Compte-rendu de concerts

27/03/2024 : The Pineapple Thief - Élysée Montmartre, Paris (France) – le 23 février 2024

The Pineapple Thief - Élysée Montmartre, Paris (France) – le 23 février 2024

The Pineapple Thief
Élysée Montmartre, Paris (France) – le 23 février 2024
Il y a une semaine, le concert des Pineapple Thief se déroulait à l’Élysée Montmartre, oui et après?
Pourquoi vous en parler?
Et de un: leur dernier album est sorti le 9 février dernier, donc hier dans l’échelle du temps prog!
Et de deux: les 8 titres ont été joués durant le set, il fallait oser, je pense, pour nombre de fans dans le public qui ne l’avaient pas encore digéré, puisqu’un album de prog se doit d’être écouté souvent et longtemps pour en retirer la substantifique moelle; à ce petit jeu, j’en étais arrivé aux os en ayant eu le bon côté du solilet [sot-l'y-laisse? ndlr] et étais fin prêt.
Et de trois: TPT c’est un peu comme PT de Steven Wilson avec des ambiances, du son neuf, bref tout pour ne pas s’embourber dans les albums de rock prog par trop souvent régressifs, beaux en soi mais ne faisant que revenir aux anciens dinos des 70; et il faut quand même évoluer un tantinet pour ne pas retrouver que des cheveux blancs en concert. Un dernier point: j’ai toujours retrouvé un peu des Radiohead chez eux, alors je voulais par la même occasion voir en concert comment le son allait passer et si j’allais m’y retrouver.
Et de quatre: TPT me ramène aux sulfureux Vulgar Unicorn qui ont essayé de déchiffrer le son prog lorsqu’il ne restait plus grand-chose; ils ont ramassé des miettes et ont innové en créant du son nouveau.
De très bonnes raisons pour vous en parler, finalement, et donner un rendu objectif de ce concert pas comme les autres.
Bon concert en plein Paris, problème pour garer son véhicule, faire la queue pour essayer de ne pas être tout compressé derrière, oui j’imagine que c’est bondé à chaque fois; un rencart de dernière minute et me voilà propulsé presque malgré moi à l’entrée, merci à toi; quelques instants plus tard, attablé à la rambarde, j’attends Randy McStine 1ere partie et teste le brave vigile en prenant une ou deux photos. Que nenni! Il vient expliquer que le brave Gavin, de ses moments vécus avec King Crimson et Porcupine Tree, ne souhaite pas de photos de sa mèche ou d’autre chose… Bref, je ne prendrai pas de photos et ne ferai pas de pub pour lui!
Randy parti, j’attends donc de voir enfin cet ananas et si le voleur n’a pas déjà œuvré. L’intro sur «The Frost» du dernier album, les 3e, 6e, 8e, 9e, 11e, 12e et 13e titres en seront aussi; les 7e et 14e de «Give it back»; les 10e, 15e et 16e du brûlant «Your Wilderness»; les 2e, 4e et 5e du «Versions of the Truth» de 2020; seul un titre du «Magnolia» avec ce «Alone at Sea» pour le final de haute volée.
Après la set-list exhaustive, un point sur l’ambiance.
Un début en retenue, le temps de se rôder, le temps pour nous de savoir à quelle sauce nous allons être mangés; petit souvenir du dernier concert de Peter Gabriel qui avait lancé ses titres du dernier album à peine sorti, la mode actuelle assurément, une bonne idée de se glisser dans les morceaux; j’étais assez perplexe à l’écoute mais la répétition m’avait ancré l’air, le rythme, les refrains dans la tête… et la magie a opéré; très rapidement, je me suis surpris à dodeliner de la tête, un bon signe; pour «Now It's Yours» et la moitié de l’album, l’ambiance intimiste fait place à celle mélancolique, avec des moments bourrés d’émotion; instant où je me décide à gambader un peu partout dans la salle pour sentir ses vibrations et le retour dudit public; jeunes, ça fait plaisir; chantant pour la plupart, signe de connaisseurs; une salle bien remplie, signe que le rock de bonne qualité remplit encore les salles; chaleureux, se manifestant à chaque fin de titre, oui le bon côté c’est que les titres courts permettent une grande réactivité du groupe avec son public; de voir les différentes guitares défiler sous les doigts de Bruce. Quant à Gavin, il a assuré car beaucoup venaient pour le voir tel un dieu… alors que c’est juste un batteur, je n’ai pas vu d’auréole sur sa tête. Bon la fin approche et les morceaux intensifient un son rock heavy prog plutôt que prog dépressif et ça se sent avec des soli de plus en plus jouissifs. Hop «Final thing» arrive, clôturant ce set rondement mené, provenant du merveilleux «Your Wilderness». Bon on attend, allez un ou deux titres pour le rappel… Bruce revient effectivement en premier expliquer qu’il y aura quelques titres mais pas trop, hop encore un du même album avant «Alone at Sea»; émouvant et sonné par cette fin qui devait bien arriver.
The Pineapple Thief a sorti un album parfait, dévoilant son charme comme une lave brûlante; TPT a sorti un show de toute beauté, enivrant, chaleureux, moderne, qui m’a fait vibrer bien plus que celui de Marillion, c’est pour dire, et pourtant j’aime ce groupe aussi.
Brutus
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24/05/2023 : Peter Gabriel

Peter Gabriel

Peter Gabriel
I/O tour
Le 24 mai 2023
Stade Pierre Mauroy, Villeneuve-d'Ascq (France)
18h00. Ambiance bon enfant autour du stade, le service d’ordre n’est pas sur les dents, ils savent que ce sera une soirée tranquille, entre sexagénaires (de moyenne). Ils viennent avertir que les portes ouvriront avec un quart d’heure de retard, donc vers 18h45.
Je ne suis pas étonné, car j’ai entendu vers 17h45 le sound check encore en cours.
À l’heure dite, «ma» tribu (7 personnes) pénètre dans le stade. Est-ce l’aura que nous dégageons? Nous sommes surclassés, et finissons assis, 1er rang des gradins dans le carré d’or!
Le concert débute à peine en retard, Peter Gabriel, après un petit speech, en français, s’assoit sous une belle lune LED (dont les phases évolueront tout au long du morceau), un clavier sur les genoux, près d’un feu de camp, et entame «Washing the Water». Tony Levin vient le retrouver avec une basse acoustique et s’assied lui aussi sur le banc en arc de cercle sorti du sol. Un à un, les autres musiciens les rejoignent, violon, violoncelle, trompette, même Manu Katché avec une percussion acoustique. Atmosphère intimiste qui se poursuit avec «Growing Up».
Puis le feu et le banc disparaissent et chacun prend place, pour entamer un tiercé de morceaux du futur nouvel album «I/O». Déjà publié, «Panopticom» confirme son statut de morceau directement accessible; suivent «Four Kinds of Horses» et «I/O». Une dizaine de titres du nouvel album seront joués, dont certains totalement inédits. Ils seront publiés, sans doute, un à un, à chaque nouvelle lune.
La préoccupation de Peter Gabriel, exprimée dans ses présentations, est bien loin du médiévalisme génésien. L’information et la connexion dans le monde moderne, l’avenir de la planète sont clairement questionnés.
La scène est surmontée d’un immense afficheur LED rond et entourée de 9 panneaux verticaux, d’environ 4 x 1 m, qui se déplaceront en fonction des morceaux et ces gigantesques afficheurs HD LED seront bibliothèques, fenêtres, photos, en fonction des titres. À chaque fois, PG présente les auteurs des œuvres (peintures, photos, vidéos). On est loin du théâtre génésien, PG nous emmène dans un musée contemporain vivant!
Le son un poil saturé dénature, un peu, la musique qui est parfaitement jouée, et, sauf à de rares exceptions, la basse de Tony Levin est sous-mixée. Mais globalement c’est plus qu’acceptable.
Les tubes «Sledgehammer», juste avant l’entracte, «Darkness», «Red Rain» et autres «Big Time» font se lever le public. Le spectacle est rodé, la setlist est la même que celle des 4 premiers concerts de la tournée, sans surprise donc pour les curieux dont je suis.
Cependant rien d’artificiel, «l'excellent Manu Katché» (c'est ainsi que PG le présente deux fois de suite) nous enthousiasme tous. «Les pas de danse rituels de PG entouré de Tony Levin et de David Rhodes étaient revenus naturellement lors des répètes» (dixit TL sur son blog).
Au quatuor d’origine se sont adjoints un trompettiste/guitariste, une violoniste et une violoncelliste qui fera admirer sa voix lors de «In your Eyes», sans toutefois atteindre l’émotion procurée par Youssou N'Dour. La boucle se boucle, sur le visage de Steven Biko dont PG rappelle le martyre, prouvant une fois de plus la grandeur de ses vues. À quand le Nobel de la Paix?
Alors que la chanson se termine, que seule demeure la pulsation de «Biko» dont le cœur battra à jamais, PG se retire le premier de la scène. Puis, un à la fois, les autres musiciens posent doucement leur instrument, quittent la scène sur la pointe des pieds et le rejoignent en coulisse; resté seul, Manu disparaît derrière l’écran géant qui bascule, mais la pulsation résonnera pour toujours en nous, bien après son départ.
PS : Dans notre «tribu», il y avait une jeune fille, très loin d’être trentenaire, donc très loin de notre lectorat à 84 % masculin et plus que majoritairement quadra et au-delà!
Je vous livre son point de vue, brut:
«Ce que j’ai trouvé moins bien:
⁃ Le public était globalement très peu motivé, sauf sur certains morceaux iconiques de sa carrière, l’ambiance était moyenne et ça se sentait que Peter Gabriel espérait plus;
⁃ La scène était sous-dimensionnée pour la salle, les écrans globalement pas très grands et pas très impressionnants;
⁃ Une imagerie (sur les écrans) pas tout le temps impactante et une technique scénique en général ok mais sans plus;
⁃ Les morceaux choisis pour monter l’ambiance m’ont moins plu, ça se voyait que c’était un peu des «hits» mais musicalement moins intéressants.
Malgré ça, ce que j’ai aimé:
⁃ Très belle voix;
⁃ J’ai beaucoup aimé les interludes poétiques;
⁃ Certains moments très beaux musicalement;
⁃ J'ai beaucoup aimé le début de la 2e partie [«Darkness», ndlr], avec les ombres et le «dessin» numérique sur les panneaux descendus sur le devant de la scène;
⁃ Message engagé à la fin [«Biko», ndlr].»
La setlist:
1. Washing of the Water (Acoustic)
2. Growing Up (Acoustic)
3. Panopticom
4. Four Kinds of Horses
5. I/O
6. Digging in the Dirt
7. Playing for Time
8. Olive Tree
9. This Is Home
10. Sledgehammer
11. Darkness
12. Love Can Heal
13. Road to Joy
14. Don't Give Up
15. The Court
16. Red Rain
17. And Still
18. Big Time
19. Live and Let Live
20. Solsbury Hill
21. In Your Eyes
22. Biko
Cicero 3.14
Web: https://petergabriel.com/

10/05/2023 : Ogives

Ogives : compte-rendu de concert

Ogives
Le 21 avril 2023
Les Chiroux, Liège (Belgique)
À la fin de l’entretien, comme pour appuyer ses propos (voir l’interview et la chronique de l’album sur cette page), Pavel Tchikov, heureux propriétaire qui m’en fait faire le tour, me montre le dispositif scénique (10 mètres sur 8, il ne faut pas moins), les deux batteries de part et d’autre de la structure (artisanale et soudée de ses mains) qui soutient les percussions (les cloches tubulaires et le gong qui luit déjà dans la lumière blanche), le clavier, les saxophones, la flûte traversière, le violoncelle (enfin, son siège), les micros chant (six voix tout de même), le synthé modulaire (un patch où je n’oserais mettre la main mais où le chat de Lola se sentirait chez lui) et les pédales d’effets… tout est rangé au millimètre, on pressent mieux l’importance de ne pas se marcher sur les pieds – et de ne pas se prendre ceux-ci dans les câbles. Les autres arrivent: Paul, Lucas, Zoé (qui a fait tout ce que Pavel l’avait chargée de faire), que je salue et laisse ajuster les derniers préparatifs avant ce qui est somme toute le vrai premier concert d’Ogives, dans une salle de près de 200 personnes – qui sera pleine –, sans doute une rare occasion d’entendre le double album, dans l’ordre, intégralement et sans interruption.
Retour un peu plus tard après une gaufre chez Pollux (zut, il commence à pleuvoir), un coup de fil (sans fil) à Lola (qui a rangé son chat) et un verre au Café des Arts (la bière est tiède et l’ambiance bobo, mais j’aime bien; sans tendre l’oreille, les potins du théâtre viennent à soi, mêlés aux mots que j’écris – et que tu lis en ce moment – et la musique me rappelle des temps hors du temps, genre «Born To Be Wild», «Whole Lotta Love» et… «A Whiter Shade Of Pale»). Des amis arrivent de Soignies, d’autres d’ailleurs, c’est aussi l’occasion de faire la connaissance en vrai de Paul, père d’une fille copine d’une des miennes (bon faut encore qu’on se repère – c’est fait, il m’aborde et se présente).
Nous entrons par le côté et prenons place pour un concert qui commence presque à l’heure, sans grande introduction, avec, outre Pavel Tchikov, Zoé Pireaux, Marie Billy, Manu Henrion, Martin Chenel, Charlie Maerevoet – quand son père se présente, plus tard au bar, comme le «papa de Charlie», je ne peux empêcher le refrain de Mort Schuman de s’inviter dans mes neurones excités par tant de sons –, Ian Elfinn Rosiu (le dernier arrivé, au violoncelle – il joue aussi avec l’ensemble Hopper), Alexis Van Doosselaere et Tom Malmendier (chacun à sa batterie – dispositif rare et qui, tout aussi rarement, n’est pas superfétatoire), chacun à son instrument, souvent acoustique, parfois électrique, ou devant son pied de micro.
Je prends quelques notes tout au long du set (dans le noir, sans bien savoir où situer mon stylo sur la page), mais au fond, ce qui compte vraiment, c’est l’imprégnation subreptice dans ces compositions qui s’enchaînent quasi sans interruption (pas de prise de parole entre elles), cette continuité aussi évidente qu’une main pour son bras, qui s’impose comme un tout, à la manière du «Selling England By The Pound» de Genesis en 1973 à Forest National – sauf qu’ici personne ne s’émeut de l’absence de rappel, chacun entier à sa joie abasourdie, happé par une musique qui enchante plus qu’elle ne surprend, entité intégrative de sources connues mais qu’on n’aurait pas imaginées dans cet alliage-là. (Peter Gabriel avait expliqué après l’émeute – les gendarmes à cheval dans les travées de la salle: «C’est comme une pièce de théâtre ou, si tu préfères, une comédie musicale. Lorsque c'est fini, c'est fini. Les acteurs ne reviennent pas jouer un acte de plus.» Pavel Tchikov n’a besoin d’aucune justification – que personne d’ailleurs ne réclame.)
Le concert assis est souvent réservé à la musique classique, aux publics vieillissants: ce n’est le cas ni de l’un ni de l’autre, mais on en retrouve ici la concentration et la qualité d’écoute, l’intervalle respectueux qui précède des applaudissements sans cris tonitruants mais drus, serrés, volontaires et énergiques, que l’arthrose épargne et que l’enthousiasme sonné d’une heure et demie de musique dense, abondante, délibérée et audacieuse libère en une clameur longue, et humble – j’ai rarement vu ça (et pourtant…).
Auguste

05/05/2023 : Leprous

Leprous Compte rendu de concert

vendredi 17 février 2023 – Rock School Barbey à Bordeaux
À Bordeaux, j'ai pu entendre dans l'ordre: «Have You Ever?», «The Price», «Angel», «Observe The Train», «On Hold», «Castaway Angels», «From The Flame», un titre choisi par le public... dont j'ai oublié le titre là, pris par l'ambiance complètement surréaliste dudit concert, pendant lequel Einar lance un papier dans la foule pour que l'heureux élu choisisse son titre; c'est tombé sur mon voisin de droite, légèrement tétanisé de cette chance. Puis «Out of Here», «Slave», «Distant Bells», «Below», «Nightime Disguise» et «The Sky is Red» en final apocalyptique où c'est rouge dans la salle effectivement mais bien blanc intense sur les deux premiers rangs. Bon, vous aurez compris que le prog d'aujourd'hui a des audiences grâce à quelques groupes exceptionnels dont fait partie Leprous; au pire prenez l'album, le LP, au mieux allez les voir pendant qu'ils tournent encore, le prog, le dark metal, c'est eux, qu'on se le dise! et le son live est encore meilleur que sur l'album sur leur chaîne.
Brutus