Juillet 2019
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01/07/2019
Magma
Zëss
zeuhl – 37’56 – France ‘19
Pour son retour, Magma met les petits plats dans les grands et nous délivre une suite en sept parties, «Zëss». Il s’agit en fait d’une composition inachevée de Vander, composée dans les années 70 et présentée seulement en concert. Nous en avons une trace sur l’album à Bobino (1981) et sur «Mythes et Légendes: Volume IV». Mais la suite était restée inachevée et les critiques n’en étaient pas très bonnes, stipulant que c’était plus un long morceau qu’une véritable suite.
Vander a repris son ouvrage et nous offre la suite terminée en superproduction. Quasiment 38 minutes de voyage avec la participation de L’Orchestre philharmonique de Prague en plus de Magma. En tout une cinquantaine de musiciens travaillent pour nous donner cette œuvre marquant le cinquantième anniversaire de Magma.
C’est de la belle ouvrage et cela se laisse écouter sans effort et sans aucun ennui. L’orchestre est dans ses meilleurs moments quand il se fait discret, appuie les mouvements rythmiques et harmoniques et se joint aux chœurs pour de belles textures en mouvement. Le résultat est moins heureux quand l’orchestre fonctionne seul, avec juste l’appui du groupe; dans ces moments-là le discours se fait plus monolithique, un peu comme une musique de film hollywoodien et l’on se plaît à attendre le retour des voix pour retrouver les textures déjà mentionnées. Mais ce problème n’est vraiment apparent que dans la quatrième partie: «Streün Ündëts Wëhën».
Le sujet de la pièce qui tient une longue exposition en français dans la seconde partie est «Le jour du néant» (ce que signifierait Zëss) et nous sommes donc devant la version vandérienne de l’Apocalypse. «Morituri te salutant» disent les gladiateurs dans le stade... Ils ne perdent rien pour attendre et l’album est prédestiné pour être commenté ici sur Prog censor!
Notons une grande nouveauté: Vander a laissé ses baguettes et la batterie est tenue par l’inévitable prodige suédois, Morgan Agren... C’est vrai qu’on pouvait difficilement en imaginer un autre pour occuper ce poste crucial au sein de Magma. Vander se cantonne donc aux voix et chants...
En résumé un bon album de Magma, très «marketingisé», mais qui ne décevra certainement pas les fans du groupe. Pour les autres, je conseillerais de retourner au début et d’écouter les 5 premiers albums.
Lucius Venturini
Album non disponible sur bandcamp
02/07/2019
Inventions
Logica
prog-rock symphonique – 54’14 – Pays-Bas ‘19
Christiaan Bruin est un stakhanoviste, il cumule d’abord les activités au sein de diverses formations, (batteur dans Sky Architect, claviériste dans Nine Stones Close, producteur de Golden Caves), puis il est également actif dans quelques projets solos plus aventureux les uns que les autres comme son pharaonique «The Black Codex» (fort de 4 doubles CD) ou son épisode mélodique «Chris», aventure pour laquelle le multi-instrumentiste se fend de 5 albums de 2009 à 2013. C’est donc reparti pour un tour avec ce Inventions dont il avait entamé les prémices avec «Meta» en 2017 et «Curiosity» en 2018 et qu’il poursuit cette année avec ce «Logica». Ce dernier opus est sans doute le plus ambitieux de la trilogie; déjà il se démarque dans le choix des lieux d’enregistrement: deux églises, un théâtre, un bar, deux studios… C’est pas commun.
L’album s’ouvre sur une introduction haendélienne à laquelle il suffirait de rajouter de gros chœurs pour en faire le nouvel hymne de la Champions League; très réussi. Et la suite est tout aussi inspirée avec le titre «Logica»; imaginez Erik Satie voguant sur «La Mer» de Debussy. Très surprenante expérience que l’on vit comme un moment précieux qui mériterait d’être davantage exploré par le musicien qui, trop vite à mon goût, passe à une douce séquence oldfieldienne qui nous mène sagement vers ce qui constituera le sujet de l’album, le progressif atmosphérique et symphonique. La voix de Bruin, autant rauque que délicate, s’accommode parfaitement au contexte musical. Elle illustre aussi une particularité de l’album: des lignes mélodiques récurrentes que l’on retrouvera donc tout le long de l’album. Le musicien dit s’être inspiré de la méthode mathématique de Lindenbaum. Faut-il y voir une explication? Autre titre plaisant, «Mind of God», et sa ligne de guitare sonnant à la Fripp, à l’époque où le célèbre compositeur excellait dans les passages mélodiques de King Crimson. La suite reste sur le même ton, très plaisant, calme et symphonique. Les thèmes mélodiques reviennent comme des ritournelles et laissent aux développements parfois emphatiques le loisir de leur donner de l’ampleur («Beholder's Eye», ou le long, 13’19, «The Sum Of All Things»).
Je ne regretterai qu’une chose: l’emploi par trop académique du saxo. Par contre l’utilisation du DOT Quartet (cordes) et de l’orgue d’église (samplé?) apportent indéniablement de la contenance.
Un bel album, très plaisant, dont la démarche est vraiment intéressante.
Centurion
https://christiaanbruin.bandcamp.com/album/logica
03/07/2019 : Album du mois
Jordsjø
Nattfiolen
prog pastoral – 39'56 – Norvège ‘19
Jordsjø est un groupe norvégien originaire d'Oslo, formé en 2014 suite à la rencontre du multi-instrumentiste Håkon Oftung (voix, flûtes, guitares et claviers) et du percussionniste Kristian Frøland. Ils ont d’abord publié trois albums en format cassette (Jordsjø et Jordsjø II en 2015, puis Jord en 2017). Avec ce quatrième opus, très attendu par les fans, Jordsjø poursuit dans la même veine que les albums précédents: un rock progressif à forte saveur pastorale, dans la lignée de «Si on avait besoin d’une cinquième saison» d’Harmonium ou encore de l’album éponyme de Celeste, avec un ajout de batterie et de guitare électrique. La flûte traversière est généreusement mise à profit, souvent doublée. La guitare - tantôt acoustique, toute en arpèges, tantôt électrique, fortement inspirée du jeu «frippien» et servant efficacement les magnifiques mélodies - est également très présente. Côté claviers, en plus du piano, la panoplie vintage fait loi: Fender Rhodes, Clavinet, orgue Hammond B3, Arp Pro Soloist, Solina String Ensemble, complémenté par l’incontournable mellotron (nouveau modèle de fabrication suédoise). En Norvégien, Jordsjø veut dire terre-mer. De fait le groupe est inspiré en grande partie par le cycle fantastique de Terremer (Earthsea) de Ursula K. Le Guin. Le nom de l’album, «Nattfiolen», désigne une orchidée à deux feuilles. Plusieurs des titres font référence à des éléments de la nature: «Stifinner» (l’éclaireur), «Solens Sirkulaere Sang» (chanson circulaire du soleil), « 04 Septemberbal» (feu de joie de septembre), «Til Varen» (printemps) et «Ulvenatt» (loup-nuit). Dans l’ensemble «Nattfiolen» a moins d’agressivité que ses prédécesseurs, mais a gagné, si c’était possible, en cohésion. Le chant, en norvégien, est présent mais la part du lion est réservée aux passages instrumentaux. Tout l’album, chargé de trouvailles et bourré d’émotion, est un régal pour l’oreille. J’aime particulièrement la montée progressive de «Solens Sirkulaere Sang» avec son alternance de mesures 4/4-6/4. La ligne mélodique de «Ulvenatt», pièce qui clôture l’album, est un véritable morceau d’anthologie et donne irrésistiblement le goût de se taper une deuxième écoute. Je vous la souhaite, remplie de bonheur...
Ugo Capeto
https://jordsjo.bandcamp.com/album/nattfiolen
04/07/2019
Lloyd
Black Haze
rock 70’s – 57’55 – France ‘19
Un incongru dans notre (pas si) petit (que ça) monde prog, Lloyd. Incongru car ce trio vient du blues ou plutôt du rock sudiste car leur premier EP en 2014 avait été produit par Mr. Greg T. Walker (Blackfoot & Lynyrd Skynyrd) himself. Les connaisseurs diront «ah oui, quand même…».
Ceci dit, l’évolution, pour sensible qu’elle soit, se rapporte toujours à ces chères seventies: une première écoute à l’arrache de ce passionnant opus vous le confirmera d’emblée. Ceci dit, Lloyd est donc un trio de frères parisiens, oui trois vrais frères qui jouent ensemble, un fait pas si courant…
Lloyd ici présent n’est donc pas une colle et vous filera des commotions à l’âme (ceux qui ont bien lu cette phrase y trouveront un sens caché, chut)… «Bon et la musique alors, dans tout ça?» me direz vous. Ce ne peut être du rock prog'? Ben si, enfin non mais oui quand même. Moi, je préfère vous indiquer avoir affaire à une formation qui sonne pareil qu’en 74 ou 75 et puis voilà! Donc, aventureuse, un poil copieuse, certains diront influencée, terme le plus souvent repris pour désigner un groupe de maintenant rendant hommage à un passé qui ne passe pas, heureusement tiens… Gros melting pot de rock 70’s à s’en pourlécher les babines et se «décirer» les oreilles, on y découvre du Led Zep («Dreams overture»), du Queens of the Stone Age, du Bowie («Delirium») et même du E.L.O. («Not a dreamer») tout mélangés! «Black Haze» aurait pu sortir en plein milieu d’année 74, il serait devenu un genre de disque collector, un petit maître ayant bien appris la leçon des grands mais aujourd’hui en 2019 c’est une bulle d’oxygène qui remonte du marigot rock, une grande respiration rock made in 70’s qui ne doit rien au stoner (ça change!), imbibé d’influences aussi diverses que cette époque proposait. Ah oui, en plus les onze titres de l’album sont dispatchés dans un joli mélange, option là aussi intrigante et pourquoi pas?
Là où l’esprit prog’ comme on le connaît intervient, c’est dans l’audition des titres évoquant le rêve «Dreams Overture», «Not a dreamer» et «Lust for dreams» ou persévérance d’un certain onirisme qui se ressent à vrai dire dans tout le disque car Lloyd a pioché avec un réel bonheur au sein des formations les plus dispendieuses de paradis sonore des seventies. Je ne pensais pas qu’un groupe français serait capable d’une telle œuvre, je l’avoue en toute sincérité; Lloyd a sorti un disque comme on en entend peu ou plus en 2019 et surtout pondu par chez nous. Oui, c’est fort, un formidable voyage s’annonce aux auditeurs, un peu comme quand je posais le premier Roxy Music ou un E.L.O. ou encore un de ces nombreux groupes hard/blues/prog/pop indéfinis sur la platine au milieu des années 70, salivant sur ce mélange des genres. Voilà, c’est ça, j’ai retrouvé, l’espace d’une heure, cette sensation perdue; le compliment n’est pas mince, croyez-en un vieux briscard! J’oubliais, le trio est composé d’Alexis au chant, guitare, basse, oud et programmation, Loris aux claviers (piano, orgue Hammond, claviers divers) et programmation, et Antoine à la batterie, aux percussions et à la programmation. Deux singles et deux EPs à leur actif depuis 2011, voilà tout est dit…
Commode
Album non disponible sur bandcamp
05/07/2019
Gong
The Universe Also Collapses
prog-rock/psychédélique – 43’04 – Angleterre ‘19
Je sais que le groupe a été fondé au départ, en 1967, à Paris par les regrettés Daevid Allen et la vocaliste anglaise Gilli Smith mais depuis leurs décès en 2015 et 2016, l’équipe actuelle ne compte plus aucun membre de départ puisqu’elle est composée de Dave Sturt (basse), Fabio Golfetti (guitares), Kavus Torabi (guitares, chant), Cheb Nettles (batterie et percussions) et Ian East (saxophone, flûtes). Notons également que Daevid lui-même a explicitement demandé à ce que le groupe lui survive alors qu’il se savait condamné.
Pour les avoir vus par deux fois (la première au festival de Dour avec Daevid et Gilli) et la seconde à Soignies en Belgique (après le décès des deux précités), je sais que sur scène, le groupe ne démérite pas.
Et, comme l’album précédent «Rejoice! I’m Dead!», hommage au cher disparu, cette nouvelle plaque de Gong nouvelle mouture vaut son pesant de cacahuètes! Mais d’entrée de jeu, «Forever Reoccuring», du haut de ses vingt minutes (!), nous emmène, par un développement lent, vers de merveilleux échanges musicaux, notamment entre saxophones et le chant doux et enveloppant.
Le court et virevoltant «If Never I’m and Ever You» permet une transition avec l’autre titre plus long (13 minutes) de cette plaque: «My Sawtooth Wake» où le rôle de la basse se fait imposant et où intervient un passage plutôt «free» avec de superbes effets vocaux.
«The Elemental» clôture magnifiquement sur des arrangements de saxophone particulièrement jouissifs!
Je n’hésiterai pas à recommander «The Universe Also Collapses» à tous les amoureux de rock psychédélique «moderne»!
Tibère
https://open.spotify.com/album/7226guTxXx7gkwbUgh7Zjz
06/07/2019
Great Wide Nothing
The view from Olympus
prog-rock – 38’03 – États-Unis ‘19.
Attention, OVNI! Great Wide Nothing est un trio originaire d'Atlanta; peu d'informations disponibles sur le web mais, en fouillant un peu, on trouve notamment des vidéos du groupe en concert jouant les morceaux de cet album. D'emblée, ce qui frappe, c'est le jeune âge des gaillards; la moyenne d'âge doit friser les 30 ans et on se demande quelle mouche a bien pu les piquer pour produire cette musique. La musique, parlons-en: dès le premier morceau, c'est l'orgue qui vous saute à la figure comme la misère sur le monde. La musique est brute, presque sauvage; le trio produit un bloc compact, presque brouillon; rien à voir donc avec Rush ou ELP. On se retrouve plutôt devant un prototype de Yes (la Rickenbacker fait beaucoup dans cette impression) qui n'aurait pas terminé sa mue et toujours en recherche de sa voie. Certains passages font parfois penser à Versus X ou Twelfth Night mais ici aussi dans une forme non achevée. La voix évoque aussi une lointaine parenté avec Ken's Novel. Les compositions manquent de relief et de finesse; un peu comme s'ils avaient jeté sur la bande les premières idées qui leur passaient par la tête. Parfois, certains passages nous emmènent vers des paysages un peu plus poétiques mais ces impressions ne durent jamais très longtemps (le final de la plage titulaire notamment). En conclusion, cela donne l'impression d'un groupe qui a voulu aller vite et qui gagnerait à prendre du temps pour maturer son propos car, sous cette impression un peu brouillonne, il y a une vraie fougue et une sincérité non feinte. Cette impression de précipitation est d'ailleurs confirmée par les quelques vidéos du groupe en concert sur Youtube où on peut voir que la mise en place est parfois approximative. C'est donc un premier essai louable mais trop inachevé pour se faire une opinion définitive. Encourageons-les et attendons le deuxième album pour nous faire une opinion plus définitive.
Amélius
https://greatwidenothing.bandcamp.com/
07/07/2019
Anaïd
I Have a Dream
rock progressif – 43’29 – France ’19
La paire fondatrice, c’est Jean-Max Delva (batterie, vibraphone) et Emmanuelle Lionet (voix, clavier) qui, depuis la première mouture du groupe, de ’81 à ’90, période nourrie de belles rencontres-collaborations, avec Hugh Hopper (Soft Machine), Frank Cardon (Art Zoyd) ou Didier Malherbe (Gong), puis lors de sa renaissance en 2013 et jusqu’à ce cinquième album, écrit, compose, joue, produit et promeut le groupe, aujourd’hui rallié par le fils, Alexis Delva (guitare) et, le seul non apparenté, Damien Thebaud (clavier, orgue). La texture de voix de Lionet est un des éléments de l’idiosyncrasie musicale d’Anaïd: tantôt évocatrice zeuhl («White Nature») du Magma pour le Vander duquel le groupe eut l’occasion d’ouvrir en son temps, tantôt faisant penser à Sonja Kristina (le vibrant et émouvant «Sweet Memories», dont la beauté voilée se pose à la croisée des chemins de Curved Air et de Mellow Candle), souvent propre à elle-même («I Have A Dream»). Mais ce n’est pas tout: le vibraphone donne également sa part de singularité à cette musique fusion, carrefour d’écoutes, rock, progressif, jazz, ethnique («Imbahé»), folk («Papaye»), lyrique à l’évidence («Migration», au transport… emballant - écoutez la guitare là-derrière). À la fin, un bonus… clin d’œil - qui débute par le ‘boing’ du «Boing Boom Tschak» de Kraftwerk.
Auguste
https://anaidband.bandcamp.com/releases
08/07/2019
Look To Windward
In Fantasy
prog-rock/heavy-prog – 52’11 – Angleterre ‘19
On aurait pu croire qu'il s'agissait d'une musique proche du prog/neo-prog américain des années 90/2000 incluant prog de tradition aux rythmiques burnées, et parties vocales mélodiques. Et bien non, tout faux, ce projet mené de main de maître par l’Anglais Andrew McCully vient d’un autre horizon. Déjà un premier album remarqué en 2010, «Fortunes Haze», deux EP, et ce dernier album sorti en mai dernier.
Si le premier titre suit une tradition prog assez convenue, arrive un deuxième titre, pour le moins déstabilisant. Une voix grunt (hardcore/death) sur une trame prog; ouch oui, ça réveille, et ça rappelle même the Provenance ou Opeth. Mais cette incongruité vocale (dont McCully était déjà friand sur ses plaques précédentes) marche; même si c'est, avouons-le, totalement dispensable.
On tend l'oreille sur la suite, «In Fantasy», car on ne sait plus trop à quoi s'attendre. Voix féminine, formidable, sur une lancinante composition mélodique pleine d'émotion et parfaitement travaillée. Une orfèvrerie progressive bourrée de surprises: trompette («à la mexicaine»), violon, nappes de claviers, structures complexes, inventivité, changement d'ambiance, poussées fiévreuses; bref, c'est du prog, et du bon! Et tout ça sur 8 minutes, McCully a de la suite dans les idées...
Une oscillation constante domine tout l'album entre complexités des structures, apport mélodique permanent, (chant féminin ou masculin), balancement permanent entre les styles; ce truc est une baffe à répétition, une machine de guerre inarrêtable.
Un must parmi d'autres? Le long titre «Calming Waters»; tout y est parfaitement maîtrisé, c'est presque clinique tant c'est magistralement exécuté. Comme des chirurgiens dont le bistouri façonnerait une musique pour la rendre d'une beauté fascinante. De quoi être bluffé par tant de savoir-faire.
«In Fantasy» est un très grand album de rock progressif qui fera inévitablement son chemin dans le microcosme qui est le nôtre. Look to Windward est arrivé à conjuguer tous les traits de caractère du prog actuel (classic-prog, neo-prog, crossover-prog, prog complexe, heavy-prog...) pour en extraire une substantifique moelle qui fera figure de merveilleuse synthèse des divers courants progressifs.
Un bémol toutefois avec le petit titre «Glint» et son retour aux voix grunt (dont on se serait bien passé), mais à part ça, foncez, cet album est fait pour vous! Des heures d'écoute en perspective car avant que vous ayez pu en faire le tour... il se passera du (bon) temps.
Ah oui, une dernière chose, le dernier titre «Aquamarina»... que je vous propose d’écouter via le lien Youtube car parfois il vaut mieux se taire et laisser la musique faire son office...
Centurion
https://looktowindward.bandcamp.com/album/in-fantasy
09/07/2019
Dreamtime
Tidal Mind
space-rock / shamanic prog / rock psychédélique – 37’15 – Australie ‘19
Je me souviens de ce long exil gaulois, punition du Dux Bellorum qui trouva lors d’une visite improvisée un buste fleuri de Phil Collins ainsi que d’autres iconoclastes portraits accrochés au mur de mon atrium. Ces petites vacances m’avaient permis d’explorer le folklore local tout en sirotant moult cervoises sous le regard des étoiles.
J’ai tant rêvé à la lune nervienne, enveloppé de vapeurs druidiques, contemplant l’immensité. «Là où l'horizon prend fin, où l’œil jamais de l'homme n'apaisera sa faim...» disait Manset.
Madeleine de Marcellus, c’est au cœur d’un cosmos psychédélique que commence mon aventure «Dreamtime». Transpirant en apesanteur, prisonnier d’une lourde combinaison, je flotte envoûté d’accents sixties. L’ombre d’un spoutnik orbite avec moi, explorant désinhibée la rythmique complexe des décennies qui la suivront. Sourire, je plane. Wouaaah!
Arrêt des moteurs, chute vertigineuse, ouverture du parachute!
Le module se pose délicatement sur une mer émeraude. Mais quels secrets détient-elle?
Tandis qu’à travers les systèmes de communication grésille la voix neutre du computer, la trappe de ma capsule refuse obstinément de me libérer. Exquise panique. Je sombre alors tel un Nemo condamné aux eaux noires, vers cet inexorable abysse, accompagné d’un étrange cortège de Muses vocodées dont le cantique résonne comme du Magma dans un Tupperware. Quod est inferius est sicut quod est superius.
À s’y méprendre, le royaume de Neptune ressemble à celui d’Uranus.
Il faut croire que ce n’était pas mon heure, remonté par la main de je n’sais quel Titan puis charrié par la marée. L’image d’un énigmatique sanctuaire sous-marin que les Ondines m’ont laissé entrevoir lors de cet étonnant voyage ne cesse d’occuper ma mémoire. Trois notes folles continuent à vibrer obsessionnellement, encombrent mes pensées, me tourmentent. Soudain, sans mettre de gants, quelqu’un fait fondre au chalumeau l’entêtante mélodie.
La porte s’ouvre. Le soleil pénètre l’habitacle où je gis. État second. Je sors péniblement. Cliquetis d’une pluie légère frappant la tôle, douche froide... retour sur terre.
Le grand réseau de Markus César nous oblige à la brièveté.
L’adjectif est coûteux pour qui, aux créneaux du Colisée, veut convaincre à l’écoute d’un inclassable. Revenant indemne de cette mystique épopée, je ne peux que vous conseiller ce plaisir…
Allez, je m’allume une pipe de laitue vireuse et renouvelle l’expérience!
Néron
https://dreamtime.bandcamp.com/album/tidal-mind-2
10/07/2019
Boltzmann Brain
Spacesquid Brain
psychédélique/krautrock/avant-garde – 37’25 – Allemagne ‘19
Peu d’informations sur la toile concernant ce quartet (basse, guitare, batterie, clavier) qui nous vient de la province de Thuringe (Allemagne). Ce «Spacesquid Brain» est pourtant leur 3e réalisation en moins de deux ans, et, à l’écoute, nous percevons bien que leur propos musical se veut assez savant, voire cérébral, ce qui est la moindre des choses avec un tel patronyme.
Quatre pièces assez longues de plus ou moins égale durée composent cet album dont la caractéristique dominante se veut d’obédience psychédélique avant tout. Toutefois, rythmiquement, on distingue deux parties: une entame au tempo assez enlevé avec des accents free, des voix déformées, des cris supportés par un riff de plus en plus lancinant, une pointe de zeuhl bienvenue dans ce qui va devenir au fil des minutes de la psyché nerveuse et entêtante. Dès le second morceau, on pense à Faust, forcément. De là à qualifier cet album de Krautrock, il n’y a qu’un pas. À vrai dire, la guitare saturée couplée à une rythmique obsédante m’a surtout rappelé le délire des fiévreux Nippons d’Acide Mother Temple. Pas désagréable du tout cette réminiscence… La partie suivante (les deux derniers titres donc) adopte un tempo beaucoup plus lent, une quasi absence de ce chant torturé qui qualifiait les morceaux précédents, et la guitare se contentant d’arpèges (toujours ce son saturé tout de même) laisse le champ libre aux expérimentations du claviériste qui prend là toutes ses aises. Bruitages, lignes de piano soutenues, breaks dans les tempos, cet épisode de l’album quoique plus classique rend la part belle aux grandes heures du psyché des seventies.
Cependant je regrette amèrement l’utilisation abusive des cymbales à tout-va, noyant ainsi quelques passages délicats sous leurs couches successives. À mon sens, le message musical de Boltzmann Brain est déjà assez touffu et il me semble inutile de rajouter à l’excès cette criarde palette sonore.
Loin d’être indispensable et novateur, Spacesquid Brain a le mérite de nous faire voyager dans le temps avec un je ne sais quoi de délicieusement désuet, et malgré les imperfections de-ci de-là, j’en retire un plaisir certain à chaque nouvelle écoute.
Arthurus
11/07/2019
Slug Comparison
When you were living here
crossover-prog/alternative-rock – 52’11 – Canada ‘19
Le rock progressif mélodique semble à la mode en ce moment et Slug Comparison signe avec ce deuxième album, «When you were living here», une page honorable du style. Originaire du Canada, c’est essentiellement le projet solo du guitariste/chanteur, Doug Harrison, que les plus férus d’entre vous reconnaîtront comme membre de la formation rock métal Canadienne Fen. Je dois vous avouer que jusqu’ici je n’avais jamais entendu parler de ces deux formations citées et c’est donc curieux et vierge de toute opinion que j’aborde l’écoute de cet album. Dès les premières minutes, ce qui est à retenir c’est la sublime voix de Doug Harrison qui nous livre ici une grande prestation vocale qui sera présente tout au long des 53 minutes que nous propose cet album. Musicalement nous sommes très loin de Genesis ou Yes, et le format ici choisi est balisé par des mélodies courtes, plus proches de Toto, Richard Marx, voire même Barclay James Harvest période très commerciale. Un album plaisant à écouter et à réécouter à votre guise en accompagnement de vos occupations journalières, mais qui vous proposera de bons moments, en accompagnement (pourquoi pas?) de vos longs déplacements routiers, entre Québec et Chicoutimi… (pour nos amis québécois de la page), ou vos autres destinations estivales. Cet album est tout en émotions, parfois rock mais jamais lassant, et puis les guitares sont remarquables. En fait cet album est à consommer sans modération (ce qui est bien au volant, non?), ballades acoustiques («Becoming ou hold of you») vous calmeront dans les embouteillages, les titres rock «Exactly what to do» et «So ya got a great guitar», eux, seront là pour vous accompagner, animal du bitume que vous serez devenu…
En définitive un bon album sans prise de tête... Mais est-ce du prog?
Tiro
https://slugcomparison.bandcamp.com/album/when-you-were-living-here
12/07/2019
Vagar
The Inner Eye – Part One
prog-rock 70’s – 25’54 – Canada ‘19
Il est souvent plus pratique pour un critique rock d’argumenter sur une première livraison d’un nouveau groupe. Parce que c’est neuf, on n’a pas à se remémorer les antécédents, faire fi de recherches historiques et surtout, pas d’arrière-pensées! C’est le cas avec Vagar, quintette canadien ou plus exactement québécois. Mais n’attendez pas un remake d’Harmonium ou Beau Dommage car eux chantent en anglais déjà et musicalement on est plus proche d’un Gentle Giant pas encore assuré. Le chant de Xavier Gervais-Dumont n’est pas le plus plaisant que j’ai pu entendre (je songe à Chapman de Family) mais il a le bénéfice de s’harmoniser parfaitement aux claviers archi 70’s de Jesse Plessis. Ce duo prédomine avantageusement pour s’acoquiner sur des airs qui pourraient venir de 73/75 sans qu’on y trouve à redire. Conrad Skierka (guitare) et Frédéric Laurier-Monpetit (basse) se greffent avec un certain talent aux circonvolutions connotées progressives au possible des cinq compositions ici proposées. Oui, «The Inner Eye» est un EP de moins d’une demi-heure et comme il est annoncé ‘Part One’, je dois dire que j’espère un ‘Part Two’ d’aussi bonne qualité. On croit découvrir un oublié (comme il y en a tant) des seventies et c’est bien là le plus beau compliment qu’on puisse faire à Vagar. Ah oui, le nom… Vagar et la pochette ne doivent pas rebuter au premier abord, c’est bien de rock progressif qu'il s’agit et pas d’un énième band de metal!
Je retiens surtout le premier titre «The Inner Eye» et son intro symphonique qui laisse la place à un succédané d’IQ (!) virevoltant pour céder la place au chant sur un nouveau style, des breaks se succédant avec une véritable envie de bien faire, chaque petite partie s’imbriquant dans l’autre. Voici un morceau épatant finissant sous les gouttes de pluie régulées d’un clavier rafraîchissant. Les quatre autres titres sont au moins aussi goûtus, («The Storm» est une enluminure ‘Renaissance’ et «Dreambound» conclue dans une lumineuse allégresse) j’espère qu’en 26 mn, Vagar n’a pas tout dit car, je me répète, l’entrée est gouleyante et on attend la suite avec une légère anxiété marquée d’un entrain euphorique.
Commode
https://vagar.bandcamp.com/releases
13/07/2019
The Wrong Object
Into the Herd
jazz-rock – 43’29 – Belgique ’19
Les nuits de Michel Delville sont probablement plus courtes que celles des honnêtes citoyens qui se satisfont d’un job, d’une famille et de quelques hobbies. Outre sa charge à l’ULg (Université de Liège), le guitariste met ses doigts et son âme dans une série invraisemblable de projets (musicaux souvent, d’écriture fréquemment), plutôt talentueux, voire remarquables - The Gödel Codex, chroniqué ailleurs sur Prog censor. Orienté Zappa, mais ayant depuis pris un envol original, The Wrong Object est un de ses groupes, où officient également l’ex-Univers Zero Antoine Guenet (claviers), Marti Mellia (basse, sax ténor et basse, clarinette), François Lourtie (sax ténor et soprano), Pierre Mottet (basse) et Laurent Delchambre (batterie, percussions, samples). L’instrumentarium suggère bien sûr une orientation, mais les chemins empruntés sont si diversifiés (disparates?) que l’appellation jazz rock s’avère vite étriquée: Canterbury sound, certes - le très Soft Machine «A Mercy» -; Frank Z. influence («Filmic»), indéniable; Fripp touch, parfois («Into the Herd»); la musique de Wrong Object est toujours lumineuse, bourrée de perspicacité, d’une complexité dont l’accessibilité n’est en aucun cas une concession.
Auguste
https://thewrongobject.bandcamp.com/album/into-the-herd-hd
14/07/2019 : Heavy Prog
Umpfel
As the Waters Cover the Sea
metal-prog/fusion – 61'26 – Norvège '19
S’il y a bien un disque que j’attendais c’est bien celui du groupe norvégien Umpfel! «Et pourquoi?» me direz-vous. Et bien à cause d’un morceau («Shleep») sur leur précédent album «Cactus» qui m’avait ravigoté, propulsé dans des sphères jouissives et même fait dodeliner du popotin! Dingue!!!
Alors ce nouvel album procure-t-il des sensations du même genre ou ces Norvégiens brailleurs se sont-ils assagis...?
Je peux, d’entrée, vous dire que j’adore ce disque! Un album bien plus progressif et travaillé au niveau des compos comme au niveau du son! «Burning Water» puis «Sphere of War» sont dans la lignée de l’album précédent, bien pulsés, très métal-prog. Le très bon «What Else» nous emmène dans des ambiances bien plus calmes, celles que nous allons retrouver tout au long de la deuxième partie de l’album - mais je vais y revenir plus tard. Le quatrième titre nous ramène au coté le plus métal d’Umpfel, mais toujours avec des breaks très travaillés et solo de guitare de très haut niveau (écoutez cet enchaînement à partir de 2’40!). L’intro de «Peddler of Words», puis son développement avec ce mélange de sonorités jazz, fusion et mélodies, nous montre à quel point nous sommes avec un groupe qui s’amuse, qui aime jouer, c’est évident.
Jusque là, rien à redire, c’est du lourd, ça joue vraiment bien; mais voilà qu’arrive «As the Waters Cover the Sea», titre qui donne le nom à l’album. Juste envie de l’écouter en boucle depuis sa découverte, c’est beau, mélodique, des guitares superbes, douceur des claviers!!! Nous sommes avec ce titre dans une qualité supérieure pour moi, plus proche d’artistes comme Plini, David Maxim Cilic... plus inventive, plus progressive! «Omnia» me touche moins, mais ensuite l’instrumental «Glass Score» retourne à ce sentiment de douceur mélancolique avec ces arpèges de guitares et ces notes de claviers pas si loin de Camel ou Happy the Man!!! Que dire de l’excellent «Transcend» qui suit, à part qu’il y a quelque chose d’hypnotique dans cette composition. Quant à «Tree», l’avant-dernier morceau, il n’a rien à envier aux meilleurs morceaux d’Haken.
Enfin, car il y a toujours une fin, c’est avec le magnifique «Rosetta» que se conclut ce très bon album de ces excellents et très talentueux jeunes musiciens norvégiens.
Umpfel a grandi, beaucoup évolué depuis «Cactus», pour notre plus grand plaisir.
Trajan
https://umpfel.bandcamp.com/
Joost Maglev
Alter Ego
crossover-prog/pop/AOR/prog-heavy – 52'00 – Pays-Bas ‘19
Joost Maglev est un multi-instrumentiste hollandais qui nous offre son troisième album «Alter Ego» après «Prelude» en 2003 et «Overwrite the Sun» en 2016. Autant le dire tout de suite, il y a de tout sur cet album! On est plus dans le AOR, la pop ou pop rock fourre-tout que typiquement dans le prog. Le titre «Angel» fait sonner un son synté/bass où l'on entend plus le style «Abba» que les grands groupes de prog. «Ever After» est une chouette ballade où l'on retrouve comme invité à la guitare Arjen Anthony Lucassen, le multi-intrumentiste à la base des projets Ayreon, Stream of Passion, Star One, The Gentle Storm. Même si le titre est sympa, ce n'est pas du niveau de ces groupes. Tout le contraire du magnifique «Judith Episode II» où, c'est ironique, on perçoit bien la touche Ayreon. L'invité sur ce titre n'est autre que Mark Bogert de Knight Area.
L'album mélange donc beaucoup de styles avec même un passage pop typiquement «Beatles» pour revenir à un métal progressif avec «Burning Girl». Ses riffs nerveux accommodés de notes cristallines, douces, totalement en équilibre, et une cohésion magnifique entre tous les instruments font de ce titre, de mon point de vue, la pépite de l'album!
Pour résumer, c'est un album plaisant, car on y trouve son compte techniquement, mais un peu trop disparate, ce qui laisse peu de place à l'émotion. Les nombreux effets «coupe-son» comme si le mp3 buggait, ou si la K7 déraillait, n'apportent rien d'autre que de la frustration, notamment dans l'envolée du très beau «Demon».
Allez jeter une oreille sur les liens Youtube et Bandcamp pour vous faire votre idée...
Vespasien
https://joostmaglev.bandcamp.com/album/alter-ego
Das Koncept
La Genèse des Surhommes
électro-rock-metal (prog) – 38’37 – France ‘19
Voir errer ce genre musical dans les alcôves de Prog censor n’est pas courant. Ce n’est en effet pas à proprement parler le style que l’on défend ici; mais la recherche et l’innovation sont des atomes crochus qui peuvent, par épigénétisme, altérer, modifier, voire titiller nos vieilles séquences nucléotiques.
Das Koncept, jeune trio français créé en 2014, construit un «concept» basé sur le graphisme, le numérique, l’innovation technologique. Un travail qu’ils défendent sur scène en associant son et image, où musique instrumentale syncopée et forces luminiques (projection vidéo, installation lumière, écran, rétroprojecteur…) s’entremêlent, s’entrechoquent, se complètent.
Cette musique parfois métalloïde varie constamment les climats en alternant l’électro très rock à la Young Gods (période années 90), passages plus heavy et respirations progressives. Mais dans ce flot de décibels surgissent parfois des instants de quiétude. «Diaphane» par exemple, et ses arpèges qui rappellent un certain «Stairway to Heaven», ou «Le Cartographe des Nuages» avec des séquences électro qui évoquent la musique de Schiller (le roi de la chill-out allemande).
«La Genèse des Surhommes» est un ouvrage auquel il manque sans doute un gros son et une grosse production pour lui donner plus d’ampleur, plus de fougue, mais demeure un album très intéressant.
Centurion
https://www.facebook.com/pg/daskoncept/posts/
Scenariot
Worlds Within Worlds
prog-rock/metal-prog – 40’06 – Australie ‘19
Complexe, inventif sont les deux mots qui qualifient le mieux ce deuxième album des Australiens de Scenariot. Ce second opus à la créativité ambitieuse nous invite à un voyage dans les mondes derrière les mondes… Basé sur les expériences de vie de son leader Michael Totta.
L’album commence par la plage titulaire, «Worlds Within Worlds», et d’emblée deux choses apparaissent: la filiation, (pour ce morceau), à Rush, et, ce qui sera valable pour tout cet enregistrement, l’énorme travail de la section rythmique composée de JP Glovasa à la basse et de Greg Stone à la batterie; ce dernier n’a d’ailleurs rien à envier à Portnoy ou Neil Peart.
Album plein de surprises, de références, comme sur «Fade Away», ballade où le timbre de la voix rappelle Neil Young, ou encore «The vortex», qui plaira aux nostalgiques des années 90, vu les influences non cachées pour The Smashing Pumpkins et Garbage.
En résumé, artistiquement, cette album explore un spectre musical très varié, alliant progressif et métal-prog. Ce second essai de Scenariot d’une explosion de sons, de textures, d’énergie et d’idées est comme l’équivalent sonore d’une toile picturale exposant mille couleurs subtiles.
Laissez-vous guider, vibrer par l’ambiance de chacun des titres qui composent cet album indispensable dans votre discothèque progressive. Une surprise, un must!
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
Deviate
Dev8
métal-progressif – 23’10 – France ‘19
Ne confondez pas ce Deviate (https://www.facebook.com/Deviate-2160251627562696/) avec le groupe belge de hardcore du même nom, également connu sous l’appellation DV8 (!). C’est vers celui-ci que risquent de vous conduire vos recherches sur le net!
La formation naît en 2018 à Nice. «À la croisée du métal, du hardcore, du post rock et du prog, le groupe expérimente au sein de compositions sans cesse en mutation. Entre dissonances, lyrisme et rage musicale, le maître-mot est de n’avoir aucune limite d’expression.» C’est en ces termes que se définissent Cyril Puyoo (chant), Philippe Sovieri (basse), Fabrice Gouré (batterie) et Damien Soupizet (guitares). «Fear» introduit cet E.P. par un bon riff à la guitare. Mais très vite, l’ambiance fait irrémédiablement penser à leur compatriote malheureusement disparu des radars: The Old Dead Tree; c’est encore plus sensible sur «Take Me Away». Ceci dit, «Lost» ne déroge pas à cette impression. C’est encore sur les premières mesures (durant 1’43) de «Alone» que notre quartet se montre le plus audacieux (je n’irai pas jusqu’à dire expérimental!). Quant au hardcore dont ils se targuent, il n’y en a trace que dans le dernier titre, le plus court (1’30!), «Kill». Un premier effort somme toute sympathique!
Tibère
https://anesthetize.bandcamp.com/album/dev8
15/07/2019
Eveline’s Dust
K.
prog-rock – 43’11 – Italie ‘19
Il y a de quoi avoir un certain penchant pour le prog italien surtout lorsque le groupe vient de Pise. Avec «K», Eveline’s Dust confirme tout le bien qu’on pensait d’eux avec «The Painkeeper».
Les compositions sont excellentes, la qualité du son irréprochable et la tradition du concept album portée à son plus haut niveau. L’histoire évoque celle d’une fille atteinte d’un mal incurable et évidemment le tragique catalyse l’écriture, mais sans jamais tomber dans le pathos. L’album comprend 7 titres et c’est avec «A new beginning» que les choses se mettent en place, avec un style que ne dénigrerait pas Spock’s Beard, surtout époque Neal Morse, avec un passage de clavier et une rythmique qui mettent la barre très haut. «Fierce Fear Family» apporte sa touche AOR avec Rush ou encore IQ comme influence. «Hope» s’ouvre sur une ligne de guitare en arpège très élégante et subtile. On sent que le titre va exploser et ce n’est qu’une question de temps. C’est sombre, profond, les voix doublées me rappellent parfois The Box, autre band canadien méconnu, et puis vient le break rythmique bien crimsonien aux accents jazzy comme Yes l’a parfois proposé. «K», titre de l’album, assez court mais dense, démontre les qualités d’instrumentistes du groupe tout autant que le sens inné des arrangements, et qui flirte autant avec le prog que le metal punk d’Alice in Chains. «Lost in a Lullaby» a ma préférence mais c’est purement personnel et stoïcien. La partie instrumentale est à tomber! «Faintly falling» et «Rain over gentle travelers», le dernier titre étant le plus long et sans doute le plus atypique en regard de l’album, avec son côté jazz de luxe dans le style de Jamie Cullum pour évoluer vers Porcupine Tree ou encore Le Roi Cramoisi.
De nombreuses références, certes, mais un savoir-faire et une personnalité qui font d’Eveline’s Dust un groupe à découvrir et certainement à suivre.
Marc Aurèle
www.evelinesdust.com
16/07/2019
Numen
Cyclothymia
prog-rock/néo-prog – 48’08 – Espagne ‘19
Numen n’est pas un groupe de débutants. Ce «Cyclothymia» est le troisième album de la formation qui fit son apparition dès 1998 avec son premier album «Samsara»; un deuxième, «Numenclature», suivra 6 ans plus tard. Question line up il s’agit toujours de la formation initiale, juste le guitariste Marcos Bevia remplace Antonio Valiente. Musicalement rien n’a vraiment changé non plus; on évolue encore et toujours dans un progressif teinté de néo-progressif typé années 90. Un peu à l’image de ce qui se faisait à foison en Pologne à la même époque (Collage, Albion, Believe…).
Rien de très surprenant donc, un album mélodique à tendance parfois symphonique et sans grande originalité. Mais ce qui est une lacune pour les uns sera une qualité pour les autres. Alors oui les clichés du prog/néo-prog sont respectés: envolées «guitaresques», grosses nappes de claviers, poussées de fièvres bien spécifiques. Bref on est en plein dedans, et ça colle même un peu aux chaussures. Un album cohérent donc dans sa structure, où les morceaux varient entre assez courts («Some Faith» 5’02) et longs («Cyclothymia» 14’31). En clin d’œil vous y découvrirez même peut-être des références à quelques ténors de la scène prog ancestrale comme sur «A Cosmic Prayer» qui rappelle vachement un titre de Rush (à vous d’écouter ce titre sur bandcamp [lien ci-après] pour deviner à quel morceau du célèbre groupe canadien je fais allusion). D’autres influences aussi comme l’inévitable Marillion sur «Footprints» et les arpèges reconnaissables d’un certain Steve Rothery. Outre que cet album semble un peu daté, n’offrant guère de perspective d’avenir, il souffre aussi d’un chant que je qualifierais de larmoyant, ça n’aide pas… «Cyclothymia» reste néanmoins un album intéressant, bien fait, bien produit, bien joué. Sera-ce suffisant pour ravir les fans du genre?
Centurion
https://numenmusic.bandcamp.com/
17/07/2019
Neal Morse
Jesus Christ the Exorcist
prog-rock chrétien – 106’56 – États-Unis ‘19
Un des personnages majeurs du rock progressif, Neal Morse, est une force motrice prolifique et son désir de déplacer les gens par le biais de sa musique brûle plus fort que jamais. Né en Californie en 1960, il a joué dans de nombreux groupes au cours de sa jeunesse, apprenant et maîtrisant plusieurs instruments tout au long de son parcours. En 1995, il écrit et enregistre «The Light» avec son nouveau groupe, Spock’s Beard. C’était un album fortement enraciné dans le genre prog mais le disque et surtout sa piste titre devinrent des classiques modernes, apportant une reconnaissance mondiale à Morse et au groupe. Au cours des sept années suivantes, ils sortent six albums acclamés par la critique et plusieurs enregistrements live, créant ainsi une base de fans passionnés dans la communauté prog.
En 2001, Morse a choqué ses partisans en leur annonçant qu'il s'éloignait de la musique profane, sans indication de l'endroit où il se dirigeait. Déclarant avec audace sa foi chrétienne, risquant le rejet de ses fans et son échec financier, il recommençait à zéro. Cependant, comme le DVD live qui a fait la promotion de son premier album solo («Testimony») joliment documenté, sa tournée suivante fut bourrée de moments magiques et une expérience d’affirmation profonde de la vie. Morse est retourné en studio avec le batteur Mike Portnoy et le bassiste Randy George pour enregistrer «One» en 2004, un vaste album conceptuel enrichissant qui a atteint un nouveau niveau. Mais pour la faire plus courte, Bill Hubauer (claviers) et Eric Gillette (guitare) ont rejoint le trio en tant que membres permanents du Neal Morse Band en 2015 pour l'album «The Grand Experiment», un effort collectif qui a donné lieu depuis à «Similitude of a Dream» en 2017 puis «The Great Adventure»…
«Jesus Christ The Exorcist» est un projet monumental dans la discographie déjà impressionnante du chanteur, multi-instrumentiste, chef d’orchestre et compositeur de rock progressif américain Neal Morse. Une décennie pour sa création… ce ‘Progressive Rock Musical’ a été écrit et produit par Morse et comprend un casting de star (chanteurs et musiciens). Ce double album contient quasiment deux heures de musique qui englobe tout le spectre musical pour lequel Morse est connu. Au niveau des paroles, bien sûr, il raconte l’Histoire des histoires!
Évoquant le premier single de l’album, «Get Behind Me Satan», Morse a déclaré: «Je ne sais pas pourquoi cela m’est venu à moi de cette façon, mais il est clair que les influences sur cette chanson sont principalement Black Sabbath et Deep Purple. J’ai même demandé à Rich Mouser, quand il mixait la chanson, d’écouter ‘Paranoid’ parce que j’ai pensé que cet effet vocal serait cool sur la voix de Ted (Leonard)!»
Interrogé sur ce à quoi les fans peuvent s'attendre du point de vue sonore, il explique: «C'est complètement différent. Il y a des ballades touchantes, des ensembles entraînants, des éléments classiques et des chansons dramatiques de type musical à Broadway. Il est vraiment fait pour être écouté et expérimenté comme une pièce de théâtre ou un opéra. J'espère que les gens vont en faire l'expérience de cette façon parce que je pense que c'est là qu'ils vont vraiment trouver le pouvoir. Ces chansons et morceaux de musique ont tous été écrits spécifiquement pour ce projet. J'ai écrit le premier brouillon en 2008 et 2009, je crois. Puis, l'année dernière, en préparation d'une performance au MorseFest, j'ai réécrit toute la comédie musicale. Je ne pourrais pas être plus heureux du résultat final et je suis ravi qu'il sorte sur Frontiers en juin.»
Nous avons donc une sorte d’opéra rock qui raconte l’histoire de Jésus-Christ. Certains d’entre vous connaissent peut-être l’histoire (!), pour ceux qui ne le savent pas, ne spoilons pas (lol). Mais pour ceux qui sont investis dans la dite histoire et qui aiment aussi le rock, vous avez ici le meilleur des deux mondes, réunis dans un bel emballage, tous livrés par N. Morse et ses collègues via une musicalité sublime, magnifiquement mélodique à travers une écriture passionnée et émotive… « Prog-tastic!»
«Jesus Christ the Exorcist» a eu sa première mondiale live en 2018 et fut interprété par un casting de stars du rock prog’ mettant en vedette Neal Morse (guitare), Paul Bielatowicz (guitare principale), Bill Hubauer (clés), Randy George (basse), et Eric Gillette (batterie). Parmi les chanteurs présents, citons Ted Leonard (Spock’s Beard, Enchant), Nick D’Virgilio (Big, Big Train, Spock’s Beard), Jake Livgren (Protokaw), Matt Smith (Theocracy), Wil Morse et plus encore. John Schlitt (Petra) et Rick Florian (White Heart) ont également été ajoutés au spectacle.
Si vous êtes un fan de comédies musicales, vous pouvez vraiment apprécier ce que Neal and co ont accompli ici. Pour ceux qui ne sont pas du genre, cela peut être un défi mais un défi digne d'être relevé, si vous creusez votre vision d’un prog grandiloquent voire pompier, respirez à fond et lancez-vous et si vous êtes déjà fan de Neal Morse vous serez conquis d’avance. Pour les vieux fondus de rock prog’, c’est un disque facile à entendre et très impressionnant, qui vaut le détour de toute évidence. Avec une pléiade de chanteurs et de musiciens exceptionnels tels que Ted Leonard, Eric Gillette, Nick D'Virgilio, Randy George, Bill Hubauer, Matt Smith, Jake Livgren et plus, cet extravagant rock progressif est un événement marquant qui laissera sa marque sur l’auditeur. Celui qui a des oreilles pour entendre… laissez-le entendre!!!
Commode
Album non disponible sur bandcamp
18/07/2019
35 Tapes
Lost & Found
prog-rock – 43’08 – Norvège ‘19
Premier album pour ce groupe norvégien constitué de Morten Lund aux guitares, claviers et chant, de Jarle Wangen à la basse, guitares et chant ainsi que de Bjorn Stokkeland à la batterie. Sur leur page Facebook, 35 Tapes se présente comme étant «basé sur des sons, des tonalités et des instruments que nous avons appris à adorer. Notre dogme: pas trop de tons, mais les bons, pas d’accords fixes, mais libres et flottants, pas de virtuosité, mais de la justesse.»
Que voilà bien résumée la musique pratiquée par ces gaillards du Nord sur les quatre titres composant cette plaque nous invitant à la rêverie comme cela pouvait être le cas dans les temps anciens! L’influence des seventies est en effet bien présente: d’emblée la plage introductive, «Travel», nous emmène vers les rivages jadis fréquentés par Pink Floyd et Genesis (surtout au niveau des guitares et du mellotron, omniprésent durant ce voyage). Le chant est correct quoique, parfois, il aurait pu être corrigé pour éviter des impressions de manque de justesse sur certains passages. Nos amis se montrent d’excellents instrumentistes: l’impression de me retrouver à mes quinze ans, emporté par les délicieux accords où le temps ne m’était pas compté pour apprécier, que dire, vivre cette musique intemporelle.
Sur «Circles», c’est Camel qui est convié à ravir nos oreilles: le chant (souvent en duo) se révèle ici tout à fait juste et plaisant, le refrain donne envie de le fredonner à tue-tête!
Retour à une ambiance plus feutrée sur «Wasteland» avec, en son sein, d’agréables effets sonores donnant même des aspects psychédéliques du plus bel effet!
L’épique «Mushrooms», du haut de ses 19 minutes, introduit tout en douceur, nous amène vers la fin de notre dégustation auditive tout en profitant d’une construction respectant les critères établis dans le passé avec l’inclusion, par exemple, d’un pont «sous-marin».
C’est au fil des écoutes successives que tout le charme de «Lost & Found» s’est révélé à moi: n’hésitez donc pas, de votre part, à vous y plonger également avec ravissement!
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
19/07/2019
Foreign Effect
Resurgence
pop-prog – 57’31 – Canada ‘19
Chacun garde précieusement ses premières fois, nues, couchées confortablement dans la suite de son esprit. De ma Liberalia à la peau satinée d’une belle, des temples de Téos au pilum maladroitement lancé. Aussi, je reste profondément marqué par cette interminable traversée, délire aventureux de quelques jeunes braves, qui nous mena au large de ce qui s'appellerait bien plus tard la “Nouvelle-Écosse”. Étrangers en pays inconnu, terres neuves à explorer, excitation... La pièce qui nous occupe débarque également de ces vastes contrées.
Foreign Effect a certes pris son temps pour livrer de sa ”première fois”. En effet, parcourant la toile, je trouve trace des frères McLean déjà avant 2008!
Un projet qui roule sa bosse depuis longtemps voit donc enfin le jour et c’est peut-être là qu’est l’os: la résurgence.
Peuplée de synthés oxygénés autant que de rengaines fleurant la pop nouveau-monde, la galette n’en reste pas moins agréable, propre. Hésitations entre easy listening puis véritables arrangements audacieux, ça retombe malheureusement constamment dans le gentillet malgré de belles envolées ainsi que plusieurs instants légèrement musclés. Certains titres au pedigree assumé, tempérés de solos maîtrisés, relèvent parfois cette sauce bien lisse. Quant à la conclusion, sans être péjoratif, cela m’évoque ce qu’un final des restos du cœur peut fournir de meilleur. Je reste sur ma faim.
Me servant du “Il faut varier les plaisirs”, le Dux Bellorum m’aurait-il enfumé?
Il serait facile, invoquant le hors propos, d’en conclure que le groupe livre un très bon opus pop mais un disque prog de qualité moyenne. La musique n’a toutefois guère besoin d’étiquette afin de nous gratifier ou non de ses émotionnels effets.
Peut-être est-ce un leurre de croire le viscéral, le moment, la spontanéité perfectibles. Aussi bancals soient-ils, ce qu’ils renvoient sera toujours plus puissant que fioriture ou polissage. L’objet de leurs désirs aurait-il trop attendu ses fleurs?
Passé l’aspect consensuel, l’irrégularité, saluons la réalisation léchée de cette arlésienne révélée. “Le désir s’accroît quand l’effet se recule” corbinait l’poète. Trop de recul transforme-t-il les parfums en odeurs? Finalement, ‘me dis avoir eu beaucoup de chance avec mes premières fois car elles peuvent, frustrées de ne pas les oser sur-le-champ, ne pas rester complètement inoubliables.
Vivement le second façon fermentation spontanée!
Néron
20/07/2019
Free Human Zoo
No Wind Tonight...
jazz-rock progressif – 72’32 – France ’19
On peut se tromper. Être abusé par une pochette lourdingue. Un concept douteux (la "quête émancipatrice"). Une déclaration d’intention conjecturale (l’"hybridation pleinement assumée"). Une ambition majestueuse (un double pour troisième album). Une allégorie avachie (les " voyages sonores"). Mais si on accepte un brin de grandiloquence, «No Wind Tonight...» tient son rang et ce, avec une honnêteté tout compte fait pas si courante. La suite «Bab’Y», qui occupe le premier des deux disques, alterne obscurs et joyeux moments, synonymes d’espoir et de défaite, dires-souvenirs des grands-parents (et de la guerre, la deuxième, grande aussi), qui l’ont élevé, de Gilles Le Rest (batterie, percussions, composition), fondateur par ailleurs du Free Human Zoo en 2011. Les accents folkeux de «Curritur Ad Vocem» (inspiré d’un traditionnel médiéval), qui ouvre le deuxième disque, doivent beaucoup à quelques invités aux vents (Jocelyn Mienniel à la flûte traversière, Bruno Ortega à la flûte à bec basse) et au chant (Camille Fritsch) et ce deuxième "voyage" repose à sa manière («Sursum corda!», le saxophone de Samy Thiebault, puis «... Ad Vocem», cette jolie voix) des batailles, du feu et du sang. Avec son tempo primesautier, sa légèreté intrinsèque, «Talitha Koum» nous récupère et file et nous emmène au quatrième et dernier "voyage", éponyme et serein, au piano acoustique et introspectif - peut-être la pièce la plus convaincante de cet album sur lequel on peut se tromper.
Auguste
album non disponible sur bandcamp
https://youtu.be/jPMIdY2WmLI?fbclid=IwAR2IA4bXCgDmG049cyB5GGO4Ivsl3z1k_weRHQy4aroB3CZn7w9Ec7yCEEE
21/07/2019
Tir
Urd, Skuld & Verdandi
dark folk/dungeon synth – 58’38 – Turquie ‘19
Attention! Tir n’est pas Tyr! Musicalement, c’est complètement «tirfférent»! Tir est un groupe turc qui a 2 albums à son actif: «Mountains» en 2016 et l’album chroniqué ici. Tous les instruments proviennent d’Oytun Bektas (qui se concentre uniquement sur Tir), la magnifique voix vient de Thomas Helm (chanteur de l’excellent groupe de folk metal symphonique allemand Empyrium, mais aussi de Nachtmahr et du groupe de rock progressif Noekk) et l’album est masterisé par Markus Stock (Empyrium, The Vision Bleak, Sun Of The Sleepless). Sans info au préalable, j’écoute cet album et j’entends surtout des instruments à cordes, du piano, de jolis accords de guitare (notamment sur l’intro), parfois du xylophone et de la flûte, et presque un orchestre symphonique sur les titres «Ancients Spirits» et «Giant’s Tragedy», mais en fait ce sont de «faux» instruments (sauf sur le dernier titre où intervient une vraie guitare acoustique), la technique employée est le Dungeon Synth (DS). Comme le décrit le journaliste qui interviewe Oytun: «Avec le développement des technologies de l’enregistrement de la musique, des instruments numériques à résonance très réalistes offrent des possibilités presque illimitées. Il est maintenant même impossible de discerner lequel est l’instrument réel et lequel est l’instrument numérique.» Pour Oytun, la musique DS lui convient parfaitement: « Les thèmes et la structure minimale de la musique ont donné la grande direction à ce que je voulais et ce que je pouvais faire.»
La musique de Tir se dit influencée par Wongraven (je suis d’accord), Nhor (d’accord aussi), Burzum (là, c’est plus de black metal) et Mortiss (et là, il s’agit d’indus).
Je voudrais revenir sur la voix vraiment remarquable du chanteur (presque une chorale à lui seul) qui intervient à 2 reprises sur «Song Of The Rain» dont les paroles sont issues du poète libanais Kahlil Gibran, et sur «Memories In The Shadow», une voix grave et ténébreuse qui résonne comme si l’on se trouvait dans une église.
Alors que cet album est dépeint comme un paysage ombrageux, rempli de visions mystérieuses et exprimant la tristesse, moi je le perçois comme une séance de relaxation.
La Louve
https://tirofficial.bandcamp.com/album/urd-skuld-verdandi
22/07/2019
Gill Steinbacher Project
Svengali
prog-rock/e-music – 73’31 – Angleterre ‘19
Ce duo Gill & Steinbacher constitue l’ossature du groupe Band of Rain, fort de 5 albums de pop-rock-progressive. Groupe ici délaissé pour donner le temps au binôme de s’occuper de ce nouveau projet.
Un projet commun qui avance sur deux axes, mais nous y reviendrons...
L’album à la pochette qui nous ferait penser à tort qu’il s’agit d’un truc de goth, débute sur des sonorités et des rythmiques, (une basse très Klaus-Peter Matziol), proches des Allemands d’Eloy. On est dans un prog-rock aux sonorités floydiennes et planantes. Pas mal, mais pas transcendant. D’autant que le deuxième titre, (mal) chanté, alors que l’album est essentiellement instrumental, ne rehausse pas particulièrement le niveau. C’est à partir du troisième titre «The Dragon Awakes», (9’41) et de «For a Rainy Day» (6’52) que le vaisseau prend son envol. La musique devient germanique, des émanations spatiales, et leurs vassaux, les claviers ancestraux (mellotron…), prennent possession des manettes. La planète Kraut est en vue, et la Berlin School connaît le chemin. Magnifique voyage à l’évolution pachydermique qui visite une terre étrange et mystérieuse, celle de la constellation de papy Schulze et de tonton Froese (Tangerine Dream) auxquels on aurait infligé une cure de jouvence progressive par intraveineuse.
«Free as The Wind (Raindance)» semble nous ramener sur le plancher des vaches par un onirique réveil bucolique mais c’est pour mieux nous renvoyer en apesanteur dans le cosmos électro-krauto-floydien des guitares d’Edgar Froese, encore lui, et des sonorités électroniques. Montée en puissance et en émotion, un rythme lent et pénétrant qui nous transporte entre terre-mère et mer d’étoiles. C’est tout simplement excellent!
Mais un autre axe est également exploré par les deux spationautes, celui du rock-prog plus basique. Floydien sur «Yellow Roses», (et non les gars, Gilmour c’est pas si facile que ça à imiter), ou batcave sur l’étrange «Svengali». Ces moments parfois un peu pénibles cassent une belle mécanique qui nous avait pourtant emmenés au-delà de nos espérances.
Bref un album qui aurait gagné à être amputé d’un tiers, ce qui aurait clarifié le style partagé à son détriment entre sublimes parties d’e-music progressives et prog parfois «bêtement» floydien.
Centurion
https://bandofrain.bandcamp.com/album/svengali
23/07/2019
Nad Sylvan
The Regal Bastard
néo-prog symphonique – 55’43 – Suède ‘19
Autant vous le dire de suite, ce troisième album de Nad Sylvan est une totale réussite, il ravira les amateurs de néo et sera dénigré par ceux qui y sont allergiques; si tel est le cas l’ami, reviens demain pour une nouvelle chronique, pour les autres bienvenue!
Ce troisième volet de la trilogie débutée en 2015 nous entraîne dans les aventures d’un vampire aristo de 400 balais qui cherche le parfait amour avec une princesse de lumière… Ok les roulées suédoises sont blondes mais doit y avoir autre chose dedans!
Ceci étant, le casting est de rêve pour celui qui accompagna Roine Stolt dans Agents of Mercy et complice de Steve Hachett pour le Genesis revisited. Jugez plutôt: Jonas Reingold, Nick Beggs, Nick D’Virgillo, Tony Levin et bien sûr Steve Hackett pour les plus célèbres. Et il y a la voix de Sylvan, un mix de Fish/Gabriel/Collins… Néo je vous dis!
«The Regal Bastard» est donc une aventure épique qui musicalement nous emmène dans un rock néo-progressif symphonique original et captivant. Oui c’est encore possible!
Le voyage commence par «I Am The Sea». Que de feeling et quelle guitare! «Oahu» au clavecin donne une touche de gaieté à un univers qui devrait être bien sombre. Le suivant… oubliez, le trop pop pour une telle œuvre, l’erreur de cet album!
Passez à la plage titulaire de l’opus, «The Regal Bastard», piano volubile, baroque à souhait, épique comme j’aime! «Honey I'm Home» clôt l’œuvre, mais notez deux titres bonus en marge des thèmes des 7 titres qui composent ce troisième volet, «Diva Time» et «The lake Isle of Innisfree».
Un sans-faute, une réussite Monsieur Sylvan. Au plaisir de vous écouter encore et encore et puis de vous voir en concert en 2020 avec Hackett; nous devrions être nombreux à vous suivre.
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
24/07/2019
Big Big Train
Grand Tour
prog-rock/ex neo-prog – 74’20 - Angleterre ‘19
Big Big Train a sorti son nouvel album studio «Grand Tour» le 17 mai dernier. Comme pour tous les albums de Big Big Train, les chansons racontent des histoires qui échappent aux sujets abordés dans la musique rock moderne. Le nouvel album s’inspire des coutumes du «Grand Tour» des XVIIe et XVIIIe siècles, selon lesquelles de jeunes hommes et femmes voyageaient pour élargir leur esprit.
Le groupe affirme que le Grand Tour vous emmène dans un «voyage épique sur terre, sur mer et dans le temps et l'espace [avec des chansons] inspirées par l'héritage du génie de la Renaissance italienne, Léonard de Vinci, des chansons racontant l'histoire de l'ascension et de la chute de Rome… et du naufrage d'un grand poète, perdu dans une tempête au large des côtes italiennes».
Bigre, il est clair que le séquençage de «Grand Tour» a fait l’objet de beaucoup de réflexion, avec des flux et des reflets clairs au fil de la progression de l’album. Bien que le «Grand Tour» contienne trois épopées de longue haleine, le titre qui ouvre l’album «Novum Organum» est court, doux et succinct. Une cloche de synthé de percussion se dépose lentement au moment où le piano et la voix entrent dans le paysage sonore.
«Alive» est une piste édifiante qui met en valeur la production de qualité et les arrangements intelligents qui filtrent sur toutes les pistes. Les chœurs et les interactions vocales sont un des points forts de «Alive» et de nombreux morceaux de ce «Grand Tour». J'affectionne le duel entre basse et batterie autour des trois quarts.
«The Florentine» présente certaines des performances les plus complexes de l'album. Environ 3 minutes après le début du morceau, une ligne de guitare entraînante et addictive bascule entre les cordes et les parties de batterie complexes de Nick D’Virgilio. L’outro semble issue des signes lyriques de la chanson d'Elvis Costello/Clive Langer (également enregistrée par Robert Wyatt), «Shipbuilding». Ou peut-être «Close your eyes» par No-Man?
«Roman Stone» est un mouvement en cinq morceaux, devenu l'un de mes morceaux préférés après plusieurs écoutes. L'atmosphère et le rythme passent de textures progressives mélancoliques à des interludes de jazz sombre puis à un style plus pastoral (un terme que vous lirez dans de nombreuses critiques de Big Big Train) et un rythme doux. Greg Spawton maîtrise un jeu de basse puissant, parfois restreint, pour étayer un arrangement complexe et changeant.
«Pantheon» est une piste instrumentale obsédante et la performance la plus progressive de l'album, avec de délicieux rebondissements. «Theodora in Green and Gold» présente des lignes de guitare semblables à celles de Fripp et David Longdon est accompagné de Nick D’Virgilio au chant principal pour les huit parties.
«Ariel» est la piste la plus longue. Les différentes parties vocales des huit sections sont tout simplement superbes avec des harmonies chaleureuses en plusieurs parties qui glissent dans un arrangement évolutif. À la fin des 14 minutes de la piste, vous serez essoufflé.
Sauf qu'il n'y a pas de répit, avec une autre piste de 14 minutes, en forme de «Voyager» plus doux, poursuivant l'histoire de l'exploration, cette fois-ci loin de notre planète, on s'envole dans l'espace.
Les changements entre les sections sur «Voyager» sont plus subtils, ce qui donne l'impression d'un morceau continu. L'orchestration de ce morceau et même de l'album dans son ensemble élève la musique du groupe vers de nouveaux sommets. Le sentiment d’exaltation au retour de ce titre vous restera longtemps après la fin. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le séquençage est de premier ordre. «Ariel» et «Voyager» sont deux longues pistes qui ne seraient normalement pas placées à la suite sur un album mais, dans ce cas, les accoler semble évident. Les fans de Porcupine Tree et de Pink Floyd tomberont amoureux de «Voyager», un chef-d'œuvre moderne et progressiste.
Le thème du retour continue alors que l'album se termine avec «Homesong». Les pieds sur terre, la chanson rehausse votre humeur avec des images familières et une appréciation des lieux et des paysages que nous aimons.
«Grand Tour» est un album qui vous récompense d'écoutes répétées, signe d'un opus qui restera en mémoire sur le long terme. L’album contient tellement de grands moments lyriques, vocaux et musicaux qu’il est difficile de choisir un favori, mais les trois dernières chansons sont une déclaration si puissante et il est rare qu’un album présente autant de hauteurs émotionnelles.
Commode
https://bigbigtrain.bandcamp.com/album/grand-tour
25/07/2019
Ni
Pantophobie
rock in opposition noise – 48’54 – France ’19
Non que l’âpreté ou la dureté me rebutent a priori, mais Ni, que j’avais eu l’occasion de découvrir lors du Festival Rock in Opposition à Carmaux il y a quelques années, m’avait passablement retourné l’estomac lors de sa prestation sans concession, ni tolérance, ni renoncement, ni même transigeance. Cette impression de me retrouver dans le trou du diable, hurlant-éructant-conspuant - le diable, pas moi - («Leucosélophobie»), un trou chaud, brûlant des flammes de l’enfer du décor, où postillons et jets de sueurs se mêlent (c’était dans la petite salle du Cap Découverte, on était serrés), je l’ai tout de suite ressentie en cliquant sur cette pâle flèche Play, innocente à tous points de vue, sauf au mien, là, quand s’est déclenchée la première salve («Héliophobie»), phobique et tellurique - ou diabolique. La musique de Ni fait mal, remplit le moindre interstice de l’espace et si «Athazagoraphobie» fait croire un instant ou l’autre à une respiration, c’est bidon, c’est pour mieux nous berner, mon enfant («Lalophobie» fait pire, plus hypocrite encore), car dans la musique de Ni, phobie ou pas phobie, il n’y a pas de répit, pas de répit. Ni de rythme comme on l’entend, ou qu’on apprend, que des ‘polyrythmies apatrides’ - et de l’électricité, des cris, de la nervosité et de la peur, de la peur. Dans le collectif Dur & Doux qui publie «Pantophobie», Ni est Dur, c’est sûr.
Auguste
https://niiii.bandcamp.com/album/pantophobie
26/07/2019
Brighteye Brison
V
prog-rock – 66’50 – Suède ‘19
Piédestal enseveli, orné de jambes brisées à mi-péroné. Ce socle, gravé d’un grand “V”, me fait craindre instinctivement l’invasion reptilienne et ses cohortes de nanas à Ray-Ban sexy, fagotées rouge vif. Me rassuré-je? Il s’agit bien d’un chiffre marquant le 5e opus des Suédois de Brighteye Brison. Ouf, soulagement!
«Vous envoie du prog de chez prog » m’avait lancé, malicieux, le Dux Bellorum!
Mes neurones pétillèrent à l’idée d’enfin chatouiller sous les bras ces pileux gardiens du temple, érigeant invariablement en dogme leurs délires jadis libertaires.
Iconoclaste espoir anéanti illico par l’exceptionnelle qualité du travail des joyeux Vikings.
Diantre, ce son n’est ni dusty, ni réminiscent d’une époque à l'évocation de laquelle coulent à grosses gouttes les nostalgies, telle la paraffine des soirs épiques de panne électrique! Plaisir évident, maîtrise. Chaussée confort dans ses racines, la zik du quintet n’a aucun complexe à se montrer fraîche ou innovante.
L’album offre donc une seconde partie au précédent. Passé l'obligatoire bruitage d’intro, «The Crest Of Quarrel» nous balade d’un lead naïf ornant l’ogre Hammond à un p’tit “couplet” aux allures hodgsoniennes. Cependant, en compagnie de ces taquins, l’on enfile rapidement ses bottes de sept lieues. J’ois maintenant des harmonies phasées, très scandinaves, qui m’évoquent parfois leurs compatriotes de Ritual. Chœurs soyeux, solaires mais moins “Christmas Song” qu’un Moon Safari. Ensemble majeur, équilibré, sans esbroufe.
«V» me catapulte vers d’autres contrées. Suivons les cailloux blancs puis risquons la forêt. Incipit virtuose moutonné d’effluves génésiennes qui se meurent étouffées par un larsen plaintif, le morceau démarre ensuite tel une heavy pop song 80’s bricolée. Un sublime climax théréminé m’évoque l’univers Morricone. Low temp. On déménage. Ça part en tous sens. Bravoure pianistique style Kotebel, retour pop, puis conclusion baroque Emerson versus Malmsteen.
Mon enthousiasme concernant cette plaque vient d’épuiser ma portion de caractères. Alors, que dire de «The Magicien Chronicles - Part II»: un monstre excédant 30 minutes? Classique en début de pièce, la bête se révèle durant son 2e tiers puis éclate en son 3e. Si le volet précédent semblait davantage audacieux, je retrouve ici les qualités indéniables qui font de cette musique résolument positive un excellent moment, accessible, délicieux!
Néron
https://brighteyebrison.bandcamp.com/
27/07/2019
El Tubo Elàstico
Impala
prog-rock/math-rock – 50’23 – Espagne ‘18
Ce fut après un premier effort en 2015 que ce groupe ibérique à la sauce andalouse, (et existant depuis déjà quelques années), nous gratifia l'année dernière de ce second album «Impala».
Si le quatuor (basse, batterie, claviers, guitare) vient du prog, et s'en revendique, il faut considérer que ses affinités vont bien au-delà du mouvement musical qui nous occupe. Instrumentales et mentales, les racines progressives de cette musique donnent des fruits gorgés d'hybrides parfums rappelant par filiation le post-rock mais aussi, et même avant tout, le math-rock.
Musique construite, calibrée, calculée, elle ne semble pas laisser de place à l'improvisation, même si les poussées organiques sont sans doute dues à de savantes recherches durant les répétitions; là où les musiciens, débridés, libres, laissent court à leur créativité instinctive.
Musique chirurgicale de laquelle s'échappent fragrances mélodiques et prouesses techniques, où énergie rock envoie swinguer digressions funky et jazzy. D'ailleurs de ces fulgurances, on aimerait parfois davantage de prise de risque, de lâcher-prise, d'esprit jazz dont la liberté ne pourrait que donner plus de valeur à cette pièce d'orfèvrerie par trop triturée.
En conclusion, un bel ouvrage, léché, équilibré, parfaitement exécuté, mais qu'on aimerait un peu moins strict, à l'image de ces fièvres mélodiques qui, sur l'album, apparaissent et donnent une respiration salutaire.
Centurion
28/07/2019
Mike + The Mechanics
Out Of The Blue
AOR – 75’14 – Angleterre ‘19
Ne vous fiez pas trop au légendaire flegme britannique du grand Mike (Rutherforth). C’est un hyperactif! Fidèle jusqu’au bout au long projet Genesis, il a mené en parallèle une belle carrière de compositeur-mélodiste au sein de son groupe de mécaniciens, nous livrant, au fil des années, quelques titres très accrocheurs, de ceux qui séduisent immédiatement et restent longuement incrustés au fond de la mémoire.
Cet album-ci (le 9e) aurait pu se résumer à un seul EP de trois nouveaux titres: «One Way» (aux accents de «Mama»), «Out of the blue» et «What would you do», bien ficelés, dans la plus pure tradition du groupe.
C’est propre, c’est efficace. La voix d’Andrew Roachford, plus texturée que celle de Paul Carrack, apporte un petit «grain» soul supplémentaire qui n’est pas pour (me) déplaire.
Rideau? Non. L’artiste ne nous abandonne pas en cours de route. Il n’a pas pu s’empêcher de replonger les mains dans le cambouis pour décrasser, avec l’aide de ses mécanos, les cylindres du vieux moteur. Place donc à 8 pièces rutilantes, parfaitement réalésées et bichonnées, de «The living years» à «World of mouth»… avec une petite pause «coffee» obligée.
Ces classiques mille fois entendus (parfois ad nauseam) font l’objet d’un nouvel enregistrement par l’actuel line up et bénéficient d’une production exemplaire. Le patron sait y faire!
Un dernier tour de circuit? Ok. La version spéciale du CD est augmentée de six bonus acoustiques d'excellente facture! La (vraie) bonne surprise de cet album!
Des arrangements hypersoignés (le piano de «Don't Know What Came Over Me»!), bien servis par le duo vocal Howar/Roachford («The Best Is Yet to Come»), nous propulsent en douceur du monde de la mécanique... vers celui de l'horlogerie!
«Out Of The Blue» ne devrait pas décevoir les fans de la première heure, sensibles à la valeur ajoutée aux compositions du groupe.
À moins que, sous ses faux airs de best of, il n’ait d’autre but que de séduire un nouveau public?
Vivestido
Album non disponible sur bandcamp
29/07/2019
Mt. Amber
Another Moon
crossover-prog – 53’37 – Allemagne ‘19
Mt. Amber est le nouveau groupe de Philipp Nespital, connu de la scène progressive allemande pour s’être produit au Night of the Prog festival de Loreley l’année dernière avec son groupe Smalltape; un projet évoluant, lui aussi, dans le crossover-prog, et comptant à ce jour 2 albums, «Circle» en 2011 et «the Ocean» en 2017.
Avec Mt. Amber le musicien reste dans la même mouvance musicale mais atteint un niveau supérieur. Ce «Another Moon» marie les poncifs du prog à la fraîcheur des courants progressifs actuels et peut s’enorgueillir de pouvoir compter sur un travail de production impeccable. Le son est excellent, le mixage parfait (même si je trouve le son de la batterie un peu sec). Gros travail sur les voix où Nespital peut jouir d’Alexandra Praet, la bassiste, et de Christopher Zitterbart, le guitariste, pour le seconder et sublimer les chœurs. Un album mélodique, jamais brutal, mais toujours extrêmement recherché au niveau des harmonies et des constructions. Un cocktail rafraîchissant, délicat, sans alcool, dont la subtilité et les développements progressifs, parfois emphatiques, s’inscrivent parfaitement dans l’univers progressif actuel.
L’album prend son véritable envol avec «Another Moon», la plage titulaire en forme d’une longue suite constituée de 7 parties dont la durée totale dépasse la demi-heure. Grosse recherche au niveau des ambiances, des rythmes, de la musicalité et de l’orchestration. Des claviers scintillants et de belles lignes mélodiques qui tempèrent la complexité de certaines structures. Cette longue suite coule et offre à chaque fois des climats feutrés et recherchés dont les subtilités apparaissent au fil des écoutes. Cette suite est assurément le moment phare de l’album.
Mt. Amber est un groupe à suivre; son premier album n’est pas encore une révélation mais il apporte de la fraîcheur et du style.
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
30/07/2019
Pattern-Seeking Animals
Pattern-Seeking Animals
prog-rock/pop-prog – 58’03 – États-Unis ‘19
Encore un nouveau super-groupe puisqu’il a été formé par Ted Leonard (chant, guitare), Jimmy Keegan (batterie) et Dave Meros (basse), tous trois membres de Spock’s Beard. Aux claviers, on trouve un ancien collaborateur du même Spock’s Beard, également à l’écriture des titres, John Boegehold. À propos de la direction musicale du projet, ce dernier commente: «Mon objectif était de produire une musique progressive et complexe tout en gardant les choses immédiates et mélodiques. Qu'une chanson dure quatre ou dix minutes, je ne voulais pas que quelques mesures passent sans une sorte de crochet instrumental ou vocal». Je dois reconnaître que le pari est réussi: à la première écoute, je n’ai pas manqué de me dire qu’il s’agissait d’un album de pop progressive (dans le sens que l’on pourrait attribuer aux Suédois de A.C.T. par exemple). Pourtant, les auditions successives impriment durablement les mélodies dans le cerveau alors même que les arrangements peuvent faire montre d’aspects nettement progressifs, sans pour autant sonner comme leur groupe principal. C’est d’ailleurs le cas sur la plage d’introduction longue de neuf minutes («No Burden Left to Carry») coulant de source malgré des développements n’étant pas l’apanage des groupes «poppy»! On se prendrait volontiers à chanter sous la douche le titre suivant «The Same Mistakes Again»! Le mellotron (entre autres claviers) introduit de façon agréable «Orphans of the Universe» et nous offre un pont sautillant des plus réjouissants. Quels musiciens! Et le chant de Ted n’est nullement en reste tout au long de ces dix minutes! On enchaîne avec «No One Ever Died And Made Me King», presque rentre-dedans. La traditionnelle ballade, «Fall Away», poursuit l’aventure. Sans vous détailler chaque plage, je m’en voudrais de ne pas mentionner le superbe «Stars Along the Way» qui, du haut de ses dix minutes, clôture de bien belle manière cette réjouissante plaque. Voilà donc des artistes qui n’hésitent pas à se remettre en question et je vous recommande chaudement malgré une impression première peu flatteuse de ma part!
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
31/07/2019
The Samurai of Prog
Toki No Kaze
prog-rock old school – 74’38 – International ‘19
Les membres principaux de The Samurai Of Prog, notamment le bassiste Marco Bernard, le batteur Kimmo Pörsti et le multi-instrumentiste Steve Unruh, ont édité sept albums studio depuis 2011, plus une compilation épuisée depuis. Un catalogue impressionnant en effet; cependant le groupe reste un peu dans l'ombre et est rarement cité ou mentionné dans les sondages annuels. Il est même surprenant de voir à quel point ce groupe est méconnu, peut-être leur nom un peu farfelu… On dit de ne jamais juger un album par sa couverture, cependant la somptueuse structure très brillante avec les illustrations saisissantes du graphiste Ed Unitsky doit exclure le groupe de «le faire à bon compte», sans parler de la couverture complète des 20 pages du livret qui accompagnent le CD. De la sacrée belle ouvrage qui attire immanquablement l’œil. Il reste donc la musique. Bien que le noyau du groupe soit un trio, la liste des musiciens invités devrait dissiper toute idée selon laquelle il s’agirait d’un album mal conçu et pensé. Ce n'est pas un concept album, mais un thème commun à «Toki No Kaze» (Vents du Temps si mon nippon est bon), qui tourne autour des films de l'animateur et artiste manga japonais Hayao Miyazaki.
Musicalement, «Toki No Kaze» est une version variée; bien qu’influencée par les maîtres passés, elle n’en est pas l’esclave. La diversité des compositeurs et musiciens invités offre une gamme colorée de textures et de teintes. Alors, est-ce que cela fonctionne sur l'album? «Toki No Kaze» débute avec l'ambitieuse composition d'Octavio Stampalìa, «A Tear in the Sunset», et depuis le piano d'ouverture délicat, la piste passe de la pastorale au chaos de la vie urbaine et inversement. Des revirements impressionnants! En revanche, le pianiste David Myers met en vedette Steve Unruh au violon et à la flûte et nous ramène aux beaux jours au bord du fleuve.
Pour ceux qui n'ont jamais écouté The Samurai Of Prog auparavant, que voudriez-vous entendre? À bien des égards, je suggérerais que la musique de The Samurai barbote avec un certain plaisir dans le chaudron du «prog old school» et qu'en dépit de la popularité grandissante du genre «progressiste» dans son ensemble, les groupes dont la musique remonte à l'époque bénie ont trouvé moins de faveur. Il y a ceux qui pensent que le genre devrait… progresser et je suis tout à fait d'accord! Il reste cependant de la place pour les disques qui souhaitent relancer la musique d’antan en proposant des alternatives contemporaines. Il existe un auditoire inconnu et inexploité pour de telles parutions, si seulement il était un peu moins occupé, rachetant des versions chères des albums qu’il possède déjà. Mes excuses à The Samurai Of Prog pour avoir utilisé cette critique de «Toki No Kaze» pour cracher un dé de venin au passage.
Après avoir examiné très récemment le dernier album de TSOP, «Archiviarum», je dirais que cette dernière offrande est plus équitable, peut-être un reflet des œuvres d’Hayao Miyazaki? Comme je n’ai vu aucun des films de Miyazaki, je ne peux pas commenter! Ce que je peux dire, c’est que «Toki No Kaze» est assez léger et n’est pas aussi bien capturé que dans les couches en constante évolution de «The Bicycle Ride»! Ce morceau réunit l'ancien et le nouveau avec le violon de Steve Unruh en harmonie avec le soyeux Moog et l'émotionnel saxophone de Marek Arnold, une texture que le groupe conserve dans «Castle Blue Dream» et que l'on peut découvrir tout au long du disque en général.
Les chants d’Alice Scherani et ses vocalises sur «Nausicaa e i Custodi Della Vita», rappelant Annie Haslam et Renaissance, les timbres ELP/UK évoqués lors de la composition de Michele Mutti, «Think Green» ou peut-être la dernière piste avec une structure tout aussi changeante de la claviériste et compositrice Elisa Montaldo, qui nous gratifie également d’une belle voix tout au long de la pièce.
Bref, superbe musique, passages instrumentaux riches, des moments sensationnels d'une pure majesté prouvent que les musiciens principaux de TSOP sont divins et doués pour livrer à chaque album un prog vintage incroyable comme au «bon vieux temps»! TSOP est la marque de fabrique du prog rock de haute qualité et le nec plus ultra pour prouver qu'un groupe d'excellents musiciens peut toujours produire une excellente musique!
Commode
Album non disponible sur bandcamp