 10 ans les concerts se succèdent, notamment avec Ange et Gong en 2013. En 2018, nous voilà à la sortie de l’album «Requiem pour une psychose». Chapson c’est du rock français bien construit avec une base rythmique qui nous fait rentrer sans difficulté dans l’album. Les paroles sont souvent dirigées vers des textes puissants et surtout révoltés. Les thèmes principaux sont la mondialisation, l’écologie, la vie, la mort… L’ensemble de l’album devrait plaire aux rockeurs d’entre vous qui aiment le côté groovy. Peut-être que les purs fans de prog ne vont pas accrocher totalement à l’album parce qu’on ne peut pas parler d’album prog, même si la construction des titres est bien faite et techniquement intéressante. J’y trouve quand même sur certains titres un parallélisme avec le groupe de prog francais Nemo, par exemple dans le titre «Baleine sous galet». On sent notamment une bonne cohésion du groupe qui ne manque pas d’équilibre. À vous de voir et surtout d’écouter…
Vespasien
2,5/5
Album non disponible sur bandcamp
11/01/2020
Monograf
Nadir
post-rock progressif/folk – 41’08 – Norvège ‘19
On connaît la propension des groupes scandinaves à explorer la mélancolie. Que ce soit dans le secteur des musiques progressives, de la trip-hop, du métal, du folk ou du post-rock. Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que ce Monograf, groupe norvégien, ne déroge pas à la règle. Ce premier album «Nadir», pensé par son leader Erik Normann Sannes Aanonsen depuis quatre années, s'inscrit dans la mouvance post-rock progressive: guitares omniprésentes, arpèges aériens, rythmes lancinants, crescendo structurel, chant plaintif. Mais l'originalité vient des influences folks dont les compositions se gorgent comme une éponge d’eau. Cette fusion du post-rock et du folk de tradition norvégienne est d'une originalité pénétrante. Elle apporte une vraie profondeur, une touche d'humanité, un goût de terroir auquel le groupe est très attaché compte tenu du contexte très écologique prôné par la trame philosophique qui transparaît des paroles. Cet opus s'écoute en mode connecté aux réalités sociologiques en vogue aujourd'hui. On imagine en effet le groupe retranché dans une communauté autarcique, à l'écart du monde contemporain, comme une utopie hippie quelques cinquante ans plus tard. Le folk en moteur à énergie renouvelable, le violon plaintif, (limite accordé), en véhicule biodégradable, les instruments traditionnels en combustible vegan, la section rythmique et les guitares en armée revendicatrice.
Chanté en anglais sur la majeure partie des compositions, l’album coule comme une rivière triste et solennelle. «The Golden Calf» (dont vous découvrirez la version courte via le lien youtube) est sans doute le plus beau diamant qu'on y trouvera. Il est d'autant plus remarquable que brut, ses aspérités, ses imperfections lui donnent du caractère. Un album étonnant, innovant même de par sa démarche cherchant à s'inspirer d'une tradition tout en s'enracinant dans une culture musicale post-rock très balisée.
Belle découverte à conseiller à ceux qui ne rechignent pas à l'idée d'explorer les sous-bois humides des musiques venues d'ailleurs.
Centurion
3/5
12/01/2020
Black Moon Tape
Hello Ghost
rock psychédélique – 39’35 – Belgique ’19
Si, en bonne chronologie, «Hello Ghost» succède à «The Salvation Of Morgane» (2017), le premier album de Black Moon Tape, fondé par Will Z. (Cosmic Trip Machine) et le batteur Pierre Vancraenenbroeck, son origine remonte toutefois à vingt ans en arrière, composition précoce d’un jeune Marcelin encore boutonneux, à peine musicien, très peu technicien, pas encore producteur, encore moins Will Z. Et le duo de partir à Berlin "pour sortir des habitudes" et, surtout, se plonger, au Lightning Recorders, dans une caverne d’Ali Baba (une "capsule temporelle") d’affolés du matériel vintage: amplificateur, console, enregistreur à bande, microphone, batterie... autant de témoins muséaux des années 1960, celles où naît le rock psychédélique cher à Marcelin/Will. C’est l’esprit de «Grandiosity Secret Schema», «Cards» (son sitar…) ou de «Are You Ready?» - son exhortation brumeuse à sortir de la routine. Mais cette œuvre de l’adulte en pleine mid life crisis qui donne forme à son rêve d’ado porte aussi une facette plus personnelle, plus romantique même, du personnage - attachant: le déprimé-pas-si-déprimant-que-ça «The Journey» (et son solo de guitare de slow de bal de lycée en fin de soirée), le doucereux «Secret Langage» (qui bénéficie d’une section de cordes) ou l’intime «Mountain». Will Z. a enrichi la plupart des bases rythmiques enregistrées en analogique par des overdubs numériques, outre l’apport de musiciens invités, dont les filles de Fake Empire. Quant aux textes, si ceux du premier disque s’inspiraient notamment de la «Thérapie des schémas» de Jeffrey E. Young, largement utilisée dans les thérapies de troisième vague, les paroles de «Hello Ghost» ont pour la plupart été réécrites - l’ado parle moins à l’adulte qui s’est depuis rendu compte de l’importance du texte pour la chanson.
Auguste
3/5
12/01/2020 : Hommage à Neal Peart
Rush
A Farewell to Kings
rock progressif/métal progressif avant-gardiste – 37'12 – Canada 1977
Un des plus grands batteurs de toute l'histoire du rock nous a quittés... L'occasion de revenir sur un des albums du groupe canadien Rush où officiait Neal Peart, batteur de renom, très respecté de ses pairs pour son style imaginatif, virtuose et spectaculaire. Nous avons choisi «A Farewell to Kings» paru en 1977. À ses débuts, Rush jouait un hard rock plutôt anodin fortement marqué par Led Zeppelin. En 1974, avec l'arrivée de Neal Peart, batteur au jeu puissant et créatif, également fin parolier, inspiré par la littérature de science-fiction et autres essais philosophiques, le groupe commence à acquérir une vraie personnalité et prend vraiment son envol avec le second album «Flight by Night», bien que restant timidement dans une tradition d’un hard rock teinté de blues. L'album suivant, «Caress of Steel», montre une volonté d'expérimentations dont la touche progressive inspirée par Pink Floyd ou Yes se fait sentir. Impression confirmée par le très bon «2112» paru en 1976. L'album dont nous parlons ici, «A Farewell to Kings», est le point culminant d'une période qui se terminera avec «Hemispheres» et présente deux sublimes épiques qui méritent de figurer au panthéon du rock progressif, tant la musique y est particulièrement inspirée, d'une incroyable technicité et d'une exemplaire cohérence au niveau des compositions, préfigurant ainsi ce qu'allait devenir précisément le métal progressif quinze ans plus tard, institutionnalisé notamment par Dream Theater, un des pionniers du genre. Et c'est là qu'on se rend compte de l'énorme influence de Rush au sein de ce genre hybride... Mais revenons à nos moutons. L'album débute par le morceau éponyme. Après une courte intro de guitare acoustique accompagnée de xylophone et de synthés, apparaît la guitare lourde de Alex Lifeson contrebalancée par l'incroyable section rythmique de Geddy Lee (pas si éloigné d'un Chris Squire) et de l'inventif Neal Peart. Le passage instrumental central, où la rythmique est syncopée, fait merveille et annonce la couleur. Vient ensuite le premier épique qui nous intéresse, à savoir le splendide «Xanadu» qui parle de la capitale de Kubilai Khan, avec une dimension fantastique. Ça commence par une introduction atmosphérique, avec fond de synthé et un son de guitare faisant penser à du Steve Howe, pour finalement déboucher sur un thème puissant et lyrique. La batterie colore la musique de sons, de percussions inattendues. La basse est plus ronde que jamais. Les synthés très aériens. Les changements de tons assez multiples. Le chant n'arrive qu'à la cinquième minute et on aime quand Geedy Lee chante de façon plus sobre qu'à l'accoutumée dans ces moments calmes. Entre parenthèses, en plus d'être un excellent bassiste et s'appropriant des nappes de claviers, il demeure un bon chanteur, mais reconnaissons que son timbre de voix et sa manière de chanter par moments, dans les passages les plus musclés, ne font pas toujours l'unanimité... Pour revenir à «Xanadu», différentes ambiances de contemplation et de fougue hard rock s'enchaînent avec complexité et grande mélodicité. On se laisse envoûter et on a envie d'y retourner tant les 11 minutes de ce titre sont riches et interprétées avec brio. Parlons maintenant de l'épique et cosmique «Cygnus X-1» qui relate la chute d'un vaisseau dans un trou noir. Ça commence par une ambiance sombre et originale de pure science-fiction avant d'enchaîner sur un instrumental haché sur un fond de basse vif et rugueux. S'ensuivent alors un déchaînement et une tension palpable pour l'auditeur lors du développement musical avant d'être happé par une débauche de violence électrique et hypnotique. On se régale de la batterie dans cette composition aux métriques complexes qui nous rappellent combien Neal Peart est un grand batteur. Le reste de l'album est aussi de qualité. Le délicat et sensible «Madrigal», l'efficace «Closer to the heart» avec son solo de guitare mémorable et le très bon «Cinderella Man» complètent cet album. Le reproche que l'on pourrait faire à ce dernier, c'est qu'il est un poil trop court... Du coup, il est conseillé d'enchaîner avec le suivant, «Hémisphères», qui comprend une longue suite (la deuxième partie du récit de «Cygnus-X-1») et l'instrumental, «La villa strangiato», des plus recommandables qui marquera la fin d'une période. Rush, évoluant progressivement par la suite vers un sorte de hard prog calibré FM, en phase avec son époque, toujours inventif et jamais ennuyant... L'occasion de se replonger ou de découvrir ce trio unique ainsi que le jeu puissant et inventif du regretté Neal Peart.
Maximus
13/01/2020
Bruce Soord
All This Will Be Yours
prog/rock/alternatif/électro – 40'48 – Angleterre '19
Petit rappel: Bruce Soord est le leader de la formation britannique The Pineapple Thief depuis plus de 20 ans et a à son actif 12 albums d'une qualité irréprochable… Mais je suis fan! Vous voilà avertis! Guitariste, chanteur et compositeur, il est aussi producteur/mixeur pour Opeth, Tesseract, Blackfield ou encore Riverside. À noter également sa collaboration avec Jonas Renkee de Katatonia sur le projet Wisdom of Crowds et vous aurez déjà une idée du CV de l'homme.
«All This Will Be Yours» est le second album solo de Bruce Soord et est le reflet de l'état d'esprit de celui-ci suite à la naissance de sa fille et troisième enfant de la famille. C'est un homme à l'émotion à fleur de peau qui compose ce second album, entre la joie d'être père et ses craintes face au monde d'aujourd'hui.
Pour cet album, Soord s'est chargé de tout: composition bien sûr, mais également chant, instruments, arrangements…
Il en découle une œuvre mélancolique qui nous fait entrer dans l'intimité de l'homme et de sa famille.
Principalement axé sur des mélodies jouées à la guitare acoustique sur lesquelles viennent se greffer des rythmes électros et bruitages de la vie quotidienne, le tout donne une impression d'une infinie douceur. Cependant cette ambiance générale n'est qu'une impression; comme à chaque fois ou presque dans l'œuvre du Britannique, se cache un œil aiguisé sur notre société moderne et plus particulièrement la vie des classes moyennes outre-Manche, pauvreté, drogues, mort, chômage, incertitude quant à notre avenir à travers celui de nos enfants et la responsabilité de les avoir fait naître à une telle époque.
Vous ne pourrez pas resté insensibles à ce nouvel effort gagnant de cet artiste brillant. Un must!
Tiro
5/5
Album non disponible sur Bandcamp
14/01/2020
Michele Conta
Endless Nights
rock progressif baroque – 38’15 – Italie ‘19
Michele Conta est un claviériste italien de la région d'Asti dans le Piémont. Les amateurs de rock progressif apprécieront particulièrement de savoir qu’il est le claviériste de La Locanda delle Fate [Official]. Avec ce groupe, il enregistre «Forse le lucciole non si amano più» en 77, un chef-d'œuvre du prog’ italien, apprécié et reconnu dans le monde entier. On retrouvera ce groupe en 99 avec une reformation pour «Homo homini lupus». Entre deux, Conta tente une expérience de session man dans certains studios d'enregistrement, quittant sa carrière musicale pour terminer ses études. La passion n'a jamais disparu, en fait l'album dont je parle «Endless Nights» contient quarante ans de travail. Précis et réfléchi est le choix des collaborateurs et des studios d'enregistrement où Galvin Harris se démarque à la batterie, enregistrant au légendaire Abbey Road, rien que ça! Un album composé de six titres de longueur moyenne empreints de la personnalité d'un artiste qui a contribué à rendre le genre progressif meilleur (et oui, encore un). Le premier morceau «È nell’aria» commence par une douce mélodie de piano avec un changement soudain et l’entrée des instruments se transforme en un thème éminemment prog’, guitare solide et rythme agressif. Les changements de tempo sont constants et les claviers mais aussi la guitare dictent la partition sur un terrain plus symphonique. Des mélodies de rêve, une assise rythmique solide et les claviers de Michele Conta nous ramènent aux années 70. Une accélération au final avec un excellent solo de guitare clôt la chanson dans un crescendo, une saillie percutante. Le second morceau «With you on the walk of my Life» commence dans une atmosphère plus douce et plus calme que la précédente. Le chant en anglais cette fois, passionné et chaleureux avec un excellent duo entre claviers et guitare qui augmente l'intensité. Entre accélérations plus agressives et ouvertures douces et symphoniques, le chant revient pour la dernière strophe. Un excellent morceau inspiré et plein d'émotion qui montre la souplesse des artistes impliqués. Dans «Notte infinita», l'ensemble est plus orchestral avec piano et chœurs mais laisse rapidement place à des instruments créant un thème piloté par le synthé. Un rythme plus rapide, symphonique, choral et une mélodie mélancolique, ce morceau laisse place à l'expressivité de Michele sur ses claviers. La guitare s'intègre parfaitement dans le final pour un solo tissé par synthé, une belle phase qui clôt le titre. «Growin 'up» est une autre chanson, plus rock avec des recettes prog’. Les moments chantés alternent toujours avec une belle voix passionnée et des tirades instrumentales symphoniques de haut niveau, les mélodies de piano sont exceptionnelles. Un autre excellent morceau qui se termine par un bon solo de guitare là encore. Des carillons de cloches, guitare acoustique et chant en italien, caractérisent le début de «In riva al mondo». Une douce mélodie rêveuse, un texte qui rend hommage à la beauté de la vie et à la mémoire d'un être cher qui n'existe plus, le tout dans une dédicace d'amour. D'une beauté rare, une écoute passionnante de textes et de mélodies, tous composés et exécutés avec une douceur extrême. L'album se termine par «Fiori Nascosti» qui s'ouvre sur une douce intro orchestrale qui semble reprendre le thème précédent de manière plus légère. Un changement rapide avec l'entrée d'une guitare électrique et un riff massif transformant le tout en un morceau pur prog’ plus rapide, plus agressif. Le synthé prend place, la guitare et le piano créent d'excellentes couches superposées sans risquer l’indigestion. Entre mélodies entrelacées et solos, la pièce se termine par une courte ligne vocale. Quarante ans de compositions enfin dévoilées mais qui valaient la peine d’être proposées au public progressif. Un album soigné à tous égards, à la fois riche musicalement et vocalement. Pur prog’ symphonique, il est rare de nos jours d’écouter un travail comme celui-ci, sorti de l'âge d'or. Le mélange entre style classique et moderne est une parfaite réussite car il arrange des ouvertures douces et des montées en puissance comme on les aime. Pour tous les amateurs de prog’, ce sera une expérience d'écoute agréable avec des passages symphonico-lyriques de haut niveau, à l’italienne en somme! Dans une année 2019 qui a connu des sorties intéressantes et de haut niveau, «Endless Nights» occupe l’espace avec mérite, petite œuvre certes courte mais délicieuse et recommandée.
Commode
4/5
15/01/2020
Swans
Leaving Meaning
méditatif/psychédélic/prog – 93’13 – USA ‘19
Chroniquer un album de Swans est toujours une entreprise osée car cela donne l’impression de devoir replacer l’œuvre dans le contexte extensif de plus d’une vingtaine d’albums depuis leur premier EP en 1982. Je vais éviter ce travail fastidieux qui passerait de l’expérimental à la «no wave» avec les multiples changements de personnel et d’orientation que le projet a connus durant toutes ces années.
Bon, pour en venir à «Leaving Meaning», cette fois, Michael Gira, tête pensante et seul rescapé de la formule originale, s’entoure de personnes intéressantes, comme par exemple Anna von Hausswolff et les Necks pour des passages de soundscapes, superbes au demeurant, qui réussissent le tour de force de paraître véritablement «Swans» sans tirer le discours trop loin pour entrer dans l’éclectisme.
Bien sûr, la voix incantatoire est bien présente, et les thèmes sont tour à tour envoûtants, mystérieux, urgents, ou parfois plus calmes, presque paisibles. Plus de 18 musiciens participent au projet et cela permet une instrumentation variée. On peut y entendre des parties de piano, guitare, vibraphone, mellotron, orgue, synthés, accordéon, santur, violon, alto, harmonium, trompette et clarinette.
Chaque morceau définit un espace qui sera approfondi, creusé, trituré, mastiqué pour rendre tout ce qu’il pouvait potentiellement produire. Un tour de force de maîtrise musicale appuyant bien sûr les textes que la voix de Gira nous assène de façon variée…
Oui, c’est un grand album, un must pour qui aime voyager dans un univers sonore et poétique hors du commun comme Swans nous en donne l’occasion depuis belle lurette. Cet album n’atteint peut-être pas les sommets d’un «White Light from the Mouth of Infinity», mais il n’en n’est pas loin… Hautement recommandable!
Lucius Venturini
4,5/5
16/01/2020
Mangeur de Rêves
Histoires à l'Envers
folk-prog – 32’34 – Canada (Québec) ‘19
Premier album pour ce groupe originaire de Montréal fondé par Alex Cégé et Jici LG courant 2016. Qui dit Québec pense au progressif apaisé des années 70 de groupes comme Harmonium, Octobre, Garolou, Maneige, Beau Dommage, Morse Code et compagnie. Mangeur de Rêves s’inscrit dans cette tradition de «rock» nimbé de folk et d’harmonies poétiques.
Bien entendu chantée en français avec cet accent si particulier, cette «Histoire à l’Envers» est une invite à rejoindre une époque surannée. Les climats acoustiques convient à voyager au-delà de notre temps, à plonger dans des atmosphères où le folk et la chanson s’acoquinent à un univers qui n’est pas fait de rock mais qui en a les contours.
Le grand Harmonium est le premier groupe auquel on songe même si Mangeur de Rêves tient dans ses guitares un p’tit quelque chose qui ne demande qu’à exploser. Une caractéristique volontairement tempérée que le groupe devra peut-être revisiter afin de tracer une nouvelle voie, assumer une nouvelle identité. Les titres «Refuge» et «Enfants de cœur» suggèrent cette nouvelle orientation possible, elle qui incarne une certaine idée d’un Opeth dans ses moments les plus intimistes.
Groupe en devenir, les mangeurs de rêves nous délivrent ici un gage de potentialité. Ce court album n’est sans doute encore qu’une prémisse apéritive. Curieux de découvrir la suite, j’ai faim…
Centurion
2,5/5
17/01/2020
Soulsplitter
Salutogenesis
metal progressif/black atmosphérique – 61’54 – Allemagne ‘19
Soulsplitter est un tout nouveau groupe allemand fondé en 2016, et ils sortent trois ans plus tard leur tout premier opus «Salutogenesis». Alors là, attention! Vous voulez de l’original? Vous l’avez avec un rock progressif pur jus, style années 70, mélangé avec du métal bien actuel, en passant par des sons jazzy et atmosphériques sombres… et le tout tient totalement la route. C’est d’un professionnalisme hors norme! Ils partent dans tous les sens mais ça reste d’une simplicité et d’une limpidité incroyable. C’est tout simplement la grande classe. Le titre «The transition» en est un bon exemple. On passe d’une intro guitare sèche qui coule au milieu de diverses rythmiques de basse/batterie vers un doux moment au chant féminin particulièrement cristallin nanti de quelques claviers, pour terminer en voix gutturale typiquement métal extrême bien sombre. Le titre «Dream» est un instrumental des plus doux, plus jazzy mélancolique avec une construction à la Steven Wilson. Le titre qui conclut l’album est plus un métal prog typique de Symphony X au niveau de la guitare mais encore une fois fait à leur sauce. Soulsplitter est vraiment un ovni. Avez-vous souvent entendu du Meshuggah accompagné de mellotron, de piano et d'orgue Hammond? Si leur but est de plier, voire de briser toutes les frontières possibles, ils ont gagné leur pari. À une époque où de nouveaux groupes tentent de percer en créant quelque chose hors du commun, il est rafraîchissant et encourageant d'entendre ce type d’album. Les influences sont naturellement très nombreuses et variées. On y trouve du Meshuggah, Dream Theater, Symphony X, pour les plus classiques, mais aussi du Antimatter, Opeth, Haken, Leprous, Riverside, Devin Townsend, Vanden Plas… Je ne sais même pas si je saurai suffisamment décrire l'album pour cette critique en des termes qui rendent justice à leur art. Ils sont tellement particuliers. Le mieux c’est de se laisser entraîner par l’indescriptible et d’écouter…
Vespasien
5/5
18/01/2020
Fire! Orchestra
Arrival
jazz psychédélique – 66’07 – Suède ’19
Fire! a démarré en 2009 sous l’impulsion de Mats Gustafsson (saxophones), Johan Berthling (basse) et Andreas Werliin (batterie, percussions) - chacun est une pointure dans son domaine, il suffit d’écouter les techniques instrumentales de Gustafsson, acquises auprès des grands du free jazz (Peter Brötzmann) ou des écoles européennes microtonales pour s’en convaincre («Dressed in Smoke. Blown Away»). Le but du trio? Improviser et mêler les influences free jazz, rock psychédélique et noise. Les premiers disques naissent de collaborations, avec l’américain Jim O’Rourke ou l’australien Oren Ambarchi. En 2013, le groupe mue en FIRE Orchestra, formation large de 28 instrumentistes issus de la scène scandinave jazz, impro et rock d’avant-garde et publie l’album «Exit!». Dans son actuelle configuration, ramenée à 14 membres - dont les insolites chanteuses Mariam Wallentin et Sofia Jernberg -, l’Orchestra réduit les cuivres et la rythmique à l’essentiel pour développer cordes et clarinettes. Entre improvisation et structure (la remarquable reprise de «Blue Chrystal Fire» de Robbie Bashos), inspirée et inspirante (les cordes dans «(I Am a) Horizon»), éclatante et lumineuse (la bouleversante réinterprétation de «At Last I’m Free» de Bernard Edwards and Nile Rogers - les âmes damnées de Chic -, que Robert Wyatt avait pourtant déjà transcendée), la musique de «Arrival» est un ravissement.
Auguste
5/5
Album non disponible sur bandcamp
https://youtu.be/g_RtH8Mx-wI?fbclid=IwAR1V4zIZA2g1vB5gCQk-89-nQ_PDAxFY2fYVP7uKORqxf6HX_DeAJHsPq4I
19/01/2020
Runa Gaman
Runa Gaman
rock psychédélique – 48’01 – Argentine ‘19
Après un coup d’essai déjà très réussi, en 2017, avec son EP «Cepa» (35 minutes malgré tout, ce qui, à mon sens, représente plutôt un mini album) dont la première plage virevoltait sur des nappes écho-logiques aux colorations Pink Floyd de l’époque «A Saucerful of Secrets», notre band argentin au nom curieux fait de «rune» et de «gaman» (en japonais: patience, contrôle de soi) est fier (et il peut l’être) de présenter son premier album où il transforme son essai de façon magistrale! La recette de la sauce psyché est toujours à peu près la même, faite de guitare évaporée copieusement saupoudrée d’écho, d’une batterie, d’une basse et de claviers, le tout fonctionnant en merveilleuse harmonie cosmique. Ajoutez-y ici quelques condiments exotiques comme le tabla et la cloche tibétaine (très discrète). La mixture est vitaminée par des riffs énergiques soutenus par la section rythmique à laquelle vient se mêler un clavier léger mais en complément parfait pour un déjeuner psyché sans substance illicite. Pas en manque d’imagination, le musicien crée des ambiances aériennes sur lesquelles glissent des états d’âme subliminaux. Alternant les riffs cinglants et les arpèges qui ricochent sur les parois du temple de la nymphe Echo, le voyage s’étoile de mélodies simples et efficaces montant en puissance jusqu’à atteindre l’altitude nécessaire pour une croisière à la limite de la stratosphère. Les séquences atmosphériques (si l’on veut) donnent la réplique aux interventions presque space rock qui se montrent alors débridées. Un savant cocktail d’une efficacité qui tue. À consommer sans modération.
Clavius Reticulus
3,5/5
20/01/2020
Minimum Vital
Air Caravan’
rock progressif (médiéval) – 54’33 – France ‘19
Oyez oyez damoiselles damoiseaux, le rock médiéval est de retour! Minimum Vital revient plus en forme que jamais avec ce «Air Caravan’» sous la forme d’un quatuor et continue de nous gratifier de son rock progressif si singulier aux accents jazz-rock et aux racines médiévales. Dès les premières minutes de l’album, notamment avec le morceau-titre, on retrouve tout ce qu’on aime chez Minimum Vital, à savoir une énergie positive et fougueuse d’une incroyable créativité. Des chœurs joyeux venus d’ailleurs, des orgues omniprésents parfois très médiévaux font écho à des guitares au jeu particulier, d’une grande richesse avec des sonorités folk, celtiques, latines ou planantes. Tout cela sur un fond rythmique des plus entraînants, limite groovy. On apprécie d’ailleurs la présence de la batterie qui manquait peut-être aux deux albums précédents et qui vient s’ajouter à la basse et aux percussions. Ces dernières restent tout de même assez discrètes, laissant la place prépondérante au dialogue guitares/claviers. On sent d’ailleurs toujours cette superbe alchimie au sein de la musique des jumeaux Payssan. Les titres s’enchaînent avec festivité et inventivité. On exulte avec le réjouissant et dansant «Tarentelle», on jubile avec le pêchu et hypnotique «King Guru», on se laisse emporter par l’intimiste et envoûtant «Le fol», tout comme l’arabisant «Sliman», l’étrange «Jonglerie» ou encore l’hispanique «Vole / Voyageur immobile)», qui fait presque penser à du Al Di Meola… Le reste n’en est pas moins passionnant, jusqu’au rock rétro de «Hugues le loup» qui clôture sympathiquement l’album.
Un cru qui regorge de surprises et de moments de bravoure. Une bouffée d’air frais, qui donne la pêche. Riche en ambiances, très coloré à l’image de la pochette et d’une grande variété instrumentale. À découvrir de toute urgence et à partager. Un groupe qui mériterait une plus grande notoriété et qu’on y prête davantage d’intérêt tant la musique y est originale et d’une grande sincérité. Un incontournable du rock progressif français. Ni plus ni moins.
Maximus
4,5/5
Album non disponible sur Bandcamp
https://youtu.be/O78R_bC2Bf0?fbclid=IwAR3cZT-UWv1Pos6foZJ5_1Ho8xQnTPZd4XuSZ0-fDffGA6jtbF-JGQ-6J6E
21/01/2020
About:Blank
Anthology of a Cave
rock progressif/métal prog – 51’48 – Italie ‘19
Formé à Bologne en 2012, about:blank compte deux albums à son actif. Le premier, «Random Rock», est sorti en 2015 et était orienté hard rock. Pour ce second essai, c’est un changement d’orientation musicale qu’ils nous proposent, puisque cet «Anthology of a Cave» se veut progressif et métal prog.
En bonne formation prog qui se respecte, c’est un opus conceptuel qu’ils offrent à nos oreilles. La grotte est ici une métaphore de l’âme humaine, un monde conceptuel peuplé de personnages de conte de fées.
Musicalement, c’est bien fait, bien arrangé. Le groupe hésite entre prog et métal prog, ceci s’explique probablement par le jeune âge de ses membres. Les mélodies et les riffs, à défaut d’être originaux, nous montrent toutefois un réel potentiel et un bel avenir. Un titre comme «Mirror Montain» témoigne d’un sens de la mélodie, confirmé également sur «The Cave» qui débute par une mélodie acoustique pour partir sur des riffs métal dignes d’un Fates Warning. Bien évidement le groupe est encore loin d’égaler cette formation, mais les breaks au piano/claviers montrent un réel potentiel. Mention spéciale pour «The Unnecessary», probablement le meilleur titre de l’album, où le riffs de guitare et la structure du morceau me font penser à King’s X.
Une bonne surprise donc, un groupe à découvrir absolument.
Tiro
3,5/5
https://tooloudrecords.bandcamp.com/album/anthology-of-a-cave
22/01/2020
Qlay
Imago
folk/rock/prog/ambient/world music – 51’06 – France ‘19
Second album après un «The Swan, Horse and the Black Matter» paru en 2013, Qlay, groupe fondé en 2009, est l’entité de Quentin Gendrot (guitare, voix, violoncelle…) autour de laquelle gravitent aussi Simon Renault pour la batterie, et Geoffrey «Shob» Neau pour la basse.
Hybride, sillonnant divers styles, ce nouvel album «Imago» en devient inclassable. Néanmoins, force est de constater que les influences du folk, du rock, du prog, du métal, de la world music ont touché l’âme du musicien. Nous visitons un univers cérébral constitué de bribes d’influences, de cailloux ramassés ci et là, de parfums emprisonnés au gré du vent et des saisons, de sensations perçues au fil de voyages et d’aventures imaginaires. «Shut up and Dance» est remarquable à cet égard. On passe, bercé comme dans un songe vaporeux, de l’Orient aux forêts païennes ancestrales, d’énigmatiques sonorités africaines à un déluge métallique. Musique étrange, arrangements peaufinés, sonorités envoûtantes, compositions ciselées, ambiance insolite et captivante, cet «Imago» porte bien son nom, nous sommes immergés dans un voyage onirique et magique.
Essentiellement instrumental, captivant de bout en bout, cet opus regorge d’idées et évite les pièges, il s’émancipe des carcans, il est brillantissime!
Centurion
4/5
Album non disponible sur bandcamp
23/01/2020
Solaris
Nostradamus 2.0 – Returnity
rock progressif symphonique – 44’40 – Hongrie ‘19
Solaris (Solaris Együttes) est un groupe prog’ symphonique originaire de Hongrie et formé en 1980. Du premier album sorti en 1984 à nos jours, le groupe a enregistré quatre autres disques et celui-ci est la suite de «Nostradamus Book of Prophecies» de 1999. Contenant quatre pistes, l'album se compose d'une longue suite de plus de 34 minutes, divisée en six parties et trois pistes instrumentales, reprenant le discours musical de cette thématique de la première partie sortie il y a vingt ans. L'objectif central de l'album tourne autour de la suite «Returnity» divisée en six dates, avant laquelle «1960 - 1 août» est la date de naissance de l'ancien batteur de Solaris, Toth Vilmos, récemment décédé. Il s'ouvre sur une intro au piano qui se transforme en une pompeuse chanson neo prog avec une voix d'opéra féminine. Utilisation extensive de synthés, orchestrations et ouvertures symphoniques dans le style classique de Solaris, parfois plus agressifs avec des inserts de guitare électrique et de flûte. La deuxième partie, «1942 - 2 décembre» est la date de la première réaction en chaîne nucléaire d'origine humaine à Chicago. Caractérisé par des effets plus forts avec des flûtes et des claviers qui donnent réellement la sensation d'une réaction nucléaire plus dans un style modern prog’. Les changements de tempos sont continus et embellissent le morceau. «1986 - 26 avril» a pour thème un autre «événement» nucléaire avec la catastrophe de la centrale de Tchernobyl. Avec plus de sons électroniques au début, mélangeant quelques ambiances plus folkloriques dominées par la flûte et des guitares distinctes qui donnent une touche plus électrique. Un moment symphonique de nouveau pompeux prend place, on en revient au piano et à la flûte qui renvoient une douce mélodie. «1905 - 30 juin», Albert Einstein publie son traité «l'électrodynamique des corps en mouvement». Avec un solide riff de guitare et des synthés qui s'entrelacent, rappelant le style prog’ des années 70 avec des changements de tempo plus doux et des mélodies qui se stratifient. Les parties instrumentales de plus haut niveau sont supérieures aux voix, qui dans cette phase sont insérées avec des chœurs en latin. Un thème symphonique plus aérien théorise cette partie, même si le sujet moins alarmiste est plus positif, l'un des meilleurs moments instrumentaux de l'album. La cinquième partie «1969 - 2 septembre» est la date de la première communication entre deux ordinateurs via l'Interface Message Processor (IMP) qui eut lieu à l'UCLA. Il est plus agressif et condense un rythme rapide, comme pour représenter le message qui va d'un PC à l'autre. Le synthé et la flûte se baladent à nouveau sur les mélodies du thème donnant vie à un autre instrumental de haut niveau. Ici, les claviers sont les protagonistes d'une ligne de basse hypnotique et d’inserts vocaux masculins et féminins. La fermeture de la suite «1969 - 20 juillet» est la date des premiers pas de l’homme sur la Lune, alternant moments choraux et entrées soudaines et agressives de guitare et de synthé, des riffs de rock solides et une base basse/batterie assez costaude. Changement notable, ce titre se termine par un chœur entre instruments et voix sur une mélodie plus symphonique et rêveuse. Le deuxième morceau «Double Helix - 1953 28 février» est le premier des trois instrumentaux. Commencé avec un rythme plus linéaire et des mélodies de guitare acoustique et de flûte, sur lesquelles sont insérées des couches de claviers, le synthé en évidence encore. Au final, tous les instruments s'entrelacent en solo puis se referment en une grande boucle de bonheur auditif. Le troisième «Deep Blue – 1997 11 mars» est plus heavy prog’, rappelant les sons de Jethro Tull avec des guitares et des instruments à vent aux sons déformés. Un changement soudain nous emmène vers des arpèges folkisants avec cette flûte omniprésente dans la mélodie accompagnée de guitare acoustique et percussions. Le final revient sur des tons plus lourds avec le retour du thème initial qui se termine. Le dernier «Radioscope - 1926 20 mars» est une pièce plus directe où tous les instruments collaborent pour un instrumental puissant et rythmique où se heurtent des solos de guitares déformés, un synthé et des ouvertures plus symphoniques. Un album qui met en valeur l'excellente technique et les bonnes idées du groupe dont l’expérience n’est plus à vanter depuis le temps. La longue suite est l'épine dorsale de l'œuvre, et ne déçoit pas les attentes, en effet elle propose des idées dans un pur style progressif. Bien utilisé elle ne laisse aucun instant de vacuité ou de sections dispersées. Les pistes finales sont plus directes, plus courtes avec des caractéristiques différentes de la grande suite et clôturent cet excellent album dans l’allégresse d’un rock symphonique semblant parfois issu du ventre fécond des seventies. Une sortie de qualité pour les Hongrois de Solaris, qui confirment les bonnes choses entendues au cours des quarante dernières années. Pour tous les fans de prog’ et de neo prog plus cossu que la moyenne, une sortie essentielle entre toutes celles de 2019 et un retour en force pour les Magyars. Et comme je parle très bien le hongrois, j’ai changé en français les dates/titres de l’album (humour)…
Commode
4/5
Album non disponible sur bandcamp
24/01/2020
InVertigo
InMotion
neo prog – 45’05 – Allemagne ‘19
Jouer, ne pas jouer. Composer, ne pas composer. Enregistrer, ne pas enregistrer. Publier, ne pas publier. Être ou ne pas être…
Finalement, la vie d’un artiste se résume toujours à ces questions. Faire de la musique, c’est une passion dévorante. Décider de se lancer dans la composition est un défi immense (j’en sais quelque chose…). Il faut d’abord l’inspiration et les idées. Il faut ensuite décider de concrétiser seul ou avec d’autres. Il faut donc trouver des comparses avec qui une véritable connexion peut se créer et qui, ensemble, vont donner corps aux idées pour en faire un projet et finalement une «œuvre» que l’on estime digne d’être publiée. Et à ce moment, l’artiste se confronte au public et à la «concurrence» (il faut bien l’appeler ainsi) en espérant laisser une trace dont on se souviendra.
Ces questions, j’imagine que les Allemands de InVertigo ont dû se la poser comme tous les autres en nous proposant ici leur troisième album. Ils nous proposent un neo-prog de facture très classique où l’accent a été mis sur les mélodies et les arrangements. Toutefois, je crains pour eux que cet album ne leur permette pas de réaliser une percée significative ou de se démarquer par rapport à cette foutue concurrence. Les compositions manquent de relief et arrivent difficilement à nous emmener hors des sentiers battus et re-battus. C’est dommage car le groupe ne manque pas de qualités mais ils auraient gagné à plus travailler sur la production pour donner le relief et la dynamique que les compos n’arrivent pas à insuffler. C’est d’autant plus dommage qu’une écoute (très) rapide de quelques plages de leurs deux précédents albums démontre qu’ils en sont tout à fait capables.
Un coup dans l’eau donc pour ce «InMotion» et rendez-vous au prochain essai.
2/5
Amelius
25/01/2020
Andy Pickford
Maelstrom – Remix 24 bits
electronica/prog – 160’36 (et plus) – UK ‘19
1994: première mouture d’un album qui se voit remastérisé en 2013 et une nouvelle fois cette année. Andy Pickford y met le paquet pour nous offrir une version 24 bits immergeante dont vous ne goûterez la plénitude (jeu de mots) que si votre installation est bien entendu à la hauteur (les inconditionnels du MP3, l’oublier). Picko nous en offre deux présentations différentes: l’une que vous pourrez télécharger en 24 bits, plages séparées, et l’autre à écouter en streaming sur le site de bandcamp: deux sets continus des morceaux collés bout à bout en 24 bits. Pareil pour ce qui est des titres en 16 bits: streaming only. Maelstrom nous fait revivre le passé musical de Andy, plus électronique tout en se démarquant nettement des mouvances synthétiques pures. Voix numérisées, échantillonnages divers et séquenceurs sont bien là mais dans une texture rock élaborée dont il a le secret et qui a un je-ne-sais-quoi de mélancolique et rêveur. Ne cherchez nulle part ailleurs pareille sonorité, elle lui est personnelle depuis des années. Andy ne ressemble qu’à lui-même (cela dit, «Oblivion» a un petit parfum Jean-Michel Jarre). Les plages «live» sont plus pêchues, le rock y reprend ses droits, c’est souvent le cas dans les prestations publiques. La musique de Andy transporte le mélomane dans les flux célestes du dialogue des sphères. Une approche inhabituelle du prog rock synthétique; un sublime échange sensuel avec l’Onirimonde. Picko peut nous faire rêver des heures en oubliant la dimension temporelle. Il a le don de créer des albums-fleuves… sur lesquels on navigue dans la plus parfaite félicité.
Clavius Reticulus
5/5
https://andypickford1.bandcamp.com/album/maelstrom-2019-24-bit-collectors-edition
26/01/2020
Agouti
Nodes
rock psychédélique – 38’32 – USA ’19
«Nodes» m’a illico rappelé les volutes norvégiennes du «Of Ullages and Dottles» de Smell Of Incense, même si Agouti sévit loin de là, sur les bords du Pacifique, à San Francisco - là où tout a commencé, rappelez-vous le Summer Of Love de 1967. C’est le premier album du trio, mis sur bande (de l’analogique et du vieux matos, oui!) dans la cave de Carmen Caruso (chant, basse) - qui a son idée sur la manière de produire la chose. Les couleurs sonores qui caractérisent ces chansons résultent d’un mélange singulier entre les tons délavés du début des années 1970 (mais oui, ces bleus ciel et ces jaunes soleil pâle) - la batterie foisonnante (David Rabkin, le quatrième mousquetaire), les claviers analogiques - et une modernité cosmopolite, insufflée par la fraîcheur de la voix, la légère réverbération de la guitare, la souplesse des transitions. «Times of Clouds and Sun» en est un parfait exemple. Le jeu de basse de Caruso, allié à son écriture - elle signe les dix morceaux - de lignes mélodiques simples mais efficaces («The Point») est un des points forts de ce disque: accessible sans être facile, daté sans être passéiste, empli sans déborder.
Auguste
4/5
27/01/2020
Nine Sk(i)es
Sweetheart Grips
rock progressif – 67’21 – France ‘19
Deuxième album (et c’est un double!) pour les Français de Nine Skies (Return Home était paru en 2017). Huit individualités constituent la base de ce groupe (les deux chanteurs précédents sont maintenant remplacés par une chanteuse: Aliénor Favier): David Darnaud (guitares), Éric Bouillette (guitares, claviers, violon, chant), Alexandre Lamia (guitares, claviers), Anne-Claire Rallo (claviers), Bernard Hery (basse), Fab Galia (batterie) et Laurent Benhamou (saxophones). Nous verrons plus loin les invités qui participent à cet album. Le concept sous-jacent met en lumière les souvenirs et sensations d’un jeune soldat soumis à un choc post-traumatique mettant en exergue le paradoxe entre la violence aveugle de la guerre (l’action se passe durant la Seconde Guerre mondiale) et les traits d’humanité présents en chacun d’entre nous. Il faut remarquer que «Sweetheart Grips» fait référence à cette pratique des soldats à l’époque: ils prenaient les photos les plus précieuses de leurs familles (mais également de pin-up!) et les plaçaient sous la crosse de leur pistolet 1911 (du nom de la présente œuvre). Les bénéfices retirés de la vente seront reversés à l’association «Ian’s Chain» afin de sensibiliser à la prévention du suicide et d’aider les familles ayant enduré un tel acte en leur sein. Passons rapidement sur le court instrumental «Vestige» où les pleurs couvrent difficilement les bruits de la guerre dans le lointain. Les premiers invités font leur apparition sur «Burn my Brain» en la personne de Craig Blundell (Steven Wilson, Steve Hackett, Frost*) dont le drumming percutant et délicat, lorsque cela s’avère nécessaire, s’allie parfaitement au jeu de Clive Nolan (Arena, Pendragon). «Catharsis (Part II)» nous montre tout le talent de nos compères sur cette pièce ciselée tout en subtilité. Sur le plus enlevé «The Thought Trader», le groupe est rejoint à la guitare par Johnny Marter. Soulignons le chant nuancé d’Aliénor qui peut se montrer agressif et d’une délicatesse déconcertante dans les secondes qui suivent! Le premier CD se termine par le bel enchaînement «Alone (Sweetheart Grips Intro)» et la plage titulaire sur laquelle intervient, au chant, Riccardo Romano (Ranestrane) pour un rendu plus théâtral. Sur «Somewhere Inside Mankind», le groupe fait preuve d’une grande maîtrise tout en laissant la place aux développements de tout un chacun. On appréciera les interventions très techniques à la guitare de Dave Foster (Steve Rothery Band) tout autant que le chant toujours remarquable d’Aliénor. Avec «Tyrant or Nothing», un certain apaisement s’empare de nous avec de délicats arpèges et sa partie légèrement jazzy et hispanisante. Le piano et les claviers de Pat Sanders (Drifting Sun) nous accueillent pour une autre excellente plage: «Soldiers of Shame» tout en changement d’ambiance. Laissons-nous bercer par l’intervention finale de la guitare acoustique! Walt Disney s’invite sur «Flowers of Pain» via une tirade musicale de «l’Apprenti Sorcier» (j’ai vérifié, merci MachinTube!), bel instrumental que viendra compléter «Isolation». Que voilà un album qui fait chaud au cœur! Je ne peux que vous inciter à faire un beau geste en achetant cette superbe galette!
Tibère
3,5/5
28/01/2020
Alexander Noice
Noice
rock in opposition – 47’00 – États-Unis ’19
C’est rare d’être emporté dès les premières notes de la première écoute du premier titre d’un album qu’on entrouvre pour la première fois. Et, quand c’est le cas, le plus souvent, on en sort meurtri car déçu par cet enthousiasme excessif qui, bien sûr, n’a pas pu tenir le poids abusif des promesses exagérées d’un premier souffle outré. Eh bien, c’est à la fois le cas (être emporté) et pas le cas (être déçu) pour «Noice», qui démarre - et ne s’arrêtera pas avant la fin de son huitième titre - sur une rengaine survitaminée autant qu’invertébrée à la The Minnaars (cet invraisemblable groupe anglais - nonobstant son nom néerlandais - qui m’avait scotché en 2009 avant God Is An Astronaut au Out Of The Crowd Festival à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette, comme l’avait fait XTC en 1978 avant Talking Heads au Vieux Saint-Job à Bruxelles - (les deux jouant sur d’acérés arpèges de guitares monstrueusement énergétiques) mais écrite à la Philip Glass (période opératique «Nixon In China»), avec un relent prononcé de ces fichus Ukrainiens dont je ne parviens pas à retrouver le nom (normal, maintenant que ça me revient, ils viennent du Belarus: Rational Diet, mué ensuite en Five Storey Ensemble), mais dont les instruments acoustiques m’évoquaient au Rock In Opposition Festival (Carmaux) les cousins valeureux, hardis et intrépides d’Aranis - le groupe belge aujourd’hui défunt de Joris Vanvinckenroye et Jana Arns. C’est Oranda Records, petit label californien du Sud, qui publie ce chef-d’œuvre aux sonorités si profondément personnelles et inimitables, bande son du film qu’auraient enfanté Kubrick et Fellini en dieux fêlés, entre terre et mer, entre synapses et viscères. Oranda, qui rassemble en son sein des musiciens de l’ère "post-Braxton", celle où les styles musicaux grandissent et rapetissent selon un continuum, mêlant racines, branches et feuilles, fleurs et couleurs dans une infinie ambiguïté. Un premier album saisissant. Exceptionnel. Remarquable.
Auguste
5/5
29/01/2020
Julien Thomas
Oscurato Dalle Nuvole (Musica Non De La Vallée)
space floyd – 56’06 – France ‘19
Un cover? Un pastiche? Non, un hommage et un bel exercice de style surtout! Comme Julien l’indique, ce n’est pas la BO du film de Barbet Schroeder, «La Vallée», même si la musique que vous écoutez ici est bien constituée des titres de l’album de Pink Floyd. Un bel album en fait, tout comme la bande originale de «More», l’un et l’autre trop oubliés, gommés par les géants «Dark Side of the Moon» et «The Wall». La place me manque pour entrer dans les détails et décortiquer le présent petit bijou mais les fans du Floyd vont reconnaître certains «additifs» empruntés à d’autres albums du band de Waters et Gilmour («Meddle», «Atom Heart Mother» et «Dark Side of the Moon») que Julien a sertis de touches musicales personnelles. Il y joue tous les instruments. N'allez pas croire qu’il s’est contenté de pomper des échantillons à gauche et à droite. Écoutez son jeu de guitare et vous constaterez qu’on n’a pas affaire à un manchot! «Restare» (Stay) est particulièrement aérien, nappé de sonorités magiques couleurs synthés astrales. Pareil avec «Qual È l’Accordo» (Wot’s... Uh the Deal) avec sa voix cosmique qui se répercute en écho… Quant à «Fine Dell’Infanzia» (Childhood’s End), il y plane un petit parfum Jean-Michel Jarre dans les synthés. Une superbe réussite qui nous permet de redécouvrir les multiples talents de l’artiste et de revisiter à la base un album du Floyd dont on ne parle pas assez, lui préférant, entre autres, le rabâché «Another Brick in the Wall». «Oscurato Dalle Nuvole» est téléchargeable gratuitement sur bandcamp.com. En prime, des bonus assez étonnants! Au fait, j’ai demandé à Julien quand il allait s’attaquer à «Selling England by the Pound»!
Clavius Reticulus
4/5
https://julien-thomas.bandcamp.com/album/oscurato-dalle-nuvole-musica-non-da-la-vall-e
30/01/2020
feat. Esserelà
Disco Dooro
rock progressif/jazz-rock – 53’23 – Italie ‘19
Second album pour ce groupe italien originaire de Bologne dont l’ossature demeure inchangée: Renato Minguzzi (guitare), Francesco Ciampolini (claviers) et Lorenzo Muggia (batterie), auxquels il faut ajouter quelques invités pour tenir saxophones, trompettes…
Musicalement feat. Esserelà s’immisce dans les ornières creusées de la rencontre du rock progressif et du jazz-rock. On pense à Frank Zappa, au Deus ex Machina d’Alberto Piras, parfois au jazz-rock un peu funk des années 70. Des morceaux hautement techniques mais nantis d’une forme de dérision, où la musique respire autant l’humour que le professionnalisme. Essentiellement instrumental, cet album regorge de complexité, de changement de tempo, de brisures rythmiques, d’évolution des genres comme sur «...svegliati è primavehera» qui verse d’un jazz-fusion/funk à la Herbie Hancock vers un jazz-blues à la Randy Brecker / Bill Evans. Chassé-croisé permanent de structures multiformes nous entraînant parfois au plus profond des poncifs du jazz «Lodovico Svarchi» pour très vite repartir vers des arrangements compliqués et même parfois déstabilisants. Mais aussi des plongées dans les eaux complexes du prog comme sur «Popoloto» dont le groove rythmique dépote avant d’évoluer vers un jazz-rock un peu plus conventionnel.
En conclusion, un album riche qui devrait plaire aux fans de jazz-rock complexe.
Centurion
2,5/5
31/01/2020
Frank Wyatt and Friends
Zeitgeist
jazz-rock/prog symphonique – 58'41 – USA '19
Pour ceux qui ne connaissent pas Frank Wyatt (Frank Wyatt Music), je vais devoir faire de la petite histoire et voir si j’ai encore une bonne mémoire! Je dois avouer que cela ne va être trop compliqué pour moi car Frank Wyatt est un des membres fondateurs d’un de mes groupes préférés «HTM» (pour les intimes).
J’ai découvert Happy The Man au début des années 80 grâce à Tonton Zégut qui lors d’une de ses émissions de Wango-Tango passa ce merveilleux titre, «Service with a Smile», tiré du deuxième album du groupe et donc me révéla, enfin, l’identité des responsables de cet émoi jouissif que me provoquait à chaque écoute le générique de l’émission WRTL-Live présenté par Dominique Farran les samedis soir sur RTL!
S’ensuivit une belle et grande histoire d’amour avec HTM qui ne m’a plus quitté depuis.
Après 8 albums comprenant un live, archives et compilations, étalés sur de longues années, Frank Wyatt avec son complice guitariste et chanteur Stan Whitaker sortent l’album «Pedal Giant Animals» en 2006, intéressant mais un peu moins inspiré que leurs productions sous HTM. Puis, en 2007, ils reviennent avec leur nouveau groupe et l’album éponyme «Oblivion Sun» d’une excellente facture et enfin, en 2013, l’album «The High Places», mais depuis plus rien...
Donc, quand je vois sur facebook un message de Frank Wyatt annoncer un nouvel album, je me dis que le Père Noël est de retour et que j’ai dû être sage.
Alors cet album, me direz-vous?
«Zeitgeist» qui ouvre cet opus nous replonge immédiatement dans ce sentiment de bien-être que vous ressentez lorsque vous retrouvez un lieu, un paysage d’enfance où vous étiez heureux. Du pur Happy the Man avec la voix si particulière de Stan Whitaker.
«Leaving» s’enchaîne dans la même mouvance, ce même bonheur. Nous retrouvons la veine plus jazz-rock de nos amis avec «Twelve Jumps». «Eleventh Hour» est plus un format chanson, en rien désagréable, un peu désuet mais charmant comme peuvent l’être certains titres de Caravan ou Camel avec au chant Cliff Fortney. Pour «The Approach» (mon titre préféré de l’album), qui aurait dû figurer sur «The Muse awakens» de 2004, c’est un grand voyage qui nous entraîne vers les rives du Gange avec son intro au sitar puis vers d’étranges contrées avec toutes ses successions de rythmes saccadés et d’envolées symphoniques très caractéristiques de la musique d’Happy the Man Frank. «Fred’s Song», dédié à un ami disparu, commence tout en douceur dans un style camélien avant d’aller sur un terrain nostalgique et finir dans un mouvement crescendo, sorte d’hymne symbolisant certainement le passage...
Le dernier titre divisé en 4 parties («Perelandra Movement» I, II, III, IV) est inspiré du deuxième livre de CS Lewis, de sa saga «The Space Trilogy». Joué entièrement par Frank, qui utilise ses claviers, échantillonneurs et piano pour donner une véritable impression d’orchestre et créer une œuvre réellement symphonique, réussissant un sacré tour de passe-passe pour nous plonger dans cette suite magique et évocatrice. À noter que le Mvt III («The Golden Feast») était présent dans le premier album d’«Oblivion Sun» dans une version typiquement HTM.
Je ne saurais que trop recommander cet album touchant quand on sait qu’il a fallu à Frank Wyatt beaucoup de détermination et une grande force intérieure en raison de ses graves problèmes de santé! Réunir tous les partenaires pour les enregistrements ne fut pas une simple affaire non plus! Mais l’ensemble qui aurait pu être disparate ne l’est point et cet album figure dans mon top dix de l’année 2019.
À noter la très belle pochette de l'illustrateur Michael Phipps qui avait déjà réalisé celle du deuxième «Oblivion Sun».
Trajan
4,5/5
https://www.frankwyattmusic.com/store