Compte-rendu de concerts
17/06/2024 : Ange, il faut en parler!
Ange, il faut en parler!
Le groupe français qui a su amalgamer musique et textes, créer une ambiance unique lors de leurs concerts; le groupe qui a su... devenir le groupe le plus célèbre du monde à être passé inaperçu; Ange se pose actuellement pour sa dernière salve sur les terres de Navarre dans cette société anormale où les mot se transforment en maux. Bref, un show (avec spoilers, pour celles et ceux qui ne veulent pas savoir les titres) pour oublier le monde néfaste dans lequel nous vivons: glissons-nous dans leur univers cotonneux et rêvons, rêvons braves gens. Ange se posait dans la banlieue sud de Paris le 24 mai dernier à L’Empreinte, belle petite salle qui programme de la musique de qualité, un nouveau set dont «Les Larmes du Dalaï Lama» de 92 et l’occasion de faire taire les fans de la première heure; Ange a sorti des albums après «Fou» et il y a eu des pépites dedans; les larmes pour nous faire pleurer dès le départ avec Tristan qui seconde Christian. «Les Yeux d’un Fou» de 84, oui justement j’en parlais, ce titre qui déboule sur scène avec le fils aux vocaux, la passation est en cours, l’occasion de le voir reprendre certaines mimiques. Serait-il fou ce chanteur? Oui assurément et c’est tant mieux. «La Suisse» et pas le couteau suisse de 2005, titre de 80 pour penser à partir de notre beau territoire qui n’est plus celui d’antan, qui écoutait les ancêtres, ce que ses pauvres mains racontaient. Titre prophétique que j’adore de fait et magnifiquement mis en voix par Christian. «Quitter la Meute» et «Cunégonde» arrivent, enfin ces titres du nouvel album en gestation arrivent; l’occasion de confirmer la teneur progressive musicale du son, ça déménage bien de ce côté! «Cunégonde» avec ses mots tape encore plus dans la sensibilité angélique. «Si j’étais le Messie» de 74, ça descend au niveau souvenirs, l’occasion de chanter en chœur au nom du père bien plus attentionné que les dimanches matin en soutane, passant le vin blanc au curé. «Pace Nobilis» dernier des trois titres du nouvel opus avec un développement orchestral pas piqué des vers, une lente et profonde progression sombre pour marquer l’empreinte du groupe. «Godevin le Vilain» de 74 pour se remettre dans l’ambiance d’un des albums majeurs du groupe avec ses hits potentiels qui seront peut-être chantés sur le champ de Mars lors des JO!
«Quasimodo» de 97 l’un des premiers testaments de la confirmation que le fiston avait un très bel organe fromage, ça vibre, laisse pantois et fait partir un peu plus haut dans les limbes musicales. «Eurêka» de 99 de la voiture à eau, j’aime bien cet album avec le rêve un tantinet fou que l’eau supplantera l’électrique. «Réveille-toi» de 78 et l’ode à l’Amour, pas celui cru par nombre de gens, le titre qui fait frissonner, te rend le cœur gros comme ça. «Capitaine Cœur de Miel» enchaîne logiquement; la baffe du groupe, la signature indélébile du rock prog fait en France; bon, cette bouteille de rhum blanc à la main, je l’ai eue pour en offrir une au groupe, souvenirs, souvenirs; mais revenons au concert.
Encore un peu de temps car, pendant que je bavardais, le groupe est parti; mais oui ils vont revenir, c’est gravé sur les tables des concerts… Le groupe revient donc avec… «Dignité» de 72; remonter dans le temps musical de la sorte devient divin; le titre redux, dirait-on aujourd’hui, qui n’a pas pris une ride avec la puissance vocale de Tristan. «Ode à Emile» de 75 et les fameuses causeries du maréchal sur le temps qui passe, à profiter maintenant... que voulez-vous que je fasse? On chante en chœur tous unis comme si c’était un «Ave Maria». «Hymne à la Vie» de 76 vient dans ce fabuleux triptyque rappeler que le temps ne compte pas; un morceau en constante évolution qui y va de sa guitare acoustique, eh oui Hassan peut aussi être sage de temps en temps; un morceau qui aura son harmonica, eh oui Christian sait aussi souffler pas que des vers; le morceau qui va crescendo unir le public dans une messe musicale effrénée, incontrôlée avec certains dansant en transe avec le fameux signe de Dio, danse sabbatique bien sûr; d’autres vont tenir une casquette et la jeter près du groupe en offrande.
Le concert d'Ange est fini. Il fallait en parler, c’est fait, car même un chroniqueur qui n’aime pas la voix française en texte est ressorti hagard, comme avec un couteau dans la plaie; magique moment du plus grand groupe français mondial à avoir compris que le monde ne tourne décidément plus rond. Voilà on remballe et je vais taper dans la discothèque, pas encore rassasié de leurs ébats musicaux.
Brutus
10/06/2024 : Concert de Yes le 21/05/2024 au Luxembourg
YES (official) propose sa tournée mondiale post-pandémique comme beaucoup de groupes actuels. Yes se posait dernièrement à Esch-sur-Alzette. Yes c’est l’un des derniers dinosaures prog encore en activité, voire le dernier. Yes proposait dernièrement à ses fans toujours présents des morceaux de leurs 50 ans de carrière, une paille. Un concert où le guitariste Steve Howe est encore présent, accompagné de Geoff Downes des Buggles, membre à part depuis le début des 80. Jon Davison aux vocaux venait rejoindre le bateau musical en 2012. Pas besoin de rappeler que Yes a influencé nombre de groupes de par leur musique révolutionnaire ni de souligner que Roger Dean a contribué à leur notoriété en éditant des pochettes sublimes. Plus de 50 ans, plus de 50 millions d’albums vendus et une intronisation au fameux Rock and Roll Hall of Fame en 2017 pour valider à jamais leur empreinte musicale. Allons voir si ce concert a tenu ses promesses.
«Machine Messiah» comme introduction, le son des 80 qui faisait jaser à l’époque, délaissant les longs cheminements des 70, une intro pied de nez aux progueux avec une sonorité parfaite, aidée par la batterie énergique prog metal de Jay. Le son qui fait croire que les 80 c’était juste hier. «It’ll Be a Good Day» oui ça sera une bonne journée avec des titres piochés de-ci, de là. Un morceau de «The Ladder» de 99, vingt ans plus jeune encore, ce show va nous rajeunir si cela continue. «Going For The One» des 77 avec la fameuse guitare Lap Steel qui commence à nous faire revenir dans l’ancien temps, qui s’arrêtait pour prendre le temps justement. Un son mélangeant de l’ancien et du nouveau avec cette batterie typée moderne qui rend actuel, il faut le faire, oui j’ai flashé pour le jeu percutant de Jay. «Good People» du «Yes Album» fait plonger à leurs balbutiements, le concert est lancé et ne va pas s’éteindre, les souvenirs affluent par vagues. «Southern Solo» continue, même période du début des 70 avec du solo en veux-tu en voilà, juste pour réviser soi-même ses partitions, juste pour se dire que Yes c’est toujours un phénomène. «Time and a Word» suit, nous garde sous perfusion prog yessienne. Que dire, qu’écrire sinon que le son est incroyablement net, chaleureux, mélodique et bourré de souvenirs? Qu’écrire sinon que les titres passent très bien à l’écoute et ne font pas ressentir le temps qui passe? «Don’t Kill the Whale» du «Tormato» pour lancer un autre pied de nez à ceux qui jasaient sur leur évolution musicale en cette fin 70. Un titre toujours frais, concentré, qui inonde de plaisir le spectateur lambda. Pour terminer la première partie, «Turn of the Century» de 77 sur la même trame.
«South Side of the Sky» relance le vaisseau à l’heure avec une superbe intro cinématique sur un fond en noir et blanc, la chance d’avoir l’un des titres anciens de 71 qui sonne comme un morceau du nouveau millénaire. Miracle du concert ou convaincu de la magie yessienne, excellent de fait. «Cut from the Stars» vient me réveiller avec le seul titre du «Mirror to the Sky» de 2023, oui jusqu’à cet instant je baignais encore dans une léthargie idyllique. J’attendais «Unknown Place» pour son relent jouissif d’«Awaken» et je constate que je commence à en vouloir plus, je me sens vraiment bien. «Tales Edit» maintenant pour le melting pot datant de 73; morceau de leur double concept album avec les ambiances musicales divines qui s’en dégagent. Le cerveau essaye de trouver tous les titres et bouts de morceaux repris dans ce medley raffiné, compliqué j’ai juste écouté béatement.
Voilà, c’est fini, un peu d’applaudissements et ça repart comme au bon vieux temps où les fans hurlaient debout espérant un rappel; ici c’est programmé.
«Roundabout» déboule, oui c’est le moment du titre du fameux «Fragile» de 71; j'indique la date de parution des morceaux pour faire comprendre où le groupe nous emmène à chaque fois. Mon morceau préféré (m’étant réveillé chaque matin dessus lors de mon travail), ambiance réminiscence bluesy, cocooning mais tellement jouissive. Ce show est excellent et ce morceau avec l’étincelle de la note de guitare à l’intro va me rester gravé longtemps. Vient «Starship Trooper», dernier titre du «Yes Album» de 70. Durant les 80, je trouvais le titre trop démodé, trop jazzy, trop désorganisé, allez, je l’écris, trop has been. En 2024, d’où me vient l’impression qu’il a pris du poil de la bête? Juste le morceau idéal pour terminer le set en beauté, rien de plus.
Yes a donné un grand concert, qu’on se le dise. Yes a montré que le rock progressif ne serait pas ce qu’il est encore actuellement sans ses titres novateurs. Yes montre avec cette tournée que l’on peut prendre plaisir à écouter de la belle musique, malgré le compte d’âge de Steve avec ses 78 printemps. Yes, le groupe, l’entité, fait toujours du Yes et rien n’a semblé le déstabiliser ce soir-là. Yes est tout ça et même plus.
Brutus
27/03/2024 : The Pineapple Thief - Élysée Montmartre, Paris (France) – le 23 février 2024
The Pineapple Thief
Élysée Montmartre, Paris (France) – le 23 février 2024
Il y a une semaine, le concert des Pineapple Thief se déroulait à l’Élysée Montmartre, oui et après?
Pourquoi vous en parler?
Et de un: leur dernier album est sorti le 9 février dernier, donc hier dans l’échelle du temps prog!
Et de deux: les 8 titres ont été joués durant le set, il fallait oser, je pense, pour nombre de fans dans le public qui ne l’avaient pas encore digéré, puisqu’un album de prog se doit d’être écouté souvent et longtemps pour en retirer la substantifique moelle; à ce petit jeu, j’en étais arrivé aux os en ayant eu le bon côté du solilet [sot-l'y-laisse? ndlr] et étais fin prêt.
Et de trois: TPT c’est un peu comme PT de Steven Wilson avec des ambiances, du son neuf, bref tout pour ne pas s’embourber dans les albums de rock prog par trop souvent régressifs, beaux en soi mais ne faisant que revenir aux anciens dinos des 70; et il faut quand même évoluer un tantinet pour ne pas retrouver que des cheveux blancs en concert. Un dernier point: j’ai toujours retrouvé un peu des Radiohead chez eux, alors je voulais par la même occasion voir en concert comment le son allait passer et si j’allais m’y retrouver.
Et de quatre: TPT me ramène aux sulfureux Vulgar Unicorn qui ont essayé de déchiffrer le son prog lorsqu’il ne restait plus grand-chose; ils ont ramassé des miettes et ont innové en créant du son nouveau.
De très bonnes raisons pour vous en parler, finalement, et donner un rendu objectif de ce concert pas comme les autres.
Bon concert en plein Paris, problème pour garer son véhicule, faire la queue pour essayer de ne pas être tout compressé derrière, oui j’imagine que c’est bondé à chaque fois; un rencart de dernière minute et me voilà propulsé presque malgré moi à l’entrée, merci à toi; quelques instants plus tard, attablé à la rambarde, j’attends Randy McStine 1ere partie et teste le brave vigile en prenant une ou deux photos. Que nenni! Il vient expliquer que le brave Gavin, de ses moments vécus avec King Crimson et Porcupine Tree, ne souhaite pas de photos de sa mèche ou d’autre chose… Bref, je ne prendrai pas de photos et ne ferai pas de pub pour lui!
Randy parti, j’attends donc de voir enfin cet ananas et si le voleur n’a pas déjà œuvré. L’intro sur «The Frost» du dernier album, les 3e, 6e, 8e, 9e, 11e, 12e et 13e titres en seront aussi; les 7e et 14e de «Give it back»; les 10e, 15e et 16e du brûlant «Your Wilderness»; les 2e, 4e et 5e du «Versions of the Truth» de 2020; seul un titre du «Magnolia» avec ce «Alone at Sea» pour le final de haute volée.
Après la set-list exhaustive, un point sur l’ambiance.
Un début en retenue, le temps de se rôder, le temps pour nous de savoir à quelle sauce nous allons être mangés; petit souvenir du dernier concert de Peter Gabriel qui avait lancé ses titres du dernier album à peine sorti, la mode actuelle assurément, une bonne idée de se glisser dans les morceaux; j’étais assez perplexe à l’écoute mais la répétition m’avait ancré l’air, le rythme, les refrains dans la tête… et la magie a opéré; très rapidement, je me suis surpris à dodeliner de la tête, un bon signe; pour «Now It's Yours» et la moitié de l’album, l’ambiance intimiste fait place à celle mélancolique, avec des moments bourrés d’émotion; instant où je me décide à gambader un peu partout dans la salle pour sentir ses vibrations et le retour dudit public; jeunes, ça fait plaisir; chantant pour la plupart, signe de connaisseurs; une salle bien remplie, signe que le rock de bonne qualité remplit encore les salles; chaleureux, se manifestant à chaque fin de titre, oui le bon côté c’est que les titres courts permettent une grande réactivité du groupe avec son public; de voir les différentes guitares défiler sous les doigts de Bruce. Quant à Gavin, il a assuré car beaucoup venaient pour le voir tel un dieu… alors que c’est juste un batteur, je n’ai pas vu d’auréole sur sa tête. Bon la fin approche et les morceaux intensifient un son rock heavy prog plutôt que prog dépressif et ça se sent avec des soli de plus en plus jouissifs. Hop «Final thing» arrive, clôturant ce set rondement mené, provenant du merveilleux «Your Wilderness». Bon on attend, allez un ou deux titres pour le rappel… Bruce revient effectivement en premier expliquer qu’il y aura quelques titres mais pas trop, hop encore un du même album avant «Alone at Sea»; émouvant et sonné par cette fin qui devait bien arriver.
The Pineapple Thief a sorti un album parfait, dévoilant son charme comme une lave brûlante; TPT a sorti un show de toute beauté, enivrant, chaleureux, moderne, qui m’a fait vibrer bien plus que celui de Marillion, c’est pour dire, et pourtant j’aime ce groupe aussi.
Brutus
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24/05/2023 : Peter Gabriel
Peter Gabriel
I/O tour
Le 24 mai 2023
Stade Pierre Mauroy, Villeneuve-d'Ascq (France)
18h00. Ambiance bon enfant autour du stade, le service d’ordre n’est pas sur les dents, ils savent que ce sera une soirée tranquille, entre sexagénaires (de moyenne). Ils viennent avertir que les portes ouvriront avec un quart d’heure de retard, donc vers 18h45.
Je ne suis pas étonné, car j’ai entendu vers 17h45 le sound check encore en cours.
À l’heure dite, «ma» tribu (7 personnes) pénètre dans le stade. Est-ce l’aura que nous dégageons? Nous sommes surclassés, et finissons assis, 1er rang des gradins dans le carré d’or!
Le concert débute à peine en retard, Peter Gabriel, après un petit speech, en français, s’assoit sous une belle lune LED (dont les phases évolueront tout au long du morceau), un clavier sur les genoux, près d’un feu de camp, et entame «Washing the Water». Tony Levin vient le retrouver avec une basse acoustique et s’assied lui aussi sur le banc en arc de cercle sorti du sol. Un à un, les autres musiciens les rejoignent, violon, violoncelle, trompette, même Manu Katché avec une percussion acoustique. Atmosphère intimiste qui se poursuit avec «Growing Up».
Puis le feu et le banc disparaissent et chacun prend place, pour entamer un tiercé de morceaux du futur nouvel album «I/O». Déjà publié, «Panopticom» confirme son statut de morceau directement accessible; suivent «Four Kinds of Horses» et «I/O». Une dizaine de titres du nouvel album seront joués, dont certains totalement inédits. Ils seront publiés, sans doute, un à un, à chaque nouvelle lune.
La préoccupation de Peter Gabriel, exprimée dans ses présentations, est bien loin du médiévalisme génésien. L’information et la connexion dans le monde moderne, l’avenir de la planète sont clairement questionnés.
La scène est surmontée d’un immense afficheur LED rond et entourée de 9 panneaux verticaux, d’environ 4 x 1 m, qui se déplaceront en fonction des morceaux et ces gigantesques afficheurs HD LED seront bibliothèques, fenêtres, photos, en fonction des titres. À chaque fois, PG présente les auteurs des œuvres (peintures, photos, vidéos). On est loin du théâtre génésien, PG nous emmène dans un musée contemporain vivant!
Le son un poil saturé dénature, un peu, la musique qui est parfaitement jouée, et, sauf à de rares exceptions, la basse de Tony Levin est sous-mixée. Mais globalement c’est plus qu’acceptable.
Les tubes «Sledgehammer», juste avant l’entracte, «Darkness», «Red Rain» et autres «Big Time» font se lever le public. Le spectacle est rodé, la setlist est la même que celle des 4 premiers concerts de la tournée, sans surprise donc pour les curieux dont je suis.
Cependant rien d’artificiel, «l'excellent Manu Katché» (c'est ainsi que PG le présente deux fois de suite) nous enthousiasme tous. «Les pas de danse rituels de PG entouré de Tony Levin et de David Rhodes étaient revenus naturellement lors des répètes» (dixit TL sur son blog).
Au quatuor d’origine se sont adjoints un trompettiste/guitariste, une violoniste et une violoncelliste qui fera admirer sa voix lors de «In your Eyes», sans toutefois atteindre l’émotion procurée par Youssou N'Dour. La boucle se boucle, sur le visage de Steven Biko dont PG rappelle le martyre, prouvant une fois de plus la grandeur de ses vues. À quand le Nobel de la Paix?
Alors que la chanson se termine, que seule demeure la pulsation de «Biko» dont le cœur battra à jamais, PG se retire le premier de la scène. Puis, un à la fois, les autres musiciens posent doucement leur instrument, quittent la scène sur la pointe des pieds et le rejoignent en coulisse; resté seul, Manu disparaît derrière l’écran géant qui bascule, mais la pulsation résonnera pour toujours en nous, bien après son départ.
PS : Dans notre «tribu», il y avait une jeune fille, très loin d’être trentenaire, donc très loin de notre lectorat à 84 % masculin et plus que majoritairement quadra et au-delà!
Je vous livre son point de vue, brut:
«Ce que j’ai trouvé moins bien:
⁃ Le public était globalement très peu motivé, sauf sur certains morceaux iconiques de sa carrière, l’ambiance était moyenne et ça se sentait que Peter Gabriel espérait plus;
⁃ La scène était sous-dimensionnée pour la salle, les écrans globalement pas très grands et pas très impressionnants;
⁃ Une imagerie (sur les écrans) pas tout le temps impactante et une technique scénique en général ok mais sans plus;
⁃ Les morceaux choisis pour monter l’ambiance m’ont moins plu, ça se voyait que c’était un peu des «hits» mais musicalement moins intéressants.
Malgré ça, ce que j’ai aimé:
⁃ Très belle voix;
⁃ J’ai beaucoup aimé les interludes poétiques;
⁃ Certains moments très beaux musicalement;
⁃ J'ai beaucoup aimé le début de la 2e partie [«Darkness», ndlr], avec les ombres et le «dessin» numérique sur les panneaux descendus sur le devant de la scène;
⁃ Message engagé à la fin [«Biko», ndlr].»
La setlist:
1. Washing of the Water (Acoustic)
2. Growing Up (Acoustic)
3. Panopticom
4. Four Kinds of Horses
5. I/O
6. Digging in the Dirt
7. Playing for Time
8. Olive Tree
9. This Is Home
10. Sledgehammer
11. Darkness
12. Love Can Heal
13. Road to Joy
14. Don't Give Up
15. The Court
16. Red Rain
17. And Still
18. Big Time
19. Live and Let Live
20. Solsbury Hill
21. In Your Eyes
22. Biko
Cicero 3.14
Web: https://petergabriel.com/
10/05/2023 : Ogives
Ogives
Le 21 avril 2023
Les Chiroux, Liège (Belgique)
À la fin de l’entretien, comme pour appuyer ses propos (voir l’interview et la chronique de l’album sur cette page), Pavel Tchikov, heureux propriétaire qui m’en fait faire le tour, me montre le dispositif scénique (10 mètres sur 8, il ne faut pas moins), les deux batteries de part et d’autre de la structure (artisanale et soudée de ses mains) qui soutient les percussions (les cloches tubulaires et le gong qui luit déjà dans la lumière blanche), le clavier, les saxophones, la flûte traversière, le violoncelle (enfin, son siège), les micros chant (six voix tout de même), le synthé modulaire (un patch où je n’oserais mettre la main mais où le chat de Lola se sentirait chez lui) et les pédales d’effets… tout est rangé au millimètre, on pressent mieux l’importance de ne pas se marcher sur les pieds – et de ne pas se prendre ceux-ci dans les câbles. Les autres arrivent: Paul, Lucas, Zoé (qui a fait tout ce que Pavel l’avait chargée de faire), que je salue et laisse ajuster les derniers préparatifs avant ce qui est somme toute le vrai premier concert d’Ogives, dans une salle de près de 200 personnes – qui sera pleine –, sans doute une rare occasion d’entendre le double album, dans l’ordre, intégralement et sans interruption.
Retour un peu plus tard après une gaufre chez Pollux (zut, il commence à pleuvoir), un coup de fil (sans fil) à Lola (qui a rangé son chat) et un verre au Café des Arts (la bière est tiède et l’ambiance bobo, mais j’aime bien; sans tendre l’oreille, les potins du théâtre viennent à soi, mêlés aux mots que j’écris – et que tu lis en ce moment – et la musique me rappelle des temps hors du temps, genre «Born To Be Wild», «Whole Lotta Love» et… «A Whiter Shade Of Pale»). Des amis arrivent de Soignies, d’autres d’ailleurs, c’est aussi l’occasion de faire la connaissance en vrai de Paul, père d’une fille copine d’une des miennes (bon faut encore qu’on se repère – c’est fait, il m’aborde et se présente).
Nous entrons par le côté et prenons place pour un concert qui commence presque à l’heure, sans grande introduction, avec, outre Pavel Tchikov, Zoé Pireaux, Marie Billy, Manu Henrion, Martin Chenel, Charlie Maerevoet – quand son père se présente, plus tard au bar, comme le «papa de Charlie», je ne peux empêcher le refrain de Mort Schuman de s’inviter dans mes neurones excités par tant de sons –, Ian Elfinn Rosiu (le dernier arrivé, au violoncelle – il joue aussi avec l’ensemble Hopper), Alexis Van Doosselaere et Tom Malmendier (chacun à sa batterie – dispositif rare et qui, tout aussi rarement, n’est pas superfétatoire), chacun à son instrument, souvent acoustique, parfois électrique, ou devant son pied de micro.
Je prends quelques notes tout au long du set (dans le noir, sans bien savoir où situer mon stylo sur la page), mais au fond, ce qui compte vraiment, c’est l’imprégnation subreptice dans ces compositions qui s’enchaînent quasi sans interruption (pas de prise de parole entre elles), cette continuité aussi évidente qu’une main pour son bras, qui s’impose comme un tout, à la manière du «Selling England By The Pound» de Genesis en 1973 à Forest National – sauf qu’ici personne ne s’émeut de l’absence de rappel, chacun entier à sa joie abasourdie, happé par une musique qui enchante plus qu’elle ne surprend, entité intégrative de sources connues mais qu’on n’aurait pas imaginées dans cet alliage-là. (Peter Gabriel avait expliqué après l’émeute – les gendarmes à cheval dans les travées de la salle: «C’est comme une pièce de théâtre ou, si tu préfères, une comédie musicale. Lorsque c'est fini, c'est fini. Les acteurs ne reviennent pas jouer un acte de plus.» Pavel Tchikov n’a besoin d’aucune justification – que personne d’ailleurs ne réclame.)
Le concert assis est souvent réservé à la musique classique, aux publics vieillissants: ce n’est le cas ni de l’un ni de l’autre, mais on en retrouve ici la concentration et la qualité d’écoute, l’intervalle respectueux qui précède des applaudissements sans cris tonitruants mais drus, serrés, volontaires et énergiques, que l’arthrose épargne et que l’enthousiasme sonné d’une heure et demie de musique dense, abondante, délibérée et audacieuse libère en une clameur longue, et humble – j’ai rarement vu ça (et pourtant…).
Auguste
05/05/2023 : Leprous
vendredi 17 février 2023 – Rock School Barbey à Bordeaux
À Bordeaux, j'ai pu entendre dans l'ordre: «Have You Ever?», «The Price», «Angel», «Observe The Train», «On Hold», «Castaway Angels», «From The Flame», un titre choisi par le public... dont j'ai oublié le titre là, pris par l'ambiance complètement surréaliste dudit concert, pendant lequel Einar lance un papier dans la foule pour que l'heureux élu choisisse son titre; c'est tombé sur mon voisin de droite, légèrement tétanisé de cette chance. Puis «Out of Here», «Slave», «Distant Bells», «Below», «Nightime Disguise» et «The Sky is Red» en final apocalyptique où c'est rouge dans la salle effectivement mais bien blanc intense sur les deux premiers rangs. Bon, vous aurez compris que le prog d'aujourd'hui a des audiences grâce à quelques groupes exceptionnels dont fait partie Leprous; au pire prenez l'album, le LP, au mieux allez les voir pendant qu'ils tournent encore, le prog, le dark metal, c'est eux, qu'on se le dise! et le son live est encore meilleur que sur l'album sur leur chaîne.
Brutus