Mars 2023
- 01/03/2023 : Astral Magic - We Are Stardust
- 02/03/2023 : Alpha Mountain - Alpha Mountain
- 03/03/2023 : Overhead - Telepathic Minds
- 04/03/2023 : Aethellis - The Affinity Oeuvre
- 05/03/2023 : Sequentia Legenda - The 432 Hz Berlin School Box - A Heart to Heart Sharing
- 06/03/2023 : Condor Gruppe - Gulliver
- 07/03/2023 : Kornmo - Vandring
- 08/03/2023 : A Gardening Club Project - Mr October And The Moon Of Madness
- 09/03/2023 : TNNE - Life 3.0
- 10/03/2023 : Various Artists - REQUIEM: Klaus Schulze Tribute
- 11/03/2023 : Planck Epoch - Deathworld
- 12/03/2023 : Dongyang Gozupa - Kyul
- 13/03/2023 : LVTVM - Irrational Numbers
- 14/03/2023 : Ologram - La nebbia
- 15/03/2023 : Aamunkoite - Aamunkoite
- 16/03/2023 : Ars de Er - L'adieu au Monde
- 17/03/2023 : The Aaron Clift Experiment - The Age of Misinformation
- 18/03/2023 : Andy Pickford - Replicant (Collectors Edition)
- 19/03/2023 : Greco Bastián - With a little hell from my friends
- 20/03/2023 : Alessio Trapella - La ricerca dell'imperfezione
- 21/03/2023 : Milkbone - Milkbone
01/03/2023 : Astral Magic - We Are Stardust
We Are Stardust
electronic psychedelic space rock – 60:18 – Finlande ‘23
Astral Magicl est le projet solo psychédélique lancé en 2020 par l'ancien joueur de Moog de Dark Sun Santtu Laakso, dit DJ Astro, lui-même groupe de rock spatial formé en 1991. 21 albums sont lancés en l’espace de 2 ans, avec l'aide de divers collaborateurs, dans un style psyché-space-kraut-cosmic expérimental avec Hawkwind en toile de fond.
«We Are Stardust»: son pop prog psyché avec une touche de Bowie pour le phrasé; ça part sur du pop-synth-électro, bref très diversifié, le hit de l’album.
«The Simulacra»: ambiance orientale bigarrée avec créativité d’un fils des Sparks bourré de synthés, de voix off entraînantes; il y a du Kraftwerk, du Gary Numan à la sauce Devo.
«Drop It»: titre mid-tempo planant mettant en avant les instruments; break solennel virevoltant rappelant le son de la grande épopée des Tangerine Dream.
«Virtual Fixtures» repart sur une ambiance tonitruante des 60-70’s, rapide et syncopée.
«Bottled Up Inside»: avec un espace guitare de toute beauté, idéal pour reposer les oreilles, vocaux posés pour l’une des plus belles mélodies.
«Ghost In DNA»: intro flûte-synthés qui gicle et encore la guitare qui donne le rythme.
«Out In The Wild»: ambiance 60’s feutrée avant «They Walk Among Us» pour une improvisation Numan-Hawkwind mélangée et un phrasé sombre collant aux synthés new wave.
«Out In The Cold»: pour la ballade space-country avec slide guitare pour l’interlude détente.
«Lost Planet»: retour au psyché entraînant qui surfe sur les titres précédents, bruitage vintage en plus.
«Violet Sky» arrive trop vite, je m’étais habitué aux intro; toujours dans la même veine avec synthés, claviers et guitare virevoltantes pour emmener très loin, là où le covid ne fait pas de méfait.
Astral Magic lance un nouveau genre musical avec ce son psyché planant provenant des attentes covid-pandémie, 300 titres sortis en moins de 2 ans pour de l’ambient dynamique, du psyché coloré, du pop-dark-wave à la limite de la transe hypnotique. À ne pas utiliser certains soirs devant la cheminée en grignotant un champignon ou une herbe du diable sous crainte de s’envoler irrémédiablement vers des contrées trop lointaines.
Brutus
https://astralmagic.bandcamp.com/album/we-are-stardust
https://youtu.be/9yP2opOG3LU
02/03/2023 : Alpha Mountain - Alpha Mountain
Alpha Mountain
Alpha Mountain
classic rock – 48:55 – France ‘22
Alpha Mountain est le nouveau projet de Steph Honde. Pour le présenter en deux mots, il est le chanteur et multi-instrumentiste, notamment du groupe Café Bertrand; il a également fait partie d’Hollywood Monsters, avec, entre autres, Don Airey de Deep Purple, Vinnny Appice de Black Sabbath… rien que ça! En France, on considère Alpha Mountain comme un supergroupe à la française car il est accompagné du chanteur Butcho Vukovic (Watcha, Last Temptation), du batteur Eric Lebailly (Adagio, Louis Bertignac), et des bassistes Pascal Baron (Sloane Square Band) et Fred Schneider (Lag I Run, Adrian Byron Burns). Alpha Mountain est un bon album de classic rock côtoyant le hard, l’AOR, avec de petites touches progressives par-ci par-là. On sent des influences de groupes comme WhiteSnake, FM, Glenn Hughes, The Dead Daisies. Sur «All In Vain», notamment, on retrouve totalement le style de Glenn Hughes. J’adore «Don’t go Astray» qui me fait penser à du Dio gentil. L’album possède une très belle pochette, signée Tristan Greatrex (UFO, MSG, Lionheart), qui apporte encore un petit plus. Cet opus ne va pas révolutionner l’univers musical mais il est fort bien construit; la production et le son y sont parfaits. Alpha Mountain mérite votre attention.
Vespasien
https://vallislupi.bandcamp.com/album/alpha-mountain
https://www.youtube.com/watch?v=dPIeCMkN0AU&list=OLAK5uy_kffF9LiBonyJwOknvYhQNW-lNQR53mv_g
03/03/2023 : Overhead - Telepathic Minds
Overhead
Telepathic Minds
rock progressif / crossover – 88:59 – Finlande ‘23
Overhead s’est fondé en 1999, rapidement inspiré par les géants du prog tels Pink Floyd, Genesis ou King Crimson; musique raffinée mélodique, voix claire et puissante, des breaks où la flûte prend sa place, de longues parties instrumentales flirtant avec le néo-prog symphonique, le prog métal mélancolique, sur Rush, Dream Theater et breaks floydiens. Air innovant mêlant psyché par instants, vignettes heavy passant des 70’s au nouveau millénaire. Un double album, comme au bon vieux temps, décliné dans tous les formats. Bref, plongeons-nous dans ce 6e album.
10 morceaux dont la majorité avoisine les 7 minutes et 3 de 9, 12 et 17 minutes avec leur propre singularité et émotivité; intimistes avec la voix chaleureuse d’Alex, la splendeur des soli de Jaakko et la base rythmique de Ville, Janne et Jere pour ses ambiances feutrées 70's; des airs mêlant admirablement le vintage prog metal au néo-rock prog atmosphérique et symphonique typique de ce groupe qui s’est démarqué avec une simple flûte pour lancer des rêves oniriques; un album à écouter posément, ardemment, dans lequel je ne trouve pas de déchets malgré la longueur et où il ne faut surtout pas s’arrêter au titre posté sur YouTube ou Bandcamp qui ne reflète pas l’ambiance.
Overhead sort donc une baffe musicale. Un son propre à eux, par la voix singulière et la flûte, des parties instrumentales avec claviers et soli de guitare; un album où la progression se fait au fur et à mesure, dès l’intro, sur des breaks, sur l’atmosphère en général, sur des riffs groovy, sur une rythmique qui accroche immédiatement. Un son qui se démarque, évolue, n’hésite pas à jongler avec des ambiances différentes, lorgnant sur de l’ancien mais montrant une tessiture récente pour les rythmes engendrés. Textes sur cette inévitable pandémie qui n’en finit pas, musique… qui n’en finit pas de me bouleverser au fil de mes agréables nombreuses écoutes. Ça commence bien 2023!
Brutus
https://overheadband.bandcamp.com/album/telepathic-minds
https://youtu.be/qeiuXPCHb5M
04/03/2023 : Aethellis - The Affinity Oeuvre
Aethellis
The Affinity Oeuvre
jazz-rock – 50:00 – États-Unis ‘22
L’album s’ouvre avec «Anandia» et tout de suite j’ai su que ce serait du lourd! Le toucher, le son, la mélodie au piano. Je me retrouve au concert de Keith Jarret à Cologne durant près de 45 secondes… Puis arrivent les autres instruments (principalement des claviers)… Je me dis: «Bon, on laisse tomber Keith… Peut-être un petit Dave Grusin!»… Puis finalement les accords de guitare à partir de 8:10 me font renoncer à poursuivre. Le deuxième titre, «Affinifunk», passe mieux, très big band avec une guitare sympathique. On reste sur le même registre avec le titre suivant («Pathdancer») avec une magnifique voix féminine, avant de sombrer dans une pop mièvre qui porte bien son nom («Dreams On Pause») et un brin égocentrée («Do Like I Do - Let Me Be Me»). L’intro de «Chicago News» fait penser à Carla Bley (Ah, son «live» de 1982…) et sera, sans doute, mon titre préféré de l’album.
Le chant masculin, bien que juste, n’a rien d’exceptionnel et ne vous transportera pas forcément; il pourra paraître assez énervant de par son coté nasillard. L’accent porté sur les claviers et la batterie rendent les autres instruments moins audibles. Enfin, l’usage parfois excessif de sons synthétiques («Another Car») gâche un peu la musique en la surchargeant souvent inutilement. Par ailleurs, le style se pose plus jazzy que progressif. Dans une chronique de jazz, j’aurais été plus généreux et accueillant, soulignant les quelques apports progressifs.
Ellsworth Hall est sans conteste un remarquable pianiste (relisez les premières lignes de la chronique) et peut-être aurais-je pu trouver mon bonheur dans un de ses trois premiers albums si je les avais écoutés. Présentement, ce sont les titres instrumentaux qui sont les plus réussis et notre artiste gagnerait à ne s’exprimer qu’au travers de cet instrument, sans chanter…
Au final, un album juste correct mais pas indispensable et d’autant moins si vous voulez écouter du rock progressif. Si vous voulez du funk ou du jazz-rock en big band, allez plutôt du coté des susnommés.
Publius Gallia
https://aethellis.bandcamp.com/
05/03/2023 : Sequentia Legenda - The 432 Hz Berlin School Box - A Heart to Heart Sharing
Sequentia Legenda
The 432 Hz Berlin School Box - A Heart to Heart Sharing
Berlin School – 2 CD – 123:11 – France ‘22
Sous cette formule se cache une création magique propice à l’élévation des sens et à l’introspection, comme le dit lui-même Laurent, une fréquence chaude et naturelle, copiée sur le dialogue avec l’Éther, le Cosmos, le micro et le macrocosme. Un partage d’harmonie céleste et de communion avec le Moi profond. Nicolas Picciotto apporte sa collaboration pour le remix et le remaster de deux de ses compositions. Nous flirtons une fois encore avec l’univers du grand Klaus Schulze. C’est dire si cette Berliner Schule est étincelante. Et d’emblée «The Return» nous invite à un voyage de plus de 49 minutes, le morceau le plus long de la discographie de Laurent. Il est ici réorchestré et complété par l’émulation du Korg PS-3300. Un long trip envoûtant et hypnotique qui fait décoller l’auditeur et l’aspire vers les contrées inexplorées du cosmos. Ici, comme pour la suite, tout est aligné sur la fréquence magique de 432 hertz. Nicolas Picciotto entre en scène pour «Around the Second Moon» et crée une atmosphère akashique dans le remix de cette plage qui figurait sur l’excellent album «Ethereal» sorti en 2017. Un rythme obsédant glissant doucement vers des chœurs synthangéliques qui, tel un ascenseur spatial, nous spiralent vers les nébuleuses scintillantes de l’inaccessible. Long frisson épidermique. Félicité suprême, «Luminosa Veritas» est sans doute mon favori dans le présent opus. Il y plane comme un voile de mélancolie, un sublime parfum de multivers inviolé, évanescent, où scintille une iridescence angélique d’«aultre-monde». Pure caresse mélodique, dès la treizième minute on baigne dans la splendeur des étoiles et la Majesté des sphères. Logique quand on apprend du créateur de l’opus que cette composition est dédiée aux Êtres de Lumière. Nicolas Picciotto revient pour le deuxième remix ciselé pour cette «Elevation» qui se fait miroir de l’Absolu, enveloppant comme une chrysalide de poussières d’étoiles. Portés sur les voiles de l’intangible, on glisse doucement engourdis par le bruissement des dimensions spatio-temporelles enlacées. Version «revisitée», comme on dit, de celle tirée une fois encore d’«Ethereal», album définitivement incontournable de notre artiste. Et au final, cette déhiscence subtile d’un «Au Revoir» initialement dédié à la mémoire d’Edgar Froese mais cette fois recréé pour la maman de Laurent. C’est grâce à elle qu’il a découvert le grand Klaus et que l’envie de plonger dans l’univers de la Berliner Schule lui est venue pour notre plus grand bonheur. On retrouve ce phrasé et cette sonorité «Velvet Voyage» («Mirage») qui a fasciné notre compositeur et la magie de ces chœurs évoluant sur des séquenceurs pluriels dont je ne trahirai pas la subtile alchimie. Incontournable, définitivement.
Clavius Reticulus
https://sequentia-legenda.bandcamp.com/album/the-432-hz-berlin-school-box
06/03/2023 : Condor Gruppe - Gulliver
Condor Gruppe
Gulliver
rock psychédélique / soundtrack – 42:33 – Belgique ’22
Avant même d’aborder une nouvelle perception, nous sommes soumis à des influences, en fonction d’éléments d’information préalables, de circonstances de vie, de sensations ou d’émotions antérieures. Ainsi, quand je remarque que le deuxième album de Condor Gruppe rend hommage à Louis Thomas Hardin (on connaît mieux le compositeur américain sous le nom de Moondog – ou encore comme le Viking de la 6e Avenue), je me dis que ce collectif anversois ne peut pas être foncièrement odieux ou malintentionné (voilà pour l’a priori positif); je réagis avec moins d’enthousiasme quand je constate que «Gulliver», son quatrième disque, puise une partie de son esthétique dans la musique de films italiens des années ’70 – sans les images, Ennio Morricone ne me convainc que moyennement (voilà pour l’a priori négatif). Tout l’enjeu consiste alors à dépasser ces points de départ trop rapidement formés (et qui pourtant pèsent sur notre jugement), à s’imprégner des morceaux pour ce qu’ils sont (et ce qu’ils activent chez qui les écoute). Car, au fond, la musique elle-même fait surgir les images, comme «What Could Have Been» évoque les vagues de «One of These Days» de Pink Floyd – le groove en plus – autant que les sables secs de l’Ouest américain (en pratique, les westerns spaghettis se tournaient souvent en Espagne, non ?), tandis que d’autres, jouent du timbre du tanpura (une sorte de luth à manche long) ou des percussions du darbouka (un membranophone) pour transporter notre hypnose vers le (Moyen-)Orient ou l’Afrique Subsaharienne – quand il ne s’agit pas des sonorités si particulières du handpan (né en Suisse où on le nomme hang, il s’inspire du ghatam, sorte de pot à eau indien). Apprécier la musique de film est un plus quand on aborde Condor Gruppe, mais la condition n’est pas nécessaire.
Auguste
https://condorgruppe.bandcamp.com/album/gulliver
https://www.youtube.com/watch?v=5zz65Q4S8XQ
07/03/2023 : Kornmo - Vandring
Kornmo
Vandring
progressif symphonique nordique – 67:17 – Norvège ‘23
Profitant de la réédition chez Apollon Records de leur album de 2019, nous complétons par cette 3e chronique la discographie de Kornmo. Vous pouvez donc retrouver les autres albums dans nos chroniques Facebook de janvier et juillet 2022, ou sur notre site (http://www.progcensor.eu/).
C'est toujours instrumental, mais les titres des morceaux, qui semblent associer des pistes, expriment la tonalité générale du disque. De 1 à 3: Crépuscule, Rompre, Tristesse, de 8 à 10: Feu, Cendre, Phénix. C'est l'atmosphère générale de l'hiver nordique imaginé par le trio.
La piste d'intro de 3:14 (longueur parfaite et infinie) nous propose un investissement tout en douceur, arpège et «violon», d'une mélodie nostalgique. Puis la basse qui égraine et la batterie nous tirent de notre torpeur, pour finir ce titre en mouvement avec un très beau chorus de guitare. La mélodie se prolongeant sur la piste 2, confirme l'hypothèse du groupe 1 à 3, 15 min d'un premier florilège de sons '70!
«Nunatak» développe, au long de presque 13 min de Mellotron, de guitares saturées solifiantes, une mathématique bien plaisante, apte à transporter tout amateur de JS Bach; la basse ciselée présente tout au long de l'album participe à cette sensation.
Leur musique est clinique: propre mais parfois trop aseptisée pour moi, pourtant je suis prêt à m'envoler! À mi-chemin de «Taïga», par exemple, le tempo s'accélère, servant admirablement une belle mélodie, mais la langueur revient. En hiver, le jour en Norvège ne dure pas assez.
«Ild» propose le brasier tonique d'un Hammond, réjouissant avec quelques riffs de guitare assez Oldfield, ne laissant que des cendres («Aske») qui poursuit avec une pulsation ample et puissante. Les doux arpèges introductifs réveillent en douceur le «Føniks» pour nous emmener au son du violon, du Hammond ou d'une guitare acérée sur des harmonies que ne renierait pas Camel.
Cet album est une longue rêverie hivernale que je vous invite à partager, et j'attends avec impatience un quatrième opus en 2023!
Cicero 3.14
https://kornmo1.bandcamp.com/album/vandring
https://www.youtube.com/watch?v=B5xbODvqNu4
08/03/2023 : A Gardening Club Project - Mr October And The Moon Of Madness
A Gardening Club Project
Mr October And The Moon Of Madness
rock progressif – 40:38 – Canada ‘22
Né au Royaume-Uni, Martin Springett est un illustrateur qui avait produit des bandes dessinées pour le légendaire magazine «Heavy Metal» et conçu et illustré des pochettes de disques.
Emigré à Toronto, il s’est mis à la musique et a sorti son propre album éponyme sous le nom de «The Gardening Club». Mais c’était en 1983, pas le meilleur moment pour sortir un album de rock progressif.
En 2017, cet album a été remasterisé et réédité par Don Geppert, producteur et ingénieur de l'album, et en 2018 un deuxième album, « The Riddle» est sorti. Puis en 2020, c’est «Boy On A Bike». Moins de deux ans plus tard, voilà «Bridge Of Spirits» et enfin, dernière en date et nouvelle sortie, «Mr October And The Moon Of Madness».
On reconnaît immédiatement les graphismes de Martin qui accompagnent toujours les productions de chacun de ses albums, même si cette fois l’ensemble semble plus sombre.
Si je me fie à mes lectures, le style musical très particulier et très reconnaissable du groupe est toujours présent (prog d’inspiration anglaise) avec, comme cela avait déjà été le cas, quelques incursions du côté du flamenco. Et, le titre d’ouverture (« London Streets») en étant le plus flagrant exemple, Martin Springett a ajouté une bonne pincée de jazz-rock!
Avec les 9 titres de ce projet, Martin Springett et ses complices nous gratifient d’un album superbement réalisé et d’une grande poésie musicale. L’objet peut se prévaloir du statut de comédie musicale dans laquelle la musique, très expressive et théâtrale, traduit le jeu et le sentiment des acteurs.
De plus, les touches nettement jazzy ajoutées à la musique sont un pur régal. Il ne reste plus qu’à vous installer confortablement pour assister à la Première de «Mr October And The Moon Of Madness»!
Publius Gallia
https://thegardeningclub.bandcamp.com/album/mr-october-and-the-moon-of-madness
09/03/2023 : TNNE - Life 3.0
TNNE
Life 3.0
rock progressif / néo-progressif – 42:47 – Luxembourg ‘23
No Name fondé en 88, dissous pour se reformer sous TNNE en 2012; un son à la Marillion en plus symphonique. 25 ans et un 7e album sur un néo-prog classique inspiré de la fiction de Tad Williams «L’autre monde». Cédric, nouveau guitariste pour une approche soutenue avec envolées mélodiques emphatiques.
«The Net»: intro cinématique, aérienne, spatiale, avec l’explication fugace de l’intrigue par Roby Rinaldetti. «Dreaming Awake» part sur un rivage néo-prog métal; Patrick déroule son texte sur un mode contemplatif avec passages phrasés tandis que le son break aux claviers sur un air jazzy puis néo basse rythmant le pas. Ça monte rappelant les nombreux groupes néo-prog des '80 et '90; titre complexe avec un dernier tiers lourd, synthés gras et riff en avant, au final saccadé et hypnotique, symphonique et majestueux. «No Man’s Land»: intro sombre, pads à la Marillion et claviers entraînants, pop sur un Threshold doux, un Galahad, un peu de relent AOR avec riff nerveux et air guitare à la Saga; un solo flirtant Hassan d’Ange. «Behind The Mirror» ou comment penser à Mickael Jackson quelques instants! Le riff lourd groove sec; Cédric utilise sa guitare comme une arme musicale; un titre bien plus nerveux avec break cristallin; un rythme différent derrière ce foutu miroir. «Heavenly Visions»: rythmé, son futuriste, synth-pop moderne qui change; innovant et attrayant, limite dansant avec encore un riff juteux qui te fait dodeliner. «Harvest»: épilogue émouvant, court, où les notes suintent le spleen et font rêver tout simplement.
TNNE se démarque des sons prog néo-mélodiques qui se ressemblent; un groupe qui ose, après maints changements, sortir un son novateur entre néo, prog métal et soft prog, mélange musical barré, feu d’artifice progressif. TNNE peut rentrer dans le cercle fermé des groupes modernes s’affranchissant des réminiscences dinos; c’est un bien, après 25 ans d’existence.
Brutus
https://open.spotify.com/album/3qVG0E4dG1j1GCMmvq8lWL
https://www.youtube.com/watch?v=YNaf33pKmzc
10/03/2023 : Various Artists - REQUIEM: Klaus Schulze Tribute
Various Artists
REQUIEM: Klaus Schulze Tribute
Berlin School / soundscape / space ambient – 11:24:52 – International ‘22
Alors vous avez bien lu, plus de onze heures de musique pour un prix stupide de cinq US dollars! Cela dit, tout est loin d’être bon, il y a même du très mauvais et le but de cette chronique n’est pas d’analyser les plages une par une, ça prendrait des pages, mais bien de vous aiguiller vers les bonnes choses, voire les choses exceptionnellement bonnes, et aussi de vous signaler ce qui, à mon sens, est à fuir comme la peste. Il ne s’agit pas tout du long de Berliner Schule façon KS, on trouvera de l’ambient, du cosmique, quelques pincées de Vangelis et même de JM Jarre et du soundscape. Certaines plages sont cousines de la veine planante du Maître mâtinées d’accents Göttsching (Antiklimax), d’autres évoluent vers une musique des sphères aux colorations angéliques (Chuck Van Zijl) dans le style «Crystal Lake» ou encore «Timewind» et «Moondawn» (Computerchemist, dont le titre est en soi une signature: «Moonfloating» et Mindphaser avec son très timewindien «Neuro Phaser I»). On trouve aussi des compositions qui flirtent avec le Classique dans le genre Opéra avec chœurs et chants qui feront penser à Puccini pour qui connaît un peu la veine lyrique (Alberto Picciau et Ben I Sabbah) et, inévitable, des sonorités bien plus proches de Tangerine Dream (l’excellentissime et dramatique «First step without you» de Kellerking Berlin, indispensable!). Côté séquenceurs, l’immanquable Ian Boddy avec son «Boddy Love», amusant clin d’œil à l’album de Klaus par ce petit jeu de mots et Michael Brückner dont le titre «Berlin School boy» est très explicite. Dans la veine soundscape ambient façon Steve Roach, il y a «On the Value of Radio» de Scott Lawlor: 32 minutes, sidéral et, à mon sens, un soupçon trop longuet, «King Watzmann» de Imaginary Beings et puis l’un et l’autre morceaux qui louchent du côté «Irrlicht»: Fabio Keiner qui ne s’en cache même pas, vu qu’il reprend le même titre qui n’est, cela dit, qu’une pâle copie de celui de Klaus. Vous l’aurez compris, je le répète, il vous faudra opérer un solide tri parmi tout ça. Vu le prix idiot, vous achetez le tout et vous vous refaites tranquillement votre propre compile à la maison. Les gros cacas dont vous pouvez directement et franchement vous dispenser sont commis par Death Tape Superbass et DJ_Iterate (normal, un DJ c’est tout sauf un musicien); ensuite viennent les casse-bonbons qui, sans être des étrons, n’apportent rien du point de vue mélodique: Jack Hertz (qui m’a habitué à beaucoup mieux), Hagen von Bergen, Epoch Collapse). Bon, je sais que tout est une question de goûts personnels et c’est très subjectif comme toujours. Il est donc possible que certains d’entre vous ne seront pas d’accord avec mon approche. La cotation est ici bien difficile mais comme il y a fort heureusement plus de bon que de mauvais…
Clavius Reticulus
https://auralfilms1.bandcamp.com/album/requiem-klaus-schulze-tribute
11/03/2023 : Planck Epoch - Deathworld
Planck Epoch
Deathworld
post-metal / metal progressif – 39:16 – Ukraine ‘22
Voici des bonnes nouvelles de l'Ukraine: un quintet instrumental post-metal qui a entrepris son temps pour nous proposer son premier long en 2022, «Deathworld», après «Ocean», un single en 2011, et «The Flow», un EP en 2013. Le titre de l’album est évocateur, il nous plonge dans la réalité politique et humaine de l’actualité. D’après la pochette, de sales moments sont à prévoir. À l'horizon, on voit arriver une explosion qui va bientôt emporter la grande cité! En toile de fond de cette razzia, six instrumentaux nous attendent imparablement. L’album est une brûlot d’intensité créatrice obnubilé par sa cause. Nos jeunes flibustiers ont, avant tout grattage et autre tambourinage, un message authentique à nous faire passer: «leur espoir de reconstruction». À l’écoute, on ressent le passage des sons à travers tous les points cruciaux de notre âme, tant l’investissement des musiciens est sans calcul et sans retenue! Et alors? Tout est dans le style? Un peu mon n’veu! Deathworld est une histoire de metal subtile. Dès l’ouverture, Maksym Konohorov et Pavlo Prodanets vont imposer leurs grades au sein de l’équipe. À grands touchers de guitares électriques, les patrons s'entremêlent merveilleusement entre électro-tensions, chaleurs et efficacité, et ce, particulièrement sur les trois premiers morceaux, lesquels se suivent avec une cadence algébrique: «Explore», «Struggle» et «Accept». À mid-time, en face B, il faut compter sur l’introduction du piano de Konohorov. Un petit coup d’œil sur le cahier des charges, nous allons traverser les gammes du renouveau et du développement personnel. Du coup, rien de tel qu’un peu de douceur avec quelques breaks hard par chez eux, sur «Revive» et «Hope»... Le train passé, j’ai repris les chemins des douleurs libératrices gravées sur la partition d’«Accept». À ce stade, nous sommes à l’apogée des sensations, au sommet de l’Hoverla, juste avant la descente! Le fleuron de cet opus est condensé dans ces 6 min 50 sec de brutalité, de combat et de résistance jusqu’à l’abandon résigné. La suite est un recyclage brillant de cette apothéose. À l’autopsie, la production du disque a tous les artifices de l’assurance; on ressent un travail léché/calibré transpercé par un cri d’urgence… Le combo renvoie de fiers échos à ses confrères confirmés tels que Russian Circles, Pelican ou encore Isis. Ici-bas, on a simplement envie de leur dire: aux instruments, citoyens! Vous avez un boulevard!!! Arpentez-le (peut-être à un rythme plus soutenu, si je peux me permettre un souhait)!
Kaillus Gracchus
https://planckepoch.bandcamp.com/album/deathworld
https://youtu.be/Vg6kT6cyNiw
12/03/2023 : Dongyang Gozupa - Kyul
Dongyang Gozupa (동양고주파)
Kyul
rock progressif – 46:17 – Corée du Sud ‘22
Un trio avec Jang Do Hyuk (percus), Yum Eun Hwa (dulcimer coréen) et Ham Min Hwi (basse).
Bon, «Kyul» veut dire «bel esprit honnête». 3 albums en comptant Creature en mars 2020 et Arcade en août 2021.
Tout d‘abord, cette chronique n'a pas été facile à réaliser car je n'ai pas vraiment accroché. Beaucoup de moments ennuyeux pour moi et rien de vraiment fascinant. «O che gil gus» est un morceau inaugural, accrocheur cela dit. Sombre, plein d'énergie et beaucoup de changements de rythme. Très jazz rock et beaucoup de musicalité. Mais tout n'a pas été rose et ce n'est pas anodin car normalement j'aime beaucoup les groupes fusionnels utilisant des instruments traditionnels. Le «Critical point» n'est pas pour autant atteint car il y a des moments agréables dans cette piste. Dead Can Dance sans les voix. Mais je n'ai jamais senti l'urgence à réécouter l'album. Un début à la «Adjust Me» d'Hawkwind pour «Haze», morceau assez cosmique me rappelant par moments Igra Staklenih Perli, en plus ethnique (pas de claviers mais une ambiance similaire; comme quoi tout n'est pas à jeter, loin s'en faut). In fine, ce n'est pas un manque de qualités mais plutôt un ennui un peu trop présent en l'écoutant. Mais je n'ai pas pris de «Cycle» pour m'évader. Le dulcimer coréen sonne bien, je prends malgré tout du plaisir et c'est un morceau assez trippant. Et musclé, fusion également. Soyons clairs: Kirt Rust de Weidorje me parle plus que ce «Rust» qui me fait dire que ce disque est assez monotone au final. Et pas de «Fever» non plus avec ce titre. J‘ai du mal à cacher quand je n‘aime pas. Bien trop répétitif et je n'ai pas été embarqué. Il me tarde de revenir à du bon space rock ou du prog symphonique. Mais, comme souvent, je serai indulgent, car l’instrumentation est originale et les musiciens solides.
Fatalis Imperator
https://dongyanggozupa.bandcamp.com/album/kyul
https://www.youtube.com/watch?v=1Te56sEkhk8
13/03/2023 : LVTVM - Irrational Numbers
LVTVM
Irrational Numbers
post-rock – 26:33 – Italie ‘22
Les Italiens de LVTVM nous «envoient du bois» tout au long de cet EP. Mais avant d’aller plus loin dans cette chronique, je vous invite à lire ailleurs sur cette page l’interview très instructive que LVTVM a bien voulu nous accorder.
Voilà, c’est lu? Alors, nous pouvons continuer. Personnellement, je qualifierais leur musique de post-rock progressif car leur univers va bien au-delà des styles prédéfinis. Notons néanmoins que le son global est dû à l’absence de guitare, remplacée avantageusement par deux basses (oui, vous avez bien compris: deux basses).
Une grande ouverture d’esprit est nécessaire (je dirais même indispensable) pour bien appréhender la musique de nos amis transalpins, mais une fois dedans, vous n’en décollerez plus.
Tibère
https://lvtvm.bandcamp.com/album/irrational-numbers
https://www.youtube.com/watch?v=c_VAPwMGe6c
14/03/2023 : Ologram - La nebbia
Ologram
La nebbia
rock progressif italien – 41:46 – Italie ‘22
Ologram est un projet de Dario Gianni, compositeur et bassiste (Ydra, Anèma). Entouré de membres de sa famille, sicilienne comme lui, Roberto (claviers) et Lorenzo (guitare et textes), complétés par Fabio Speranza au chant et Giovanni Spadaro aux fûts.
Des pas dans une flaque, une fuite, au milieu des vagues d'un port, l'intro, vaguement, orientalisante, ne fait pas marée, le climat est lourd, le bourdon de grave soutient la tension, le violon solifie et des percussions tribales inquiètent, la corne de brume nous annonce le départ, dans le brouillard (la nebbia).
Inspiré du film «The Fog» de John Carpenter, ce concept album évoque le parcours d'un homme à la recherche du sens de sa vie, au milieu du brouillard.
2de piste, "La Nebbia" permet d'apprécier l'arrivée du chant convaincant et habité; la fin sonne Genesis, arpèges et claviers, façon «Entangled». «Vetro di Rame» pousse le curseur vers une chanson mi-slow de l'été mi-crescendo dans un va-et-vient d'irrésolution, qui ne trouve pas d'issue, se poursuivant sur un majestueux tempo. «Mediterraneo» fait encore la balance entre riffs rock et texte slow, sans trouver l'équilibre; le tout reste en suspend malgré le doux solo de guitare médian. «Strane voci», avec ses nappes de synthés en intro, fournit une seconde chanson, tout aussi réussie, oscillant entre rock et slow, la seconde partie proposant une belle opposition entre un hard rock et une guitare solo aux attaques longues (Hackett!). «Stranerio», plus chanson encore, avec au chant Cristiano Sipione, dont le timbre plus alto et les accords de guitare sèche font merveille pour nous sortir de cette tension perpétuelle. Cristiano s'éloigne de la chanson pour «Una rota verso est» d'une construction plus fine; c'est pour moi le meilleur morceau de l'album. La corne de brume annonce le retour au port, le voyage qui se termine, «Il ritorno», au début nous laisse croire à un apaisement, mais la tension remonte en fin; les questions existentielles réapparaissent-elles?
Plongez-vous dans le brouillard!
Cicero 3.14
https://ologram.bandcamp.com/album/la-nebbia
15/03/2023 : Aamunkoite - Aamunkoite
Aamunkoite
Aamunkoite
rock progressif – 34:33 – Finlande ‘22
Aamunkoite (qui doit pouvoir se traduire par «l’aube») est un groupe de rock progressif finlandais jouant des chansons écrites et donc chantées en finnois. Le groupe a été initié, en 2020, par le claviériste et auteur-compositeur principal Tomi Korpela. Les autres membres du groupe sont la bassiste et chanteuse Pia Korpela, le guitariste et chanteur Jukka Suominen et le batteur Juha Hamalainen.
Les musiciens très expérimentés sont d'ailleurs tous membres actuels ou passés du groupe de reprise «The Innocents Victims» (Uriah Heep).
Il est d’ailleurs évident que des groupes de rock comme Uriah Heep et Deep Purple ont eu une influence sur le son du groupe, lequel propose, en effet, un rock progressif assez traditionnel, souvent orienté vers le rock lourd et utilisant largement l'orgue Hammond et d'autres claviers.
Néanmoins, vous pourrez trouver des relents classiques des années 70 rappelant Focus, Camel ou Kansas. Mais Tomi a également un amour profond pour les joyaux progressifs un peu plus rares, et les groupes comme Museo Rosenbach et Solaris ont sûrement inspiré les compositions, sans oublier de mentionner, comme le précise le groupe, les grands noms finlandais populaires comme Tabula Rasa, Fantasia et Wigwam.
C’est un premier album (éponyme) composé de quatre titres totalisant environ 35 minutes de musique.
La musique est assez simple, efficace et mélodique sans changements d'accords et de signatures rythmiques très excentriques. Les chansons de ce premier album varient beaucoup. Le premier morceau, «Lasinen laulu», est un blues shuffle terre à terre, suivi de l'ambiance très sentimentale de l'épopée de 10 minutes, «Varjot». Si vous n’aviez le temps d’écouter qu’un seul titre, ce serait «Turhaan», une longue composition ayant des phases psychédéliques dans un contexte de rêve, assurément la partie la plus clairement artistique de l'album avec un poème du poète national finlandais Eino Leino.
Publius Gallia
https://aamunkoite.bandcamp.com/album/aamunkoite
https://www.youtube.com/watch?v=_KBg4AJfvsQ
16/03/2023 : Ars de Er - L'adieu au Monde
Ars de Er
L'adieu au Monde
rock progressif / expérimental – 31:42 – Biélorussie ’22
Le nouvel album d’Arseny Ershov, multi-instrumentiste à l’œuvre sous le nom d’Ars de Er (il vit à Minsk, capitale de la Biélorussie), fait d’un seul morceau, instrumental quoiqu’au titre francophile, empli de notes et d’ambition, coule mieux dans mon oreille que le «Symbole» découvert il y a deux ans: l’éclectisme reste de mise, de même que la variété des sources et des emprunts (ce final très seventies – qui répond en écho à l’intro) mais le ton évolue et Ershov étaye son univers, l’enrichit de sonorités plus novatrices, peut-être plus matures (le premier mouvement – très réussi – à mi-chemin entre des dissonances contemporaines et un arrangement à la Ron Geesin, période «Atom Heart Mother», sans parler de courtes interventions free). Reste qu’il faut avoir un peu de souffle pour se lancer dans cette immersion d’une bonne demi-heure – mais ça vaut les palmes et le tuba.
Auguste
https://ars-de-er.bandcamp.com/album/ladieu-au-monde
https://www.youtube.com/watch?v=mMP20bbjpik
17/03/2023 : The Aaron Clift Experiment - The Age of Misinformation
The Aaron Clift Experiment
The Age of Misinformation
variegated rock – 46:41 – États-Unis ‘23
Soit mon rédac-chef me donne ce dont personne ne veut faire la chronique (ce qui est inconcevable), soit j’assiste à une évolution de la production musicale des groupes se revendiquant du registre du rock progressif. Évolution à laquelle, vieux rétrograde que je suis, je ne suis pas préparé, ni sensible. J’ai l’impression de vivre l’équivalent, réduit et dénaturé, de ce qu’on appelle «une performance» en arts plastiques. Une œuvre qui ressort plus d’une (vaine) recherche d’originalité en appuyant sur les ressorts de la surprise, du choc, de l’interdisciplinarité, au dépends de l’aspect artistique, sensoriel, émotionnel de la démarche.
Créé en 2012, The Aaron Clift Experiment sort son quatrième album studio. Celui-ci s’intitule «The Age Of Misinformation»; le groupe se propose d’y faire une musique plus complexe, plus mélodique et plus diversifiée que tout ce qui avait été fait auparavant (sic). Et de conclure: «Eh, tu sais quoi? Nous avons réussi!»
Les huit titres de l’album-concept se donnent pour mission de refléter les événements de notre monde actuel, allant de la frustration face à l’état fou de la politique, sans oublier un certain optimisme (bel exemple d’antithèse!). C’est encore un effet collatéral de la crise Covid et des réflexions qu’elle a engendrées.
Aaron Clift explique: «Pendant le confinement Covid de 2020-2021, mes amis, mes collègues et mon pays ont traversé une période incroyablement difficile, et je savais que je devais en dire quelque chose.»
Il ajoute: «Le nouvel album contient tout, des chansons hard rock aux ballades magnifiques, en passant par les épopées qui feraient rougir Queen! Deux de nos chansons explorent la musique symphonique avec un quatuor à cordes invité. Nous avons même un morceau épique de fusion jazz blues pour big band avec une section de cuivres de 7 musiciens et plusieurs solistes!».
Vous pourrez commander l'album à partir du 01/06/23…
Publius Gallia
https://theaaroncliftexperiment.bandcamp.com/album/the-age-of-misinformation
18/03/2023 : Andy Pickford - Replicant (Collectors Edition)
Andy Pickford
Replicant (Collectors Edition)
electro prog / chillout / rock immersif – 153:14 + 157:65 – Royaume-Uni ‘22
Depuis 1993, date de son premier travail sur le sujet, appelé alors «Psyborg Project», Andy explore l’univers de Philip K. Dick et son excellent «Do Androids dream of Electric Sheep?», plus connu sous le nom «Blade Runner». Tant Klaus Schulze était accroc à la saga de «Dune» du grand Herbert pour y avoir consacré plusieurs albums dont le dernier «Deus Arrakis», tant Picko retravaille son premier jet au fil des années. En 2012, il nous en offre une version «extended» sous le nom «Replicant» et en 2013, ce même album se voit complété par un extraordinaire bonus de plus de 21 minutes sous le nom «The Gate and the Way» qui fait bien sûr aussi partie de cette nouvelle mouture. Une plage de rêve qui glisse comme une caresse d’harmonies subtiles mâtinée de touches séquentielles et rythmiques. Et si vous voyez bien dans la ligne informative ci-dessus, il nous comble cette fois avec plus de 150 minutes bourrées de versions revisitées et de bonus, le tout en 24 bits, auxquelles s’ajoutent près de 158 minutes regroupant trois plages en 16 bits qui mettent bout à bout les différentes composantes de l’album. Il a pensé aux fans qui voudraient graver la chose en trois volets. Où va-t-il s’arrêter? Il lui reste à nous concocter une version en multicanal 5.1. Sa musique reste riche en harmonies qui flirtent le plus souvent avec un progrock flamboyant tout en restant d’une apparente simplicité mélodique. Les claviers sont bien sûr omniprésents, la rythmique diablement efficace et le «chant» du synthé se marient de façon étincelante. Les partitions se voient souvent greffées d’extraits de dialogues du film («I like you», «Just the way you are» et la phrase emblématique «If only you could see what I’ve seen with your eyes»: qui a vu le film repart vers la Porte de Tannhäuser ou la nébuleuse d’Orion). Un travail de Titan qui frôle la perfection. Les plages originales alternent avec les «revisites» enrichies, retravaillées, remixées et des bonus merveilleux («Zweifarbig bomber pt 1. - Early mix», «Adios Amigo - Live at Derby Guildhall», e.a.). Coller une étiquette sur ce gigantesque opus est une gageure! Depuis le début, Andy compose une musique aux frontières de l’électro, du rock, du chillout et tout simplement du progressif aux relents symphoniques, comme pour le prodigieux «Sayonara» qui m’émeut à chaque écoute. Une mélodie simple, prenante, qui étreint l’âme et fait monter des larmes. Pareil pour le morceau éponyme «Replicant», sublissime et débordant d’émotion forte. Et encore ces chansons au romantisme qui évoque tant soit peu DBA ou Procol Harum, selon ses dires («Brand New Day»). C’est toute la magie de la musique de Picko que je suis depuis de nombreuses années et qui n’a pas fini de me surprendre.
Clavius Reticulus
https://andypickford1.bandcamp.com/album/replicant-collectors-edition
19/03/2023 : Greco Bastián - With a little hell from my friends
Greco Bastián
With a little hell from my friends
zeuhl – 56:56 – Mexique ’22
Outre l’évident jeu avec les mots du titre, en référence à la chanson signée Lennon/McCartney (à celle des Beatles, j’ai toujours préféré la version poignante et enragée de Joe Cocker), la façon dont Greco Bastián, depuis Acapulco (au Mexique), se présente à nous («je suis juste un homme perdu dans la musique») dénote un sens de l’humour mêlé à une humilité rare. Il revendique tout de même, sinon la capacité à jouer d’un instrument, du moins la connaissance de la façon dont il peut être manié pour en sortir des sons dans un enchaînement, disons, peu habituel. «Je compose des mélodies et quelques amis chers m'aident à les faire sonner comme il se doit...» – il se réserve les tripatouillages en VST (technologie de studio virtuel) de la phase finale –, et des amis, il en a quelques-uns, dans son pays bien sûr, mais aussi disséminés au Japon, aux États-Unis ou en Europe, parmi lesquels on retrouve des compatriotes comme Jean-Luc Plouvier (il a joué avec Univers Zero, Maximalist! ou Daniel Schell, mais a aussi fondé l’ensemble de musique contemporaine Ictus), Pierre Vervloesem (le touche-à-tout de la scène Zappa-tiste belge) ou Vincent Sicot-Vantalon (Unit Wail, Scherzoo). Les neuf morceaux de Bastián (cinq bonus accompagnent l’édition Bandcamp) sont touffus et entortillés, excités comme des armées affamées de puces, vigoureux et embrouillés – réjouissants tout autant que réservés à ces curieux au nez fouineur, véritables tapirs de la musique.
Auguste
https://grecobastian.bandcamp.com/album/with-a-little-hell-from-my-friends
https://www.youtube.com/watch?v=Ws57K9yaA7I
20/03/2023 : Alessio Trapella - La ricerca dell'imperfezione
Alessio Trapella
La ricerca dell'imperfezione
rock progressif italien jazzy / variété – 50:52 – Italie ‘22
Le titre n'est pas très vendeur, surtout si l'auteur parvient à ses fins! Rassurons-nous, Alessio Trapella n'est pas un inconnu dans le prog; compagnon de route d'Aldo Tagliapetra après son départ de Le Orme, il a aussi participé à l'un des nombreux avatars de New Trolls (UT New Trolls) et a œuvré comme bassiste et chanteur de Le Orme de 2017 à 2021. Voilà qui serait donc plutôt gage de qualité. Alors ne serait-ce pas plutôt la volonté de gommer toute imperfection, le but de cette recherche?
L'écoute confirme cette hypothèse. Les 10 morceaux, de 4 à 6 min, sont léchés, dans la mouvance typiquement italienne du RPI où la variété, de qualité, n'est jamais très loin, tel «Sonota 461», après une intro convaincante dont le crescendo s'arrête avec l'arrivée du chant, sur fond de Rhodes. Un break de basse re-brasse le tout pour une envolée, mesurée, de synthé sautillant. Frais!
«Freeda», belle chanson linéaire (couplets refrains pont), permet d'apprécier encore la voix d'Alessio.
«Al fratello mai nato»: là où des chants en canon se muent en un riff hard!
«Bando»: intro martiale et médiévale, puis la chanson vient plus classique, tantôt enjolivée d'arpèges aériens, tantôt d'un Hammond nerveux.
«Euridice a Milano»: où plane le plus l'ombre de... Le Orme!
«L'uomo col cuore in mano»: le petit riff acoustique développe, avec le soutien aérien du synthé, une piste sensible, tout en retenue, jusqu'à l'éclairage choral final très efficace.
«Ti cat tachi...» est une sorte de scat italien, qui flirte avec le tâla indien, avec des poussées de moog déjanté et qui se fait hispanique pour un solo de guitare que l'on verra bien rythmé par les talons d'un hidalgo. Ébouriffant!
L'ultime «Regredendo» termine l'album avec une intro classique cello et guitare classique, puis virerait à la chanson, s'il n'y avait ces belles ruptures vocales éraillées.
C'est un premier album et, vous l'avez compris, cela part parfois dans toutes les sens, mais c'est un joli patchwork, plein de qualités, cherchez l'imperfection!
Cicero 3.14
https://open.spotify.com/album/2NLt9BXHjyOiJd2LOdiUsw
https://www.youtube.com/watch?v=j1s4Qsy5NYk
21/03/2023 : Milkbone - Milkbone
Milkbone
Milkbone
rock progressif – 49:23 – Angleterre ’22
L’idée maîtresse du trio anglais (Phil Scragg aux claviers, basse et guitare, Matt Berry aux claviers et guitare et James Sedge à la batterie) est de croiser, dans une série de compositions instrumentales (sauf une, où chante Cecilia Fage) actuelles, trois axes musicaux (référencés années ‘70) : le progressif de l’ère Canterbury, l’électronique européenne et la période électrique de Miles Davis, le tout en jouant sur la coexistence entre la précision des séquenceurs et l’imperfection de la section rythmique humaine (et le contraste électronique/acoustique en ce qui concerner la batterie) – ce qui devrait éviter cette désagréable sensation que l’on éprouve parfois devant une production si lisse qu’elle lasse. Et l’intention se traduit dans des compositions plutôt agréables – «Canterbury» s’envole gentiment, le gimmick au piano d’«Automatic Foot» me fait silencieusement penser à celui de «Nineteen Hundred And Eighty-Five» de Paul McCartney & Wings de 1973, la chanson titulaire chaloupe chaleureusement et «Velvet Black», doux comme un pan de… velours, porte bien son nom –, mais où, au fond comme en surface, pas grand-chose ne dépasse ni ne surprend vraiment.
Auguste
https://milkbonemusic.bandcamp.com/album/milkbone
https://www.youtube.com/watch?v=OdeILt8MV1U