Novembre 2019

01/11/2019

Monkey3
Sphere
stoner psychédélique – 52’11 – Suisse ‘19
Voici déjà l’heure de la sixième offrande pour nos horlogers suisses. En 18 ans d’existence, vous me rétorquerez qu’il ne s’agit pas d’une production pléthorique, mais leur travail d’orfèvre exige précision, patience et dextérité. Entièrement instrumental, «Sphere» fait montre d’une musicalité exemplaire. Tout à la gloire de nos Helvètes préférés. Dès la mise en bouche avec «Spirals», le ton est donné par une intro lente, suivie, progressivement, d’un crescendo réjouissant.
Rappelons que le groupe monkey3 s’est constitué à Lausanne en 2001 et comprend Walter à la batterie, Kevin à la basse, Boris à la guitare et dB aux claviers.
Sur «Axis», les grattes de Boris font mouche et la fin du titre se fait encore plus planante avec des effets de voix féminines enchanteurs. Ambiance carrément spatiale pour «Prism» avant de revenir sur des rythmiques plus «terriennes» et quasiment telluriques!
Notons également la participation, sur «Mass», de Ronald Thal (Son of Apollo), alias Bumblefoot, pour un solo d’enfer!
Terminons avec la plage le plus longue de cet opus, «Ellipsis» qui, du haut de ses 14 minutes, nous permet de profiter une dernière fois de ces changements de rythme et d’ambiance dont nos compères sont si friands en ce compris une outro des plus apaisantes.
Une bien belle galette en vérité que je vous invite à découvrir via les liens ci-dessous!
Tibère
3/5

https://monkey-3.bandcamp.com/

https://www.youtube.com/watch?v=wmGAlC7htJo&fbclid=IwAR0o1d97xH3g9PO8ASGw3CSl1xmU8bAN8Ozo2GSozCdBz62zITcWRJw_C2Y

02/11/2019

Opeth
In Cauda Venenum
metal-progressif – 67’44 – Suède ‘19
On est loin des premières heures du groupe et du royaume death metal où ils œuvraient. Pour leur treizième album studio, peaufinant leur nouvelle orientation, nos Suédois nous offrent à nouveau un metal progressif haut en couleurs. Des sonorités qui évoquent Pain of Salvation, Dream Theater ou Magellan, tout en s’en démarquant sous pas mal d’aspects. Le côté metal, c’est une évidence, est fortement tempéré par des arrangements orchestraux de la plus belle eau. Oublié aussi le death growl: la voix de Mikael Akerfeldt, chanteur et guitariste depuis la fin des années 80, est libérée des affres de l’Enfer. Tout s’écoule au gré des partitions entre calme et tempête, à la frontière de l’énergie et du rêve. Arpèges de guitare acoustique et piano en perles de notes viennent calmer des changements de rythmes parfois survitaminés qui se colorent d’envolées quasi symphoniques. Avec cet album, Opeth ouvre grand les portes aux compositions élaborées étoilées de samplers vocaux et de bruitages d’ambiance judicieusement placés. Il se rapproche en cela beaucoup plus de l’excellent «Pale Communion» sorti en 2014 que du précédent «Sorceress» de 2016, un peu plus «carré». Orchestration léchée, production soignée, cet album témoigne d’une extraordinaire maturité dans une orientation qu’Opeth n’a eu de cesse de développer avec à chaque fois plus de maestria. Retrouvez ici cette incomparable créativité dans «Lovelorn Crime» et «All Things will pass», ce ne sont que deux exemples… d’une beauté à couper le souffle. Incontournable!
Clavius Reticulus
5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=Op4gdAyoO5M&fbclid=IwAR0hR_L9jkieQ9tI6X6iTJzCmJIh8BWSV6-TdX558WA6D2FIY7suELkTiUE

03/11/2019

Richard Henshall
The Cocoon
métal progressif – 47’38 – Angleterre ‘19
Richard Henshall est un boulimique de travail. Non seulement il fait partie de grands groupes de métal prog comme To-Mera ou encore l’incontournable Haken, mais en plus il se lance dans une carrière solo. C’est ce premier album «The Cocoon» qui nous intéresse présentement. Pour cet opus, il s’entoure de Matt Lynch, le batteur du très bon groupe Cynic, et de Conner Green, son compagnon de jeu dans Haken, à la basse. Il y a beaucoup d’autres guests, notamment Ross Jennings au chant et Jordan Rudess, claviériste de Dream Theater. On reconnaît directement l’influence de Meshuggah dans le son de la basse, mais elle n’est pas aussi omniprésente. Il y a quand même une base «électronique» à laquelle s'ajoute de temps à autre un côté jazzy entrecoupé de bonne guitare métal comme dans la chanson éponyme «Cocoon». Sur ce titre, Richard Henshall varie aussi son chant en passant du chant clair au mix électronique qui donne l’impression d’avoir un instrument supplémentaire comme un son de synthé. Chose peut-être inattendue dans «Lunar Room», il y insère une partie de chanson «rappée», ce qui est assez rare pour être souligné, du rap avec du synthé!!! On aime ou pas mais il faut avoir l’idée. Pour moi le plus beau titre est «Twisted Shadows» de plus de 8 minutes. On arrive en plein milieu d’une bataille de clavier de Mr. Jordan Rudess entouré d’une bonne rythmique métal prog musclée, et d’un coup nous voilà descendus dans un bar de jazz à l’ancienne; ça sent le swing, le groove, et on n’a pas le temps de s’y installer qu'on repart dans les ténèbres métalliques. Il faut l’avouer, c’est la composition qui sonne le plus comme Haken. C’est sans doute pour cela qu'inconsciemment elle a ma préférence. En résumé, ce «Cocoon» est un bon album, qui ravira les fans d’Haken mais pas que. Les personnes que vous êtes, avec l’esprit ouvert à d’autres influences, passeront sûrement un bon moment. Pour le deuxième album, un plus grand écart avec Haken serait sans doute un bon challenge.
Vespasien
3/5

https://richardhenshall.bandcamp.com/album/the-cocoon

https://www.youtube.com/watch?v=2kSMywY_zgg&fbclid=IwAR1qM2QaB8CP7KCBLv6ZMp6hoK21ODmXsVJ_7rGxcUJRMf9yCGi5qDw_1M0

04/11/2019

Helium Station
Flesh and Bone
rock/prog/pop/jazzy – 40’41 – France ‘19
Après deux ans de travail acharné, Fabrice Lacourt sort son premier album «Flesh and Bone», issu de son projet Helium Station.
Un album difficilement identifiable car, en rassemblant des styles épars, le musicien a laissé libre cours à ses influences pour constituer une musique hybride faite de rock progressif, de rock, de pop et de touches funky et jazzy. Une démarche qui pourrait se rattacher à celle de ses compatriotes d’Orion 2.0 qui fit l’objet d’une publication sur cette page il n’y a pas très longtemps. La différence étant qu’Helium Station s’est doté d’un son plus rond et d’un groove plus prononcé. La voix de Marjorie Alias, féminine, chaude et grave, apporte de la consistance et même une certaine forme de mélancolie. La guitare de Fabrice Lacourt (multi-instrumentiste de son état: guitare, basse, claviers) est, elle aussi, groovy, mais ajoutons que le musicien a un toucher impressionnant, notamment sur «Sickness to Insanity», le premier titre, ou sur le technique «Opportunity» avec son ouverture country/soul/prog/jazzy étonnante.
Alternance de moments techniques, légèrement prog dans leur construction mais où l’aspect mélodique (le chant) assoit, canalise la musique. Un bel équilibre auquel «Waterfall» ne déroge pas grâce à ses arpèges délicats, son joli refrain et son final très prog (un des grands moments de l’album).
Avec «Bridges of Love» et son groove funky, nous empruntons le premier carrefour de l’album. Celui qui va nous faire perdre en chemin les férus du prog de chez prog. C’est marrant, ce titre me rappelle l’époque du KC and the Sunshine Band et son «Get Down Tonight». Chouette, ça swingue, c’est sympa. La suite avec l’intro country de «Three Hearts Forever» est également décapante; les progueux passent un tour supplémentaire. On monte le volume pour «Flesh and Bone» et son côté pop-bluesy et puis jazzy-prog. C’est comme la Route 66 empruntée par Steve Hackett quand il se met à la gratte pour pondre du blues.
L’album se termine par un «Near Death Experience» au chant masculin. Sans doute le titre le plus prog de l’album. Une plage très valable qui clôture un album aux influences US très diverses - trop peut-être: elles risquent de détonner plutôt que d’étonner. Néanmoins, espérons que les gens ouverts qui nous lisent feront l’effort de tendre une oreille sur le travail conséquent du sieur Lacourt. Les musiciens bossent, y mettent tout leur cœur et leurs tripes. Il faut s’intéresser à leur travail.
Centurion
2,5/5

https://open.spotify.com/album/1ften5AGuLA8P1kP198UXz?si=yJaiMJPHRh2Z-aD4hpd8hw&fbclid=IwAR03A9HigT9dIGa3dsWJBMKvnEJqYmKa0bd7CurDibRLS_EVdBF4IL0nbeo

https://www.youtube.com/watch?v=eCVaQJSb7s4&fbclid=IwAR0YmJt6o7rByn8iKzU_6Lm7xVYX-ZRk-XaBJhU_-nHXjXT5TQGNB6V6tPw

05/11/2019

Stephan Thelen
- Fractal Guitar
- Fractal Guitar Remixes and Extra Tracks
rock progressif – 67’34/64’17 – Suisse ‘18/‘19
Si, avec son compère Bernhard Wagner, également guitariste, Stephan Thelen, dans le projet Sonar, abandonnait la plupart des gadgets électroniques pour se concentrer sur le son - seulement le son! - de la guitare électrique, il renoue, dans cet album (et son pendant remixé) avec les effets et, en particulier, avec celui qu’il nomme "guitare fractale", un delay rythmique au feedback élevé qui engendre des structures étranges: écoutez l’intro du morceau titulaire pour laisser votre oreille s’en imprégner. Le second défi que se donne Thelen (musicien-mathématicien né aux États-Unis mais installé à Zurich), dans ce premier album solo chez Moonjune, est de rassembler une tripotée de guitaristes parmi ceux qu’il a fréquentés (Markus Reuter, Bill Walker, Henry Kaiser, Barry Cleveland, David Torn…) pour créer un album dédié à cet instrument qu’il considère comme l’un des plus fascinants et éclectiques - personne ne s’étonnera d’entendre que Thelen a pratiqué auprès de Robert Fripp. Et cela donne quelques longs (dans le sens: qui prennent le temps) développements, aux ramifications incessantes - il y a au minimum trois, le plus souvent quatre, guitaristes à l’œuvre dans chaque titre -, qui s’entrecroisent avec bonheur. L’album de remixes (dont celui de Bill Laswell pour «Urban Nightscape») offre trois pistes supplémentaires et, vous l’ai-je dit?, «Briefing for a Descent into Hell» m’évoque distraitement «One of these Days».
Auguste
4/5

https://stephanthelen.bandcamp.com/

https://www.youtube.com/watch?v=4hnOPvaokmU&fbclid=IwAR0YmJt6o7rByn8iKzU_6Lm7xVYX-ZRk-XaBJhU_-nHXjXT5TQGNB6V6tPw

06/11/2019

Clepsydra
The Gap
néo-progressif (Marillion) – 62’43 – Suisse ‘19
Si l’actualité du groupe suisse semble avoir tourné au ralenti, on se rend compte qu’il n’en est rien finalement. Le vrai grand trou d’air constaté se situe entre 2001 avec la sortie de «Alone» et 2014 (13 ans tout de même) et l’apparition (reformation) du groupe au Rosfest pour une prestation live. Ce concert occasionnera une sortie DVD en 2015 alors que la même année (2014), Galileo, leur désormais ex-label, en profite pour sortir «3654 Days», coffret des quatre premiers albums remixés agrémentés de bonus. Donc, rien de neuf avant septembre 2019 et la nouvelle offrande d’un Clepsydra régénéré, voici «The Gap»… Quatre ans d’attente à notre époque, c’est monnaie courante, la clepsydre a fini de s’écouler, voilà tout!
Clepsydra fut rapidement découvert comme un autre fleuron du néo-progressif à la Marillion dès la parution de «Hologram» en 1991, mais surtout avec le très réussi «More grains of Sand» de 1994, avant d’asseoir sa réputation en 1997 avec «Fears», la trilogie des nineties était écrite… Un dernier soubresaut en 2001 donc avec «Alone» et nous voici rendus avec un nouveau line up: Luigi Biamino a remplacé Marco Cerui à la guitare et Nicola de Vita, Andy Thommen à la basse, restant en poste le chanteur Aluisio Maggini, le claviériste Philip Hubert et le batteur Pietro Duca. À l’opposé géographique de Galaad, phare du prog helvète romand, vous aurez constaté que Clepsydra est un groupe de Suisse italienne, d’où les patronymes aux consonances latines. Je vous parlerai de la Suisse alémanique une autre fois… Sourire.
Si j’argumentais un peu sur la musique tiens, ce serait bien? Autant le dire, cet album du retour est juste excellent! Sept titres, un seul assez pêchu, sorte de prog metal auquel on ne s’attendait pas, «When the bells started ringing», entame les débats. On est cependant vite rassurés par la suite avec laquelle Clepsydra retrouve ce qui a fait sa renommée et sa réputation: un neo-prog très typé années 90 - et je ne pense pas être le seul à constater que les claviers sonnent encore comme ceux de Marillion à ses débuts, ce qui est, quant à moi, un gage de bonheur. Je songe à «Lousy Soul», ballade aux claviers où P. Hubert nous refait une sorte de «Kayleigh» instrumental, d’autant plus poignant par sa durée (moins de 3 min) et judicieusement placé avant la fin. Pour moi, le titre étalon sera «You» avec la voix d’A. Maggini, toujours teintée d’un léger relent «fishien», surtout dans les tons plus bas. Et cette surprenante mais opiniâtre façon de sonner comme un morceau inédit retrouvé du Marillion des débuts! La guitare de L. Biamino n’enlève rien à cette impression tenace, bien au contraire dirai-je… À peine si parfois on pense un peu aussi à… IQ! Je citerai aussi le long (15 min) «Millenium» et ses multiples changements de tempo en cours de route, à lui seul un condensé de savoir-faire rock prog’ nostalgique et effervescent, un vrai quart d’heure de pur nirvana progressif.
Alors, Clepsydra ne serait-il qu’un clone quasi parfait, ressuscité à coups d’ADN des premières et meilleures heures d’un mouvement apparu à la mi-temps des eighties? Pour moi, ce n’est pas un reproche mais un compliment car la comparaison indélébile qui colle aux oreilles me permet de replonger à cette époque bénie de la renaissance avec la joie d’écouter enfin la suite de «Clutching at Straws», ni plus, ni moins!
Oui, cet album du come back est une réussite totale pour mon ouïe de vieux progster, blanchi sous le harnais mais encore et toujours prêt à s’émouvoir pour un disque qui lui rappelle de merveilleux souvenirs. La Suisse a bien de la chance d’avoir deux des formations les plus à même d’offrir de l’émotion avec une sensibilité différente, Galaad et Clepsydra.
Commode
4,5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://youtu.be/aMBCZ0e4eRg?fbclid=IwAR3ZyvQSAy3jWaCOO4td-pJQmd72wQqRb85B5pIbwJbHBNOyU_c7RDyLYSE

07/11/2019

Handwrist
Paranoia Hotel
canterbury/jazz fusion/complexe – 38’56 – Portugal ‘19
Rui Botelho Rodrigues, pianiste et guitariste portugais n’en est pas à son coup d’essai. Avec son projet Handwrist, il lance «Paranoia Hotel», après 11 CDs et 2 EPs, tous produits durant cette décade! Rui s’occupe de tout: les compositions et les instruments. Il y a juste deux invités: Reggie Duncan, grosse pointure de la slide guitar ainsi que de la pedal steel, fait une apparition sur le deuxième morceau, et Liam Kinson, clarinettiste australien membre du TAK Ensemble, un quintet virtuose de haut niveau dans les arcanes de la musique contemporaine, participe au troisième morceau.
«Paranoia Hotel» nous présente 4 plages, deux d’un peu plus d’un quart d’heure et les deux autres d’une durée plus courte de 4 minutes. Les compositions sont bien balancées, avec un solide relent Canterbury. Parfois, nous avons droit à quelques excursions légèrement RIO, mais sans exagération; d’autres moments sont résolument jazz fusion. Le tout est extrêmement bien mis en place et agréable à l’écoute. Toutefois, il manque un je-ne-sais-quoi pour que cela puisse véritablement décoller. Peut-être est-ce dû à la programmation de batterie qui se révèle très fatigante… Conseillons à Rui d’engager un batteur pour son prochain projet!
Les moments les plus intéressants viennent de la plage «Panic Room», avec les interventions de Kinson à la clarinette. Cela nous donne quelques bons moments de dialogues entre les claviers et la clarinette.
Un album pour qui s’intéresse aux mélanges de styles.
2,5/5
Lucius Venturini

https://handwrist.bandcamp.com/album/paranoia-hotel

08/11/2019

Iggy Pop
Free
jazzy – 33’34 – USA ‘19
Jamais, au grand jamais, je n’aurais imaginé un jour chroniquer un album d’Iggy Pop dans un cadre plutôt prog/jazzy! Mais voilà, à 72 ans, l’Iguane a décidé de continuer de nous surprendre. Après la collaboration avec Josh Homme (Queens of the Stone Age) sur «Post Pop Depression», de nouvelles rencontres lui ont redonné des envies musicales. Notre homme dispose de son propre radio show et, après avoir passé, comme nombre de ses collègues, les classiques du rock, il s’est penché sur la création actuelle, lui qui a toujours été fan de Miles Davis. Réécoutez «Fun House» des Stooges et vous y trouverez des relents jazz et avant-gardistes (notamment sur «Dirt» ou «1970»). C’est ainsi qu’il a fait la connaissance du jeune trompettiste de jazz (Leron Thomas), par correspondance. Quelques échanges de fichiers de sa part ont séduit Iggy: Leron a, de cette manière, composé pratiquement toute cette galette et s’est également chargé de sa production. La rencontre avec Sarah Lipstate (alias Noveller) s’est déroulée d‘une manière similaire et, suite à quelques dates réalisées lors de la tournée Post Pop Depression, elle est en charge des guitarscapes. D’autres jeunes artistes participent à ce projet, notamment Chris Berry et Tibo Brandalise à la batterie ou Robin Sherman à la basse, mais je vous les laisse les découvrir par vous-mêmes. La courte plage titulaire démarre cette plaque: c’est le titre écrit par Iggy. Déjà la trompette de Leron souligne l’aspect planant (Tangerine ne me semble pas trop éloigné): elle me fait penser à notre ami Guy Delhalle (des défunts «Harold and the Royce»). «Loves Missing développe un thème éternel (superbes accords de Aaron Nevezie à la guitare). «James Bond» (mon petit préféré!) traite du néo-féminisme sur un swing léger qui n’est pas sans rappeler les Limiñanas (dont il est ouvertement fan). Sur «Dirty Sanchez», Leron se la joue mariachi en introduction de cette espèce de rap quelque peu salace. Plus loin, un poème (j’insiste: un poème, pas une chanson) de Lou Reed qu’Iggy nous déclame sur la trompette toujours inventive de Leron.
Aussi étonnant qu’il soit, je ne peux que vous recommander l’écoute de «Free»: un achat que vous ne regretterez pas.
Tibère
4/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=IcJx_oLbWqo&fbclid=IwAR0F29IcyWEHfJtgcyivwGG4XP76LQN2GEQoJFGfZBPjFR7L-PGQHWcDEAQ

https://www.youtube.com/watch?v=mw6NKf95VWA&fbclid=IwAR1rwwQIW6YBykqKGxK7ovsqbWaaTlXarcXaDZ96z0LBDnuTAEXT6ASJVMg

09/11/2019

Rémi Orts Project
Peaceful moments (Reign of the Forest)
new age/ambient – 45’25 – France ’19
Qui connaît Rémi sait qu’il opère d’habitude dans un style qui oscille entre le prog rock symphonique et une musique proche du style cinématique. On lui doit notamment les excellents albums, chacun basé sur un thème, «Seasons», «A New Golden Age», «NDE», sur les expériences de mort rapprochée, et «We are not alone in this Universe», évoquant le crash OVNI de Roswell. Plus de quinze albums à son actif. À cette liste s’ajoutent ses compositions pour Zara Angel, chanteuse à la voix… angélique et, plus récemment, il crée la musique des deux albums d’Alina de Brocéliande: «De l’Ombre à la Lumière» (2017) et «The Shadows» qui vient de sortir. Mais je manque de place pour citer toutes ses autres participations dans des styles très variés, allant du rock à l’électronique.
Ce deuxième volet de «Peaceful Moments», propice à la relaxation et la méditation, est consacré à la forêt; le premier était dédié aux océans. Il poursuit dans une veine new age bien personnelle, sculptant des orchestrations dont il est le principal acteur puisque multi-instrumentiste. Chœurs célestes, cascades de guitare et de piano coulent comme une rivière enchanteresse au sein de la sylve et évoquent la trilogie «The Art in Music Trilogy» de Rick Wakeman avec quelques accents Mike Oldfield très ponctuels. Sa déjà longue discographie offre plus d’un paysage mélodique souvent plus proches, je le disais, du prog rock et je vous invite à les découvrir. Un talent indéniable quelle que soit sa source d’inspiration.
Clavius Reticulus
4,5/5

https://remiortsproject.bandcamp.com/

10/11/2019

Missing Waves
Post-Crash
jazz / contemporain/ trip-hop – 39’56 – France ‘18
«Dans Missing Waves, Marie-Catherine Mossé chante de toutes ses voix et joue de ses machines et claviers, Daniel Palomo Vinuesa souffle dans des tubes et agite ciseaux et brosses pendant que Nabil Bouteldja tape sur sa batterie et ses percussions.» J’aime cette présentation du trio par lui-même, simple et éclectique autant que brinquebalante et touchante. Ce qu’est souvent leur musique, où chaque musicien explore des timbralités variées, s’appuyant sur chaque son pour découvrir un bout de territoire (presque) neuf. Il suffit d’écouter l’onctueux «Les îles et les lacs»: du subjonctif imparfait de Mossé aux caresses soufflées de Vinuesa, en passant par l’électronique en vagues, ondes ou ressacs, Missing Waves réinvente un son d’une abondance grisante. Univers sonore mis au service de chansons pop comme «Horizon», mais aussi d’ambiances, décalée telle celle de «All is Done», avec son entêtante rythmique, ses notes électroniques perlées et son sample d’interview (qui?), ou lascive dans le subtil «Bassékilendo». Le groupe construit aussi une double référence à la première moitié des années 80: la reprise, élégante (le xylophone) autant qu’espiègle (le contraste pleurs/langueur), de «Boys don’t Cry» (The Cure) et le clin d’œil au «Wordy Rappinghood» de Tom Tom Club avec «Flying Cats» - à la densité sonore toutefois peu comparable. «Crash, c'est un ordinateur qui tombe en panne, ruinant toute la mémoire des projets passés. Post, c'est l'idée que seul ce qui le mérite doit être poursuivi.» Poursuivez, «Post-Crash» le mérite!
Auguste
4/5

https://missingwaves.bandcamp.com/album/post-crash

https://www.facebook.com/progcensor/photos/a.389901704947385/487001441904077/?type=3&eid=ARDKDjYm0myXBibjNErpBIhN6kr-rwTDxrClFZFqJEqLIl3HAmUoYQ8VRShu5WinJn_ARKwEx19glgUT&__tn__=EHH-R#

11/11/2019

The Id
IDO - Book 2
néo-prog – 52’34 – Angleterre ‘19
Le néo-prog, à l’ancienne, si je puis dire, n’est pas encore mort. Les Anglais de The Id en sont la preuve. Leur musique est inspirée du début du néo-prog, on pourrait même rajouter du proto néo-prog, celui du tout début des années 80. Ça sent bon l’auto-production. Les influences? Difficile, ça n’est ni du Marillion, ni du Pendragon, pas plus du Pallas, du IQ ou du Twelfth Night. En fait ça ressemble de manière diffuse un peu à tout ça, mais à l’époque où ces derniers débutaient dans l’arène.
Ce «IDO - Book 2» est donc la suite de?... «IDO - Book 1», bien joué! Mais sachez que le groupe compte en plus 4 autres albums à son palmarès, et ce dans le même genre, mais avec moins de séquences e-music.
Particularité du groupe, outre son passéisme néo-prog? La voix «à la Peter Gabriel» du chanteur, elle ressemble beaucoup à celle de Frédéric Joss, chanteur sur le premier Neuschwanstein. Pour le reste on voyage sur un néo-prog vintage teinté de pas mal de séquences électroniques. Le must de l’album est le titre «Rescue» à la rythmique endiablée; ici, question référence, on peut vite en trouver une: Galahad! Très bon morceau. Mais pas suffisant pour hisser l’album à un très bon niveau, trop d’imperfections, trop d’errances.
Il s’agit néanmoins d’un album sympathique, carrément iconoclaste.
«IDO - Book 2» est à découvrir sur bandcamp… ainsi que les 5 autres albums du groupe. Amusez-vous!
Centurion
2,5/5

https://theid.bandcamp.com/album/ido-book-2

12/11/2019

Dreaming Madmen

Ashes of a Diary
rock progressif/néo-prog – 39’04 – Liban/USA ‘19
Voici donc le premier album de Dreaming Madmen qui est en fait un duo composé par les frères Aboujaoude, originaires du Liban et émigrés aux USA à Austin TX. Un pays où ils ne sont pas des inconnus puisqu’ils ont rencontré un gros succès avec leur précédente formation, Brick Floyd, un cover de Pink Floyd.
Leurs influences sont donc à chercher du côté du Floyd mais aussi de Riverside et de Porcupine Tree.
Et ma foi… c’est une évidence, dès les premières secondes de cet opus «Ashes of a Diary».
Le titre «Behind my Wall» sonne comme du Riverside, le chant est un clone parfait de celui de Mariusz Duda. «Lock Thyself» est lui presque un plagiat de Pink Floyd tant les similitudes sont troublantes. À ce stade, si vous êtes un nostalgique du Floyd, vous serez ravi; par contre, si vous êtes un puriste, vous allez vilipender cette œuvre.
De mon coté, n’ayant jamais réussi à sortir d’une guitare ou d’un clavier un son digne de ce nom, je me baserai donc sur le seul plaisir que me propose la musique, sans me torturer les méninges avec des considérations artistiques et autres masturbations musicales.
Pour moi, la bonne musique est celle qui me permet de m’évader, de m’éloigner des soucis du quotidien, celle qui me donne envie d’y revenir encore et encore, celle d’un album qui, à chaque fois, me fait dire: «J’ai bien fait de dépenser 15 ou 20 euros pour ce truc.»
Si vous pensez comme moi, que vous aimez les longs soli de guitares, Floyd et Riverside, alors aucune hésitation… cet album est pour vous.
Tiro
3,5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=pP47rtFDxS0&fbclid=IwAR25kQRoNLFroZFlgfgnctJE_9w8CnHGOBa5ed2gL2MbxfRdoDzmAvyxwS0

13/11/2019

Mad Fellaz
Mad Fellaz III
rock progressif – 43’46 – Italie ‘19
Pour sa troisième livraison, la formation vénitienne, si elle confirme tout le bien que l’on pensait de ses productions depuis son premier album en 2013, s’est offert le luxe de se renouveler en profondeur. En effet, un changement décisif s’est opéré avec le départ de la chanteuse Anna Farronato, remplacée par le vocaliste Luca Brighi, ce qui, on s’en doute, n’est pas sans incidence sur la texture sonore du groupe, dont on se rappelle le parti pris, entériné sur l’album précédent, de se démarquer d’une formule exclusivement instrumentale. Pour autant sur ce plan, MAD FELLAZ n’a pas renoncé à ce qui faisait sa spécificité, à savoir un son vigoureux comme à l’accoutumée, dans des interactions très cohérentes entre les musiciens, tandis que l’usage de la flûte renvoie irrésistiblement à l’héritage glorieux des maîtres du genre dans ce pays où le genre sut jadis s’épanouir mieux que partout ailleurs. Mais la signature de Mad Fellaz reste principalement son inspiration hétéroclite, brassage d’influences d’une variété réjouissante, qui voit des musiciens aborder avec autant de bonheur les registres symphoniques, jazz-rock, ethniques ou folk. Et ici le groupe ne faillit pas, c’est le moins que l’on puisse dire, à la réputation de sa large palette! En témoigne, par exemple, une excursion impeccablement menée en territoires fusion jazz-rock, doublée d’accents latino-rock avec le très coloré «Liquid Bliss», qui révèle un étonnant sens de la soul et du groove. Sur le dernier titre «Sweet Silent Oblivion», suite de dix minutes aux airs de fresque somptueuse, c’est tout bonnement un sextet (cor d’harmonie, hautbois, violons, viole et violoncelle) qui s’invite pour souligner le caractère symphonique d’un groupe qui sait quel tribut il doit à ses racines, honorées avec beaucoup de finesse sur le très court (1’59) «Fumes From The Ruins». Ailleurs, sur l’ébouriffant «Frost», emmené par une flûte virevoltante, on jurerait que Mad Fellaz jette un pont nostalgique vers l’âge d’or des grands maîtres italiens. Enfin, de part et d’autre de cet album à la durée idéale de trois quarts d’heure au compteur et à la production particulièrement soignée, c’est l’excellence instrumentale qui domine, à l’image du titre d’ouverture «"Es"/Frozen Side» dévoilant les penchants métal du groupe dont les musiciens sont décidément à l’aise partout. On regrettera à la rigueur que le discours ne fasse pas montre d’une originalité à toute épreuve, sans que cela n’entame spécialement pour autant les mérites réels de ce travail d’orfèvres passionnés.
Cenomanus
4/5

https://madfellaz.bandcamp.com/album/mad-fellaz-iii

https://www.youtube.com/watch?v=FHQoJ_zPMO4&fbclid=IwAR1wuBh3Tjnd2v4rSsmJ1Fscr9FpedifDiCKmA9fEA8yqoMsFNwhjOOOenQ

14/11/2019

Rainbow Danger Club
Treehouse Empire
almost progressive - dressed pop – 46’57 – USA ’19
Pendant que Greta gratte toutes voiles dehors sous les présidentes aisselles, sublime icône, jeune Marie-Madeleine, prophétesse pissant dans le violoncelle sans fond du quidam à œillères. Pendant que l’humanité consomme à l’habitude en partageant ses sincères envies révolutionnaires sur le réseau... je m’offre, planqué@mon_ersatz_de_Rome_antique, un moment d’beauté. J’aurais hélas fâcheuse tendance à me braquer lorsque le Dux Bellorum me tend souriant une rondelle, ajoutant à son geste lent un “ça devrait te plaire“.
- “Confiance tu devrais avoir, jeune padawan!” Ce troisième opus de Rainbow Danger Club s’avère effectivement prenant dès la première écoute. Tient-il ses promesses à la seconde?
«Where Maps End», sorti en 2011, avait déjà planté le décor hallucinant d’une musique aux voyages multiples. L’intitulé vous donnait l’intention, mais cet essai manquait pourtant un tantinet de maturité. S'ensuivit le débordant «Souvenir» en 2013, sculpté d’un bois identique.
La philosophie reste aujourd’hui semblable. Par contre, le groupe enchaîne les ambiances avec une telle cohérence sonore que c’en devient du style. Qu’ils soient un soupçon vintage ou carrément rétro comme sur le très 50-60’s «The Art of Forgetting», ces garçons ne manquent jamais de surprises!
«Moon Song» & «Friend or Foe» m’évoquent l’univers musical de Mumford & Sons ou même l’excellent Johnny Flynn. L’intervention judicieuse de Joshua Billingsley, flattant gaiement l’embouchure d’une étincelante trompette, n’y est certes pas étrangère.
«Treehouse Empire» fait ensuite monter la qualité d’un cran. Ce superbe titre aux convulsives percussions, à l’instar du combattant libertaire des frères Von Hertzen, met la pression jusqu’à ce que retentissent de hérissantes sirènes tout droit sorties du classique de George Pal. J’entends presque le cortège mou des Elois, frôlant de leurs nus pieds les feuilles sèches d’une forêt sombre, déambulant béats vers un destin funeste,... lorsqu’un riff tranchant à souhait me ramène froidement à la réalité. C’est cependant d’un autre classique SF que ce morceau prend son nom. «The Day the Earth Stood Still» nous montre que les arcs-en-ciel peuvent être, aussi, incisifs avec ce rock singulier.
«Enduring Love» me ramène un Old School aux effluves queenesques sur le tympan. Guitares enjouées, swing, brush puis voix téléphoniques... la totale. Quant aux deux derniers titres, ils ne font que répéter ce que cet agréable pancake sino-texan nous a proposé auparavant. Final un peu convenu dès lors, joli malgré tout.
Le Club nous livre certainement son meilleur album. Équilibré, concis, ambitieux sans être lourd, inspiré et mélodique. Je suis séduit, honnêtement, si ce n’est que ce délicieux morceau de sucre n’aide malheureusement guère la dopamine à couler. Peut-être manque-t-il un soupçon de lâcher-prise, une pincée de rugosité. Quoi qu’il en soit, agréable parenthèse... parfaite pour l’apéro!
Néron
3,5/5
https://rainbowdangerclub.bandcamp.com

https://www.youtube.com/watch?v=u_19UmeYrb4&fbclid=IwAR0vX0XrjuFh5F1afGqclck85bBCZZBgRxHhWvWBpq0i26oKiDFNL0Z9qaU

15/11/2019

Mike Meanstreetz
Present/Whereas
musique improvisée / expérimental – 35’41 – USA ‘19
Voici un étrange OVNI qui nous vient de Californie. Mike Meanstreetz est un artiste multimédia. Sculpteur, peintre, designer, couturier, vidéaste et… musicien, Mike circule en eaux profondes.
L’opus qu’il nous présente ici est composé de deux longues plages qui marient l’improvisation, l’électronique et l’expérimental. Le tout rappelle un peu certaines productions de la grande époque de musique industrielle du début des années 80, avec des groupes comme T.A.G.C, Throbbing Gristle Psychic TV ou le grand Einstürzende Neubauten... Qu’on s’en souvienne! Bon, évidemment, cela ne s’adresse pas à toutes les oreilles.
La première pièce, appelée «Present», présente une improvisation avec batterie, électronique, voix, sax, C’est un flux sonore, un «stream of consciousness» qui, dans le genre, n’est pas mal du tout. Cela manque un peu de contraste mais l’ensemble est intéressant.
La seconde plage, intitulée «Whereas», est une longue impro en duo entre la basse et la batterie. Nimbée d’effets électroniques, ce qui aurait pu constituer un morceau très rébarbatif, la pièce capte notre attention et nous emmène dans un voyage des plus gratifiants, avec changements de moods, dans un univers sonore très dark, industriel, post-apocalyptique…
Pour ceux qui aiment, une belle pièce à additionner à la collection de musique industrielle.
3/5
Lucius Venturini

https://mikemeanstreetz.bandcamp.com/album/present-whereas-clandestine-ritual-llc

16/11/2019

Eloy
The Vision, the Sword and the Pyre Part II
rock progressif – 53’03 – Allemagne ‘19
Le cultissime groupe allemand ELOY conclut, deux ans plus tard, sa vision du destin de Jeanne d’Arc ou plutôt la vision de Frank Bornemann, inamovible leader, guitariste et chanteur du cinquantenaire et sémillant ancêtre germanique. Chaque pays possède son groupe de rock prog atteignant le demi-siècle et, comme Ange en France ou King Crimson en Angleterre, Eloy fête ses cinquante ans de présence discographique et scénique.
Avec «Part II», Bornemann entame et finit la partie la moins joviale du projet. Sont passés en revue le sacre du roi à Reims, mais surtout la chute à Compiègne, l’abandon de tous ou presque, l’emprisonnement et, bien sûr, le terrible final, le bûcher! Autant dire que question dramaturgie, l’Histoire sert un développement fort à propos pour tout groupe de rock progressif audacieux.
Seulement voilà, je reproche juste à Eloy cet aspect parfois robotique de son prog’ nettement influencé par Pink Floyd, surtout depuis «The Wall». L’album «Ra» en 1988 en fut l’exemple parfait. Depuis, Bornemann emmène sa troupe sur les mêmes chemins musicaux, les synthés martelés sont trop fréquents et, en même temps, il s’agit de la marque de fabrique immédiatement reconnaissable d’un album d’Eloy! Ça démarrait pourtant bien avec «An instant of relief», avec les tics et manies chers à l’auteur-compositeur, plus long morceau d’entrée de jeu qui donne envie pour la suite. Prenons «Patay», le troisième titre de l’album, c’est une construction typique du Floyd «emmuré». Bornemann est le cousin germain de Waters, ni plus ni moins, certes un degré en dessous, je reste vigilant dans mes propos. N’hésitant jamais à flirter avec un hard rock bien rythmé non plus mais gardant ce côté planant qui fait sa patte, Eloy abuse des ambiances saccadées et syncopées procurées par les synthés. Je révise mon jugement pour «Reims, the coronation of Charles», cette fois très moyenâgeux et plus près d’un Corvus Corax que du Eloy habituel. L’emploi de flûte et autres sonorités médiévales sur ce court morceau fait office de bulle d’air bienvenue au sein de l’album. Un court «Resume» au titre judicieux puisqu’il en fait office, plus parlé que joué. «Armistice or war» tout comme «Compiegne» regroupent défauts et qualités du groupe en deux morceaux significatifs, blues synthétique et basique avant de proposer une cassure pour devenir rock progressif, pas assez enjolivés hélas… mon éternel reproche à Eloy, damned!
Je passerai sur «Paris» pour aborder «Abandoned», très joli morceau triste et proche par son chant du Floyd fin sixties/début seventies, enfin un vrai passage progressif au sein du disque. J’ai toujours ce problème insoluble avec Eloy, j’ai tellement envie d’aimer ce groupe, j’ai écouté chaque disque avec un grand espoir et surtout un gros respect pour la persévérance de Bornemann. Quand j’ai vu ce projet en deux disques sur la vie de Jeanne d’Arc, je me suis dit: ça y est, c’est l’embrasement (jeu de mot involontaire), Eloy passe la vitesse supérieure, à l’image d’un Alan Simon, je vais avoir enfin l’opéra rock que je mérite pour mon abnégation depuis des lustres! Mais Eloy est resté sur la voie qu’il s’est tracée depuis «Performance» en 83 et «Metromania» en 84, l’impression que rien ne change. Sur «Rouen», vu l’intensité dramatique que suppose ce titre et malgré une courte intro de grandes orgues, je voulais être écrasé par la charge émotionnelle du moment, mais rien jusque-là ne m’a donné l’envie de m’émouvoir outre mesure. Si j’écoute ce titre à part, seul à la rigueur, oui… Puisqu’il y a une légende Jeanne d’Arc, Eloy en finit avec un «Eternity» pour le coup assez court (moins de 4 min) sur une déclamation féminine, Jeanne of course...
Mon problème perso avec Eloy demeure donc en l’état mais je m’en doutais un peu avec «Part I» de 2017, MM. Bornemann, Folberth (claviers), Gerlach (claviers aussi), Matziol (basse) et Schopf (batterie/percus) m’emmènent parfois bien haut et me laissent au bout du chemin, au bord du vide avec des morceaux qui finissent parfois trop abruptement.
Pour la petite histoire dans la Grande j’ajouterai que Bornemann décrit les événements du point de vue de Jean de Metz, fidèle compagnon d'armes et confident de l'héroïne. Bien que de nombreuses années de recherche aient permis à Bornemann d’être profondément informé à propos de l'histoire, il a essayé de se rapprocher encore plus du cœur de la vérité en étudiant intensément les sources afin de déchiffrer les détails des événements qui restent à ce jour déroutants et controversés parmi les experts. Olivier Bouzy, le directeur du Centre Jeanne d’Arc à Orléans, qui a contribué à clarifier certaines des questions de fond soulevées par ces questions complexes, l’a soutenu dans sa recherche. Ceci dit pour la partie historique, rendons hommage à Frank Bornemann qui n’a pas ménagé sa peine. Mais je continuerai d’aimer Eloy malgré tout, ambigüe et peu commode ma position n’est-il pas?
Commode
3,5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=r5zYE02q3w4&fbclid=IwAR25kQRoNLFroZFlgfgnctJE_9w8CnHGOBa5ed2gL2MbxfRdoDzmAvyxwS0

17/11/2019

Loomings
Hey Weirdo!
rock in opposition – 52’11 – France ‘19
Avec le projet The Loomings installé à Strasbourg, Jacopo Costa (également membre de l’attachant Yugen) a réuni autour de lui des musiciens et chanteuses d’obédience mixte (contemporain, jazz, musique improvisée ou expérimentale), au parcours académique établi et aux nationalités multiples (Italie, France, Argentine, Allemagne). Voix (Maria Denami, Clara Weil, Costa) et percussions, acoustiques et électroniques (Enrico Pedicone - il œuvre aussi aux Percussions de Strasbourg - et Costa) architecturent les compositions. Écoutez par exemple (avec vos deux oreilles) «Hypnotic», qui intervient au milieu de l’album: d’abord les tambours, inquiétants, ensuite vient le piano et un souffle, une voix, puis l’autre, quasi a capella, les étincelles des cymbales, percées de la voix masculine qui épaissit le flux, le retour de l’arpège au clavier, la fusion progressive des différents éléments jusque-là présentés, puis le départ vers un deuxième mouvement, impérieux, qui culmine, à mi-chemin, par la revendication "Hypnotic", que la basse vient décrocher et mène à un thème jazzy au vibraphone, avant un retour de la revendication, d’abord déformée par l’électronique, puis scandée telle un gospel, où culminent voix et percussions, avant de se déstructurer bruyamment et d’expirer, au bout d’une note de piano. C’est ça, la musique de Loomings.
Auguste
4/5

https://loomings.bandcamp.com/

https://www.youtube.com/watch?v=fURxu5oMrME&fbclid=IwAR28VJGzVJ72hE5YB1NBC6XbIiljw7sd6btE39EjjIZXG23w-whzhcNHQPc

18/11/2019

3rd Ear Experience with Dr Space
Ear to Space
psyché / space rock – 73’14 – USA ‘19
Psyché, space rock, stoner rock, et même quelques influences électroniques, on trouve de tout sur cet album vitaminé en diable où la guitare déchaîne ses notes avec une bonne part de reverb tandis que les fûts de la batterie chauffée à blanc soutiennent les partitions jusqu’à l’envoûtement complet de l’auditeur. Ce voyage démarre sur les chapeaux de roues par un tempo dans la veine de «Hawkwind - Warrior on the Edge of Time» avec un saxo tueur secondé par une six cordes propre à décoiffer un chauve. Les influences multiples se mélangent, se relayent, s’éclatent en novae d’énergie pure. Le deux premières (longues) plages de l’album restent dans la mouvance space rock mais la suite réserve des surprises. Les opus précédents de 3rd Ear Experience ayant déjà une coloration électro rock, il n’est pas étonnant de la retrouver ici sur une plage résolument cosmique comme «Dream of the Caterpillar». Bruitages galactiques en intro suivis de séquenceurs proches de la veine Berlin School. Dr Space est aux commandes des synthés. S’ensuit un savant mélange aux accents psyché où viennent progressivement se greffer en final de ces quelques 22 minutes de trip hallucinant un rythme et un son de guitare made in planète Manuel Göttsching. On retourne alors au rock spatial par le biais du tempo mesmérisant de «Coin in the Desert», pour conclure le voyage par un trip atmosphérique planant à souhait («Sue’s Dream World»), renouant avec les plages sidérales de ces deux albums de Hawkwind (encore): «Electric Teepee» et «It is the Business of the future to be dangerous». On ne peut s’empêcher de pousser le bouton «replay». Extraordinaire!
Clavius Reticulus
5/5

3rdearexperience.bandcamp.com

https://www.youtube.com/watch?v=hec4BSu2x4s&fbclid=IwAR0W9OkpAWS_jlQMWn9odW30qpUu7M9wsV3YoCO35_AUI7GvQfGV-cXSo40

https://www.youtube.com/watch?v=cQGLSc-m5Ug&fbclid=IwAR3mQgTDiyyBVxPknYWBYzsdqYxvUmrQ7LMbqhylPGaj4cp6isGe1Pfcsc8

19/11/2019

Dead Venus
Bird of Paradise
rock progressif/alternatif – 55’08 – Suisse ‘19
Il y a quelques mois, la scène métal suisse était en émoi lorsque Seraina Telli, alors leader de la formation heavy métal Burning Witches, décide de quitter ses compagnes pour une nouvelle aventure. Quelle surprise de pouvoir à nouveau l’écouter avec, non pas un disque solo, mais bien un nouveau groupe qui a pour nom Dead Venus. La belle s’est associée avec A. Gartner à la basse et M. Malloth pour la batterie, Telli, elle, se réservant le chant, piano et guitare dans ce projet très classe.
Nous sommes ici bien éloignés des riffs ravageurs des sorcières helvétiques et c’est là l’énorme surprise de ce premier album «Bird of Paradise».
Telli aurait pu sans problème se laisser piéger par la facilité de son registre métal, mais que non! C’est avec une prise de risque que nous la découvrons, et je suis certain que vous allez être surpris et même séduits, comme moi, par ce premier album des Vénus Mortes.
Tout au long des 56 minutes de cet enregistrement, c’est un partage basse/percussions/piano et chant que nous propose le groupe; la voix de Seraina est ici plus proche de celle de Heather Findlay que de celle de Alissa White-Gluz de Arch Enemy.
Tout est ciselé pour mettre en valeur les mélodies envoûtantes de Telli, et encore une fois son chant, qui, lorsqu’elle monte dans les notes, me fait penser à Anneke Van Giersbergen. Travail d’orfèvrerie également pour la section rythmique, proche, dans un autre registre, de Tool sur son nouvel album.
Ce premier Dead Venus est une merveille de prog alternatif, voire de prog de chambre.
Un des musts de cet automne.
Tiro
4/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=4aEYKF-x6ns&fbclid=IwAR3BlVV5S0Ba1w2Yh8rjoDShLVvrgstCap66sSSqQUbjPJb5zr36-wgdD40

20/11/2019

Blank Manuskript
Krasna Hora
rock progressif symphonique / art prog – 63’41 – Autriche ‘19
Quatrième création en studio de Blank Manuskript, après la parution l’an passé d’un disque live capté à Vienne, «Krásná Hora» emprunte son titre au nom de la ville de République tchèque où le groupe s’était retiré une semaine durant pour élaborer l’album. Cette retraite est à la base même du concept de l’album, puisque l’expérience avait pour objectif d’amener les musiciens de Blank Manuscript à mener ensemble une réflexion sur le thème des relations humaines, du contraste entre la solitude et la communauté, de l’aliénation sociale et in fine du sens de l’existence, laquelle nourrirait l’inspiration de plusieurs tableaux formant une allégorie assez classique dans sa conception (en somme la vie, de la naissance à la mort), mais abordée selon une certaine diversité thématique et formelle. Par ailleurs, Blank Manuskript fait le choix de structurer son essai avec une ouverture en bonne et due forme, exposant les thèmes de l’album dans une tradition toute opératique. La démarche est donc éminemment ambitieuse, à plus forte raison lorsque le groupe se lance comme défi, tel que l’on peut le lire sur Bandcamp, de surpasser le propos de «The Dark Side Of The Moon»! Pour autant, le résultat malheureusement n’est pas nécessairement toujours à la hauteur de ces ambitions, car si les cinq multi-instrumentistes ne sauraient certainement être pris en défaut de maîtrise instrumentale, il y a, dans le développement des ambiances, plusieurs passages qui pèchent par un certain manque de substance. Et ceci se révèle d’autant plus suspect que l’album dans sa globalité ne faillit pourtant pas à la volonté d’une rigueur dans l’écriture, ainsi qu’en témoignent d’autres séquences assez denses, dans lesquelles le saxophoniste Jakob Aistleitner tire remarquablement son épingle du jeu. Tandis que certaines constructions assez typiquement jazz («Alone At The Institution»), jazz-rock («Pressure Of Pride») ou d’inspiration symphonique («Silent Departure» ou la très subtile introduction de «Shared Isolation») montrent un collectif cohérent, on se prend à bailler devant certaines errances atmosphériques pas toujours convaincantes («Achluphobia») qui auraient gagné à faire preuve de davantage de concision. La production, quoiqu’assez inégale (le splendide final du dernier morceau «The Last Journey» aurait mérité une puissance plus seyante au propos), offre parfois de belles trouvailles, par exemple le second morceau, «Fœtus», qui installe l’auditeur dans une atmosphère intra-utérine. Un album intéressant en définitive, pour son ambition conceptuelle et quelques belles passes d’armes instrumentales.
Cenomanus
3/5

https://friendsoftherevolution.bandcamp.com/album/krasna-hora

https://www.youtube.com/watch?v=_f9DcORrgvs&fbclid=IwAR1at-HuBM-Q44idAQTUb2-lAtLt_Dgq_bRmzbXtxDKVf5DsMOqXilC3UsQ

21/11/2019

Chasing the Monsoon
No Ordinary World
rock progressif automnal – 62’25 – Angleterre ‘19
Chasing the Monsoon a été créé par Ian Jones de Karnataka et tire son nom d'un livre du même nom d'Alexander Frater dans lequel l'auteur écrit sur les expériences qui ont changé sa vie après la mousson en Inde. Le nom du groupe poursuit également l’intérêt de Jones pour l’Inde, pays d’origine du nom du groupe Karnataka. Chasing The Monsoon est un groupe de musiciens plutôt talentueux réunis pour créer quelque chose de magnifique à bien des égards. L'idée derrière le projet était de faire quelque chose de progressif en incorporant de puissants éléments rythmiques, de la world music et une influence celtique. En plus de Ian Jones à la basse, à la guitare acoustique et à la programmation, on retrouve des gens talentueux. Steve Evans joue des notes plutôt savoureuses et possède une superbe voix. Lisa Fury n’est pas étrangère aux fans de Karnataka à qui elle a prêté son talent de chanteuse sur l’album «The Gathering Light» et à Ian Simmons qui joue de somptueux licks à la guitare. Passons aux comparaisons évidentes. Les amoureux de Magenta, Karnataka (of course), Mostly Autumn, Rob Reed... seront de toute évidence sous le charme de Chasing the Monsoon. Les comparaisons évidentes sautent aux oreilles. «No Ordinary World» n’est pas vraiment un album de chansons individuelles, c’est un voyage. Beaucoup de chansons sont basées sur des questions environnementales, sur l'état de la planète et sur l'homme. Il faut, en écoutant cet album, accepter le chant comme un instrument. De cette façon, pas besoin de se préoccuper des significations. Il y a dix morceaux au total, y compris une intro bien sentie intitulée simplement «Chasing the Monsoon», il fallait y penser. Ici, Ian Simmons installe son ambiance avec confiance en établissant une superbe attaque chargée de blues bien que mélodique à l'extrême. Pour ajouter un peu d’ambiance, certains sons exceptionnels type Vangelis ou Jarre flottent dans l’environnement sonore. En plus de Steve Evans chantant l'intro, Lisa Fury ajoute un chant ethnique qui donne d’autant plus d'originalité à l'album. La formation place la barre haute d’entrée.
En gravissant «Circles of stone», le rythme s’installe sur une mélodie plus enchanteresse où l’orchestration aux claviers est une pure merveille. Ici, Troy Donockley, invité de marque, ajoute humeur et beauté en jouant du sifflement grave. Toujours un invité bienvenu, Troy insère un peu de folk dans la musique, dirigeant le groupe vers une orientation celtisante. Bien sûr, ce genre de narration cinématographique peut rappeler le projet Kompendium de Rob Reed. Cependant, Chasing the Monsoon sonne réellement comme un groupe qui se connaît bien. Ian Simmons est rejoint ici par le talentueux guitariste de session, Enrico Pinna, qui a bien sûr joué avec Karnataka lui aussi. Ambiance plus orientale avec de puissantes franges subsoniques, «Dancing in the Afterglow» donne l'impression d’évoluer au sein de paysages désertiques. Lisa Fury excelle ici avec sa douce voix pénétrante au-dessus d'un chant grave. La voix de Steve Evans, elle, penche plus du côté de Jon Anderson, simplement belle.
Lisa Fury démontre un peu de réserve quant à la puissance habituelle de sa voix sur «Dreams» avec de puissants motifs de batterie s’érigeant sur un rythme ample et autoritaire. Certaines guitares prises en charge par un volumineux accompagnement aux claviers permettent à la pièce de bien se dérouler à l’aide de quelques touches en fondus enchaînés. «Into the Light» est brillant et aéré avec une intro pour guitare acoustique édifiante, permettant aux harmonies vocales de s’élever et de donner une sensation diffuse de Yes. Cette amélioration est encore soulignée par le jeu de basse très serré de Ian Jones, inspiré de feu Chris Squire lui-même. «Innocent Child» affiche une combinaison époustouflante de solos de guitare éblouissants et de sons de synthés, tout en projetant la voix de Lisa Fury d’un côté à l’autre de la scène sonore. Tout cela est très agréable, ma foi. «December Sky» est une entreprise plus électronique avec des interludes de guitare bienvenus et attrayants. La mélodie est restée et on risque de la trouver entêtante, quitte à la fredonner un certain temps encore.
Cependant, le point culminant de «No Ordinary World» restera le sublime «Love will find you». Que ce soit ou non un hommage à David Gilmour, c’est possible tant la ressemblance peut frapper l’auditeur. On appréciera particulièrement le synthé à la sonorité étrange qui ressemble presque à celle d’un thérémine. Lisa Fury y met tout son cœur. Terminant avec la chanson titre «No Ordinary World», Chasing The Monsoon adopte la philosophie de l'artiste pour un collage d'images musicales et de textures pour commencer ce qui finira par devenir incontournable. Une guitare supplémentaire a été ajoutée par Gethin Woodcock pour que le groupe balance tout ce qu’il a. Ian Jones joue solidement de sa basse comme il l’a fait tout au long de l'aventure.
Cet album est joliment emballé, les images principales étant d'anciens symboles d'alchimie représentant la Terre, le vent, le feu et les inondations. Produit admirablement par Steve Evans et mixé par Joe Gibb et Steve Evans dans un sous-genre ultra populaire du rock progressif qui, je le rappelle, charmera les fans assidus de Mostly Autumn, Clannad ou Karnataka bien entendu!
Commode
4,5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://youtu.be/rdmA5slQliQ?fbclid=IwAR356RQdmBE54JxU--tRB3bEaWdOBxRmUBjnF6tz_Fb3ZJTYw0BsSTsVx9E

22/11/2019

MILM
MILM I / MILMVARK
rock progressif / expérimental – 29’40 / 32’43 – États-Unis ‘18/‘19
Découvrons ensemble MILM, au travers de ses deux (courts) albums parus à un an d’intervalle, fruits d’un étrange trio de Kerhonkson (New York) qui cherche et expérimente (un peu - de là la classification), mais sans heurter l’oreille - même sensible (bon, sauf si vous en êtes resté à Simon & Garfunkel), comme, toutes proportions gardées, les Beatles fouissaient le terreau de Liverpool en quête de nouveaux sons, sans pour autant compliquer la chose en donnant dans le bruitiste ou le difficilement audible. «MILM I» commence cette prospection par un morceau parfaitement représentatif de la démarche («Oreg»): aucun instrument inhabituel, pas de voix, mais une rythmique et une superposition haletante de timbres, avec une résolution grandiloquente assumée, qui s’éteint comme elle est venue. Le morceau éponyme se présente avec une simplicité qui frise le dénuement: six notes égrenées, un glissando qui se la joue ondes Martenot - c’est tout. Alors que «FYSF» (un "va te faire mettre de science-fiction"?) introduit du métal dans la bergerie (heureusement, il se termine bien) et «Engulfed» explore avec une lourdeur d’astronaute quelques stridences bienfaisantes, à la manière d’un Black Sabbath qui aurait retrouvé du souffle. De «MILMVARK» se détache le rayonnant «Banger», dont la production des voix (les trois chantent) fait penser à un Talking Heads maqué avec The Minnaars (ce petit groupe anglais aussi éphémère que génial, qui se propulsait sur scène tel un XTC survitaminé - et c’est rien de le dire). Le trio, c’est Tom (Deis), Eli et Beau. Inégal mais intéressant.
Auguste
3/5

https://milmlord.bandcamp.com/

23/11/2019

Crea
Dwarves & Penguins
néo-progressif – 45’52 – Suède ‘19
On m’a confié la tâche de chroniquer cet album d’un groupe que je ne connaissais pas. Alors qu’avons-nous là? Le dernier album des Suédois de Crea (CREA - swedish progressive rockband), «Dwarves & Penguins», à la pochette un brin étrange. Le groupe nous pond un progressif assez symphonique qui sonne finalement plus «néo» que scandinave.
En ingrédients, une basse ronde, des claviers typés 80’s, une guitare sympathique et polyvalente, assez planante par moment, des percussions au rendez-vous, des compositions bien construites… Du bon néo à papa, en veux-tu en voilà.
On pense par moments à du Marillion, à du Saga, voire à du Rush deuxième période, mais aussi à quelque chose de plus léger, limite pop façon U2. Quant au chant, confié au guitariste et leader du groupe, il faut adhérer… La voix et la manière de chanter sont particulières.
On retiendra à mon sens deux compositions au dessus du lot: «The March of the Dwarves» suivi de «Walk Into Bright Lights» avec des claviers hypnotiques, des solos inventifs et des développements instrumentaux assez intéressants.
En somme, un bon petit album, pas désagréable du tout.
Mais rien de bien nouveau pour l’auditeur en quête d’innovation. On est dans du néo qu’on aime mais qu’on a l’impression d’avoir toujours connu. Quelque chose de très nostalgique se dégage de la musique, comme si on était au début des années 90, à l’époque où le progressif était en renouveau mais qui aujourd’hui a quelque peu évolué. Il manque peut-être un petit plus. Le fait de surprendre l’auditeur.
Maximus
2,5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=QB1giBpubxM&fbclid=IwAR3yR_aM4FRWP5WX_FAVbGnassMW4cZFz9GIwHyK8p9iSu2Nos9MZBGLfLs

24/11/2019

La Horde
X
folk-trad déjanté – 67’07 – Belgique ‘19
La Horde, c’est?:
a) Un groupe de black metal australien
b) Un groupe punk français des années 1980
c) Un groupe liégeois de folk’n’roll festif
Peu importe votre réponse car tout le monde a gagné! Mais nous allons nous intéresser ici au groupe qui participe à l’Association Sauce Lapin Productions (là vous ne pouvez pas vous tromper).
L’album se nomme «X» comme la lettre mais aussi comme le chiffre car La Horde fête ses 10 ans.
Pour l’enregistrement de cet album, le groupe a été aidé par un financement participatif. Parmi les différentes formules tarifaires, il y avait la possibilité de verser plus de 25.000 euros pour obtenir un concert à poil, avec juste une chaussette (mais le groupe ne précise pas si c’est au pied gauche ou au pied droit).
Cette joyeuse équipe est formée de 4 musiciens: Mathieu Lacrosse (bouzouki, mandoline, nyckelharpa, banjo et voix), Arno Polet (alto et voix), Philippe Lemal (accordéon et voix) et Michel Rozek (batterie).
«X» est leur 3e album qui - ô merci - renoue avec leur 1er «Il y en a un peu plus…», car leur 2e «Bonne Nouvelle» m’avait déçu (trop sérieux). On retrouve donc des refrains d'ambiance pub irlandais «Wild Rover», reprise d’une ballade traditionnelle irlandaise, considérée comme une chanson à boire et, au moment où j’écris cette chronique, je vois à leur compteur: 4592 = nombres de bières bues, 136 = nombre de Dafalgans ingérés (par conséquent, j’ajouterais: je bois mais je me soigne!). Il y a des refrains qui auraient pu être écrits pour des génériques de dessins animés des années 80 «L’Or du Monde», en référence à l’or noir, c’est-à-dire… le café qui lui est universel et éternel. S’y trouve aussi un chant interprété comme un rituel «Ikeardruna» à la manière nordique du peuple d’Ikéa. On peut faire quelques pas sur une danse folklorique, genre sirtaki «Lolcatz» ou genre russe «Rasputin», la reprise de Boney M. Il y aussi plusieurs morceaux en anglais dont «We Love It!» où on quitte la danse traditionnelle pour to move sur la piste de la dancefloor. D’autres morceaux en instrumental comme «442» qui se termine comme si on se trouvait dans une taverne au Far West. Un titre reggae «Porcherie» (ou «Procherie» imprimé au verso de la pochette du CD) qui finit avec un extrait de concert des Béru. Mais il a aussi une chanson plus pessimiste, «La Nef des Fous», basée sur le texte de Sébastien Brant.
Si vous aimez cet album, le mieux encore c’est d’aller voir cette belle bande sur scène; c’est vraiment là que cette horde donne le meilleur d’elle-même et vous aussi ferez partie du «… en furie» !
La Louve
3,5/5

https://la-horde.bandcamp.com/album/x

https://www.youtube.com/watch?v=og8AxngIf8E&fbclid=IwAR3UK1FEswUakb3t3XiElrpRCy0FPg2K9x9u1KVqAAAz7hlUl3y5pjqZSfw

25/11/2019

Steve Hackett
Genesis Revisited Band & Orchestra - Live at the Royal Festival Hall
rock progressif – 53’18/61’06 (Blu-ray: +/- 120’00) – UK ’19 .
Un album live de Steve Hackett reste un événement et il parvient toujours à nous étonner! Cette fois, il s’est adjoint les services d’un orchestre philharmonique: le Heart of England Orchestra, dirigé par Bradley Thachuk. Au programme, on retrouve bien sûr les grands titres du répertoire génésien: «Firth of Fifth», «Supper’s ready», «The Musical Box», «Dancing with the Moonlit Knight», «Dance on a Volcano», «Blood on the Rooftops» auxquels s’ajoute une superbe sélection dans son répertoire personnel, le tout magnifié par la dimension symphonique. «Shadow of the Hierophant», avec la très belle voix d’Amanda Lehmann (qui travaille avec Steve depuis 2009), prend une ampleur mélodique haute en couleur; son final sublimé par l’ensemble Heart of England laisse pantois! On retrouve encore «Out of the Body» («Wolflight»), «El Nino» («The Night Siren») et, plus ancien, «The Steppes» («Defector»). Côté visuel, comme chaque fois, Steve ponctue le show d’anecdotes et de bons mots avec ce sens de l’humour et l’éternelle bonne humeur qui le caractérisent. Le très beau «Serpentine» («To Watch the Storms»), dédié à son père (et à celui de son frère John, dit-il en le présentant ou, devrais-je dire, en le plaisantant), fait frissonner l’échine! D’un bout à l’autre, le band donne l’impression d’être à la fête. Steve, d’une dextérité hallucinante, fait jaillir les notes comme des perles d’eau au sein d’une cascade baignée de soleil. Sourire omniprésent et clins d’œil entre musiciens témoignent d’une grande complicité fraternelle. Un line up de choix, bien sûr, où l’on retrouve Nad Sylvan au chant, secondé par Gary O’Toole (percussions) sur «Blood on the Rooftops», Rob Townsend au saxo - entre autres -, et Jonas Reingold (à la basse) qui œuvra, on s’en souvient, au sein de The Flower Kings in illo tempore. Rien que du beau monde. Une production évidemment très soignée pour cet écrin: images en haute définition et audio DTS-HD sur le support Blu-ray! En bonus, un documentaire sur la préparation du concert avec interview de Steve Hackett et de ses amis, mais hélas réservé à qui comprend la langue de Shakespeare, étant donné l’absence de sous-titres, et trois superbes vidéos (ces bonus ne figurent toutefois que sur la version CD+BD).
À 69 balais, notre artiste est toujours au top!
Clavius Reticulus
5/5

https://www.youtube.com/watch?v=oIcTis6KgJY&fbclid=IwAR3uEFs7M_h2HcIdsYNGw5d-LuAtoZ6twUP7X_WOA4NkWwFxn0CQ-ip7HJA

26/11/2019

Fish On Friday
An Initiation (2010-2017)
prog AOR – 78’35 – Belgique ‘19
L’histoire de la Belgique et du rock progressif a toujours été paradoxale. Si, au tout début des années 70, le pays a pu compter sur des défricheurs extraordinaires comme Piero Kenroll qui va notamment organiser dès 1971 la venue de Genesis en région bruxelloise alors que le groupe n’avait jamais foulé le continent; par contre, au niveau des groupes prog belges de cette époque, ce fut une autre histoire. À part Machiavel qui fut un prodige inexpliqué, un ovni made in Belgium qui éclaboussa de tout son génie le Royaume, + le phénomène Univers Zero qui bâtit un style qui, aujourd’hui encore, fait référence dans le monde rock avant-gardiste, les autres groupes eux, parfois même très bons, n’ont connu qu’un succès d’estime.
Pourquoi cette longue introduction? Pour vous causer d’un groupe belge dont le style, le son, les compositions sont d’une carrure internationale.
FISH on FRIDAY, fruit de la collaboration de Frank Van Bogaert et de William Beckers, s’est construit dès 2009 et a publié, outre cette nouvelle compilation, quatre albums studio. «Shoot the Moon» en 2010, «Airborne» en 2012, «Godspeed» en 2014, et pour finir «Quiet Life» en 2017. Et si je vous dis qu’un certain Alan Parsons en personne s’est intéressé au groupe et a accepté de produire un titre, «In the Key of Silence» (présent sur cette compil’) et issu du quatrième album?… Oui ça en jette. Une collaboration de cet acabit, ça n’est pas donné à tout le monde. Je rajoute, histoire de peaufiner le pedigree, que Nick Beggs (Steve Hackett, Steven Wilson, Mute Gods) s’est joint à eux comme membre permanent dès l’album «Godspeed».
Bon, parlons du style. Fish On Friday c’est du rock qu’on qualifiera de progressif, qui a le goût du chamallow et la douceur du miel, qui privilégie l’aspect mélodique, la suavité des harmonies, la prépondérance du refrain, la maîtrise totale du son et de la production, (ce groupe sonne mieux que l’immense majorité de la production progressive contemporaine). Sur cette compilation vous découvrirez 2 titres du premier album, trois du deuxième, et quatre morceaux des troisième et quatrième albums; donc 13 morceaux rehaussés d’un 14e inédit, «Wings».
La sélection des titres figurant sur une compilation laissera toujours d’excellents autres morceaux de côté, mais il faut bien choisir, et on peut considérer que le choix effectué rend parfaitement justice à la formation flamande.
Le genre? Pensez à Alan Parsons Project, à Supertramp, à Barclay James Harvest, à Asia, au Genesis (le titre «Godspeed») et au Camel des années 80, voire parfois à Saga, à Wax, et à Tears for Fears.
Ce «An Initiation» est une accroche parfaite pour ceux qui voudraient découvrir le groupe.
Il est certain que cette musique calibrée aux années 80/90, sans surprise, lisse et sans aspérité, ne va pas convaincre toute la tribu des progueux, mais assurément elle séduira ceux qui sont portés sur les belles mélodies, le gros son bien rond, la magnifique production,… alors l’envie de parcourir l’intégralité de leur discographie qui regorge d’autres pépites deviendra irrépressible.
Fish On Friday c’est du chocolat belge de haute qualité au goût sucré et raffiné et à l’emballage peaufiné.
Brillant!
Centurion
4/5
Pas de lien bandcamp de cette compilation mais un lien vers l’album «Airborne»

https://mrmdistribution.bandcamp.com/album/airborne

https://www.youtube.com/watch?v=FN4KL4tPLHc&fbclid=IwAR0G7flI-JB5xjgX8CEwAyNQagNBGKstJeeyEMnBrvtnxP85GyDiJGJ_M7k

27/11/2019

Thierry Zaboitzeff & Crew
Thierry Zaboitzeff & Crew
RIO – 63’00 – France ‘19
Il s’agit d’une remise à neuf d’un projet de 1999, de Thierry Zaboitzeff: 41 compositions «miniatures», intégrées organiquement pour former trois longues pièces frisant les 20 minutes, également nommées «Zoydian Suite en Trois Mouvements». Évidemment, cela produit un espace de mouvements et de transformations permanentes autour de certaines émotions qui sont ici mises en exergue.
D’abord, «Schön», beau en allemand. Christian Kapun officie à la clarinette et Peter Angerer aux drums. Le ZAB s’occupe du reste... De fait on nage dans une musique contrastée, où les timbres et les inventions rythmiques se marient parfaitement avec les harmonies tendues et le chant aux effluves zeuhl.
«Zart», doux, est la pièce la plus longue et commence avec quelques magnifiques moments de percussions. Ensuite on plonge dans une sorte d’ambiance médiévalo-zeuhl et la ronde continue jusqu’à la fin du mouvement. Un régal…
Enfin, «Kalt» (froid en allemand) nous offre un voyage grinçant en RIO-land, avec - nécessairement - des relents d’Art Zoyd dans le collimateur et de superbes passages de RIO/rock de chambre. La voix de soprano de Judith Lehner apporte un côté aérien à cette pièce qui évoque aussi Magma à certains moments.
L’opus termine avec un «Finale» qui nous laisse avec le cœur plein d’impressions fugitives, kaléidoscopiques, colorées de ce voyage passionnant pour un grand disque de notre cher ZAB… Cela méritait cette révision et remise à neuf… Superbe remaster…À ne pas manquer. On en redemande!
Lucius Venturini
4,5/5

https://thierryzaboitzeff.bandcamp.com/album/miniaturen-remastered

28/11/2019

Moron Police
A Boat on the Sea
rock progressif / pop-rock – 33’02 - Norvège ‘19
Certains albums requièrent une critique plus «scientifique». Soit pour fournir aux lecteurs une justification du rejet que l'on a développé pour ses sons, soit pour inonder lesdits lecteurs d'un flot d'adjectifs incitant à l'achat mais surtout au plaisir de partager un enthousiasme quasi adolescent!
D'autres albums peuvent être couverts dans une prose plus précise, ne souhaitant pas retarder un seul abonné à se baigner dans le sauna sonique d'un album.
Cette troisième offre de Moron Police appartient clairement à la seconde catégorie.
Ces jeunes Norvégiens sont apparus pour la première fois en 2012. Leur premier album, «The Propaganda Machine», peut être classé dans la catégorie expérimentale. Il offrait cependant une plate-forme aux défenseurs du bizarre et de l’étrange qui suscitait l'admiration pour son mélange amusant de métal, d'avant-prog et de disco!
Cette fois, ils ont déchiqueté leurs outrecuidantes influences délicates à digérer. Au lieu de cela, «A boat on the sea» se concentre sur un son progressif qui emprunte des extraits réguliers au compteur des influences musicales plutôt vaste et je dirai même infini du monde prog.
Des mélodies étonnantes se mêlent à d’autres scandaleusement excitantes, alimentées par des chorales massives, dérapages effrénés de guitares et de synthés, ainsi que de la gymnastique musicale à faire frémir les pires adeptes du rock «intelligent». Pensez au pop-prog compact de A.C.T., un Flower Kings moins dispendieux ou un Von Hertzen Brothers moins rock, sans oublier les harmonies de Moon Safari et, quelque part au loin, les atmosphères de Soup. Harmonisez le tout avec un grand sourire béat et vous avez la formule de base pour un beau voyage musical.
Aucun album de cette année ou de toutes les dernières années ne vous apportera une joie auditive aussi enthousiasmante que celui-ci. Il est assez original pour être différent, mais suffisamment familier pour ne pas l'être. Rien ne passe ni ne s'approche d'une date limite de vente, pourtant chaque chanson est pleine de variété et de délices.
Faits saillants? Il y en a tellement. Essayez la soif de vie et le bonheur simple qui animent «The Phantom below», ou «The undersea», ou encore «Captain Awkward». Ou le délicieux piano à queue et Hammond qui vous ramène sur les rivages les plus calmes. Ajoutez à tout cela l'une des pochettes d'album les plus attrayantes que j'ai jamais vues… Ah oui, celles de «Defenders of Small Yard» en 2014 et «The Propaganda Machine» en 2012 n’étaient pas mal non plus. En plus d'une production scintillante et de paroles percutantes et socialement conscientes. Tout cela en un peu plus d’une demi-heure, c’est aussi cela le secret d’un album réussi, ne pas être tenté de s’étaler en d’incongrus passages qui n’apportent rien de plus qu’un ennui poli. Le prog popisant de Moron Police n’aura eu besoin que de 30 bonnes minutes pour vous égayer toute une journée avec l’envie folle d’y retourner le plus vite possible!
Tout simplement l'un des meilleurs albums pop-prog modernes que vous aurez l'occasion d'entendre cette année et pourtant ça ne manque pas!
Commode
5/5

https://moronpolice1.bandcamp.com/

https://youtu.be/bRKs7CJRBy4?fbclid=IwAR3NLl-x_IJvTNRIbrzuO4JypbPZfTH3Gvt9rHW1CZwrQB_ttRf8YabIeNc

29/11/2019

The Flower Kings
Waiting For Miracles
rock progressif symphonique – 84’36 – Suède ‘19
Question: combien de temps peut bien tenir un éléphant sur un château de cartes?
Il est bien mal embarqué (comme nous, en équilibre précaire sur notre monde?), et penser qu'il ne tombera pas tiendrait d'un premier miracle.
Le deuxième miracle, plus léger celui-ci, consisterait à retrouver les Flower Kings au sommet de leur forme après plusieurs périodes de sommeil et un «Manifesto of an Alchemist» (estampillé «Roine Stolt's The Flower Kings») qui apparaît plus comme une remise en route.
Ces dernières années, Roine Stolt avait beau multiplier les projets, il s'en tirait toujours admirablement, (bien que sa collaboration avec Jon Anderson apparaissait comme bien trop ampoulée), mais il semble que le bonhomme ne soit jamais aussi heureux qu'au sein de The Flower Kings, groupe qu'il a lancé au milieu des années 90 en ayant le mérite de remettre sur les rails (avec Spock's Beard entre autres) une musique qui semblait vouée au bannissement à la fin des seventies.
Aux cotés du guitariste, on retrouve Jonas Reingold, Hasse Fröberg et deux nouveaux venus, le batteur Mirko Demaio et le multi-instrumentiste Zach Kamins (avec la lourde tâche de tenter de nous faire oublier Tomas Bodin aux claviers), un line-up qui a eu le temps de se rôder lors de la dernière tournée. On observe aussi le retour de Michael Stolt en invité sur 4 titres (Jonas n'étant pas toujours disponible).
L'album s'ouvre sur une intro au piano cinématique, puis la voix de Roine vient donner le ton sur une guitare 12 cordes, bientôt rejointe par celle d'Hasse Froberg, indissociable du son du groupe; on se croirait revenu à l'époque de «Retropolis» (1996). D'ailleurs, tout au long de l'album, on aura l'impression que le groupe revient à ses fondamentaux, tout en gommant certains défauts qui lui ont parfois été reprochés (tendance au remplissage, albums un peu fourre-tout).
Bien sûr, il s'agit là d'un album double, avec de nombreuses séquences instrumentales que l'on sent issues d'improvisations pendant la tournée et les sessions; mais il n'y a rien à jeter, pas de remplissage ici mais seulement des respirations bienvenues. C’est bien là d’ailleurs que réside le talent: nous faire oublier l’écriture et finir par nous faire croire que des séquences pourraient être improvisées tant elles coulent de source, comme dans le yessien «Miracles For America», ou encore le splendide «Vertigo», introduit par une basse fretless de toute beauté sur des sons de claviers qui nous ravissent les oreilles. On retrouve la production soyeuse, la «positivité» et toutes les fioritures qui font le son des Flower Kings. Les chansons alternent avec les titres instrumentaux, comme le surprenant «Ascending To The Stars» où l’on imagine les images d’un film de SF avec une (vraie) section de cordes, suivi par l’entraînant «Wicked Old Symphony». «The Bridge», accompagné par une délicate guitare classique, est une chanson tout en douceur, sans être mièvre, qui se conclut par un des lumineux solos de l’album.
Le deuxième CD, beaucoup plus court, présente une ambiance un peu plus légère mais toujours séduisante. Il se termine par une pièce chaleureuse, «We Were Always There», au refrain entêtant chanté par Hasse Froberg, avant un petit clin d’œil final.
Pas de suite de 25 min à attendre ici, mais cela est largement compensé par la cohésion sans faille d'un groupe qui apparaît comme libéré, avec ce détachement singulier qui fait que lorsque l'on ne s'attend à rien de particulier et que le naturel opère, un petit miracle peut se produire.
Titus
5/5
Album non disponible sur bandcamp

https://www.youtube.com/watch?v=QyrZaliko6k&fbclid=IwAR2iDJ5xjaMdHfp7wQGVDSq-Y0n5D4iJo5VvcTI6_7WUv2kQgGnBWdqpXuo

30/11/2019

Marillion - Afraid of Sunlight (Deluxe limited édition)
Clavius Reticulus

Marillion
Afraid of Sunlight (Deluxe limited édition)
rock progressif – 4 CD + 1 Blu-ray – UK ‘19
Souffrant de la comparaison avec l’excellent «Brave», c’est le premier album de Marillion à rater son entrée au top 10 du «UK Albums Chart» à sa sortie. Il disparaît même du top 75 en deux semaines. Un opus conçu dans le stress le plus total. Le groupe, maintenu sous pression par EMI, devait le sortir au plus vite et il serait aussi le dernier du contrat. En 1999, une version deux CD remastérisée 24 bits voit le jour. Et aujourd’hui, à l’instar de «Brave», une édition «deluxe» 4 CD accompagnés d’un Blu-ray (pas de DVD) et une édition vinyle de 5 LP; de quoi combler les fans. La première rondelle présente le remix 2019 de Michael Hunter. La deuxième est le mix original de 1995 sous la houlette de Dave Meegan. Les disques 3 et 4 reprennent le concert donné en 1995 au Rotterdam Ahoy Arena. 25 titres en tout où l’on retrouve de grands classiques: «Easter», «Kayleigh», «Lavender», «Uninvited Guest», «Garden Party»... De quoi faire trembler de bonheur étrier, enclume et marteau! La cerise sur le gâteau, c’est bien sûr le Blu-ray réunissant un documentaire de 45 minutes, un clip promotionnel («Beautiful»), l’album original et les bonus de l’édition 1999 remastérisés en stéréo, LPCM 5.1 et DTS 5.1! Il devient de plus en plus indispensable de posséder un home cinéma pour profiter pleinement de l’immersion totale qui vaut, croyez-moi, le détour! Je fais l’impasse sur ce remplissage totalement dispensable du chapitre «Jams & early versions». Le documentaire, par contre, comblera les anglophones (pas de sous-titres hélas, une fois de plus). Si vous lisez au moins la langue de Shakespeare, le livret a de quoi vous combler: lyrics des chansons en sus, on y trouve les mêmes explications que dans l’interview. Le band raconte la production, leurs soucis techniques et leurs sources d’inspiration. Une analyse plage par plage de l’album, les messages y véhiculés confiés avec beaucoup d’émotion tel «King» qui évoque les conséquences mortelles d’une trop grande célébrité (Kurt Cobain, Amy Whinehouse, Elvis Presley, James Dean, Michael Jackson…). Et aussi un mot sur l'artwork de l’album original et celui de ce coffret que j’ai franchement trouvé kitsch, mais Steve Hogarth était fatigué des pochettes brunes, nous confie-t-il avec humour, en parlant de l’option pour un christ en couleurs fluo, «quitte à passer pour un christian band». Notez qu’on s’y habitue!
Clavius Reticulus
4/5

marillion.com

https://www.youtube.com/watch?v=dioS1utXZ_k&fbclid=IwAR1MUtb3KoIUOGM13Mwt82n2cj_G_iR6i2bsOZ_iOblukJNrIfOtwwf9--g