Août 2019
- 01/08/2019
- 02/08/2019
- 03/08/2019
- 04/08/2019 : Heavy Prog
- Until Rain
- Sublunar
- Seyminhol
- Dark Suns
- The Dave Foster Band
- 05/08/2019
- 06/08/2019
- 07/08/2019
- 08/08/2019
- 09/08/2019
- 10/08/2019 : Les Musiques étranges
- Minuit 10
- Giant The Vine
- Cobalt Chapel
- Plankton
- Stille Volk
- 11/08/2019
- 12/08/2019
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- 30/08/2019
- 31/08/2019
01/08/2019
Kada
Csinvat
jazz fusion/jazz-rock – 47’12 – Hongrie ‘19
Kada est un groupe hongrois qui n’en est pas à son coup d’essai. Un ensemble de musiciens talentueux qui nous assènent un jazz fusion/jazz-rock dynamique et balancé avec une instrumentation à base de guitare, saxophone, trompette, en plus d’une section rythmique agrémentée d’un percussionniste multiforme.
Les influences sont diverses et revisitent les classiques du genre avec des passages de guitare évoquant tour à tour Scofield, Abercrombie et d’autres grands de la guitare jazz rock.
Le tout est très bien ficelé et on découvre quelques moments où le combo déménage vraiment bien.
Notons que le deuxième morceau, «Bucsuzas», est une version live de la plage titulaire de l’album sorti en 2001.
En résumé un bon album de jazz fusion/jazz-rock, avec d’excellents musiciens qui perpétuent la tradition du genre sans beaucoup d’originalité, mais avec un réel savoir-faire tant au niveau des compositions qu’à celui des qualités instrumentistes. Donnons une mention spéciale pour le morceau qui ferme cet agréable CD, «Borelo»...
Pour fans du genre...!
Lucius Venturini
Album non disponible sur bandcamp
02/08/2019
Swifan Eolh & the Mudra Choir
The Key
prog-rock/classic-prog – 42’02 – Norvège ‘19
Avec les Norvégiens de Swifan Eolh & the Mudra Choir c’est sans l’ombre d’un doute vers un voyage en direction du passé antérieur auquel nous sommes conviés. Formé en 2015 le groupe s’inscrit dans la tradition du rock progressif des années 70, celle des premiers Yes (la guitare de Rune Selp Bjornflaten est très howeienne), de Gentle Giant, de Gong, de Van Der Graff Generator, de Beggars Opera, et en partie de la scène canterbury. Le décor est planté.
Et comme si ça n’était pas encore assez évident, l’album a été partiellement enregistré en prise directe, ce qui donne incontestablement à cette pièce musicale un indéniable côté ancien. Chanté en anglais par Rune, le guitariste, et Synove Jacobsen, la dame, (je le précise car avec ces noms scandinaves on n’est jamais sûr), cette musique est bourrée de climats propres au progressif du début des seventies: contretemps, brisures rythmiques, envolées symphoniques, changements d’ambiances... tout y est. On est malgré tout assez éloigné de groupes comme Genesis car ça n’est assurément pas dans cette crémerie que nos Norvégiens ont tété le lait séminal.
Nous sommes tellement habitués au prog-rock de notre époque, plus direct, plus couillu, qu’un groupe comme celui-ci aurait presque le don de nous déstabiliser. Et finalement, signe des temps, constatant qu’il y en a peut-être de moins en moins, de ces groupes typés seventies, une formation comme Swifan Eolh & the Mudra Choir est salutaire pour nous rappeler ce qu’était vraiment le prog ancestral.
Cette démarche a les qualités de ses défauts. Des atmosphères très vintages, une production brute, un style d’un autre âge est un parti pris assumé qui va forcément diviser les aficionados du progressif dans sa grande diversité. En ce qui me concerne, je conseille cette «chose» aux seuls fans du prog des grands anciens. Les autres, fuyez…
Centurion
https://swifan.bandcamp.com/album/the-key
03/08/2019
Hegoa
Rêve de papier
Partie 1 Rime à rien - Partie 2 Rimeraie
progressive pop – 39’19 + 34’39 – France ’18/‘19
Affalé sur la méridienne de mon triclinium rotatif, une seule chose me donnerait envie d’à nouveau brûler Rome... ce sont ces buses qui comparent systématiquement tout ce que la francophonie «progressive» pond aux angéliques Comtois. Pourtant, les dieux savent le respect que je porte au Capitaine, Pierre, Gladys, Émile, puis leurs potes! Cet énervant raccourci, au-delà de provoquer d’inutiles comparaisons, masque malheureusement souvent une identité artistique forte, un style.
J’éviterai donc, en dépit du prologue magistral, l’inconvénient à Hegoa qui présente pour prime forfait cet ambitieux diptyque. Bien sûr, se trouve Ange dans leurs références, j’y vois également Babx que j’adore (courez ouïr «Drônes personnels», si vous ne connaissez pas encore!), mais aussi Bashung, Feu! Chatterton, Queen… Faisant fi de l'évocation de ces racines, la formation ne manque point de personnalité. Savoir si l’animal répond à nos critères d’élevage est un autre débat.
«Rêve de papier» nous conte les tourments de la jeune Lara.
[Ci-dessous les liens Youtube où la chanteuse vous résume cela.]
Le son paraît d’emblée assez brut, cru, faisant la part belle à une voix sincère couleur variété française. Des grattes goûtues, tantôt grasses, tantôt clean, s’éclatent, soutenues par une basse profonde et un excellent batteur. Dès lors, si vous êtes en religion avec clavier atmosphérique et mellotron, fuyez!
Néanmoins, le volatile peut également faire la roue afin de nous gratifier de ses nuances. Ainsi, l’on découvre des touches cuivrées funky, un sax maîtrisé, violon folk, chœurs…
Petit bémol toutefois quant à la production. En effet, le chant est constamment noyé en un mix excessivement médium ne rendant pas justice au talent de Marine Poirier.
Alors que la forme reste agréable, le fond me gène un peu. L’impératif, so french, des rimes au détriment de la lisibilité rend le propos hermétique et ce qui eût pu être diablement poétique souffre de cette «maladresse». Ou est-ce de la pudeur?
«Simplicité est sophistication suprême» selon Léonard. Nonobstant, je hume un parfum qui pourrait sans ce biais m’exploser au cœur ou à l’oreille.
Première galette mitigée se libérant au final. Meilleure seconde partie, parfois excellente… Honnêtement, je devrais noter raisonnablement. Malgré tout, curieux du chemin que prendront ces jeunes gens, ma cote sera généreuse car je perçois sous cet essai un puissant potentiel à l’écriture comme à la compo!
Néron
Album non disponible sur bandcamp
04/08/2019 : Heavy Prog
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Until Rain
Season V
métal-progressif – 48’13 – Grèce ‘19
Pour la première fois à Prog censor on m'a confié la tâche de donner mon avis sur un groupe grec. Je ne connaissais pas du tout Until Rain; ils existent pourtant depuis 2004 et comptent 4 albums au compteur. Ce qui se dégage de cet album c’est avant tout une atmosphère de sérénité. Malgré certains titres plus «durs», ou en tout cas avec une voix plus hargneuse en fond sonore, ce qui prime surtout c’est le côté mélodieux. Tout au long de l’album nous avons un progressif teinté de métal de haute qualité. D'emblée, j'assimile ma découverte à Pain of Salvation, Vanden Plas ou Abydos, mais avec le côté mélodique de Steven Wilson. J'écoute le titre «Qualia» et me reviennent alors des notes d'Opeth quand Mikael Åkerfeldt faisait plus dans le death mélodique que dans le prog métal des derniers albums.
Il y a de magnifiques passages piano-voix entrecoupés de changements de rythme incessants. Le duo masculin-féminin au chant («Cons Marg» et «Donna Zed») apporte quelques frissons. Cette chanteuse suisse a un timbre particulièrement cristallin. Comme invitée spéciale, nous avons Vicky Psarakis de The Agonist pour «The Long Break», une autre grande voix de l’album… Et comment ne pas parler de Theodore Amaxopoulos qui sait absolument tout faire à la guitare, que ce soit l’intro «Inner Season» à la guitare sèche, «Restart» avec un solo gilmourien de très haut vol ou encore avec «Ascending» et ses riffs métal bien acérés? «Saison V» est également la preuve que vous n’avez pas besoin de jouer vite pour être technique. On peut faire du métal-progressif tout en créant une ambiance douce et posée puis en devenant à nouveau suffisamment lourd pour vous surprendre et ne jamais prévoir la suite.
L’album est très bien produit dans son intégralité. Subtilités et instruments sont arrangés de façon à en savourer le meilleur.
Je vous conseille l’écoute de cet album; quant à moi je vais sûrement prêter une oreille aux autres opus d’Until Rain…
Vespasien
https://untilrain.bandcamp.com/album/season-v
Sublunar
A Welcome Memory Loss
prog heavy alternatif – 57’34 – Pologne ‘19
Avec ce genre de musique, on sort du carcan traditionnel du rock progressif de papa. L'identité musicale n'est pas aisée à déchiffrer, chose assez déstabilisante pour votre serviteur dont le panel n'est pourtant, pensait-il, pas si étriqué.
Crossover-prog, pourrait-on tenter?… Cette musique est riche de multiples influences, et il serait par conséquent finalement assez simple de la rattacher à celles des groupes de prog de notre époque dont le son, le style, renvoient à mille choses un peu brouillées dont les strates finissent par créer un genre à part entière. Est-ce le cas ici?
On a envie de répondre par l'affirmative, mais une petite voix me dit qu'il faut aller chercher ailleurs. C'est la raison pour laquelle j'ai affublé le style de cet album de prog alternatif. Oui l'alternatif des groupes de rock alternatif, qui ne sont ni pop, ni rock meanstream, ni hard, ni vraiment post-rock... Sublunar est de la race de ceux-là, pratiquant un rock non identifiable mais dont l'ambition, la richesse stylistique, renvoient malgré tout au rock progressif.
Guitares et chant / basse et batterie, (oubliez les claviers, ils sont rares), s'acharnent à complexifier, tarabiscoter à coup de riffs incisifs et de rythmes syncopés des mélodies plaintives. C'est un peu l'école de Tool revisitée par Slipknot, Kong et les Smith [ndlr: bof la comparaison, mais on laisse quand même ;-)]. «A Welcome Memory Loss» est un terrain vague semé d'embûches dans lequel on se perd avec quiétude. On est ailleurs, mais ce lâcher-prise revigorant est finalement salutaire. À coup sûr j'y reviendrai...
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
Seyminhol
Ophelian Fields
métal-prog mélodique – 35’47 – France ‘19
Seyminhol est un groupe français qui était plutôt versé dans le métal epic au début de sa carrière mais qui tend vers un métal progressif mélodique. Leur album précédent «The Wayward Son» était un concept-album sur Hamlet. Aujourd'hui le quatuor revient avec «Ophelian Fields», un album qui traite de la même histoire mais se concentre sur le personnage d'Ophélie. En écoutant l’album, on comprend que Rhapsody ait une grande influence ainsi qu’Angra (RIP André Matos) et Stratovarius. On entend de suite qu’il s’agit d'une production faite maison mais le son n’en est pas mauvais pour autant, il a un côté typiquement «symphonic speed metal» des années 90-2000. Un titre me saute particulièrement aux oreilles: «Act III, scene 1: Hidden Desire», où des riffs de guitares et les rythmiques me font penser à un mélange entre Dream Theater et Ayreon. L’ensemble de l’album est assez direct et ne comporte pas de longues épopées mélodiques ni de soli imposants, ce qui fait que l’album passe tout seul, mais peut-être un peu trop basique pour les amoureux de progressif que nous sommes. Je trouve également qu’il y a un peu trop d’intro piano qu’enchaînent de gros riff de métal bien lourd… Une recette à mon goût mais qui frôle l'indigestion à force de la servir un titre sur deux; un peu plus de recherche et d’originalité m'auraient tenu en appétit plus longtemps. Le chant lyrique de Kevin Kazek est comparable à celui de Fabio Leone de Rhapsody (of Fire ou non) et son timbre varié s'accorde très bien aux parties plus calmes. Nicolas Pélissier assure vraiment lors de ses arpèges coulés et la section rythmique composée de Thomas Das Neves et Vianney Habert est très solide! En résumé «Ophelian Fields» est bien joué, très propre, passionné, mais manque de recherche, de prise de risques et d’originalité. En écoutant l’album, vous passerez malgré tout un agréable moment. À vous de voir…
Vespasien
Album non disponible sur bandcamp
Dark Suns
Half life souvenir
prog-rock/métal – 30’28 – Allemagne ‘19
C’est donc aux portes de cet été que les Allemands de Dark Suns nous livrent le 6e chapitre de leur carrière commencée en 2002, et ceci sous forme d’un EP des plus intéressants. Formation en constante évolution, c’est avec - étonnamment - un opus des plus courts qu’ils signent une des prises de risques musicales les plus importantes de leur discographie. En 2002 c’est avec un registre doom qu’ils avaient attiré l’attention pour évoluer au fil du temps vers des Opeth ou Pain of Salvation.
Ici, dès le premier titre, «Her Bed Umade», le groupe nous livre un rythme pop… prog: refrain accrocheur qui s’installe dans la tête pour ne plus en sortir; saxo et piano limpide confirment cette impression «commerciale». Pour le second titre, «How We Are», c’est le psychédélique vintage qui s’invite, orgue omniprésent, on pense même à Led Zep pour l’intro. Pour le suivant, «Trillianthem», la pop des années 60 est encore bien présente et nous propose, avec un son plus actuel, de nous immerger dans le swinging London si cher à la génération Beatles/Stones. C’est avec le dernier titre, «My sermon», que l’on retrouve - enfin! diront les fans des Dark de la première heure - le style habituel de la formation, et donc pour moi sans surprise: riffs énergiques, piano fluide, un rythme montant en puissance, envoûtant, (Riverside n’est pas loin), et puis tel un orage… s’éloigne peu à peu.
Un EP qui surprendra ceux d’entre vous qui ne connaissent pas Dark Suns; ils pourraient même trouver le groupe innovant. Pour les autres, qui connaissent, cet EP a de quoi les surprendre, les troubler. Après, tout est question d’ouverture d’esprit, d’acceptation. Pour rester passionné, passionnant, un groupe doit savoir évoluer, surprendre, déranger et même décevoir pour grandir. Et vous savez quoi? Dark Suns… est GRAND!
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
The Dave Foster Band
Nocebo
AOR – 59’46 – Angleterre ‘19
Lorsque j'ai constaté que l'on me confiait la chronique du dernier et troisième album du Dave Foster Band, «Nocebo»... j'étais impatient de le découvrir tant le travail de ce guitariste m'avait impressionné avec ses formations précédentes, Panic Room, Mr. So & So et le Steve Rothery Band. C'est donc confortablement installé dans mon fauteuil préféré, casque sur les oreilles, que je me lance à l'écoute de ce troisième opus successeur de «Dreamless» (2016) et «Gravity» (2011). Que vous dire? L'homme est un excellent musicien, les solos sont impressionnants... Alors pourquoi cette cote diplomatique de 3 me direz-vous? Et bien simplement parce que cet album est tout sauf du prog! Celui-ci débute avec le titre «Pata Dura», guitares en avant rugissantes, rehaussées par la voix de Dinet Poortman, dans un style que nous serions en droit d'attendre d'un Foreigner ou d’un Journey... Bref, du gros AOR taillé pour les radios FM et les longs rubans d'asphalte de la route 66, mais de musique progressive il n'est nullement question ici. Mais il y a les solos de guitares mes amis! Et quelques fois ceux-ci touchent le divin comme dans le titre «Karma». Cet album, comme tout bon enregistrement du genre, regorge de ballades ou de morceaux mi-tempo («Counting down the Days, Anything») qui mettent en valeur la voix de miss Poortman. La plage que je qualifierais de prog, «Ghosts», grâce à l'atmosphère que parvient à créer le musicien, est l'une des réussites de cet album. Progression lente qui peu à peu fait monter la tension sur un tempo que n'aurait pas renié le «Sabbat Noir»... L'album se termine avec le titre «All That Remains» où le chant est exceptionnel...
En résumé, un très bon album de rock hard fm qui ravira les amateurs du genre mais qui laissera indifférents les progueux purs et durs.
Tiro
https://davefosterband.bandcamp.com/album/nocebo
05/08/2019
Moundrag
Moundrag EP
prog-rock 70’s – 19’46 – France ‘19
Il y a des formations qui ont un pouvoir, celui de vous ramener au temps béni des 70’s; Moundrag est de celles-ci!
Originaire de Paimpol en France, ce groupe est un duo formé par deux frères, Camille et Colin Goellan. Autre particularité, il n’y a pas de guitare… juste orgue et batterie.
Dès le premier titre, «Wy Women», le ton est donné, nous sommes plongés dans le psyché/heavy progressif des années 70. L’accroche de ce premier titre me fait immédiatement penser au Uriah Heep période «Look at Yourself»; au break, la voix prend par moments des chemins empruntés par Jon Anderson, oui oui! Pour le second titre, «The priest & the Whore», même impression pour le chant, mais très vite l’orgue nous emmène vers un autre grand père fondateur… ELP.
«Last Man» lui aussi pourrait être extrait d’un album de ELP… Pour moi la jouissance totale! Quelle bonne surprise que cet EP qui n’a qu’un défaut: TROP COURT!!!
Bien sûr, les plus avant-gardistes diront groupe rétrograde! Et je dirai OUI et ALORS?
L’essentiel n’est-il pas de prendre du plaisir? Et quel orgasme les amis!
Cet EP est disponible en CD digipack et en version digitale. Allez découvrir ces frangins, ils le méritent!
Tiro
Album non disponible sur bandcamp
06/08/2019
EchoTest
Daughter Of Ocean
prog-rock/ambient prog – 57’50 – États-Unis ‘19
La bassiste avant-gardiste Julie Slick remet ça avec ce troisième album (quatrième si on compte «Fourth Dementia») de son groupe EchoTest. Cette musicienne de Philadelphie s’est d’abord fait remarquer au sein de la communauté prog en participant au Crimson ProjeKct et au Adrian Belew Power trio. Sa rencontre avec le bassiste italien Marco Machera donnera naissance à EchoTest en 2014. La formation est complétée par le batteur/percussionniste Alessandro Inolti et, pour ce nouvel album, de la chanteuse Jennifer Founds. La basse occupe bien sûr une place de choix dans l’univers musical du groupe et la filiation au clan King Crimson saute aux yeux (aux oreilles, devrais-je dire). En grande partie instrumentales, les pièces s’articulent principalement autour de motifs répétitifs sur lesquels viennent se juxtaposer, par couches successives, des textures sonores au traitement sophistiqué. L’ensemble présente une grande dynamique, autant au niveau de l’énergie - du très mélancolique et rêveur au plus agressif - que de la complexité, passant aisément de la pop facile d’écoute à l’exercice expérimental pointu, réussissant ainsi à susciter puis à maintenir l’intérêt du mélomane aventurier. La présence du tromboniste Ian Grey sur quelques pièces («Tiger Races» entre autres) ajoute une dimension plus organique à une musique très ancrée dans le bidouillage électronique. «Daughter Of Ocean» met en valeur la démarche d’un groupe en constante évolution, présentant du matériel original dans la continuité logique de leurs œuvres précédentes et laissant présager un avenir prometteur…
Ugo Capeto
https://julieslick.bandcamp.com/album/daughter-of-ocean
https://youtu.be/Am2Osl96__4?fbclid=IwAR3pE1km5_TLw7wSWZiEcf6iAchwg2LrIhjqT0d_BipqRdtvICCI_WDuvGk
07/08/2019
Cosmocracy Inc.
A Ride Across Your Mind
psyché-prog – 41’29 – France ‘19
C’est le premier album d’un jeune groupe français originaire de Nancy sorti début de cette année. On doit d’abord rendre hommage à leur démarche car il n’est pas aisé de proposer un projet d’une large palette stylistique dans un monde musical où tout a tendance à devenir extrêmement formaté. Ayant opté pour l’autoproduction, les membres du quatuor se sont fait plaisir en n’étant soumis à aucun diktat de l’industrie du disque. Les quatre musiciens laissent donc parler leurs nombreuses influences; citons pêle-mêle les Doors pour la voix, le jazz-rock pour le piano Fender, le rock 70’s pour certains soli de guitare, un soupçon de prog, un zeste de psyché, une larme de Pink Floyd dans l’intro de «Echoes In My Head», un chouïa de funk lorsque la basse slappe, etc. Alors si Cosmocracy Inc. parvient par moments à créer de véritables ambiances, il y arrive rarement tout au long d’un morceau. Les compositions sont parfois assez décousues, et ceci malgré l’évidente maîtrise instrumentale du groupe, avec une mention spéciale pour le guitariste Alexis Dijamentiuk. Prenons comme exemple le troisième titre de l’album intitulé «Echoes In My Head». Comme je l’ai écrit plus haut, l’intro fait penser à celle de «Wish You Were Here», puis, sans presque crier gare, on se retrouve dans l’univers de «Waiting For The Sun» des Doors, puis on switche vers un tempo «jazz-rockifiant» avec piano Fender et basse en slap pour les soli de guitare et de claviers. Mais ce n’est pas fini: après une courte accalmie, on repart vers une rythmique sautillante pour clôturer le morceau, le tout donnant l’impression d’un déficit de construction. En avançant dans l’album, celui-ci semble gagner en cohérence sans jamais y parvenir totalement. Cosmocracy Inc. est manifestement plus à l’aise dans les ambiances feutrées comme dans le début de «Nightbird» ou de «Salvia», la plage de 14 minutes qui termine l’album. Ceci dit, il y a des suites d’accords intéressantes et l’on sent le potentiel sous-jacent du quatuor. Pour peu qu’il arrive à occire les fantômes de Jim Morrison, de Rick Wright ou de Chick Corea, Cosmocracy Inc. pourrait nous étonner agréablement dans son prochain opus.
Lyre
https://cosmocracyinc.bandcamp.com/album/a-ride-across-your-mind
08/08/2019
Machines Dream
Revisionist History
crossover-prog – 128’02 – Canada ‘19
Ce double album du groupe canadien est une compilation regroupant ses deux premiers albums dans des versions réenregistrées, remixées et remastérisées avec, en sus, l’ajout des 3 morceaux manquants du deuxième album originel. Le CD 1 comprend le deuxième album, «Immunity», paru en 2014, le CD 2 le premier album éponyme datant de 2013.
D’abord signalons que le groupe profite de cette réédition pour réparer l’ânerie d’avoir coupé en deux le titre «Immunity» sur l’album d’origine; il est à présent dans son intégralité, un gros bloc de 25 minutes.
Machines Dream c’est du prog, OK, mais c’est avant tout du rock. Si Floyd semble être leur seule véritable influence prog venant des 70’s, c’est à un groupe comme RPWL que l’on songe directement. Mais Machines Dream c’est beaucoup moins lisse, policé, que nos Allemands. Là, avec nos «bûcherons» du prog, on évolue dans le brut, dans le lourd. La basse du leader Craig West donne le ton, ça va fort, c’est pesant et parfois même assourdissant (surtout en écoutant ça en bagnole); mais ses gros doigts font aussi des merveilles. Avec le batteur Ken Coulter, ils tiennent l’ossature du band. Par contre le Craig chante aussi, et ça c’est pas une très bonne idée. Bon, parfois dans les groupes de prog on prend celui qui chante le moins mal, et c’est tombé sur lui. Pas de panique, on oublie «assez vite» cette carence étant donné que le groupe développe une musique très captivante, essentiellement en mid-tempo, (une véritable marque de fabrique sur tous leurs albums). C’est donc lent, lourd, atmosphérique, mélodique et brut à la fois. Mais des moments de grandes clartés viennent sécréter de la légèreté comme lors des interventions de Keith Conway à la guitare. Des poussées de fièvre que s’emploie également à distiller Brain Holmes quand il délaisse son rôle faussement subalterne de très bon «nappeur de fond», pour opportunément pousser une gueulante «claviéristique».
Tout ça est fort bon, bien pensé. Et en apportant une dimension rock, mais pas metal-progressive, ils nous sortent un peu des modèles empruntés par pas mal de groupes évoluant dans ce qu’on appelle aujourd’hui le crossover-prog.
Un bon groupe, qui pourrait même être très bon s’il arrivait à gommer ses petits défauts.
Centurion
https://machinesdream.bandcamp.com/album/revisionist-history
09/08/2019
The Skys
Automatic Minds
prog-rock sympho/néo-prog – 42’18 – Lithuanie ‘19
À l’exception de l’Eurovision, nous n’avons pas souvent l’occasion d’entendre des groupes de rock lithuaniens et encore moins de prog. De plus, un groupe soutenu par autant de beau monde (lisez ci-dessous) n’est pas monnaie courante. Renseignements pris, via leur site, il semblerait que le quatuor, une claviériste (Bozena Buinicka), un guitariste (Jonas Ciurlionis), un bassiste (Justinas Tamasevicius) et un «drummer» (Iliade Molodcov), n’en soit pas à son coup d’essai car, déjà en 2015, ils avaient réussi l’exploit d’inviter des gens comme Snowy White, Dugs Mc Brom (Pink Floyd) ou encore le saxophoniste de Steve Hackett, Robert Townsend, à venir leur prêter main forte sur la rondelle. Ils ont remis le couvert sur ce (déjà) sixième opus, avec les mêmes invités, et en se payant le luxe d’aller enregistrer tout bonnement dans le studio Abbey Road de Los Angeles sous la houlette de l’ingénieur du son tout auréolé de ses grammy awards, Dom Morley (Amy Whinehouse, Sting, Adèle, entre autres). Excusez du peu. Un soutien aussi prestigieux augure-t-il un exceptionnel résultat? Malheureusement on reste un peu sur sa faim. Rien à dire côté son et production. Mais les compos manquent cruellement de développement. Pas besoin d’en faire des tonnes mais certaines plages frôlent le minimum syndical et culminent à 4 minutes, l’ensemble de l’album faisant les 40 minutes. C’est d’autant plus dommage que les rares interventions du saxophone de Townsend semblent un peu perdues dans l’ensemble. Admettons que les soli de guitares sont corrects sans être envoûtants. La claviériste, au timbre de voix évoquant Jon Anderson, se défend plutôt bien tant au chant qu’aux claviers et le duo vocal avec le guitariste n’est pas sans rappeler un certain Mostly Autumn, les envolées de guitare en moins. J’y vois une certaine filiation avec le Yes des années 80, période prog-FM, sans emphase ni développement complexe. Le single «Singing Tree» est certainement le titre le plus réussi, bien que se terminant prématurément (un beau solo de saxo ou de guitare l’aurait clos de bien belle manière). On navigue entre Alan Parsons et Mostly Autumn. Les autres morceaux semblent sortis du même moule, au point qu’il est difficile d’en ressortir un du lot. Je pointerais «The Guardian of the Water Tower» pour son énergie et les nappes de claviers de bon ton. Le groupe-phare de la scène prog lithuanienne (dixit le band) livre un sixième album, certes de qualité irréprochable, qui aurait mérité un peu plus de matière, surtout avec la palette d’invités présents.
Hadrien
Album non disponible sur bandcamp
10/08/2019 : Les Musiques étranges
Minuit 10
Les Enfants de l'Amour
jazz-progressif fusion – 48’39 – France ’19
Un univers où se croisent Tigran Hamasyan («Ojo de Pez»), Pink Floyd («Unfairy Tale») et les influences ethniques déjà présentes dans «Cheval à bascule», l’EP de 2016 qui avait éveillé notre oreille, voilà la proposition, élégante et accomplie, de ce quatuor aux trois frères - Thibaud, Sylvain, Étienne, tous Rouvière. Parfois renforcées de la voix de Morgane Cadre («La Rosa Enflorece», dont la légèreté vocale se confronte avec un pur bonheur à l’électronique, ici aux accents faussement âpres), des mots de Muhammad Ali (le texte, déclamé, du court et prenant «Mise à mot », qui s’enroule sur une double frappe, bientôt récompensée par les guitares) ou la trompette de Louis Genoud («Sérénade sous un balcon vide», où le vocal est, là, sans mot), les compositions séduisent par la délicatesse de leurs textures sonores («Le vol du sphinx»). À sa façon, alanguie et complice, Minuit 10 apporte sa contribution, pleine et sensible, au renouveau du jazz.
Auguste
https://minuit10.bandcamp.com/releases
Giant The Vine
Music For Empty Places
post-rock progressif – 47’51 – Italie ‘19
Nouveau combo italien, ce Giant The Vine évolue à des années-lumière du rock progressif italien traditionnel. Ici nous sommes plongés dans ce qu’on peut appeler le post-rock plus contemporain, celui qui a dépassé les premiers maîtres de la discipline et leur infinie lenteur et épure sonore.
Huit titres instrumentaux dominés par des suites d’arpèges et d’accords planants sur lesquels piano et guitare s’immiscent en interstices salvateurs. Là où une épuisante langueur guette, et pourrait plonger l’œuvre dans un certain hermétisme, souvent, une salutaire bouffée d’oxygène relève le propos. Les claviers ont un rôle prépondérant dans cette mutation, comme un ascenseur pour la transfiguration.
Un post-rock qui obéit aux canons du genre mais qui par l’aspect progressif teinté d’irréels parfums ancestraux (la fin de «Lost People» est révélatrice à cet égard) sort ce «Music For Empty Places» du ronronnement lymphatique propagé trop souvent par certains de leurs coreligionnaires.
Une belle surprise, le genre d’album qui pourrait être une clé pour celles et ceux qui n’ont jamais entrebâillé la porte de cet univers post-rock à la fois si proche et si éloigné de la sphère progressive.
Centurion
Album non disponible sur bandcamp
Cobalt Chapel
Variants
folk psyché – 57’13 – Angleterre ‘19
Comme son titre le suggère, il s’agit d’un re-travail de 9 des 13 morceaux du premier album (éponyme, ‘17) de Cobalt Chapel, groupe formé en ‘14 par la vocaliste londonienne Cecilia Fage et Jarrod Gosling, multi-instrumentiste originaire de Sheffield (également actif dans Regal Worms). Réinterprétation hallucinée et cosmique, puissante et gracieuse - comme l’est «Swaddling songs», l’unique album de Mellow Candle, auquel le traitement de la voix me fait furieusement penser, notamment dans «We Come Willingly». Cette ouverture quasi liturgique mélange chant choral chimérique et claviers vintage (Mellotron, piano RMI) descendus de cieux brumeux, qui pulsent et emplissent, dès «Fruit Falls From The Apple Tree», un espace sonore dense, peuplé d’ombres et de lumières - surtout de lumières. Sur un rythme lent, déhanché et parfaitement constant, «Black Eyes» étale une litanie s’éveillant des marais troubles de l’inconscient, alors que de «Singing Camberwell Beauty» sourd la fibre pastorale du duo. «Positive Negative» conclut l’album avec une lancinante note haute d’arrière-plan (dont l’écho se retranche petit à petit plus loin, encore plus loin) titillant une montée mélodique pendant les 2/3 du morceau avant que celui-ci ne se déglingue. Intéressant exercice de réinterprétation.
Auguste
https://regalworm.bandcamp.com/album/variants-by-cobalt-chapel
Plankton
Plankton
musique vintage (prog) – 38’21 – Israël ‘19
Prog censor c'est l'actualité prog, pléthorique, insatiable, indomptable. Impossible de suivre toute cette foutue matière... Alors parfois il faut faire des choix, et plutôt que de systématiquement traiter des groupes émanant du circuit traditionnel, il faut aller creuser un peu, là où peu d'Indiens, finalement, déposent leurs carquois.
Ce sera le cas ici avec Plankton, un groupe israélien dont votre serviteur ne sait rien mais dont l'oreille décèle néanmoins une parenté stylistique avec leurs compatriotes de Rockfour, (excellent groupe de psyché-prog ayant délivré sa dernière offrande en 2013).
Il y a en terre d'Israël un son, un style, une approche musicale très caractéristique. Aviv Geffen, comparse de Steven Wilson dans Blackfield, vous en a d'ailleurs donné une idée en semant quelques indices çà et là. Et bien sachez que Plankton incarne lui aussi cette identité musicale faite de mélodies doucereuses et plaintives créant une forme de nostalgie langoureuse. Ce jeune trio, Yonatan Levi à la basse, Omni Levi à la batterie, et surtout le compositeur Eran Kol au chant, au piano, aux claviers et au mellotron, a comme l'ambition de réincarner le passé en reproduisant de façon presque viscérale les sons organiques d'antan. Vous entendriez ce régal de suavité que sont les sonorités de cet ancestral mellotron déglingué et carrément désaccordé, ou ce vieux piano droit qui ferait office d'orgue de barbarie dans un sinistre troquet de la vieille ville, ou ces rythmes timides, ou bien encore ce chant maladroit de pochard mal sevré cuvant son vieux vin au fond du bar... Ambiance… On y est, on est avec eux dans ce vieux bar virtuel enfumé pour assister à cette «représentation» hors du temps, hors du commun, hors de la réalité. Sonorités envoûtantes, mélodies cafardeuses, style improbable, indéfinissable, n’étant ni rock, ni prog, ni pop, ni psyché, ni blues, mais un peu tout ça mélangé dans un vieux thé aux mille arômes.
Expérience étrange, retour intemporel, voyage improbable dans la machine du temps, dépaysement!
Les musiciens sont partis… Ben, je vais reprendre un dernier verre, H.G. Wells m’attendra bien un peu!
Centurion
Stille Volk
Milharis
celtic folk – 45’00 – France ‘19
À chaque album de Stille Volk, un thème est abordé. Cet album-ci «est basé sur Milharis, l’un des personnages les plus importants de la mythologie pyrénéenne» explique Patrice Roques, aux guitares et autres instruments à cordes tels que bouzouki, nickelharpa, mandole et mandoloncelle. Il est accompagné de Patrick Lafforgue au chant, à la vielle à roue, aux guitares, aux flûtes, à la guiterne et à la basse, ainsi que de Yan Arexis aux percussions, batterie, machines et voix telluriques. Ces trois musiciens sont polyvalents car tous ont participé à l’écriture des textes et de la musique. Pour le titre «La Mort de Milharis», c’est le quatrième comparse, Sarg, qui s’est occupé du texte entièrement en occitan. Quelques-uns des instruments à cordes cités étaient pratiqués au Moyen Âge; c’est ainsi que lors de chaque album de Stille Volk, il y a toujours un côté médiéval, en plus avec un chant grave (surtout sur «Le crépuscule du pâtre») en français qui se prête très bien à ce genre musical. Un genre qui s’éloigne un peu sur «Incantation mystique» où on entend le celtique se mêler au prog.
Ce peuple silencieux (qui se traduit par Stille Volk, en allemand), l’est un peu trop sur scène: il se produit trop rarement, seulement une fois au Castlefest alors qu’il a tout à fait sa place dans ce beau festival.
Et si vous voulez joindre l’utile (enrichir vos connaissances) à l’agréable (l’écoute de cet album), procurez-vous la version 2 CD accompagnés d’un livre comprenant toutes les paroles et un document sur la mythologie pyrénéenne et en particulier sur Milharis qui serait l’un des derniers vestiges d’un fond mythologique pré-chrétien.
Bon voyage…
La Louve
https://stillevolk.bandcamp.com/album/milharis
11/08/2019
Michel Héroux
Now
rock progressif – 46’26 – Québec ’19
Si l’intro de «Dirt Road» m’évoque «Sweet Jane», l’ombre de Lou Reed s’évanouit rapidement dans un monde, celui de Michel Héroux, bien plus placide que l’univers fait d’ombres et d’aiguilles qui torturait le Velvet Underground. Et c’est peut-être là que réside la faille chez ce guitariste (techniquement plutôt au point) fan de Rush, de Yes et de jazz fusion: même si l’enregistrement de ce cinquième album est réalisé live en studio avec Vincent Yelle (basse) et Francis Fillion (batterie), avec le but affiché de contrecarrer l’aseptisation systématique de Pro Tools, le tout reste propre comme un carrelage suisse et sage comme l’image de Lio. Si on frôle parfois (l’esprit de) Durutti Column (le délicat «Boats», l’acoustique «Now»), Héroux nous promène le plus souvent dans les allées d’un album de guitariste pour guitaristes («Tabasco Jam», «Inukshuk», «Kurt»…): donnez-moi une six cordes...
Auguste
https://michelheroux.bandcamp.com/
12/08/2019
Quantum Fantay
Yemaya Orisha
space-rock/psychélectro/trip-prog – 45’25 – Belgique ‘19
«Space ou psyché, ces albums se ressemblent tous...» clama dédaigneux le Dux Bellorum me lançant à la figure le dernier opus de Quantum Fantay. Hasardeuse assertion que je me gardai de commenter. Allai-je devoir réviser mon Mahabharata enveloppé d’épaisses volutes verdâtres et vibrant au son hypnotique du sitar? Risquai-je quelque abduction au passage d’un vimanas attiré par les ondes spirales de l’œuvre? Que nenni, car c’est aux antipodes que m'emmena l’équipe de Pete Mush!
Déesse aquatique, figure maternelle, Yemaya virevolte célébrant les origines au cœur des rites insulaires. Son corps ondule gracieusement électrisé de perles synthétiques puis, suivant l’éclat d’une vague folle, se trouble frénétiquement dans l’éther. Émoussé, observant ses gestes souples, j’acclame cette splendide mouvance enjuponnée de solos acidulés autant que d’atmosphères vaporeuses. L’eau déferle enfin, se sublime contre un percussif exploit paré de flûtes résonnantes et d’intrépides guitares.
L’on suit l’essence divine de l’Ève lors d’une seconde escapade enivrante. Fiévreuse comme un ouragan d’octobre, regard sombre, emportant la matière sur d’envoûtantes séquences. Soudain, la tornade me projette violemment sur le dos d’un monstre dont certains fous affirment qu’il scrute l’horizon depuis le déluge.
Énigmatique Sphinx questionnant l’homme, sa fin. Je tangue funky, bride en main. Un rodéo syncopé s’engage alors, rythmé par la frappe sèche du Clavinet. La Chimère rue sans état d’âme au détour d’une pétillante déflagration, me terrassant ainsi sous le rire maudit des six cordes. Fin brutale. Je quitte prématurément mon enveloppe charnelle découvrant ce corps jonchant le sable mystérieux d’Égypte.
Visite étrange d’un double astral fleuri qui, prenant ma main, m’emmène aux sommets enneigés des monts d’Hermine. Monochrome, easy listening, ce manteau blanc remet les pendules à l’heure, les compteurs à zéro. Douce résurrection avec quelques mots susurrés. La musique s’efface délicatement.
J’ai croisé cette formation à plusieurs reprises. Distrait ou négligent, cervoises et conversations festivalières futiles camouflant malheureusement ces instrumentaux, je n’avais guère saisi l’essence de nos prolifiques compatriotes. Mea culpa. Pénétrer courageusement leur univers mouvant, faire l’effort d’étreindre ce fluide hallucinant est finalement, ô combien, gratifiant!
Néron
Album non disponible sur bandcamp
13/08/2019
Eris Pluvia
Tales From Another Time
prog-rock symphonique/néo-prog – 59’29 – Italie ‘19
Eris Pluvia fit partie des groupes, qui, à l’orée des années 90, contribua au renouveau du rock progressif italien. «Rings of Earthly Light» (1991) se démarquait de la production du moment par un rock progressif apaisé, nanti de couleurs acoustiques et folks (flûtes…), voyageant entre progressif de tradition et néo-prog. Existence éphémère puisque deux des membres principaux, Alessandro Serri et Edmondo Romano, quittèrent le groupe pour former the Ancient Veil, qui, en 1995, sortit son premier album encore davantage axé sur la chose prog-folk.
Il aura donc fallut attendre 19 ans pour que les musiciens «rescapés» de l’aventure Eris Pluvia fassent leur retour avec «Third Eye Light» en 2010, «Different Earths» en 2016, et enfin ce «Tales From Another Time» cette année. Enfin quand je parle de rescapés notez qu’ils ne sont que deux du groupe originel, Marco Forella et Alessandro Cavatorti.
Musicalement, considérons que le combo italien est demeuré scotché dans ses vieilles habitudes. Et même si le côté folk est peut-être un peu moins prononcé, (quoique?), regrettons un manque d’évolution. Des lignes stylistiques figées qui voyagent entre prog mélodique et néo-prog de tradition. Un style très proche des courants qui ont fait la gloire du prog des années 90 et qui ferait presque penser qu’il s’agit d’un album retrouvé dans les méandres des catacombes des labels italiens de l’époque.
Chanté en anglais mais sans grand charisme, sans aspérité, et même parfois avec une certaine insuffisance, cet album se traîne un peu au fil de ses longs titres: «La Chanson De Jeanne», 17’40; «The Call Of Cthulhu», 11’55; «The Hum» 14’22.
Mais ce n’est pas mauvais, bien au contraire; l’album distille de très beaux moments qui plairont sans ombrage à ceux qui ne jurent que par le rock progressif symphonique.
Centurion
https://erispluvia.bandcamp.com/
14/08/2019
Ultra Zook
Ultra Zook
avant-rock/rio/inclassable? – 38’33 – France ‘19
Ce trio composé de Benjamin Bardiaux (keyboards, flûte, vocals), Rémi Faraut (drums, flûte, vocals) et Emmanuel Siachoua (bass, flûte, vocals) nous présente son 4e album coproduit par Gnougn Records, Dur et Doux, Mon Cul c’est du Tofu, Araki Records, Un Archet dans le Yucca, Not a Pub, Kakakids Records.
Ultra Zook cultive dans son jardin un groove torride audacieux qui voit basse et batterie se livrer des joutes infernales où syncopes et contretemps dominent une rythmique sans faille; là-dessus viennent se greffer des chants anodins, loufoques ou surréalistes qui, mariés aux claviers, flûtes et timbres des Antilles, nous amènent à une certaine avant-garde doucereuse, expérimentale, psychédélique et déjantée, tout en offrant une écoute originale et accessible à nos oreilles un peu saturées de toute cette profusion musicale actuelle.
Une recette pleine de surprises où se côtoient des sons du côté de ces musiques des tropiques, avec cette maîtrise instrumentale des musiciens adeptes des mouvements progressistes mis au service d’un rendu inédit assez loin des sentiers battus.
Cet Ultra Zook est surprenant à une première écoute avec cette mise en cohésion d’une musique au contraste tranchant et qui culbute les styles.
Ce trio clermontois s’est octroyé une alliance avec le non moins délirant JackDupon, «JacKooZDuPultrOn», tels leurs potes Poil avec Ni «Piniol».
Ovide
https://duretdoux.bandcamp.com/album/ultra-zook
15/08/2019
Moon Letters
Until They Feel the Sun
prog-rock – 51’03 – USA ‘19
Ce groupe, bien que ne pratiquant pas le grunge, nous vient de Seattle. Il est composé de Michael Trew (chant, guitare, flûte), Dave Webb (guitare), Mike Murphy (basse), John Smith (claviers), Kelly Mynes (batterie) et Caley Mayhew (vocaux). Tous semblent avoir fait leurs armes dans d’obscurs combos régionaux qui me sont aussi inconnus les uns que les autres. L’album s’ouvre sur un instrumental, «Skara Brae», et immédiatement leur musique sonne européenne. L’ombre de Genesis plane sur de nombreux aspects de ce titre. C’est d’ailleurs la flûte qui introduit «On the Shoreline», une composition pastorale et délicate. Des cris de mouette me rafraîchissent agréablement sur «What is Your Country» (il faut dire que j’écris ces lignes en pleine canicule!) se poursuivant en canon à trois voix (CSNY n’est pas très loin!). Avec le très néo-progressif «Beware the Finman», arrive une composition typique dans le style… Sur «Those Dark Eyes», l’ambiance se montre plus étrange et originale avec de beaux phrasés de guitare et des claviers réminiscents, encore une fois, de Genesis et ce, après trois minutes. «Sea Battle» s’étend sur neuf minutes pour développer toutes ces ambiances, notamment un pont que Gentle Giant n’aurait pas renié, bien que la musique se fasse, par instants, très emphatique ou même guitaristiquement plus agressive! D’autres titres s’enchaînent pour arriver au superbe final que constitue la plage titulaire de cette plaque qui alterne passages champêtres et envolées lyriques de la plus belle des manières… Réellement un bel album que je vous recommande chaudement!
Tibère
16/08/2019
Alber Jupiter
We are just floating in space
néo-kraut psyché – 42’23 – France ‘19
Premier album pour ce duo français basse/batterie. Encore un groupe de math rock très technique mais plutôt aseptisé? Pas du tout! Les Français font un usage très fin de l’écho, du reverb, du delay, à tel point que le studio constitue presque «un troisième instrument». Plusieurs morceaux (comme «Martine à la plage») sont clairement inspirés par Neu! Une batterie métronomique, très proche du jeu de Klaus Dinger, le son d’une basse épurée qui semble issu d’un instrument électronique, on pense immédiatement à ce que faisait Michael Rother dans les seventies. Une vraie perle qui semble tout droit échappée d’un album de La Düsseldorf. Rien que cela…
Les jeunes musiciens ne sont pas du tout tombés dans l’exercice de style béat, ils y ont adjoint des sonorités plus actuelles (mais La Düsseldorf sera-t-il un jour ringard?) lorgnant ostensiblement vers le post-rock et le math-rock, créant des ambiances parfois sombres et souvent planantes, ce qui les relie indirectement aussi à la Kosmische Musik, même s’ils n’utilisent pas de synthés.
Il y a quand même un aspect un peu «gras» dans certaines des compos qui leur donne un côté Godspeed you black emperor. Les compos sont travaillées, on est sur une structure progressive avec une dramatisation qui va crescendo puis s’apaise. Un schéma de boucles mais toujours avec un canevas rythmique qui structure et solidifie les morceaux et évite que les passages psychédéliques se perdent en digressions inutiles. Tout cela tient remarquablement la route pour un premier disque qui augure du meilleur pour le futur de ce groupe.
Eutropius
17/08/2019
Colin Masson
The Anvil of the North
folk-prog – 58’22 – Angleterre ‘19
Colin n'est pas un inconnu. Durant les années 90 il fit partie du groupe de folk-rock prog The Morrigan qu'il quitta pour commencer une carrière solo qu’il jalonna de trois réalisations de 1999 à 2011.
«The Anvil of the North» marque donc son grand retour après 8 années d'absence.
Avec Colin Masson ça a toujours été un grand voyage vers des musiques folkeuses balancées entre escales bucoliques et villégiatures oniriques, orientations souvent mises en exergue par des pochettes d'albums sans équivoque. Aujourd'hui, à l'image de ce funeste corbeau de mauvais augure, la cover laisserait penser que le voyage s'est interrompu sur des steppes ténébreuses. Et bien ce serait une erreur: ce nouvel album, comme ses prédécesseurs, nous offre un voyage au travers de diverses contrées et de quelques belles histoires.
Musicalement, Colin, comme à son habitude, s'occupe pour ainsi dire de tout et reste dans l'univers du folk atmosphérique, (osons même dire prog). Ses références sont à chercher chez The Morrigan (bien entendu), mais également du côté de Jethro Tull, de Gryphon, peut-être même de Camel, mais surtout, évidemment, de Mike Oldfield. Il s'agit même vraisemblablement du principal inspirateur du musicien. Son touché, ses sonorités, son feeling renvoient indubitablement au créateur du thème de l'«Exorciste», et plus particulièrement de l'album «Ommadawn».
«The Anvil of the North» est un album presque essentiellement instrumental, (un seul titre chanté), dont la trame mélodique est parfois mystérieuse, à l’instar de ces vieilles légendes que le musicien semble parfois vouloir illustrer. Nappes de claviers, flûte, douce guitare acoustique, thèmes mélodiques incarnés par cette guitare «oldfieldienne», tout est là, en effet, pour nous inviter à fouler les sentiers explorés par le maître Masson. Un opus apaisé où cohabitent folk atmosphérique et folk plus traditionnel, voire médiéval, où envolées doucement symphoniques, parfois carrément prog, côtoient ballades minimalistes.
Belle cohérence, belle aventure, un beau moment passé entre les mains expertes de l’artisan anglais.
Centurion
https://colinmasson.bandcamp.com/album/the-anvil-of-the-north
18/08/2019
HOIA
Scavenger
prog atmosphérique – 33’03 – Inde ‘19
Il a délaissé le monde metal - ça se sent dans les parties de guitare un brin lourdingues qui annoncent le crépuscule de «Escape Orb»… bon, et c’est un peu pareil pour la conclusion d’«Electric Wizard» - le temps d’un premier (court) album sous le nom de HOIA. Il compose, y joue guitare, claviers et y donne de la voix, tout en s’entourant de Colin Edwin (Porcupine Tree) à la basse et Wojtek Deregowski (un squale de studio en Pologne) à la batterie - c’est bien de ne pas tout faire soi-même. Prateek Rajagopal qualifie son album de prog expérimental, ce qu’il n’est pas - même si «Scavenger» se fait remarquer par une montée bruitiste obligeante, fendue durement par une transition-sans-aucune-transition aux 2/3 du morceau pour rebondir sur une mélodie pop qui se fait manger dans les minutes qui suivent, avant de clore l’album sur quelques beaux parasites. Mon titre préféré (on y apprécie le travail de Colin Edwin), avec Part II, d’un album qui privilégie l’atmosphère, disons, obscure.
Auguste
19/08/2019
Alan Simon
Chouans
opera prog – 84’18 – France ‘19
Alan Simon n’est plus à présenter! On parle là d’un artiste complet qui a multiplié les opéras rock au fil du temps comme Jésus les pains, avec un bonheur musical qui n’a pas fini de ravir des disciples de plus en plus nombreux. Curieusement, c’est avec un peu de réticence que le monde parfois étriqué du rock progressif a accueilli les diverses œuvres du Nantais. En France, pays de la comédie musicale et des grands rassemblements scéniques (Hossein, Plamondon, etc.), les bien-pensants du goût musical ont un a priori parfois justifié sur ce type de grand raout où, pour l’occasion, se multiplient cette fois les intervenants et interprètes de tous horizons.
Attention, on parle d’un homme qui a réussi l’exploit de réunir pour ses compositions grandioses quelques noms aussi divers qu’impressionnants: Zucchero, J. Birkin, C. Evora, N. Peyrac, P. Preston, J. Anderson, J. Wetton, A. Parsons, des membres de Supertramp, B.J.H. et Moody Blues, un paquet de Bretons (G. Yacoub, Tri Yann, Dan Ar Braz), D. Lockwood, A. Branduardi, les Décamps père, frère et fils, J. Reno, O. Shariff, J.-C. Drouot, ceci pêle-mêle et liste non exhaustive bien sûr… Cette énumération pour situer l’ambition et le degré d’exigence des compositions d’Alan Simon.
Mais ici je vous cause de la fresque historique musicale «Chouans» créée le 5 mai 2018 au Vendéspace en compagnie de 100 artistes dont le comédien Jean-Claude Drouot à la narration, le groupe Ange (Christian, Francis et Tristan Décamps) ou encore Renaud Detressan (Soldat Louis). Cet opéra contemporain de 23 tableaux raconte les tragiques événements de 1792. Qui était mieux placé qu’Alan Simon pour raconter un des plus tristes épisodes de l’Histoire de France, la révolte de toute une grande partie de l’Ouest contre la Convention révolutionnaire? Originaire de Nantes où furent exécutés par noyade pas moins de 5000 personnes, Alan Simon s’est attaqué à un sujet qui fâche encore 230 ans plus tard!! Grâce lui soit rendue…
Tristan Décamps n’est rien moins que Charrette, le héros de cette épopée, Francis son oncle chante «La complainte de l’abbé» (qui débute comme «le bal des Laze» !!!) et Christian le père n’est rien moins que Jean Chouan! Fidèles complices des opéras rock d’Alan Simon, ils œuvrent chacun dans le registre qui leur sied le mieux et Simon leur a taillé des titres au caractère emphatique bien trempé qui raviront les fans de Ange.
Pour le reste, ce pavé de deux albums offre une œuvre de grande envergure digne du sujet dramatique et poignant dont il se veut la mise en musique, chansons et images avec un sens du grandiose inévitable quand on aborde un pan de l’Histoire qui aura duré de 1789 à 1800 environ! Pour cela n’oublions pas qu’il y a tout de même 120 musiciens(!) environ: un orchestre symphonique, le bagad d’Elven, le Chœur de Vendée et bien sûr des musiciens venus du rock…
Contre-révolutionnaire, poignant, intense, à écouter recueilli intensément en hommage à cette guerre civile sur laquelle s’est malencontreusement fondée notre République française…
Commode
Album non disponible sur bandcamp
https://youtu.be/Z1_ghSu6qEk?fbclid=IwAR1tqroCeLKwZlsmQ9IsQmvcQMtIIQDzjQ6fgpoZPJBMdEapgoFJ1DFFDGg
20/08/2019
Heavy Moon
Fourteen
psyché-prog planant – 53'26 – Canada ‘19
Heavy Moon est le projet instrumental solo du guitariste Jakob Rehninger, lequel officie dans Moonwood, un groupe psyché canadien originaire de Toronto.
C’est son quatorzième opus depuis 2006, c’est dire si le sieur Rehninger est prolixe!
Ceci dit, écrire de longs morceaux basés la plupart du temps sur un seul accord, c’est quand même plus simple que d’élaborer «Supper’s Ready».
Chaque album de sa discographie porte un numéro; celui-ci étant le quatorzième de la série, il s’intitule forcément «Fourteen».
Le plus simple avec Heavy Moon, c’est de se caler dans son divan avec un bon roman de science-fiction et de laisser couler le CD.
Tout ici est lisse et contrôlé, pas d’aspérité au détour d’un couplet ou d‘un refrain, vu qu’il n’y en a pas.
Toutefois, Rehninger connaît son affaire; sa sonorité de guitare s’inscrit dans la lignée de celle de Steve Hillage, la saturation et le delay sont utilisés à bon escient pour plonger l’auditeur dans un état de conscience modifiée.
Les claviers jouent également un rôle prépondérant dans la construction sonore de l’album.
Un bémol quand même, l’utilisation d’une boîte à rythmes, parfois mal programmée, décrédibilise le côté vintage de la démarche. Le recours à un vrai batteur aurait apporté une facette plus organique à l’ensemble.
Jakob Rehninger est un des chefs de file d’un mouvement musical qui n’existe peut-être pas: l’easy listening planant.
Pour amateurs de fonds sonores uniquement.
Lyre
https://heavymoons.bandcamp.com/
21/08/2019
Napier's Bones
Five Years in the Wood
prog-atmosphérique/folk – 46’06 – Angleterre ‘19
Ce «Five Years in the Wood», sixième album de Napier’s Bones, est la célébration du cinquième anniversaire du groupe anglais. Un album «compilation» pouvant bénéficier d’un remixage et d’un remastering. Et comme ce groupe nous était inconnu, une petite balade s’impose…
Tout commence par une petite ritournelle en duo chant/guitare acoustique. On se dit: mais qu'est-ce?
Et puis de gros et vieux claviers ancestraux apparaissent (mellotron) qui nous envoient valdinguer vers des contrées certes mille fois fréquentées mais toujours suavement foulées. On hésite, on aimerait plonger dans ce bain de prog seventies, on n'attend même que ça, mais ça tergiverse. Le guide Gordon Midgley lorgne sur plusieurs chemins de traverse, on est dubitatif, on espère qu'il se décide… Ai-je bien pris ma boussole?
Bon, le guide temporise, il se roule un joint, sort sa gratte et tout son attirail, sait pas très bien lui-même visiblement. Puis on se dit: bon ben le plan c'est ça finalement: une balade en forêt, sans but particulier, juste l'envie de partager un moment de quiétude.
Va-t-il falloir quérir du bois pour un feu de camp improvisé? En tout cas le guide ne lâche pas sa gratte, on est là pour un moment. Sont-ce les effluves herbicides?… Le mellotron semble résonner encore doucement, un solo apaisé de guitare surgit, puis s'éteint progressivement.
Qui va aller chercher du p'tit bois finalement?
Bon on entend des voix venues d'ailleurs maintenant (des sorcières?), et un p'tit piano. Le guide semble s'être perdu dans ses pensées. Il philosophe, il a l'air un peu triste (c'est Roger W. ou quoi?). Ne pas intervenir, écouter. Sa mélancolie commence à nous toucher.
Finalement la nuit est tombée, le fond de l'air est folkeux, fait un peu froid, mais on n'a rien vu passer, on est dans l'ambiance, on s'est laissé prendre au feu, au jeu.
Puis notre guide se lève, l'air invocateur. C'était donc bien la nuit des sorcières? En fait non, juste une fulgurance passagère. Il s'apaise...
Alors il nous sourit, range sa guitare, prend son baluchon et nous guide plus avant dans la forêt devenue subitement enchantée.
Étrange expérience. La nuit est fraîche, j'ai perdu ma boussole, mais tous les chemins mènent à Rome.
Centurion
https://napiersbones.bandcamp.com/album/five-years-in-the-wood
22/08/2019
The Room
Caught by the machine
pop-prog/néo-prog – 62’16 – Angleterre ‘19
Imaginez la scène… Nous sommes dimanche soir et vous avez la flemme de préparer le repas. Pour la vingtième fois (au moins…), vous vous embarquez pour aller «Chez Gino», le restaurant italien du coin. Gino, le patron, vous accueille avec une bonne accolade dont il a le secret. Vous vous installez et commandez pour (au moins) la dixième fois les pâtes au pesto et la pizza quatre saisons. Maria, la femme de Gino, vous sert les plats avec son sourire habituel et vous demande des nouvelles des enfants. À la fin du repas, Gino vous sert le "verre pour le patron" et, en sortant, vous ne pouvez vous empêcher de vous dire: «on a beau les connaître depuis longtemps et savoir quel goût cela a, c’est quand même bon à chaque fois!».
Et bien cet album de The Room, c’est exactement la même chose qu'un repas «Chez Gino». Le groupe propose un mélange de pop, de néo et de prog entendu des milliers de fois. Mais il se dégage de cet album un charme certain dû à l’excellent travail tant sur les compositions que les arrangements. Les compos sont immédiates et facilement mémorisables mais sans être mièvres ou fades. L’ensemble fait très fortement penser à Saga, notamment par le ton de la voix du chanteur Martin Wilson. Car, derrière The Room, se cache une brochette de musiciens avec une très longue expérience, à l’instar de Martin Wilson qui a déjà les groupes Legacy, Shadowland et surtout Grey Lady Down à son pedigree. Deux autres musiciens du sextet sont d’ailleurs également passés par Grey Lady Down.
Il s’agit ici du troisième album du groupe et il s’en dégage une chaleur et une authenticité non feintes; le groupe n’hésite pas d’ailleurs à prendre des chemins parfois un peu plus aventureux et emmène l’auditeur avec lui pour un sympathique voyage progressif.
En conclusion, cet album ne laissera certainement pas une trace indélébile dans l’histoire du prog mais tient fièrement son rang et se laisse écouter et réécouter avec plaisir.
Amelius
Album non disponible sur bandcamp
23/08/2019
a Light Sleeper
Distinction (a Ballet in Six Parts)
chamber prog – 30’27 – États-Unis ’19
A Light Sleeper, c’est la rencontre entre l’accessibilité presque populaire d’Aranis et la stoïque absence de concession de Sleepytime Gorilla Museum (tous les deux ont toutefois mis la clé sous le paillasson), entre un rock de chambre aux lignes mélodiques miséricordieuses (surtout) et une musique plus expérimentale (parfois) où interviennent des velléités d’atonalité ou de brusques changements de direction - l’excellent «Distinction (a means to an end)» qui clôture ce petit disque en six mouvements en est un bel exemple. Le quintet, originaire de Chicago, entremêle dans ses compositions les élans de la saxophoniste Maria Elena Hernandez (elle chante, aussi) et de l’altiste Traci Newhouse (épaulée par le violoncelle de David Keller), qu’appuient les lignes de guitare de D. Pennepalli et les rythmes de Matthew Jung. Élégant petit bijou, ce ballet en six parties, qui se veut une «méditation sur la nature cyclique du processus de création», paru il y a peu mais enregistré quatre ans auparavant, est une réjouissante surprise.
Auguste
https://alightsleeper.bandcamp.com/album/distinction-a-ballet-in-six-parts
24/08/2019
Perspective Vortex
Out of Order
canterbury – 44’57 – Brésil ‘19
Perspective Vortex est le projet du claviériste, multi-instrumentiste Paulo Viana, membre du groupe Mahtrak, originaire de São Paulo au Brésil. Pour son projet solo, Paulo a fait appel à quelques-uns de ses comparses de Mahtrak. Sur la piste 4, nous trouvons notre cher Michel Berckmans (Univers Zéro) qui vient donner un petit coup de main au cor anglais.
L’album contient cinq morceaux, tous intitulés «out of... quelque chose». La veine d’inspiration est résolument Canterbury, avec nette prédominance de claviers et constructions modales des compositions. La cinquième pièce, la seule chantée, «Out of Space», d’une durée de 22 minutes, ne peut nous empêcher d’évoquer le souvenir de «Nine Feet Underground», la longue plage de Caravan sur «In the Land of Grey and Pink», sans toutefois en approcher aucunement la consistance.
Il y a de bons moments, bien contrastés, et certaines mélodies retiennent notre attention, comme, par exemple, dans «Out of Sight» (morceau recommandé pour une première écoute) avec le cor anglais de Berckmans. Toutefois l’ensemble manque un peu de dynamisme et l’on se prend à perdre le fil de l’écoute. Pour fans de Canterbury.
Lucius Venturini
https://perspectivevortex.bandcamp.com/
25/08/2019
Izz
Don’t Panic
prog-rock – 43’58 – USA ‘19
Quel plaisir de retrouver Izz pour son septième album studio! Dès la courte plage titulaire, la magie opère à nouveau: avec pas moins de quatre chanteurs et chanteuses (Anmarie Byrnes, Laura Meade, John Galgano et Tom Galdano), ce titre montre toute l’étendue du talent de mélodicité du combo. Ce n’est pas l’épique «42» suivant qui me contredira du long de ses presque dix-neuf minutes! Mais je vous rassure, les instrumentistes ne sont pas en reste! Empreint d’une inspiration toute yessienne (écoutez la basse galopante telle celle de Chris Squire, tenue ici par John Galgano, ou les guitares dignes du meilleur Steve Howe, jouées ici par Paul Bremmer!) et toujours des harmonies vocales aux petits oignons… Mais ne croyez pas que les (oui les) batteurs soient en reste: le jeu de Brian Corolian n’a d’égal que celui de Greg DiMiceli pour un résultat époustouflant! Une respiration acoustique suit la maestria afin de nous reposer avec une pièce à la guitare classique digne d’un Steve Hackett! «Moment of Inertia» s’introduit ensuite par un grand piano bientôt relayé par une guitare aérienne pour céder la place à des parties plus musclées et aux ambiances variées. Un bien beau moment passé à l’écoute de nos lascars! Car, bien sûr, même les meilleurs moments ont une fin et c’est avec «Age of Stars» qu’il nous faudra prendre congé de nos amis, dans l’attente d’une prochaine livraison. En tout état de cause, c’est bien entendu ce qu’espère votre humble serviteur…
Tibère
Album non disponible sur bandcamp
26/08/2019
Pyramidal
Pyramidal
space-rock-prog/stoner – 46’44 – Espagne ‘19
Un mastodonte s'avançant paisiblement vient d'atterrir à la rédaction de Prog censor. Pyramidal, groupe espagnol, affiche d'emblée ses références: un album live, deux EP, et ce nouvel album éponyme qui est le troisième album studio du groupe.
Pyramidal c'est un peu comme un ovni; on sait pas trop d'où ça vient, sa forme est inconnue, son style est un peu indéfinissable, son orientation pas très claire. C'est du space-rock qui s'entrechoque avec du prog-rock, du vieux heavy-metal qui bouscule du stoner, des influences arabisantes qui s'entremêlent à des arabesques psychédéliques. Le premier titre, «Visions of an Astral Journey», déjà, déstabilise. C'est le saxo, on pense à Van Der Graaf Generator, mais c'est une erreur, c'est juste que les sonorités de l'instrument se fondent ici sur les riffs appuyés de la guitare. Ça forme un tout, ça emplit l'atmosphère, ça gronde, c'est puissant, c’est terriblement efficace. La suite est comme une plongée dans les contes des «Mille et Une Nuits» mais réécrits par Abdul al-Hazred. Oui car «Creatures of the Ancient World» pourrait très bien renvoyer à l'univers de Lovercraft. Imaginez la bête immonde, innommable, déambuler entre les sons lourds et captivants de ce space-rock-stoner arabisant et endiablé. Grandiose!
Quatre longs titres et un intermède fixent l'ossature de cet album instrumental pachydermique et intersidéral. La constellation d'Hawkwind a été traversée, c'est une évidence, mais ce serait bien trop réducteur de s'arrêter à cette simple référence, car le groupe espagnol s'en est émancipé pour entamer un voyage plein d'inventivité, plein de fougue, et qui va à mon sens au-delà des titres les plus heavy du vaisseau de Dave Brock. Le riff sur «Digital Madness», par exemple, est d'une efficacité confondante.
L'album se termine par le long «Allusa Infinity» dont l'exploration va encore au-delà de ce à quoi le groupe nous avait habitués jusqu'ici. Leur space-stoner tangue, il se perd dans des courants l'entraînant dans des nébuleuses sombres où les ambiances dark-metal s'immiscent dans ses cales. On songe à Death SS, à Antonius Rex, à Black Sabbath, mais on finit par atterrir en douceur dans un cocon «nuageusement» progressif.
Un voyage vertigineux dans un vortex endiablé, voilà la promesse de Pyramidal. Jouissif!
Centurion
https://pyramidalmusic.bandcamp.com/album/pyramidal
27/08/2019
Ayno
111
chansons prog – 48’09 – France ‘19
L’ami Ayno a pris son temps pour sortir son premier disque. Après de nombreuses reprises, visibles sur YouTube et dont on peut apprécier (ou pas) l’envie et la justesse, il a enfin passé la vitesse supérieure avec «111». Et ce n’est pas peu dire qu’il a de suite pris une certaine place au sein du microcosme progressif français.
D’abord, pour s’être adjoint la fervente complicité de Jean-Pierre Louveton, guitariste-chanteur de Nemo et auteur d’une belle série d’albums solo (pas moins de huit tout de même!), rencontré en 2016. Ensuite le bonhomme a comme un petit air de Tristan Décamps dans la voix, sans pour autant atteindre l’intensité lyrique du fils du Père… C’est dans les intonations calmes que l’on pourrait s’y tromper; je pense au titre «Les sables mouvants», sans conteste la chanson la plus émotionnelle de l’ensemble, avec la guitare pour le coup rugueuse et ascensionnelle de l’ami JPL qui donne une vraie couleur prog et part vers des territoires angéliques. La comparaison est inévitable encore une fois car Ayno n’a jamais caché ses amours musicales et Ange en fait partie, n’en déplaise à certains.
De toute évidence, Ayno est plus un auteur/interprète et le duo qu’il forme avec JPL tombe à point pour lui car il le fait entrer dans la sphère progressive à laquelle il n’était pas forcément destiné au départ. En quittant la route bitumée de la variété, il a choisi le chemin de traverse du rock progressif sous l’impulsion bienveillante du leader de Nemo. Choix audacieux et peu courant, sans oublier un rock sudiste «Combien je vous dois» bien aride et quelques poignantes ritournelles bien tournées sous le doigté de qui vous savez. «Un homme déchiré», décliné en trois parties, clôture un bien bel opus à classer dans les petits coups de maître comme sait nous offrir le prog d’ici. Le charme de l’innocence et de la pureté de ce premier essai de Ayno bénéficie tellement du talent musical et guitaristique du stakhanoviste Jean-Pierre Louveton que Ayno aurait pu partager l’affiche avec lui. Le chanteur a trouvé son pygmalion et se propulse d’emblée dans les hautes sphères du prog français, dont acte… Ah oui, devinette: la pochette vous fera penser à un autre groupe prog français, sauras-tu le découvrir?
Commode
https://ayno.bandcamp.com/releases
https://youtu.be/1pqfyt0Qxug?fbclid=IwAR21qBV5JWD8npsTQosdPxP6z-jZqqJKYKlBvfP50RaQ62domdMpaVb8qXo
28/08/2019
Various Artists
A Psych Tribute to the Doors
rock psychedelic – 59’42 – ’14 -‘19
S’attaquer à ce monument des sixties que sont les Doors, est un pari qui peut s’avérer risqué tant les versions originales hantent encore l’inconscient collectif…
Alors, réussi ou pas? Allons voir ça d’un peu plus près…
On commence fort avec Elephant Stone, un groupe canadien de Montréal, qui nous gratifie d’une version décoiffante de «LA Woman»: rythme lancinant, sitar, voix réverbérée dans les abysses. C’est à la fois fidèle dans la mélodie, mais déjanté dans l’interprétation.
Le second titre, «Soul Kitchen», revient aux Black Angels, que l’on ne présente plus. Ici aussi, on a droit à une version beaucoup plus psychédélique du titre des Doors avec force guitares noyées de trémolo et orgues vintage.
En troisième position, la version de «Love Me Two Times» est l’œuvre d’un duo new-yorkais, Psychic Ills. C’est à nouveau assez fidèle à l’original mais avec un son nettement plus garage et une voix qui baigne dans la réverbération.
S’ensuit une très belle et hypnotique version de «Hello I Love You» par le septuor de Brighton, Dark Horses. On sent que le groupe, mené par la chanteuse Lisa Elle, n’a pas peur de sortir des sentiers battus. Une réussite.
On continue avec une excellente version instrumentale de «People Are Strange» pour le groupe indie allemand Camera. Hypnotique à souhait, c’est du grand art!
En sixième position arrive «The Crystal Ship» par le trio stoner de Washington, Dead Meadow. Toutes guitares dehors et voix planquée réussissent à faire oublier l’orgue de Ray Manzarek dans la version originale. Plutôt réussi.
Dans le genre bien déjanté, on trouve ensuite la reprise de «The Soft Parade», pas le titre le plus aisé à reprendre et pourtant Sons of Hippies s’en sort avec brio. Mélangeant les ambiances radicalement différentes, le trio de Sarasota en Floride nous livre une version vraiment créative que Morrison n’aurait pas reniée.
On retourne en Europe avec le trio Islandais Dead Skeletons dont la reprise de «Riders on the Storm» baigne dans une ambiance toute velvetienne. Extrêmement sombre, mais très convaincant.
Il fallait bien un groupe français sur cette compile et le voici: Wall of Death, qui à nouveau s’en sort avec les félicitations du jury pour sa très chouette version de «Light my Fire» qui n’hésite pas à briser les codes et à alterner les ambiances dans ce titre célébrissime du quatuor de LA, en terminant, sous forme de clin d’œil, par la phrase finale de Ray Manzarek.
On retourne en perfide Albion et à Liverpool pour être précis avec les vétérans de Clinic qui s’en sortent très bien avec une version plutôt électro et très hypnotique de «Touch Me». La voix susurrée d’Adrian Blackburn tranche avec celle, plus emphatique, de Morrison sur la version originale.
On retourne à New York avec VietNam, un groupe qui sévit depuis 2004. Sa version de «Roadhouse Blues» est plutôt inspirée malgré la voix de fausset de Michael Gerner. Ce genre de reprise aurait tout à fait sa place dans un film de David Lynch.
Revenons en Floride avec Geri X, une chanteuse d’origine bulgare, dont la voix grave fait merveille dans cette reprise de «Love Her Madly», sur un fond de guitares fuzz et sitars tourbillonnants.
Cet opus ne pouvait se terminer que par le titre «The End», que l’on doit aux Raveonettes, un duo danois aux allures de Roxette, mais dont la musique éthérée imprime une tonalité plus légère, presque diaphane, s’éloignant de la dramaturgie morrisonienne, en concluant cette belle compilation sur un quasi sans-faute.
Lyre
https://purplepyramid.bandcamp.com/album/a-psych-tribute-to-the-doors
29/08/2019
Vert:x
Live from Orphir
krautrock – 39’18 – Angleterre ’19
Ils ne sont pas Allemands (ni même, bientôt, Européens), mais ont intégré les codes kosmischo-motorico-expérimentaux des krautrockers de la fin des '70s, ajoutant au jus de chou de ceux qui, souvent, avaient étudié avec Stockhausen ou Boulez, une touche noise riz à l’eau à la japonaise qui fait de ces deux morceaux (environ vingt minutes chacun) un petit régal d’abrutissement spatio-tempor(e/a)l. Dave Millsop (guitare), Neil Whitehead (guitare, basse, synthétiseur) et Mat Handley (électronique) forment un trio (ben oui) anglais, discret, concentré entièrement sur une musique amalgamée, presque dronesque à force de fusionner dans une fonte sonore épaisse, sorte de coulée continue nourricière du dernier laminoir à chaud de John Cockerill. Rien de violent, que du puissant. Rien d’éructé, que du lacéré. C’est la différence entre le métal et la noise. «Live from Orphir» est un réenregistrement live - et ne me demandez pas où est Orphir.
Auguste
https://vertx1.bandcamp.com/album/live-from-orphir
https://www.facebook.com/vertx-188158031261704/?hc_location=ufi
30/08/2019
Seven Steps To The Green Door
The ? Lie
crossover-prog – 53’22 – Allemagne ‘19
Sans trop entrer dans le détail de ce concept du groupe allemand commencé en 2011 avec l'album «The ? Book», sachez que «The ? Lie» est le second volet de sa trilogie consacrée aux religions. Et de ce concept très savant, le band tente d'associer en symbiose le contexte théologique et la musique. Vaste programme, limite présomptueux peut-être, mais pourquoi pas?...
Côté musique, ça foisonne, l'ambition est de tourner autour de gimmicks récurrents, des séquences en fil conducteur, parfois sous-jacentes, sur lesquelles les plans stylistiques s'échafaudent en de multiples variantes. Un travail d'orfèvrerie millimétré où la pendule donne toujours l'heure exacte. Les styles couverts vont du prog mélodique et atmosphérique au métal-progressif, en passant par quelques digressions complexes. Bref du crossover-prog dans toute l'acception du terme. C'est tellement bien fait qu'on a la plus grande peine à oser critiquer l'œuvre des chirurgiens teutons. Cette entreprise de Grands Spécialistes est pourtant souvent d'une froideur clinique, de laquelle tout ressenti émotionnel est de fait annihilé par une réflexion se voulant intellectualiste. Oui, on peut s'extasier sur la finesse d'un bistouri, mais on ne va pas non plus en pleurer d'émotion. Ou bien faut-il alors considérer que l'art réside dans la perfection? Boulez disait en substance: «Atteignez la perfection pour ensuite l'infléchir, c'est là que réside l'art.» Bon, je vous laisse un temps de réflexion, je reprends les copies dans deux heures...
En conclusion, j’ose prétendre que cet opus est éprouvant sur la longueur, mais ce concept qui passera vite pour prétentieux devrait néanmoins captiver l'oreille de celui (ou de celle) qui recherche à la fois un prog complexe, très structuré, et mélodique.
Centurion
https://progressivepromotionrecords.bandcamp.com/album/the-lie
31/08/2019
Dury Dava
Dury Dava
rock psychédélique / krautrock – 69’10 – Grèce ’19
Si on qualifie parfois vite de krautrock une musique doucement brouillonne, vaguement empirique et génétiquement allumée, celle que pratique Dury Dava dans sa cave de la banlieue d’Athènes, narquoisement rebaptisée Hobart Phase Studios pour y enregistrer ce premier album, en possède quelques-uns des attributs principaux: inclination à l’expérimentation (par exemple dans les ruptures rythmiques de «Σάτανα»), contestation des sonorités établies (en mêlant, même si ce n’est pas une première, la clarinette à l’électricité de la guitare ou du synthé) et ouverture sur les musiques orientales - via la tradition musicale grecque ou turque et l’utilisation d‘instruments tels que le dilruba, sorte de synthèse du sitar et du sarangi, ou le bouzouki, fierté nationale grecque. Tour à tour planantes («Καλοκαίρι») ou défoncées («35422»), à la charge énergétique massive («Αταξία») ou subrepticement envoûtante («Ταρλάμπασι»), le quintette délivre des compositions construites, à l’intuition certes mais construites, et qui se révèlent d’autant mieux qu’on les réécoute, et à volume - un brin - envahissant.
Auguste
https://durydava-innerear.bandcamp.com/